History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

XCII. Ce spectacle ranime le courage des Athéniens : à un signal donné ils poussent un cri, et tous s’élancent à la fois sur les Péloponnésiens. Ceux-ci, grâce à leurs fautes et au désordre où ils se trouvent, ne font qu’une courte résistance, et bientôt, virant de bord, ils fuient vers Panorme d’où ils étaient venus. Les Athéniens les poursuivent ; ils s’emparent des vaisseaux les plus

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rapprochés, au nombre de six, et reprennent ceux des leurs que les Péloponnésiens avaient mis hors de combat sur le rivage et remorqués dès le commencement de l'action. Ils tuèrent la plupart de ceux qu'ils prirent, et ne gardèrent qu’un petit nombre de prisonniers. Le Lacédémonien Timocrate, qui montait le vaisseau de Leucade submergé auprès du navire marchand, se tua lui-même, au moment où son bâtiment sombrait, et fut porté par les flots dans le port de Naupacte.

Les Athéniens, à leur retour, élevèrent un trophée au lieu d'où ils étaient partis pour vaincre ; ils recueillirent les morts et les débris de vaisseaux qui se trouvaient de leur côté, et rendirent par convention ceux des ennemis. Les Péloponnésiens élevèrent aussi un trophée, en signe de victoire, pour avoir mis en fuite les vaisseaux qu’ils avaient désemparés sur le rivage. Ils consacrèrent près de leur trophée, à Rhium d’Achaïe, le vaisseau qu’ils avaient pris ; puis, craignant que la flotte athénienne ne reçût un renfort, ils rentrèrent tous, de nuit, à l’exception des Leucadiens, dans le golfe de Crisa et à Corinthe. Les Athéniens qui venaient de Crète, et qui auraient dùse joindre à Phormion avant le combat, arrivèrent à Naupacte peu après la retraite de la flotte. L'été finit.

XCIII. Avant la séparation de la flotte qui s’était retirée à Corinthe et dans le golfe de Crisa, Cnémus, Brasidas et les autres chefs des Péloponnésiens voulurent, sur les indications des Mégariens, faire au commencement de l’hiver une tentative sur le Pirée, port d’Athènes. Ce port n'était ni gardé, ni fermé, ce qui n’est pas étonnant, vu la grande supériorité de la marine athénienne, Il fut décidé que chaque matelot pren.

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drait sa rame, la courroie qui sert à l’attacher et son coussin, et qu’il s’en irait par terre de Corinthe à la mer qui regarde Athènes ; qu’arrivés en toute hâte à Mégare, ils tireraient de Nisée, chantier maritime des Mégariens, quarante vaisseaux qui s’y trouvaient, et feraient voile sur-le-champ pour le Pirée. Il n’y avait dans ce port aucune flotte pour le garder ; car on ne supposait pas que des vaisseaux ennemis pussent jamais venir l’attaquer à l’improviste ; une tentative à force ouverte et préparée de longue main ne semblait même pas à redouter aux Athéniens ; ou du moins, si on osait y songer, ils se croyaient assurés de la prévoir.

Les matelots, arrivés de nuit, mirent à flot les vaisseaux de Nisée ; mais ils ne se dirigèrent pas tout d’abord vers le Pirée, comme ils en avaient eu l’intention : retenus par la crainte ou contrariés par le vent, comme on l’a prétendu, ils cinglèrent vers le promontoire de Salamine, en face de Mégare. Là se trouvaient un fort' et une station de trois vaisseaux pour bloquer le port de Mégare. Ils attaquèrent le fort, amenèrent les trirèmes abandonnées, et, se portant inopinément sur tout le territoire de Salamine, ils le ravagèrent.

XCIV. Cependant les feux qui annoncent l’ennemi avaient été élevés, pour faire connaître à Athènes son arrivée. Jamais dans cette guerre on n'éprouva consternation plus grande : dans la ville on pensait que les ennemis avaient déjà abordé au Pirée ; au Pirée on croyait que, maitres de Salamine, ils allaient arriver d’un moment à l’autre. C’était d’ailleurs chose facile ; et si la crainte ne les eùt retenus, le vent n’aurait pu [*](Le fort de Boudoron.)

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les en empêcher. Au point du jour, les Athéniens se portèrent en masse au secours du Pirée, mirent à flot les vaisseaux, les montèrent tumultuairement, et cinglèrent vers Salamine , en laissant à l’infanterie la garde du Pirée. Dès que les Péloponnésiens s’aperçu- rent qu’il arrivait du secours, ils se hâtèrent de regagner Nisée, après avoir ravagé la plus grande partie de l’ile, ils emmenaient avec eux des prisonniers, du butin et les trois vaisseaux stationnés au fort Boudoron. D’ailleurs, ils n’étaient pas sans crainte sur leurs propres vaisseaux, qui étaient restés longtemps à sec et faisaient eau de toutes parts. Arrivés à Mégare, ils reprirent à pied le chemin de Corinthe. Les Athéniens, ne les ayant pas rencontrés à Salamine, revinrent de leur côté ; à partir de ce moment ils gardèrent mieux le Pirée, fermèrent, les ports et prirent toutes les précautions nécessaires.