History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

XCVI. Ce même été, les Syracusains, informés que les Athéniens avaient reçu de la cavalerie et se dispo- [*](1 Cette ville, située à peu de distance de Catane, a joué un assez grand rôle dans l’histoiro de la Sicile; elle rendit d’utiles services aux Athéniens contre Syracuse. Détruite dans la guerre de Rome contre Garlhage, elle fut rebâtie par Auguste. Frédéric 11 la détruisit entièrement en 1233.) [*](* Inessa était au pied de l’Etna, aujourd’hui S. Nicole dell’Arena.) [*](3 Entre Argos etCorinthe, à quatre-vingts stades de cette dernière ville, suivant Strabon, et à cent vingt stades d’Argos.)

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saient à marcher contre eux, pensèrent que si l’ennemi ne s’emparait pas d’Épipolæ, lieu escarpé et qui domine immédiatement la ville, il ne lui serait pas facile, même en gagnant une bataille, de les enfermer dans une circonvallation. Ils résolurent donc d’en garder les passes afin que l’ennemi ne pût monter par là à leur insu, ce qui était impossible d’un autre côté; car partout ailleurs la colline est abrupte, et, du côté de la ville, elle va s’abaissant jusqu’aux murs, de sorte qu’on la découvre entièrement de l’intérieur. Les Syracusains l’ont surnommée Épipolæ, parce qu’elle domine le reste du pays. Ils se rendirent donc en masse, au point du jour, sur la prairie que baigne l’Anapos. Hermocrate et ses collègues venaient d’être investis du commandement : ils firent une revue des troupes et choisirent six cents hoplites d’élite commandés par Diomilos, exilé d’Andros, pour garder Épipolæ, et servir en même temps de réserve prête à se porter rapidement partout où besoin serait.

XCVII. Les Athéniens, de leur côté, faisaient, dès le· malin du jour qui suivit cette même nuit[*](Thucydide n’a pas parlé de la nuit dans ce qui précède; mais l’idée se trouve implicitement comprise dans les mots άμα τη ήμερα, au point du jour.), la revue de leurs troupes : partis de Catane, ils avaient abordé secrètement avec toutes leurs forces au lieu nommé Léon, à six ou sept stades d’Épipolæ. Les vaisseaux, après avoir débarqué l’infanterie, avaient été mouiller à Thapsos. C’est une presqu’île avancée dans la mer, avec un isthme étroit, à peu de distance de Syracuse tant par mer que par terre. L’armée navale des Athéniens, qui était à Thapsos, palissada l’isthme et se tint ensuite en repos; [*](* Thucydide n’a pas parlé de la nuit dans ce qui précède; mais l’idée se trouve implicitement comprise dans les mots άμα τη ήμερα, au point du jour.)

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l’armée de terre se porta en courant vers Épipolæ, et eut le temps d’occuper les hauteurs d’Euryélos avant que les Syracusains informés de leur arrivée pussent, de la prairie où ils passaient leur revue, arriver au secours. Chacun s’y porta de toute sa vitesse, entre autres les six cents hommes de Diomilos. Mais la distance de la prairie à l'ennemi n’était pas de moins de vingt-cinq stades; aussi les Syracusains, attaquant ainsi en désordre, furent vaincus à Épipolæ et rentrèrent dans la ville. Diomilos périt avec environ trois cents hommes. Les Athéniens élevèrent un trophée, rendirent les morts par convention et descendirent le lendemain jusqu’au pied des murs; maiscorameon ne sortit pas contre eux, ils regagnèrent les hauteurs et bâtirent à Labdalos, sur la crête des escarpements d’Épipolæ, un fort dont le front regardait Mégara. Il devait leur servir de dépôt pour le matériel et de trésor toutes les fois qu’ils se rapprocheraient de la ville, soit pour combattre, soit pour élever des retranchements.

XCVIII. Peu de temps après, il leur vint d’Égeste trois cents cavaliers; les Sicèles, Naxos et quelques autres villes en envoyèrent une centaine. Les Athéniens avaient eux-mêmes deux cent cinquante cavaliers pour lesquels ils se procurèrent des chevaux à Égeste et à Catane, ou à prix d’argent. Le tout réuni formait un corps de six cent cinquante cavaliers. Après avoir mis garnison à Labdalos, les Athéniens se dirigèrent vers Syké[*](Ce retranchement circulaire devait être la base du mur de blocus qu’ils avaient l’intention de prolonger de part et d’autre vers le grand port et vers Thapsos. Le nom de Syké paraît être la forme dorienne du mot τύχη et désigner le temple de la Fortune, situé entre Labdalos et les murs de la ville.), où ils s’établirent, et se mirent à élever en [*](1 Ce retranchement circulaire devait être la base du mur de blocus qu’ils avaient l’intention de prolonger de part et d’autre vers le grand port et vers Thapsos. Le nom de Syké paraît être la forme dorienne du mot τύχη et désigner le temple de la Fortune, situé entre Labdalos et les murs de la ville.)

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toute hâte un retranchement circulaire. La célérité du travail frappa de terreur les Syracusains; ils sortirent avec l’intention de combattre et de s’y opposer : déjà même les deux armées étaient en présence, lorsque les généraux syracusains, voyant leurs troupes disséminées et les rangs difficiles à former, les ramenèrent dans la ville, à l’exception d’une partie des cavaliers. Ceux-ci tinrent ferme et empêchèrent les Athéniens d’apporter des pierres et de s’écarter au loin, jusqu’à ce qu’une tribu[*](Chaque tribu fournissait un certain nombre d’hoplites; et, une fois en campagne, les corps fournis par les diverses tribus conservaient leur organisation distincte et ne se mélangeaient pas.) d’hoplites athéniens attaqua, de concert avec toute la cavalerie, les cavaliers syracusains et les mit en déroute. Les Athéniens en tuèrent quelques-uns et dressèrent un trophée pour ce combat de cavalerie.

' XCIX. Le lendemain une partie des Athéniens continua à élever la partie nord du retranchement circulaire, tandis que les autres apportaient des pierres et des bois et les déposaient en avançant toujours vers le lieu nommé Trogilos[*](Trogilos ϋιait au nord de Syké, tous les travaux se faisaient donc sur une même ligne; les uns disposaient à l’avance les matériaux, tandis que les autres poursuivaient la construction de la muraille.); car c’était la ligne la plus courte pour mener leur mur de blocus du grand port à l’autre mer[*](Syracuse occupant une espèce do presqu’île, le but des Athéniens, en conduisant un mur d’une mer à l’autre, était de l’isolcr du côté de la terre.). Les Syracusains, guidés surtout par Hermocrates, l’un des généraux, renoncèrent à courir les risques de batailles générales contre les Athéniens; ils pensèrent que le mieux était d’élever un contre-mur coupant là ligne où les Athéniens devaient mener le [*](1 Chaque tribu fournissait un certain nombre d’hoplites; et, une fois en campagne, les corps fournis par les diverses tribus conservaient leur organisation distincte et ne se mélangeaient pas.) [*](3 Trogilos ϋιait au nord de Syké, tous les travaux se faisaient donc sur une même ligne; les uns disposaient à l’avance les matériaux, tandis que les autres poursuivaient la construction de la muraille.) [*](3 Syracuse occupant une espèce do presqu’île, le but des Athéniens, en conduisant un mur d’une mer à l’autre, était de l’isolcr du côté de la terre.)

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leur, afin de leur fermer le passage, en les devançant s’il était possible. Si l’ennemi les troublait dans ce travail, ils enverraient contre lui une partie de leur armée, le préviendraient en occupant les passages qu’ils fermeraient avec des pieux[*](Ces pieux étaient destinés à fermer les points les plus abordables de la ligne tfù dis devaient élever leur contro-mur, afin do faciliter le travail en tenant l’ennemi à distance.), et le forceraient ainsi à abandonner ses travaux pour se porter en masse contre eux. Ils firent donc une sortie et se mirent à construire au-dessous du retranchement circulaire des Athéniens, et à partir de l’enceinte de la ville, une muraille qui coupait leurs lignes[*](Et qui devait par conséquent les empêcher de continuer leur enceinte jusqu’à la mer. Letronne a fait remarquer avec raison que lo mot έγχάρσιον signifie ici perpendiculaire, et non transversal; le contre-mur, pour interrompre les travaux des Athéniens, devait être perpendiculaire, ou à peu près, à leur enceinte.). Ils abattirent les oliviers du Téménos[*](L’enccintc sacrée d’Apollon Téménitès.) et élevèrent des tours de bois.

Les vaisseaux des Athéniens n’avaient pas encore quitté Thapsos pour pénétrer dans le grand port en doublant la presqu’île; les Syracusains restaient maîtres de la mer et les Athéniens faisaient venir leurs vivres de Thapsos par terre.

C. Déjà les palissades et les constructions du contremur paraissaient aux Syracusains dans un état suffisant de défense. — Car les Athéniens, craignant, s’ils se partageaient, de donner plus de prise à l’ennemi, pressés d’ailleurs de terminer leur propre enceinte, n’étaient pas venus mettre obstacle à ce travail. — Ils laissèrent un corps de troupes à la garde des construc- [*](1 Ces pieux étaient destinés à fermer les points les plus abordables de la ligne tfù dis devaient élever leur contro-mur, afin do faciliter le travail en tenant l’ennemi à distance.) [*](2 Et qui devait par conséquent les empêcher de continuer leur enceinte jusqu’à la mer. Letronne a fait remarquer avec raison que lo mot έγχάρσιον signifie ici perpendiculaire, et non transversal; le contre-mur, pour interrompre les travaux des Athéniens, devait être perpendiculaire, ou à peu près, à leur enceinte.) [*](3 L’enccintc sacrée d’Apollon Téménitès.)

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tions et rentrèrent dans la ville. Les Athéniens, de leur côté, détruisirent les conduits souterrains qui amenaient de l’eau potable à la ville. Ayant observé que la plupart des Syracusains[*](Ceux qui gardaient le nouveau mur.) restaient dans leurs tentes vers midi, que quelques-uns même rentraient dans la ville, et que ceux qui étaient laissés aux palissades les gardaient négligemment, ils firent choix de trois cents hommes d’élite et de quelques troupes légères et bien armées, et leur ordonnèrent de courir subitement au contremur. Le reste de l’armée se partagea en deux corps, sous la conduite des deux généraux : l’un se porta vers la ville, en prévision des secours qui pourraient en sortir, l’autre aux palissades qui étaient près de la petite porte[*](Cette petite porte devait être une porte pratiquée dans le mur du Téménite pour aller à Épipolæ. La palissade dont il s’agit ici, distincte de celle qu’attaquaient les trois cents, devait servir de défense à la petite porte.). Les trois cents attaquèrent et enlevèrent les palissades; ceux qui les gardaient les abandonnèrent et s’enfuirent dans l’enceinte avancée duTéménitès[*](Thucydide a dit plus haut que les Syracusains avaient joint le Téménitès à la ville pur une enceinte qui Tonnait comme un ouvrage avancé. x). Ceux qui les poursuivaient s’y jetèrent avec eux; mais, après y avoir pénétré, ils en furent repoussés de vive force par les Syracusains. Quelques Argiens et un petit nombre d’Athéniens y périrent. L’armée entière, à son retour, se mit à détruire le contre-mur, arracha les palissades, emporta les pieux et dressa un trophée.