History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

XVI. Tel était le contenu de la lettre de Nicias. Les Athéniens, après en avoir entendu lecture, ne le déchargèrent pas du commandement; mais, en attendant l’arrivée des collègues qu’ils lui choisirent, ils lui en adjoignirent deux qui se trouvaient sur les lieux, Ménandre et Euthydème, afin que, dans son état de maladie, il ne supportât pas seul toutes les fatigues. On décréta l’envoi d’une nouvelle armée de terre et de mer, composée d’Athéniens portés au rôle et d’alliés. Pour collègues, on lui donna Démosthènes, fils d’Alcisthènes, et Euryraédon, fils de Thouclès. Eurymédon fut envoyé sur-le-champ en Sicile, vers le solstice d’hiver, avec dix vaisseaux et une somme de [cent] vingt talents[*](Le texte primitif ne porte que vingt talents. Mais il est peu probable qu’on ait envoyé une aussi faible somme à Nicias, qui réclamait beaucoup d’argent. Diodore porte l’envoi à cent quarante; aussi la plupart des éditeurs ont-ils accepté la correction de Valla.). Il [*](1 Le texte primitif ne porte que vingt talents. Mais il est peu probable qu’on ait envoyé une aussi faible somme à Nicias, qui réclamait beaucoup d’argent. Diodore porte l’envoi à cent quarante; aussi la plupart des éditeurs ont-ils accepté la correction de Valla.)

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avait ordre d’annoncer à l’armée qu’il allait lui arriver du renfort et qu’on ne la négligerait pas.

XVII. Démosthènes resta pour préparer les armements et partir à l’entrée du printemps : il dénonça aux alliés une levée de troupes, et tira de chez eux de l’argent, des vaisseaux et des hoplites. Les Athéniens envoyèrent aussi vingt vaisseaux croiser autour du Péloponnèse, pour veiller à ce que personne ne passât de Corinthe et du Péloponnèse en Sicile. Car les Corinthiens, à l’arrivée'des députés qui leur annonçaient que les affaires s’amélioraient en Sicile, jugeant que leur premier envoi de vaisseaux n’avait pas été inutile, embrassèrent plus vivement encore cette affaire : aussi se préparèrent-ils à envoyer des hoplites en Sicile sur des bâtiments de charge, pendant que les Lacédémoniens se disposaient à en faire passer par le même moyen du reste du Péloponnèse. Les Corinthiens armèrent en outre vingt-cinq vaisseaux, dans le but de tenter un combat naval contre la flotte athénienne en station à Naupacte, et en même temps de neutraliser cette flotte, de sorte qu’elle fût moins en état d’empêcher le départ de leurs transports, une fois occupée à surveiller les galères qu’ils allaient lui opposer.

XVIII. Les Lacédémoniens préparaient aussi une invasion dans l’Attique. C’était chose précédemment résolue par eux, mais ils y étaient surtout poussés par les Syracusains et les Corinthiens : ceux-ci, informés qu’Athènes envoyait des renforts en Sicile, voulaient y mettre obstacle par cette invasion. Alcibiade, les pressant de son côté, les exhortait à fortifier Décélieet à ne pas laisser languir les opérations. Mais ce qui contribuait surtout à stimuler un peu les Lacédémoniens,

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c’était d’une part la pensée que les Athéniens, avec une double guerre à soutenir contre eux et contre les Siciliens, seraient plus faciles àabattre, et de l’autre la conviction que les Athéniens avaient les premiers rompu la trêve. Dans la guerre précédente, c’était surtout sur eux-mêmes, ils le savaient, que retombait la violation des traités : les Thébains avaient envahi le territoire de Platée en temps de paix; et, quoiqu’il fût stipulé dans les traités précédents qu’on n’en viendrait pas aux armes si l’une des parties offrait l’arbitrage, ils avaient eux-mêmes repoussé les propositions d’accommodement amiable que leur firent les Athéniens. Ils voyaient dans leurs malheurs la juste conséquence de cette faute, et ne pouvaient détacher leur pensée du désastre de Pylos et de tout ce qui avait pu leur arriver de funeste. Mais lorsqu’ils eurent vu les Athéniens aller, à la tête de trente vaisseaux, ravager une partie du territoire d’Épidaure, de Prasies et d’autres lieux, faire en même temps de Pylos un centre de brigandage, refuser l’arbitrage, malgré l’invitation des Lacédémoniens, toutes les fois qu’il s’élevait des difficultés sur les points litigieux du traité, alors, persuadés que les Athéniens se plaçaient à leur tour sous le coup de la faute qu’euxmêmes avaient commise contre la foi publique, ils inclinèrent résolûment à la guerre. Dans le cours de cet hiver, ils firent circuler chez leurs alliés l’ordre de fournir du fer, et disposèrent tous les instruments nécessaires à la construction des forts. En même temps ils se préparèrent à expédier en Sicile des secours sur des bâtiments de charge, et obligèrent les autres peuples du Péloponnèse à les imiter. L’hiver finit, ainsi que la dix-huitième année de cette guerre, dont Thucydide a écrit l’histoire.

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XIX. Dès le commencement du printemps suivant[*](Quatre-vingt-onzième olymp., troisième année; 413 avant notre ère.), les Lacédémoniens et leurs alliés firent, de très-bonne heure, une invasion dans l’Attique, sous le commandement d’Agis, fils d’Archidamos, roi des Lacédémoniens. Après avoir d’abord ravagé la plaine, ils se mirent à fortifier Décélie et attribuèrent aux troupes de chaque ville une portion du travail. Décélie n’est qu’à cent vingt stades d’Athènes, et à la même distance, ou un peu plus, de la Béotie. Les fortifications furent élevées dans une position qui commandait la plaine et la partie la plus riche du pays, afin de nuire à l’ennemi; on pouvait les apercevoir d’Athènes. Pendant que les Péloponnésiens qui étaient dans l’Altique fortifiaient Décélie, de concert avec leurs alliés, ceux qui étaient restés dans le Péloponnèse envoyèrent sur des transports des hoplites en Sicile : les Lacédémoniens choisirent l’élite des Hilotes et des Néodamodes et en formèrent un corps de six cents hoplites, sous le commandement du Spartiate Eccritos; les Béotiens fournirent trois cents hoplites commandés par Xénon et Nicon, l’un et l’autre de Thèbes, et par Hégésandros de Thespies. Ces troupes formèrent un premier convoi qui prit la mer à Ténare, en Laconie. Peu de temps après les Corinthiens expédièrent, sous la conduite d’Alexarchos de Corinthe, cinq cents hoplites, tant Corinthiens qu’Arcadiens mercenaires; les Sicyoniens leur adjoignirent deux cents hoplites sous les ordres de Sargée de Sicyone, Les vingt-cinq vaisseaux de Corinthe équipés pendant l'hiver croisaient en vue des vingt bâtiments athé- [*](1 Quatre-vingt-onzième olymp., troisième année; 413 avant notre ère.)

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niens de Naupacte, attendant que ces hoplites embarqués sur des bâtiments de charge eussent quitté le Péloponnèse; car c’était là précisément le but dans lequel on les avait équipés d’abord, afin que l’attention des Athéniens se portât plutôt sur les trirèmes que sur les transports.

XX. Pendant ce temps, les Athéniens expédiaient de leur côté, dès l’entrée du printemps, et au moment même où s’élevaient les fortifications de Décélie, trente vaisseaux autour du Péloponnèse. Chariclès, fils d’Apollodoros, qui les commandait, avait ordre de toucher à Argos et d’y réclamer, aux termes du traité d’alliance, des hoplites pour les embarquer. Démosthènes fut aussi envoyé en Sicile, comme on l’avait résolu, avec soixante vaisseaux athéniens, cinq de Chio, douze cents hoplites d’Athènes portés au rôle, et le plus grand nombre possible d’insulaires levés de toutes parts. Tout ce qui chez les autres alliés sujets d’Athènes pouvait être de quelque utilité pour la guerre avait été également mis en réquisition. Démosthènes avait pour instructions de suivre d’abord les côtes du Péloponnèse, de concert avec Chariclès, et de le seconder dans ses attaques contre la Laconie. Il fit voile pour Égine, où il attendit que le reste des troupes pût arriver et que Chariclès eût embarqué les Argiens.