History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

XCV. Vers le même temps, au commencement de cet hiver, Sitalcès, fils de Térès, roi des Odryses, en Thrace, fit une expédition contre Perdiccas, fils d’Alexandre, roi de Macédoine, et contre les Chalcidiens de l’Épithrace. Il avait à réclamer l’exécution d’une promesse et à en accomplir une autre que lui-même avait faite : Perdiccas lui avait demandé autrefois de le réconcilier avec les Athéniens, de l'hostilité desquels il avait eu beaucoup à souffrir dans le commencement, et de ne pas aider Philippe, son frère et son ennemi, à remonter sur le trône de Macédoine. Il avait pris alors avec Sitalcès des engagements qu’il n’avait pas tenus. D’un autre côté, Sitalcès, en contractant alliance avec les Athéniens, s’était engagé à terminer la guerre qu’ils soutenaient contre les Chalcidiens de l'Épithrace. Ce

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fut là le double motif de son expédition. Il emmenait avec lui le fils de Philippe, Amyntas, qu’il voulait faire roi de Macédoine, et des députés athéniens venus auprès de lui pour traiter cette affaire. Agnon l’accompagnait en qualité de général ; car les Athéniens devaient se joindre à lui[*](Les Athéniens paraissent s’étre joués de la crédulité de Sitaleès, et Thucydide explique assez mal pourquoi leur flotte ne parut pas, pour le soutenir, sur les côtes de la Chalcidique. Aristophane a mis en scène, dans les Acharniens, Sitalcès et Sadocus. Ce dernier passe son temps à écrire sur toutes les colonnes ; chers Athéniens ! beaux Athéniens ! ) contre les Chalcidiens, avec des vaisseaux et une armée aussi nombreuse que possible.

XCVI. Parti de chez les Odryses, Sitaleès mit en mouvement d’abord les Thraces soumis à sa domination, en deçà des monts Hémus et Rhodope[*](Aujourd’hui Despottaghi.), jusqu’au Pont-Euxin et à l’Hellespont ; ensuite les Gètes[*](Les Gètes occupaient tout le pays compris entre les monts Hémus et l’Ister.) audelà de l’Hémus et tous les autres peuples qui habitent en deçà de l’Ister, surtout en descendant vers le PontEuxin. (Les Gètes et les peuples de cette contrée confinent aux Scythes et ont les mêmes armes ; tous sont archers à cheval.) Il appela aussi beaucoup de montagnards indépendants de la Thrace ; ils portent le nom de Diens, sont armés de coutelas[*](Ovide représente également les barbares des environs de Tomes armés de coutelas qu’ils ne quittent jamais (Tristes).) et habitent pour la plupart le Rhodope. Les uns le suivaient en qualité de mercenaires, les autres comme alliés volontaires. Il fit lever également les Agrianes, les Lééens et toutes les autres nations péoniennes de sa domination. Ces peuples,

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les derníers de sa domination, confinent aux Péoniens Gréens, et au Strymon ; ce fleuve, descendant du mont Scombrus, coule entre les Gréens et les Lééens et forme la frontière de son empire. Au-delà sont les Péoniens indépendants. Du côté des Triballes, également indépendants, il était limité par les Trères et les Tilatéens. Ces peuples habitent au nord du mont Scombrus et s’étendent, au couchant, jusqu’au fleuve Oscius qui sort de la même montagne que le Nestus et l'Hèbre. C’est une montagne élevée et déserte, qui fait partie de la chaîne du Rhodope.

XCVII. L’empire des Odryses s’étendait, du côté de la mer, depuis la ville d’Abdère[*](Frontière de la Macédoine, à l'embouchure du Nestus.), en longeant le Pont-Euxin, jusqu’à l’embouchure de l’Ister. C’est un trajet de quatre jours et quatre nuits en prenant le plus court, pour un vaisseau de commerce marchant toujours vent arrière. Par terre et en suivant le plus court, un bomme qui marche bien fait en onze jours la route d’Abdère à l’Ister. Telle était l'étendue des côtes. En remontant vers l’intérieur, la distance de Byzance aux Lééens et au Strymon (c'est la plus grande largeur à partir de la mer) est de treize jours de route pour un homme qui marche bien. Le tribut payé par tout ce pays, barbares et villes grecques, sous Seuthès, successeur de Sitalcès, époque à laquelle il fut le plus considérable, s’élevait en numéraire, or et argent, à quatre cents talents[*](Diodore dit : plus de mille ta ents ; mais il y comprend probablement les présents.) ; les présents en objets d’or et d'argent n’étaient pas d'une valeur moindre, sans

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compter les étoffes brodées et unies, et les effets de tout genre. Et ces présents s’adressaient non-seulement au roi, mais encore à tout homme puissant et illustre parmi les Odryses. L’usage établi, conforme d’ailleurs à ce qui est usité dans le reste de la Thrace, était plutôt de recevoir que de donner. — C’est précisément le contraire dans la monarchie persane[*](La différence est plutôt apparente que réelle ; car en Perse les rois et les grands ne pouvaient faire de présents que sur ce qu’ils recevaient eux-mémes. Chez les Odryses il leur fallait également donner beaucoup ; puisque, suivant Thucydide, l’habitude de solliciter était si invétérée qu’on réservait tout le blâme non au solliciteur, mais à celui qui n’accordait pas ce qu’on lui demandait.). — Il était plus honteux de ne pas accorder ce qu’on vous demandait que de ne point obtenir quand on sollicitait : néanmoins cet usage était pour eux, en somme, une source de puissance ; car on ne pouvait rien faire sans présents. Aussi cet état était-il parvenu à une haute prospérité : de toutes les nations européennes comprises entre le golfe d’Ionie et le Pont-Euxin, c’était la plus puissante par les revenus et les autres sources de richesse ; mais pour la force militaire et le nombre des troupes elle le cédait de beaucoup aux Scythes. En Europe aucune autre nation ne peut être comparée à ces derniers ; et, même en Asie, il n’en est pas une qui, seule à seule, puisse tenir contre tous les Scythes réunis ; ils ne sont pas moins supérieurs sous tous les autres rapports par la sagacité et l’entente des affaires de la vie[*](Hérodote (iv, 40) représente également les Scythes comme invincibles, et énumère longuement les causes de leur supériorité dans les armes.).