History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

LXXI. Les Athéniens ne firent aucune tentative sur le temple; ils enlevèrent les cadavres des leurs, les mirent sur le bûcher et bivouaquèrent sur le champ de bataille. Le lendemain ils rendirent aux Syracusains leurs morts par convention (il y en avait environ deux cent soixante, Syracusains ou alliés); ils recueillirent les ossements des leurs (au nombre de cinquante environ, tant Athéniens qu’alliés); et, chargés des dépouilles de l’ennemi, ils firent voile pour Catane. Car, l’hiver étant venu, il ne leur semblait pas possible encore de tenir la campagne en cet endroit, avant d’avoir fait venir de la cavalerie d’Athènes et d’en avoir tiré des alliés du pays, de manière à ne point laisser à celle de l’ennemi une entière supériorité. Ils voulaient aussi recueillir de l’argent en Sicile, en faire demander à Athènes, se rallier quelques villes[*](En particulier Camarina.), où ils espéraient faire accepter plus aisément leur autorité après le combat, enfin se procurer des vivres et tout ce qui serait nécessaire pour attaquer Syracuse au printemps.

LXXII. Ce fut dans ce dessein qu’ils firent voile pour [*](1 En particulier Camarina.)

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Naxos et Catane[*](Plutarque accuse à ce sujet Nicias d’une lenteur funeste à l’armée athénienne, reproche qui ne paraît que trop fondé.), afin d’y passer l’hiver. Les Syracusains, après avoir enseveli leurs morts, se réunirent en assemblée. Hermocrate, fils d’Hermon, s’avança : c’était un homme qui, sous aucun rapport, ne le cédait à personne eri habileté, distingué d’ailleurs par l’expérience qu’il avait acquise dans la guerre et par sa valeur. Il les encouragea et mit en garde contre l’abattement d’un premier échec. Ce n’était pas le courage, dit-il, qui avait été vaincu chez eux; le désordre avait fait tout le mal; et cependant ils ne s’étaient pas montrés aussi inférieurs qu’on devait s’y attendre, surtout ayant à lutter, eux simples particuliers, simples artisans pour ainsi dire, contre les plus habiles soldats de la Grèce. Ce qui avait nui beaucoup aussi, c’était la multitude des généraux (ils en avaient quinze), la division du commandement, le défaut de discipline et de subordination dans la multitude. Si, au contraire, il y avait un petit nombre de généraux expérimentés; si, dans le cours de l’hiver, on formait un corps d’hoplites; si on fournissait des armes à ceux qui n’en avaient pas, afin d’avoir le plus d’hommes possible, en ayant soin de rendre tous les exercices obligatoires, on aurait probablement, disait-il, l’avantage sur l’ennemi; car, ayant déjà le courage, on y joindrait la discipline dans la pratique, et ces deux qualités s’accroîtraient réciproquement : la discipline se fortifierait par l’exercice au milieu des dangers, la bravoure deviendrait plus sûre d’elle-même de toute la confiance que donne l’expérience. Il fallait donc choisir un petit nombre de généraux investis de pleins pouvoirs, et s’engager par serment envers eux à [*](1 Plutarque accuse à ce sujet Nicias d’une lenteur funeste à l’armée athénienne, reproche qui ne paraît que trop fondé.)
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les laisser suivre leurs propres inspirations dans l’exercice du commandement : de cette façon, le secret serait mieux gardé pour les mesures qui l’exigeaient, et tous les préparatifs se feraient avec ordre et sans tergiversations.

LXXIII. Les Syracusains, après l’avoir entendu, décrétèrent toutes les mesures qu’il proposait et le nommèrent lui-méme général, avec deux collègues seulement, Héraclides, fils de Lysimachos, et Sicanos, fils d’Exécestès. Ils envoyèrent des ambassadeurs à Corinthe et à Lacédémone pour réclamer l’assistance de leurs alliés, et engager les Lacédémoniens à faire une diversion en leur faveur en poussant ouvertement et avec plus de vigueur les hostilités contre Athènes; ils voulaient par là soit forcer les Athéniens à quitter la Sicile, soit entraver l’envoi de nouveaux renforts à l’armée expéditionnaire.

LXXIV. L’armée athénienne qui était à Catane se hâta de faire voile pour Messène, dans l’espoir que cette ville lui serait livrée; mais l’entreprise échoua. Lorsque Alcibiade avait quitté la Sicile, déjà déposé de son commandement et décidé à fuir, il avait révélé le projet dont il avait connaissance aux partisans des Syracusains dans Messène. Ceux-ci, prenant les devants, avaient tué les auteurs du complot; ils étaient en insurrection et avaient les armes à la main quand les Athéniens arrivèrent; aussi obtinrent-ils de vive force que ceux-ci ne seraient pas reçus. Après être restés environ treize jours, les Athéniens, incommodés par le mauvais temps, manquant de vivres et n’avançant à rien, retournèrent à Naxos[*](Le texte porte έ; Νάξον xal θράχας. Ou ce dernier mot n’a pas de sens et a été intercalé dans le texte par la maladresse d’un copiste, ou il désigne une place de Sicile qui n’est citée nulle part ailleurs.) (et à Thraces), palissadèrent leur camp et [*](1 Le texte porte έ; Νάξον xal θράχας. Ou ce dernier mot n’a pas de sens et a été intercalé dans le texte par la maladresse d’un copiste, ou il désigne une place de Sicile qui n’est citée nulle part ailleurs.)

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prirent leurs quartiers d’hiver. Une trirème fut envoyée à Athènes pour demander de l’argent et de la cavalerie, de manière à avoir le tout à l’entrée du printemps.

LXXV. Les Syracusains, de leur côté, enclavèrent dans la ville, pendant l’hiver, le Téménitès[*](Ainsi nommé d’Apollon Téménités, dont le temple se trouvait dans ce quartier, appelé plus tard la Ville Neuve.) au moyen d’une muraille embrassant toute la partie qui regarde Épipolæ[*](Colline au couchant de Syracuse, qui domine la ville.); de cette manière, l’enceinte olfrant plus d’étendue, était plus difficile à cerner en cas de revers. Ils élevèrent un fort à Mégara, un autre à Olympiéon, et palissadèrent le bord de la mer, partout où il était possible d’opérer une descente. Sachant que les Athéniens hivernaient à Naxos, ils se portèrent en masse sur Catane, dévastèrent une partie du pays, incendièrent les tentes et le camp des Athéniens, et retournèrent chez eux. Informés en outre que les Athéniens avaient envoyé une ambassade à Camarina, pour obtenir son accession en vertu de l’alliance contractée sous Lachés, ils y firent passer de leur côté une députation. Ils soupçonnaient les Camarinéens de n’avoir envoyé qu’à regret les secours qu’ils leur avaient fournis dans le premier combat, et de ne plus vouloir les aider à l’avenir. Ils craignaient qu’à la vue de l’avantage remporté par les Athéniens, les Camarinéens, entraînés par leurs anciennes relations d’amitié, ne s’unissent à eux. Les ambassadeurs arrivèrent donc à Camarina, Hermocrate pour les Syracusains, et Euphémos au nom des Athéniens, tous deux assistés de leurs collègues; une assem- [*](1 Ainsi nommé d’Apollon Téménités, dont le temple se trouvait dans ce quartier, appelé plus tard la Ville Neuve.) [*](2 Colline au couchant de Syracuse, qui domine la ville.)

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blée eut lieu, et là Hermocrate, pour prévenir les esprits contre les Athéniens, s’exprima ainsi :