History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.
Le même été, il y eut une guerre entre les Épidau-riens et les Argiens au sujet d’un Sacrifice que les Ëpidau-riens devaient offrir à Apollon Pythéen[*](Pausanias (II, xxiv. xxxv. xxxvi) cite trois tem- ples de ce nom en Argolide. Probablement il s’agit ici de celui qui était dans le voisinage d’Asiné. ) pour les terres riveraines, et dont ils négligeaient de s’acquitter. Les Argiens étaient les maîtres absolus de ce temple. Indépendamment de ce motif, Alcibiade et les Argiens voulaient, s'il était possible, s’assurer d’Épidaure, afin de tenir Corinthe en respect et d’ouvrir aux Athéniens, allant d’Êgine au secours d’Argos, une route plus directe, sans avoir à doubler le cap ScyIléon[*](Les Athéniens, maîtres d’Égine, n’avaient qu’un bras de mer à traverser jusqu’à Epidaure, et de là il leur restait un assez court trajet par terre jusqu’à Argos. La route de mer était beaucoup plus longue ; il fallait tourner toute ΓArgolide, dont le cap Scylléon forme l’extrémité méridionale. ). Les Argiens se disposèrent donc à envahir l’Épidaurie pour obliger les habitants à fournir la victime.
Vers la même époque, les Lacédémoniens en corps de nation, sous la conduite de leur roi Agis fils d’Archidamos, s’avancèrent jusqu’à Leuctra , dernière ville de leur pays du côté du Lycée[*](Montagne située au S. de l’Arcadie^ et se prolongeant jusqu’à l’ancienne provinoe de Messénie. — Leuctra ou Leuc-tron était la dernière place de Laconie sur le chemin de Sparte à Mëgalopolis. Il y avait une autre ville de Leuctra au bord du golfe de Messénie. Ni l’une ni l’autre n’ont rien de commun avec la ville béotienne de Leuctres, illustrée par la victoire d’Épaminondas. ). Nul ne connaissait le but de cette expédition, pas même les villes qui avaient fourni les troupes. Mais les sacrifices pour le passage de la frontière n’ayant pas été favorables , les Lacédémoniens regagnèrent leurs foyers , et prévinrent les alliés de se tenir prêts pour une autre expédition aussitôt après le mois suivant — c’était le mois Carnéen, temps de fête pour les Doriens[*](Le mois Carnéen, correspondant au mois athénien Métagitnion (juillet-août), devait son nom aux fêtes d’Apollon Caméen, qui se célébraient à cette époque et duraient neuf jours. Le mois entier était pour les Doriens un temps de réjouissance, une espèce de carndrai ou de ramadan, pendant lequel les hostilités étaient généralement suspendues. ). — Après leur retraite, les Argiens se mirent en campagne le quatrième jour'de la dernière décade du mois qui précède le Carnéen. Ils employèrent ce jour à faire la route, et tout lè reste du temps[*](Les six jours qui restaient avant le commencement du mois Car-néen. Au surplus le sens de ce passage est controversé. D’autres traduisent : « quoiqu’ils eussent de tout temps observé ce jour, » en ponctuant après χρόνον, et non après ταύτην. J’ai préféré l’autre leçon, qui nécessite, il est vrai, ἐσέβαλλον au lieu de ἐσέβαλον, l’invasion s’étant prolongée un certain temps. ) à envahir et à dévaster les terres des Épidauriens. Ceux-ci appelèrent leurs alliés ; mais les uns s’excusèrent sur les fêtes de ce mois, les autres s’avancèrent jusqu’aux limites de l’Épidaurie, et s’y tinrent en repos.
Pendant que les Argiens étaient dans le pays d'Épi-daure, dés députations des villes se réunirent à Mantinée sur l’iqvitation des Athéniens. Des conférences s’étant ouvertes, Euphamidas de Corinthe soutint que les actions répondaient mal aux paroles ; qu’on était assemblé pour s’occuper de la paix, tandis que les Épidauriens, leurs alliés et les Argiens étaient en armes et en présence; qu’avant tout il fallait séparer les deux armées; qu’alors seulement on pourrait parier de paix. Cette proposition admise, on partit sur-le-champ, et l’on obtint l’éloignement des Argiens ; puis on reprit les conférences,
L’hiver suivant, les Lacédémoniens, à l’insu des Athéniens, envoyèrent par mer à Ëpidaure une garnison de trois cents hommes sous les ordres d’Agésippidas. Les Argiens se plaignirent aux Athéniens de ce qu’ils avaient permis cette expédition maritime, quoiqu’il fût dit expressément par £e traité qu’on ne laisserait traverser son domaine par aucun ennemi. Ils ajoutèrent que si, par représailles, les Athéniens ne replaçaient pas à Pylos les Messéniens et les Hilotes peur infester la Laconie, ils se tiendraient pour offensés. Les Athéniens, sur la proposition d’Alcibiade, inscrivirent auhasde la colonne lacédémonienne [*](La colonne sur laquelle était gravé le traité d’alliance entre Athènes et Lacédémone. Voyez chap. xxiil. ) que les Lacédémoniens avaient trahi leurs serments ; puis ils transportèrent les Hilotes de Cranies à Pylos pour y exercer le brigandage. D’ailleurs ils se tinrent en repos.
Dans la guerre que se firent pendant cet hiver les Argiens et les Épidauriens, il n’y eut point de bataille rangée, mais seulement des escarmouches et des incursions, où les pertes de part et d’autre se réduisirent à quelques hommes. L’hiver finissait et l’on touchait au printemps, lorsque les Argiens s’approchèrent d’Épidaure avec des échelles. Ils avaient compté la trouver sans défense A cause de la guerre et l’emporter d’emblée; mais ils n’y réussirent pas. Là-dessus l’hiver finit, ainsi que la treizième année de la guerre.
Au milieu de l’été suivant [*](Quatrième année de la guerre, an 448 avant J.-C.), les Lacédémoniens, voyant leurs alliés d’Ëpidaure en souffrance,.le reste du Péloponèse ou révolté ou mécontent, se dirent que le mal ne ferait qu’empirer, s’ils ne se bâtaient d’y porter remède. Ils prirent donc les armes, eux et leurs Hilotes en corps de nation, et marchèrent contre Argos sous la conduite de leur roi Agis fila d’Archidamos.
Les Argiens, prévenus d’abord des préparatifs des Lacédémoniens, puis de leur marche sur Phlionte à la rencontre de leurs alliés , se mirent eux-mêmes en campagne. Us étaient soutenus par les Mantinéens et leurs alliés, ainsi que par trois mille hoplites d’fîlis. En s’avançant, ils rencontrèrent les Lacédémoniens à Méthydrion en Arcadie [*](Le chemin direct de Tégée à Phlionle passait par Mantinée; mais cette ville étant au pouvoir des ennemis, les Lacédémoniens la laissèrent à leur droite, et passèrent par Méthydrian, qui est plus au centre de l’Arcadie. ). Chacune des deux armées s’empara d’une hauteur. Les Argiens se disposaient à profiter de l’isolement des Lacédémoniens pour les combattre; mais Argis décampa sans bruit pendant la nuit-, et se porta vers Phlionte pour rejoindre le gros de ses alliés. Aussitôt que les Argiens s’en furent aperçus, ils se mirent.en marche à la pointe du jour et se portèrent premièrement sur Argos, puis sur le chemin de Némée, par où ils présumaient que les Lacédémoniens descendraient avec leurs alliés. Mais, au lieu de suivre cette route, Agis, à la tête de Lacédémoniens, des Arcadiens et des Épidauriens, en prit une autre fort difficile, et descendit dans la plaine d’Argos [*](De Némée à Argos il y a encore aujourd’hui deux routes : l’une, plus longue et meilleure, par le village de Saint-George; l’autre, plus courte et très-mauvaise, par le village de Carvathi, près des ruines de Mycènes. Celle-ci est connue dans le pays sous le nom de Contoporia. Les Àrgiens ne supposaient pas qu’une armée pût passer par ce dernier chemin.). Les Corinthiens, les Pelléniens et les Phliasiens se dirigèrent par d'autres pentes rapides[*](Sur la droite du grand chemin: de Némée, de manière à former la troisième colonne d’attaque. ) ; les Mégariens et les Sicyoniens eurent ordre de descendre par la route de Némée qu’occupaient les Argiens, ann de les prendre à revers avec la cavalerie au premier mouvement qu’ils feraient dans la plaine contre les Lacédémoniens. Cés dispositions arrêtées, Agis déboucha dans la plaine, où il ravagea Saminthos et d’autres localités.
Dès qu’il fit jour, les Argiens mieux renseignés partirent de Némée. Us rencontrèrent le corps des Phliasiens et des Corinthiens, tuèrent quelques hommes aux Phliasiens et en perdirent eux-mêmes à peu près autant, qui tombèrent sous les coups des Corinthiens. Les Béotiens , les Mégariens et les Sicyoniens, d’après l’ordre qu’ils avaient reçu, se portèrent sur Némée, mais sans trouver les Argiens ; ceux-ci étaient descendus en voyant le ravage de leurs terres, et étaient occupés à se ranger en bataille. Les Lacédémoniens s’étaient également déployés. De toutes parts les Argiens étaient environnés d’ennemis:
Les Argiens et leurs alliés ne jugeaient pas généralement la position si fâcheuse ; au contraire les chances leur paraissaient être en leur faveur ; car ils s'imaginaient tenir les Lacédémoniens enfermés dans leur propre territoire et sous les murs de leur ville. Déjà les deux armées s'ébranlaient pour en venir aux mains, lorsque deux Argiens, savoir Thrasyllos, un des cinq généraux, et Alciphron, proxène des Lacédémoniens, allèrent trouver Agis et le dissuadèrent de livrer bataille, l’assurant que les Argiens étaient prêts à soumettre à un arbitrage leurs différends avec les Lacédémoniens et à faire avec eux un traité de paix pour l’avenir.
Les Argiens qui faisaient cette démarche agissaient de leur chef et sans aucune mission publique. Agis goûta leurs propositions; et seul, sans en délibérer plus amplement, sans en dire mot à personne , si ce n'est à l'un des magistrats qui étaient au camp, il conclut une trêve de quatre mois, pendant laquelle les Argiens devaient accomplir leurs promesses; après quoi il ramena aussitôt l’armée, avant d’avoir pris l’avis d'aucun autre de ses compagnons.
Les Lacédémoniens et leurs alliés obéirent par déférence pour la loi ; mais entre eux il n'y avait qu’un cri contre Agis. On avait, disaient-ils, une occasion unique de livrer bataille; l’ennemi était complètement cerné, soit par la cavalerie, soit par l'infanterie ; et l’on se retirait sans avoir rien fait qui répondît aux forces dont on disposait. Jamais en effet plus belle armée grecque n’avait été réunie; on put s'en convaincre lorsqu’elle fut rassemblée à Némée. C’étaient les Lacédémoniens en masse, les Arcadiens, les Béotiens, les Corinthiens, les Sicyoniens, les Pelléniens , les Phliasiens, les Mégariens, tous gens choisis, l'élite de leurs nations, et qui semblaient faits pour tenir tête, je ne dis pas à la coalition d’Argos, mais à une force double. Ainsi l’armée se retira fort mécontente d’Agis. Elle fut licenciée, et chacun regagna ses foyers.
Les Argiens étaient encore plus irrités contre ceux qui, traitant sans l’aveu de la multitude, leur avaient fait manquer la plus belle occasion qui pût jamais se présenter, et avaient fait
Là-dessus il arriva d’Athènes un renfort de mille hoplites et de trois cents cavaliers, commandés par Lâchés et Nicos-tratos. Les Argiens, qui craignaient de rompre la trêve conclue avec Lacédémone, les invitèrent à repartir ; et quoique les Athé-niéns demandassent à parler au peuple, ils refusèrent de leur donner audience. A la fin cependant ils y furent forcés par les instances des Mantinéens et desËléens, qui étaient encore à Argos. Les Athéniens, par l’organe d’Alcibiade leur ambassadeur, soutinrent, en présence des Argiens et de leurs alliés, que l’on avait eu tort de conclure une convention sans lu participation des confédérés, et qu’il fallait profiter de leur arrivée pour entamer les hostilités. Les alliés prêtèrent l'oreille à cet avis; et tous, à l’exception des Argiens, marchèrent aussitôt contre Orchomène d’Arcadie. Les Argiens, tout en partageant l’opinion générale, restèrent néanmoins en arrière et ne rejoignirent que plus tard. Ainsi réunis, ils allèrent mettre le siège devant Orchomène et donnèrent plusieurs assauts. Leur intention était d’attirer à eux cette ville et surtout de délivrer les otages arcadiens que les Lacédémoniens y avaient déposés. Les Orchoméniens, a)armés de la faiblesse de leurs murailles et du nombre des assaillants , ne se voyant d’ailleurs aucunement secourus, craignirent de succomber. Ils capitulèrent donc sous condition d’entrer dans l’alliance , de donner eux-mêmes des otages aux Mantinéens et de livrer ceux que les Lacédémoniens leur avaient confiés.
Maîtres d’Orchomène, les confédérés agitèrent la question de savoir quelle serait celle des autres villes ennemies qu’on attaquerait ensuite. Les Éléens opinaient pour Lépréon, les Mantinéens pour Tégée. Les Argiens et les Athéniens se réunirent à ce dernier avis. Alors les Éléens, irrités de ce qu’on n’avait pas voté pour Lépréon, se retirèrent chez eux· Les autres alliés firent à Mantinée leurs dispositions pour aller attaquer Tégée, qu’une trahison devait leur livrer.
Cependant les Lacédémoniens, après leur retraite d’Argo-s et la conclusion de la trêve de quatre mois, munnnraient
Sur ces entrefaites, ils sont avertis par leurs amis de Tégée que, s’ils n’arrivent promptement, cette ville passera dans l’alliance des Argiens, et que sa défection est imminente. A l’instant les Lacédémoniens et les Hilotes en masse prirent les armes et se portèrent, avec une célérité jusqu’alors sans exemple, sur Oresthéon en Ménalie[*](Voyez, liv. IV, chap. cxxxiv, note 1. ). Ordre fut donné aux alliés d’Arcadie de les suivre à Tégée. Arrivés à Oresthéon avec toutes leurs forces, les Lacédémoniens en congédièrent la sixième partie, savoir les plus vieux et les plus jeunes, qu’ils laissèrent à la garde du pays; le reste gagna Tégée, où il fut bientôt rejoint par les Arcadiens alliés. Ils firent aussi demander à Corinthe, en Béotie , en Phocide et en Locride, renvoi de prompts secours à Mantinée. Le délai était bref, et il n’était pas facile aux alliés de traverser isolément, sans s’attendre les uns les autres, le territoire ennemi qui leur fermait le chemin ; cependant ils firent diligence. Quant aux Lacédémoniens, ils prirent avec eux les Arcadiens présents et envahirent le territoire de Mantinée. Ils campèrent près du temple d’Hercule et ravagèrent le pays.
Les A rg i ens et leurs alliés ne les eu rent pas pl u s tôt aperçus qu’ils allèrent occuper une colline de difficile accès et s’y rangèrent en bataille. Les Lacédémoniens s’avancèrent contre eux. Déjà ils n’étaient plus qu’à une portée de pierre ou de javelot, quand un des vieillards, voyant la force de la position prise par l’ennemi, cria au roi qu’il guérissait un mal par un autre ; ce qui voulait dire que son ardeur inconsidérée cherchait à réparer sa malencontreuse retraite d’Argos. Soit qu’il fût frappé de cette remontrance, soit qu’il eût spontanément changé, Agis s’arrêta court avant d’en venir aux mains ; et, se portant
Le lendemain, les Argiens et leurs alliés se mirent dans l’ordre où ils devaient combattre, s’ils en trouvaient l’occasion. Les Lacédémoniens revenaient des bords de l’eau et regagnaient leur position de la veille près du temple d’Hercule, lorsqu’ils aperçurent à courte distance toute l’armée ennemie en ligne devant eux. Jamais, de mémoire d’homme, les Lacédémoniens n'avaient eu si vive alerte ; il n’y avait pas un instant à perdre. Ils prirent leurs rangs en toute hâte, le roi Agis donnant ordre à tout. Ainsi le veut la loi ; lorsque le roi est à l’armée, tout est soumis à son commandement. Il dicte lui-même ses injonctions aux polémarques; ceux-ci les transmettent aux lochages, les lochages aux pentécontères, ceux-ci aux énomotarques, etces derniers à l’énomotie[*](D’après Xénophon, le polémarque était lé chef d’une mora? l’une des six divisions de l’armée lacédémonienne. On n’est pas sûr du rapport qui existait entre la mora de Xénophon et le lochoss de Thucydide- Le lochos ou bataillon se composait de cinq cent douze hommes, et se subdivisait en quatre pentécostys, composées chacune de cent vingt-huit hommes, et commandées par un penté-costère. La pentécostys se divisait à son tour en quatre énomoties, de trente-deux hommes chacune, sous le commandement d’un énomo-tarque. ). Tous les ordres du roi suivent cette marche et parviennent avec rapidité ; car l’armée lacédémonienne, à peu d’exbeptions près, ne contient que des commandants de commandants, ce qui étend à un plus grand nombre la responsabilité de l’exécution.
Dans cette journée, les Scirites [*](Habitants de là Sciritide, district de le Laconie-septentrionale. Ils formaient un corps spécial d’infanterie-légère. On ignore d’où leur venait le privilège d’occuper un poste d’honneur. ) occupèrent l’aile gauche, poste qui leur est exclusivement réservé. Venaient ensuite les soldats qui avaient fait sous Brasidas la campagne de Thrace, et avec eux les Néodamodes; puis les Lacédémoniens proprement dits, rangés par bataillons ; après eux, les Arcadiens d'Héréa, ceux de Ménale; enfin à l’aide droite les Tégéates [*](Lee Tégéates occupaient l’aile droite de L’armée lacédémonienne d’après un privilège qui leur avait été accordé depuis que leur roi Échémos avait] tué en combat singulier Hyllos, fils d’Hercule (Hérodote, liv. IX, chap. xxvi). ), avec quelques Lacédémoniens à l’extrémité. La cavalerie
Dans l’armée opposée, les Mantinéens occupaient la droite, parce que l’affaire avait lieu sur leur territoire [*](C’était une ancienne coutume grecque. Déjà dans Homère le catalogue des vaisseaux commence par les Béotiens, parce que la flotte s’était rassemblée à Aulis en Béotie. ). Immédiatement après étaient les alliés d’Arcadie; puis les mille soldats d'élite, auxquels depuis longtemps la ville d’Argos fournissait à ses frais l’instruction militaire; ensuite les autres Argiens, et après eux leurs alliés de Cléones et d’Ornées [*](Les villes de Cléones el d’Ornées étaient sujettes des Àrgiens. Thucydide les appelle alliées, parce que, pour les Athéniens, ces deux mots étaient ordinairement synonymes. ) ; enfin les Athéniens à l’extrême gauche, soutenus par leurs cavaliers.
Telles furent les dispositions des deux armées. Les Lacédémoniens parurent supérieurs en nombre ; cependant je ne saurais indiquer au juste le chiffre des uns et des autres, ni en détail ni en totalité. Le nombre des Lacédémoniens était ignoré à cause du mystère de leur gouvernement ; d'autre part on ne peut s'en rapporter aux exagérations de l’orgueil national. Toutefois le calcul suivant permet d’évaluer la force numérique de l’armée lacédémonienne. Sept bataillons figurèrent à cette journée, sans compter les Scirites au nombre de six cents. Chaque bataillon contenait quatre pentécostys; chaque pentécostys quatre énomoties. Dans chaque énomotie quatre hommes formaient le premier rang. Ils ne se placèrent pas tous sur la même hauteur, mais au gré de chaque locbage; en général cependant ils étaient sur huit de hauteur. Dans toute la ligne, déduction faite des Scirites, le front se composait de quatre cent quarante-huit combattants [*](Le front de bataille étant composé de quatre cent quarante-huit hommes sur huit de hauteur, donne trois mille cinq cent quatre-vingt-quatre, et avec les six cents Scirites, un total de quatre müle cent quatre-vingt-quatre combattants. Ce chiffre ne comprend que les hoplites, qui seuls se rangeaient en phalange. Il faut y joindre les cavaliers, les troupes légères, très-nombreuses dans l’armée lacédémonienne, et enfin les alliés, car le calcul de Thucydide ne s’applique qu’aux Lacédémoniens proprement dits. ).