History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.
V. Himère, colonie de Zancle, fut fondée par Euclides, Simos et Sacon. Elle fut peuplée surtout de Chalcidiens, auxquels se joignirent des Syracusains nommés Milétides, vaincus et expulsés à la suite d’une sédition. La langue dominante était un mélange de chalcidien et de dorien; les institutions se rapprochaient davantage de celles des Chalcidiens.
Acré et Casméné furent fondées par les Syracusains : Acré, soixante-dix ans après Syracuse; Gasméné, environ vingt ans après Acré.
[*](1 LesSicanes avaient déjà sur ce point une ville nommée Camicos, dont parle Hérodote, et qui parait s’être confondue avec Agrigente.)[*](1 L’Opicie s’étendait sur les côtes de la mer Tyrrliénienne, au midi du Tibre, jusqu’à rCEnotrie.)Camarina fut d’abord une colonie syracusaine, fondée par Dascon et Ménécolos, environ cent trente-cinq ans après la fondation de Syracuse[*](La fondation de Syracuse remonte à l’an 735 avant notre ers,). Mais les Camarinéens s’étant révoltés contre les Syracusains, ceux-ci les chassèrent, et donnèrent plus tard le territoire de Camarina à Hippocrate, tyran de Géla, comme rançon de prisonniers syracusains. Hippocrate établit une colonie à Camarina et en devint ainsi lui-même le fondateur. Plus tard, les nouveaux habitants furent à leur tour chassés par Gélon, qni la colonisa pour la troisième fois.
VI. Tel est le dénombrement des peuples grecs et barbares établis en Sicile; et c’est contre une île de cette importance que les Athéniens brûlaient de marcher! Leur véritable bût était de soumettre l'ile entière à leur domination; mais en même temps ils se couvraient d’un prétexte spécieux, celui de secourir les peuples de même race qu’eux et les alliés qu’ils s’étaient faits en Sicile. Ils furent surtout déterminés par les pressantes sollicitations des députés d’Égeste, venus à Athènes pour réclamer leur appui. Limitrotrophes de Sélinonte, les Égestains étaient en guerre avec elle pour des questions de mariage[*](Οιουοηε, xn, 82, n’indique que le second motif.) et pour un territoire contesté; ceux de Sélinonte, aidés par les Syracusains qu’ils avaient engagés dans leur alliance, serraient de près Égeste par terre et par mer. Dans cette extrémité, les Égestains rappelaient aux Athéniens le souvenir de l’alliânce contractée sous Lachés, lors de la première guerre de Léontium, et les priaient d’envoyer des vaisseaux à leur secours; parmi les nombreux [*](1 La fondation de Syracuse remonte à l’an 735 avant notre ers,) [*](* Οιουοηε, xn, 82, n’indique que le second motif.)
VII. Le même hiver, les Lacédémoniens et leurs alliés, à l’exception des Corinthiens, firent une expédition contre l’Argie, ravagèrent une petite partie du pays et emportèrent du blé sur des chariots qu’ils avaient amenés. Ils établirent à Ornées les exilés d’Argos, à qui ils laissèrent quelque peu de troupes prises dans le reste de l’armée; puis ils conclurent un traité aux termes duquel les Ornéates et les Argiens devaient, pendant quelque temps, respecter mutuelle- [*](1 Les villes chalcidiennes de Sicile.)
Les Athéniens transportèrent aussi par mer à Méthone, sur les confins de la Macédoine, des cavaliers d’Athènes ainsi que des bannis de Macédoine qu’ils avaient accueillis, et ils ravagèrent les États de Perdiccas. Les Lacédémoniens envoyèrent chez les Chalcidiens de l’Épithrace, qui avaient une trêve de dix jours avec les Athéniens, pour les engager à unir leurs armes à celles de Perdiccas; mais ils s’y refusèrent. L’hiver finit, et, avec lui, la seizième année de cette guerre dont Thucydide a écrit l’histoire.
VIII. L’été suivant, dès le commencement du printemps[*](Première année de la quatre-vingt-onzième olympiade, 415 avant notre ère.), les ambassadeurs athéniens revinrent de Sicile, et avec eux ceux d’Égeste; Ils apportaient soixante talents d’argent non monnayé[*](Λ raison d’un drachme par homme et par jour.), pour un mois de solde de soixante vaisseaux dont ils devaient demander l’envoi. Les Athéniens, réunis en assemblée, écoutèrent les récits séduisants et mensongers des ambassadeurs d’Égeste et des leurs; entre autres choses, qu’il y avait de grandes richesses toutes prêtes dans les temples et dans le trésor public. Ils décrétèrent l’envoi en Sicile [*](1 Première année de la quatre-vingt-onzième olympiade, 415 avant notre ère.) [*](* Λ raison d’un drachme par homme et par jour.)
IX. « Cette assemblée est convoquée pour délibérer sur les préparatifs de l’expédition de Sicile, maintenant résolue; néanmoins il me semble, à moi, que nous devrions encore revenir sur le fond même de la question et examiner si l’envoi d’une flotte est ce qu’il y a de mieux; si nous n’aurions pas tort, après une délibération aussi précipitée sur des objets de cette importance, de nous laisser entraîner par des étrangers à une guerre qui ne nous touche point. Et pourtant cette expédition est pour moi une source d’honneur; je crains moins que d’autres pour ma propre vie, — ce qui ne veut pas dire qqe je regarde comme un moins bon citoyen celui qui a quelque souci de sa personne et de sa fortune; car celui-là surtout voudra, dans son intérêt même, la prospérité de la république. — Mais
X. « En effet, je le déclare, vous embarquer pour la Sicile quand vous laissez ici de nombreux ennemis, c’est vouloir ici même vous en attirer de nouveaux. Vous croyez sans doute que les traités conclus par vous[*](Les traités avec les Lacédémoniens.) ont quelque solidité : tant que vous resterez tranquilles, vous aurez la paix, de nom du moins (car on a si bien fait et ici et chez nos adversaires que ce n’est plus autre chose); mais si vos armées éprouvent quelque notable échec, aussitôt vos ennemis s’empresseront de vous attaquer : d’abord parce qu’ils n’ont fait la paix que par nécessité, dans des circonstances critiques et à des conditions moins honorables pour eux que pour nous; ensuite parce que nous avons, dans ce traité même, bien des points contestés. Il est même des peuples qui n’ont pas encore accepté la trêve, et ce ne sont pas les plus faibles : les uns nous font ouvertement la guerre[*](Les Corinthiens.), les autres ne sont retenus que par l’inaction des Lacédémoniens et par une simple trêve de dix jours avec nous. Qui sait si, profitant de cette division de nos forces que nous avons en ce moment [*](1 Les traités avec les Lacédémoniens.) [*](8 Les Corinthiens.)
XI. « Et pourtant, ces peuples une fois soumis, nous pourrions maintenir sur eux notre autorité; tandis qu’en Sicile, même vainqueurs, la distance et le nombre des ennemis ne nous permettraient que bien difficilement d’établir notre domination. Or il est insensé de marcher contre un peuple dont la défaite n’assure pas la soumission, et avec lequel un échec ne vous laisse plus dans la même situation qu’auparavant[*](C’est-à-dire qu’un échec diminue la considération des Athéniens et les ressources dont ils peuvent actuellement disposer contre les Lacédémoniens.). Les Siciliens, bien peu redoutables, ce me semble, dans l’état actuel, le seront bien moins encore sous la domination des Syracusains, dont les Égestains nous font un épouvantail : maintenant, en effet, chacun d’eux pourrait, à la rigueur, venir nous attaquer, pour complaire aux Lacédémoniens; mais dans la seconde éventualité, il n’est pas vraisemblable qu’un empire [*](i C’est-à-dire qu’un échec diminue la considération des Athéniens et les ressources dont ils peuvent actuellement disposer contre les Lacédémoniens.)
XII. « Rappelons-nous que nous nous relevons à peine, et depuis bien peu de temps, d’une terrible maladie et des maux de la guerre; que nos ressources et notre population ne font que commencer à renaître; qu’il est juste de les employer ici à nos propres besoins au lieu de les consacrer à ces exilés qui mendient nos secours, qui ont intérêt à faire de spécieux mensonges, et qui, s’ils réussissent, au risque d’autrui, sans fournir eux-mêmes autre chose que des paroles, n’auront point une reconnaissance égale au service; tandis que, s’ils échouent, ils entraîneront leurs amis dans leur ruine.
Que si quelqu’un[*](Alcibiade.), tout glorieux du commandement auquel il a été élu, vous engage à mettre à la voile; si, n’ayant en vue que lui seul, trop jeune d’ailleurs pour commander, il n’aspire qu’à se faire admirer par le luxe de ses chevaux et à exploiter sa charge au profit de son faste; ne lui permettez pas de chercher un éclat tout personnel au péril de la république : songez que de tels hommes compromettent les affaires publiques et se ruinent eux-mêmes; songez que l’entreprise est grande et qu’elle n’est pas de celles dont on peut abandonner à un jeune homme et la décision etl’exécution précipitée.
XIII. « Quand je vois ceux qui siégent ici en ce moment[*](Les jeunes gens, partisans d’Alcibiade, chargés par lui de soutenir ses propositions.) comme tenants et avocats de cet homme, je [*](1 Alcibiade.) [*](* Les jeunes gens, partisans d’Alcibiade, chargés par lui de soutenir ses propositions.)
XIV. « Et toi, prytane[*](Président de l’assemblée, nommé aussi épistnte.), si tu crois qu’il t’appartienne de veiller sur la république, si tu veux être bon citoyen, mets cette proposition en délibération et appelle les Athéniens à vote de nouveau; songe, si tu crains de revenir sur un vote acquis, que, quand on a pour soi un si grand nombre de témoins, on ne saurait être accusé de violer les lois[*](Il était contraire aux usages de revenir sur une décision acquise; cependant nous en trouvons un autre exemple dans Thucydide, à propos de la condamnation des Mityléniens. Le sens delà phrase est qu’en présence de témoins si nombreux, qui sauront tous comment on est revenu sur le vote, et qui sanctionneront cette infraction λ la loi, la responsabilité du prytane ne saurait être engagée.); que la république, [*](1 Président de l’assemblée, nommé aussi épistnte.) [*](2 Il était contraire aux usages de revenir sur une décision acquise; cependant nous en trouvons un autre exemple dans Thucydide, à propos de la condamnation des Mityléniens. Le sens delà phrase est qu’en présence de témoins si nombreux, qui sauront tous comment on est revenu sur le vote, et qui sanctionneront cette infraction λ la loi, la responsabilité du prytane ne saurait être engagée.)
XV. Ainsi parla Nicias. La plupart des orateurs, s’avançant au milieu de l’assemblée, insistaient pour la guerre et le maintien du décret; quelques-uns cependant étaient d’un avis opposé. Celui qui plaidait avec le plus de chaleur en faveur de l'expédition était Alcibiade, fils de Clinias : il voulait contredire Nicias, dont il ne partageait pas du reste les opinions politiques; il avait d’ailleurs été désigné par lui d’une manière offensante; mais avant tout il ambitionnait un commandement qui lui permît de s’emparer de la Sicile et de Carthage, objets de ses espérances, et de recueillir personnellement, en cas de succès, richesses et renommée. En grand crédit auprès de ses concitoyens, il avait des goûts de luxe au-dessus de sa fortune : passion des chevaux, autres goûts de dépensé; et ce ne fut pas là ce qui contribua le moins, par la suite, à la ruine d’Athènes : car bien des gens, effrayés du débordement inouï de son faste personnel et de la hauteur ambitieuse de ses conceptions dans toutes les affaires auxquelles il avait part, crurent qu’il aspirait à la tyrannie et devinrent ses ennemis. Homme public, il avait imprimé une grande force à l’organisation militaire; mais, comme homme privé, chacun était cho-
. Dans cette circonstance, il s’avança au milieu de l’assemblée et harangua ainsi les Athéniens :
XVI. « Mieux que d’autres, j’ai des titres au commandement, Athéniens! — Il faut bien que je commence par là, puisque Nicias m’a mis en cause, — et je crois d’ailleurs en être digne. Car ce à quoi je dois mon illustration est tout à la fois glorieux pour mes ancêtres et pour moi, utile à la patrie. Les Grecs, à la vue de la magnificence que j’ai déployée aux jeux Olympiques, se sont exagéré la puissance de notre ville qu’ils aimaient auparavant à se figurer écrasée par la guerre. J’ai fait descendre sept chars dans la carrière, ce que n’avait jamais fait encore aucun particulier; vainqueur, j’ai obtenu en outre le second et le quatrième rang; j’ai déployé dans'tout le reste une magnificence digne de ma victoire; et, si ces dépenses sont commandées par l’usage, elles n’en sont pas moins, par la manière dont elles sont faites, un indice de puissance. Quant à l’éclat dont je brille au dedans de la république, soit dans les fonctions de chorége[*](Les choréges fournissaient les choeurs pour les jeux scéniques et les grandes cérémonies religieuses. C’était à qui se distingneriÿt le plus par le nombre des personnages et l’éclat des costumes.), soit dans d’autres occasions, il excite tout naturellement, il est vrai, l’envie des citoyens, mais il est aussi aux yeux des étrangers un indice de puissance. Ce n’est point là d’ailleurs une folie inutile, lorsque par des dépenses toutes personnelles on sert tout à la fois et soi-même et l'État. Il n’y a pas non plus injustice, lorsqu’on a de soi une haute opinion, à ne pas rester [*](1 Les choréges fournissaient les choeurs pour les jeux scéniques et les grandes cérémonies religieuses. C’était à qui se distingneriÿt le plus par le nombre des personnages et l’éclat des costumes.)
« Je sais que de tels hommes, que tous ceux qui à quelque égard ont brillé d’un éclat supérieur, sont, pendant leur vie, vus avec chagrin par leurs égaux d’abord, et ensuite par tous ceux avec qui ils vivent : mais plus tard, on voit des hommes se réclamer du nom qu’ils ont laissé, sous prétexte d’une parenté sou-
ent imaginaire; leur patrie aussi les revendique avec orgueil; elle ne veut ni qu’ils lui soient étrangers, ni qu'ils aient commis de fautes; ils sont siens, et elle ne voit que leurs grandes actions. C’est à cette gloire que j’aspire; c’est par là que je me suis rendu illustre comme particulier; comme homme public, voyez si je le cède à personne pour l’administration des affaires : c’est moi qui ai réuni les peuples les plus puissants du Péloponnèse, sans beaucoup de dangers ni de dépense pour vous, et qui ai amené les Lacédémoniens à tout risquer en un seul jour à Mantinée; si bien que, même après leur victoire, ils ne sont pas encore aujourd’hui complètement rassurés.
XVII. « Et tout cela est l’oeuvre de ma jeunesse, de cette folie qui paraît si incroyable : par elles j’ai pénétré au sein de cette puissance péloponnésienne, j’ai si bien fait par la séduction de mes discours, par l’indignation que j’ai excitée et la confiance qui en a été la suite, qu’elle a cessé aujourd’hui d’être redou-
XVIII. « Quel motif plausible pourrions-nous donc donner de nos hésitations, et sous quel prétexte refuserions-nous de secourir nos alliés de Sicile, nous qui sommes tenus par des serments mutuels à les défendre, sans pouvoir objecter qu’ils ne nous ont point aidés de leur côté? car, en nous les attachant, notre but n’était pas d’obtenir par réciprocité leurs secours chez nous; nous voulions qu’en inquiétant chez eux nos ennemis, ils ne leur permissent pas de venir ici. D’ailleurs, comment avons-nous obtenu l’empire, nous et tous ceux qui l’ont exercé? C’est en nous empressant toujours de secourir ceux qui nous invoquaient, Grecs ou Barbares : rester en repos, ou chicaner sur ceux qu’il faut secourir, c’est non-seulement se condamner à ajouter peu de chose à notre domination, mais la rendre elle-même beaucoup plus précaire. Car, contre une puissance supérieure, on ne se borne pas à repousser l’attaque, on prend les devants pour la pré-
XIX. Ainsi parla Alcibiade. Entraînés par ce discours, émus par les prières des exilés d’Égeste et de Léontium, qui étaient venus à l’assemblée et suppliaient, au nom de la foi jurée, de ne par les laisser sans secours, les Athéniens embrassèrent l’expédition avec plus d’ardeur encore qu’auparavant. Nicias sentit bien qu’il ne les ébranlerait pas en revenant sur les mêmes raisonnements; mais il espérait encore, par l’immensité des préparatifs et la longue énumération qu’il en ferait, changer leurs dispositions. Il s’avança de nouveau et leur parla ainsi :
XX. « Athéniens, puisque vous êtes, à ce que je vois, tout à fait résolus à l’expédition, puisse-t-elle réussir selon nos voeux! Pour moi, je vous dirai ma pensée sur la situation actuelle. D’après ce que j’entends dire, les villes contre lesquelles nous devons marcher sont puissantes, indépendantes les unes des autres; elles n’ont pas besoin de ces révolutions dans lesquelles on se jette volontiers pour passer d’un dur esclavage à une condition plus douce; elles n’échangeront pas, cela est vraisemblable, leur liberté contre
XXI. Contre une telle puissance, ce n’est pas une expédition navale et de peu d’importance qui peut suffire; il faut de plus embarquer avec nous beaucoup d’infanterie, si nous voulons faire quelque chose qui réponde à nos desseins, et ne pas voir une nombreuse cavalerie nous fermer le pays; surtout si les villes effrayées se liguent, si nous ne trouvons pas quelques alliés, autres que les Égestains, pour nous fournir de la cavalerie à leur opposer. Il serait honteux d’être contraints par la force à nous retirer, ou réduits à demander plus tard des renforts, pour n’avoir pas tout d’abord pris de sages mesures. Il faut donc partir d’ici [*](1 Voyez même livre, ch. 3.)
XXII. « Il faut donc, à mon avis, emmener un grand nombre d’hoplites, levés chez nous, chez nos alliés, chez nos sujets, même dans le Péloponnèse, si nous pouvons en gagner quelques-uns par la persuasion ou l’appât d’une solde[*](Les Argiens et les Mantinéens.);il faut aussi beaucoup d’archers et de frondeurs pour tenir tête à leur cavalerie; il faut des vaisseaux en grand nombre pour la facilité des transports; il faudra encore emporter d’ici des vivres sur des bâtiments de charge, du froment et de l’orge grillée, enrôler de force et solder un certain nombre de boulangers tirés proportionnellement de chaque moulin, afin que, si le mauvais temps nous retient quelque part, l’armée ne manque pas du nécessaire; car toutes les villes ne seront pas en état de recevoir une armée si nombreuse. Enfin il nous faut, autant que possible, pourvoir à tout le reste, et ne pas être à la discrétion d’autrui; surtout nous aurons à emporter d’ici le plus d’argent que nous pourrons; car, croyez-moi, les trésors des Égestains, qu’on dit tout prêts là-bas, sont prêts surtout en paroles.
[*](1 Les Argiens et les Mantinéens.)XXIII. « En supposant même que nous partions d’ici avec des forces, je ne dis pas égales, mais supérieures aux leurs sous tous les rapports (excepté pourtant pour le nombre des hoplites qu’ils peuvent mettre en ligne), ce sera à grand’peine encore si nous pourrons vaincre les uns et protéger les autres. Songez encore une fois[*](Je lis πάλιν, au lieu de πάλιν, qui donne un sens tout à fait ea contradiction avec ce qui suit.) que nous allons nous établir au milieu d’étrangers et d’ennemis; que dès lors il nous faut dès le premier jour nous rendre maîtres du pays, là où nous aborderons, ou bien nous attendre, en cas d’échec, à voir tout se tourner contre nous. Redoutant ce malheur et convaincu que nous avons à délibérer mûrement sur bien des points, qu’il en est un bien plus grand nombre encore où il nous faut compter sur un bonheur que l’homme peut difficilement espérer, je veux, en partant, m’abandonner le moins possible à la fortune et ne mettre à la voile qu’avec des préparatifs qui puissent inspirer une légitime confiance. Voilà, selon moi, ce qui donnerait à la république entière les plus sûres garanties, ce qui petit nous sauver, nous qui allons combattre. Si quelqu’un est d’un avis contraire, je lui cède le commandement. »
XXIV. Ainsi parla Nicias : il espérait ou décourager les Athéniens par la multiplicité des demandes, ou du moins, s’il était forcé de faire l’expédition, partir alors avec toute sécurité. Mais l’ardeur des Athéniens ne fut pas refroidie par l’embarras des préparatifs; bien loin de là, elle s’en accrut, et il arriva tout le contraire de ce que voulait Nicias : ses conseils furent [*](i Je lis πάλιν, au lieu de πάλιν, qui donne un sens tout à fait ea contradiction avec ce qui suit.)