History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

XXXI. Démosthènes, qui avait fait voile pour Corcyre en quittant le fort élevé sur la côte de Laconie, trouva à l’ancre, àPhia en Élide, un bâtiment de charge destiné à transporter en Sicile les hoplites de Corinthe. Il le brisa; mais les troupes s’échappèrent, se procurèrent plus tard un autre bâtiment et mirent en mer. Démosthènes toucha ensuite à Zacynthe et à Céphallénie, y prit des hoplites, et manda des Messéniens de [*](1 Sur les onze béotarques, il y en avait deux de Thèbes.)

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Naupacte. De là il passa sur le continent, en face de ces îles, à Alyzia et à Anoctorion. places d’Acarnanie occupées par les Athéniens. Il fut rencontré dans ces parages par Eurymédon qui revenait de Sicile, où il avait été envoyé l'hiver porter de l’argent à l’armée. Eurymédon lui annonça, entres autres choses, qu’il avait appris, étant déjà en mer, la prise de Plemmyrion par les Syracusains. Conon, qui commandait à Naupacte, vint de son côté les trouver et leur dit que les vingt-cinq vaisseaux corinthiens qui croisaient devant lui ne discontinuaient pas les hostilités, et se disposaient à livrer un combat. Il réclamait d’eux des vaisseaux, vu l’impossibilité de tenir tête avec ses dix-huit bâtiments aux vingt-cinq de l’ennemi. Démosthènes et Eurymédon firent partir, avec Conon, pour renforcer la flotte de Naupacte, dix de leurs vaisseaux pris parmi ceux qui se comportaient le mieux à la mer. Ils s’occupèrent, de leur côté, du rassemblement des troupes : Eurymédon fit voile pourCorcyre, y donna l’ordre d’équiper quinze vaisseaux, et leva des hoplites. Car il partageait, dès lors, le commandement avec Démosthènes, et avait repris la route de Sicile à la nouvelle de son élection. Démosthènes rassembla, dans les parages de l’Acarnanie, des frondeurs et des archers.

XXXII. Les députés, envoyés par les Syracusains aux villes de Sicile, après la prise de Plemmyrion, avaient réussi dans leur mission, et se disposaient à ramener les troupes qu’fis avaient réunies. Nicias, prévenu à l’avance, manda aux Sicèles alliés, Centoripes, Alicyéens et autres, dont ils devaient traverser le pays, de ne pas laisser passer ces forces ennemies, et de se concerter pour leur barrer la route. — Il n’y avait pas

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pour eux d’autre chemin, les Agrigentins refusant le passage sur leur territoire. — Déjà les Siciliens étaient en marche. Les Sicèles, sur cet avis des Athéniens, dressèrent trois embuscades, fondirent sur eux à l’improviste, les surprirent et leur tuèrent huit cents hommes. Tous les députés périrent, à l’exception d’un seul qui était de Corinthe. Il rassembla ceux qui avaient échappé, au nombre de quinze cents, et les amena à Syracuse.

XXXIII. Vers la même époque, il arriva de Camarina un secours de cinq cents hoplites, trois soldats armés de javelots, et trois cents archers. Géla envoya aussi une flottille de cinq vaisseaux, quatre cents soldats armés dejavelots, et deux cents cavaliers. Car, dès lors, toute la Sicile, à l’exception d’Agrigente qui gardait la neutralité, s’était rangée avec les Syracusains contre les Athéniens. Ceux mêmes qui avaient d’abord observé les événements s’étaient alors ralliés, et envoyaient des secours. Cependant les Syracusains, après l’échec qu’ils avaient éprouvé chez les Sicèles, différèrent leurs attaques contre les Athéniens.

Lorsque les troupes de Corcyre et du continent furent prêtes, Démosthènes et Eurymédon traversèrent, avec toute leur armée, le golfe lonique, la pointe sur le cap d’lapygie[*](Aujourd’hui cap de Sainte-Marie de Leuca.). De là ils remirent à la voile et touchèrent aux Choerades, îles de l’Iapygie[*](Ce sont deux petites îles en face du port de Tarente.).Ils embarquèrent environ cent cinquante hommes de trait, tirés d’lpygie, et de race messapique; puis, après avoir renoué quelques anciennes relations d’amitié avec un chef du pays, [*](1 Aujourd’hui cap de Sainte-Marie de Leuca.) [*](* Ce sont deux petites îles en face du port de Tarente.)

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Arias, qui leur avait fourni ces auxiliaires, ils se rendirent à Métaponte en Italie[*](L’lapygie et la Messapîe, qu’ils venaient de quitter, n’étaient pas alors comprises dans l’ltalie. Ce nom ne s’étendait pas aux contrées situées au nord-est de Métaponte et du ilenve Laos.). Ils obtinrent des Métapontiens, à titre d’alliés, un corps de trois cents hommes de trait et deux galères, et passèrent avec ces renforts à Thurium. Une sédition venait d’en expulser les adversaires des Athéniens. Leur dessein était d’attendre sur ce point que leur armée fût complétée par l’arrivée des corps restés en arrière, et de la passer en revue; ils voulaient aussi amener les Thuriens à les seconder résolûment et à profiter des circonstances pour avoir désormais avec les Athéniens mêmes amis et mêmes ennemis. Ils s’arrêtèrent donc à Thurium, et s’occupèrent de ces soins.

XXXIV. Vers le même temps les Péloponnésiens, qui croisaient, avec leurs vingt-cinq vaisseaux, en vue de la flotte athénienne de Naupacte, pour protéger la traversée des bâtiments de charge dirigés vers la Sicile, firentleursdispositions pour un combat naval. Ilséquipèrent de nouveaux vaisseaux, de manière à égaler à peu près le nombre de ceux d’Athènes, et allèrent jeter l’ancre à Érinéos d’Achaïe, dans la campagne de Rhypé. Le golfe où ils mouillèrent a la forme d’un croissant; l’infanterie des Corinthiens et des alliés du pays, envoyée pour seconder la flotte, était rangée en bataille sur les promontoires qui s’élèvent de part et d’autre; la flotte occupait, entre deux, l’entrée du golfe et le fermait. Elle était commandée par Polyanthès, deCorinthe. Les Athéniens, commandés par Diphilos, s’avancèrent [*](1 L’lapygie et la Messapîe, qu’ils venaient de quitter, n’étaient pas alors comprises dans l’ltalie. Ce nom ne s’étendait pas aux contrées situées au nord-est de Métaponte et du ilenve Laos.)

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contre eux, de Naupacle, avec trente-trois vaisseaux. D’abôrd les Corinthiens ne firent aucun mouvement; puis, lorsqu’ils crurent le moment favorable, le signal fut hissé; ils fondirent sur les Athéniens, et le combat commença. De part et d’autre la résistance fut longue et opiniâtre; les Corinthiens perdirent trois vaisseaux : du côté des Athéniens, aucun ne fut complètement coulé; mais il y en eut sept mis hors de service. Heurtés proue contre proue, ils avaient eu l’avant défoncé par les vaisseaux corinthiens, armés dans ce but de plus fortes antennes. Le combat fut balancé, de telle sorte que chacun s’attribua la victoire : cependant les Athéniens restèrent maîtres des débris, parce que le vent les poussait au large, et que les Corinthiens ne revinrent pas à la charge. On se sépara. Il n’y eut pas de poursuite, et on ne fit de prisonniers ni d’un côté ni de l’autre : car les Corinthiens et les Péloponnésiens, combattant à portée du rivage, avaient pu se sauver, et, du côté des Athéniens, aucun vaisseau n’avait été submergé. Néanmoins, lorsque les Athéniens furent rentrés à Naupacte, les Corinthiens dressèrent aussitôt un trophée, s’attribuant la victoire pour avoir mis plus de vaisseaux hors de combat. Ils ne se croyaient pas vaincus, par les motifs mêmes qui empêchaient les Athéniens de se croire vainqueurs. En effet les Corinthiens pensaient avoir l’avantage du moment où ils n’éprouvaient pas une enlière défaite; et, aux yeux des Athéniens, c’était avoir le dessous que de ne pas remporter une victoire entière. Après la retraite de la flotte péloponnésienne et la dispersion de l’armée de terre, les Athéniens dressèrent, de leur côté, un trophée, en signe de victoire, sur la côte d’Achaïe, à environ vingt
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stades d’Érinéos où mouillaient les Corinthiens. Ansi finit ce combat naval.

XXXV. Lorsque les Thuriens furent prêts à se joindre à l’expédition, avec sept cents hoplites et trois cents hommes de trait, Démosthènes et Eurymédon ordonnèrent à la flotte de longer les côtes de Crotone. Eux-mêmes, après avoir fait une revue de toutes les troupes de terre sur les bords du fleuve Sybaris, les conduisirent à travers les campagnes de Thurium. Mais, lorsqu’ils furent au fleuve Hylias, les Crotoniates les firent prévenir qu’ils refusaient à l’armée le passage sur leur territoire. Ils se rabattirent alors vers la mer et passèrent, la nuit à l’embouchure de l’Hylias, où leur flotte vint les rejoindre. Le lendemain, ils s’embarquèrent, rangèrent les côtes, prenant terre à toutes les villes, Locres exceptée, et parvinrent à Pétra, dépendance de Rhégium.