History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.
L’affaire de Platée était une violation flagrante de la paix. Les Athéniens se préparèrent donc à la guerre ; les Lacédémoniens et leurs alliés en firent autant. Les deux partis se disposèrent à envoyer des ambassades soit en Perse soit à d’autres nations barbares, de qui ils espéraient obtenir des secours; enfin ils mirent tout en œuvre pour attirer dans leur alliance les villes étrangères à leur domination. Les Lacédémoniens, indépendamment des vaisseaux qu’ils avaient sous la main, commandèrent aux villes d’Italie et de Sicile qui avaient pris parti pour eux d’en construire d’autres, chacune proportionnellement à sa grandeur, en sorte que la flotte atteignît le chiffre de cinq cents navires. Leurs alliés eurent ordre de préparer un premier contingent d’argent, et, pour le surplus, de demeurer tranquilles, sans recevoir chez eux plus d’un vaisseau athénien à la fois, jusqu’à ce que tout fût prêt. Les Athéniens firent la revue de leurs alliés et envoyèrent des députations, particulièrement aux États qui avoisinent le Péloponèse, à Corcyre, à Céphallénie, en Acarnanie et à Zacynthe. Ils sentaient bien que, s’ils avaient ces peuples pour amis, ils pourraient en toute sûreté porter la guerre sur tous les points du Péloponèse.
De part et d’autre on ne formait que de vastes projets et l’on était plein de feu pour cette guerre. Il ne faut pas s’en étonner : c’est toujours au début qu’on déploie le plus d’ardeur. Ajoutez à cela qu’il y avait à cette époque, soit dans le Péloponèse, soit à Athènes, une nombreuse jeunesse qui, par inexpérience, ne demandait pas mieux que d’essayer de la guerre. Tout le reste de la Grèce était dans l’attente, à la veille do ce conflit des plus puissants États. Dans les cités rivales comme dans les autres, ce n’étaient que présages et que devins qui allaient chantant des oracles. De plus, chose inouïe jusqu’alors, Délos avait éprouvé, peu auparavant, une secousse de tremblement de terre [*](Nouveau démenti donné à Hérodote, lequel (VI, xcvm) affirme que Délos éprouva un tremblement de terre peu avant la guerre Médique. On a cherché assez inutilement «à concilier ces deux assertions contradictoires. ), et l’on voyait dans ce phénomène un pronostic des événements qui se préparaient. Toutes les particularités de ce genre étaient recueillies avec avidité. Du reste, la sympathie générale se prononçait hautement en faveur des Lacédémoniens, surtout depuis qu’ils avaient annoncé l’intention d’affranchir la Grèce. Villes et particuliers rivalisalent
Ce fut avec ces préparatifs et dans ces sentiments que la guerre fut commencée. Il me reste à faire connaître quels étaient dans l’origine les alliés des deux partis.
Les Lacédémoniens avaient pour eux tous les peuples du Péloponèse situés en deçà de l’Isthme, hormis les Argiens et les Achéens qui gardaient la neutralité. Les Pelléniens[*](Pellène, une des douze villes de la confédération achéenne, était située à l’extrémité orientale de ce pays, syr les confins de la Sicyonie. Le lien fédéral entre les villes achéennes était assez faible, à l’époque de la guerre du Péîoponèse, pour que chacune pût agir isolément. Sicyone formait une république indépendante, nullement comprise dans TAchaïe. ( ) furent les seuls de l’Achaïe qui prirent tout d’abord le parti de Lacédémone ; plus tard leur exemple fut suivi par le reste des Achéens. En dehors du Péloponèse, les Mégariens, les Phocéens, les Locriens, les Béotiens, les Ambraciotes, les Leuca-diens, les Anactoriens. Parmi ces peuples, les Corinthiens, les Mégariens, les Sicyoniens, les Pelléniens, les Éléens, les Ambraciotes et les Leucadiens fournissaient des vaisseaux; les Béotiens, les Phocéens et les Locriens, de la cavalerie; les autres de l’infanterie.
Les alliés des Athéniens étaient Chios, Lesbos, Platée, les Messéniens de Naupacte, la majeure partie des Acarnaniens, Corcyre, Zacynthe; à quoi il faut ajouter les villes tributaires situées en divers pays, savoir la Carie maritime, la Doride voisine de la Carie, l’Ionie, l’Hellespont, le littoral de la Thrace, toutes les îles situées à l’orient entre le Péloponèse et la Crète, le reste des Cyclades, excepté Mélos et Théra[*](Ces deux îles étaient des colonies lacédémoniennes. Théra (San-torin) est ordinairement attribuée au groupe des Sporades; mais cette dernière dénomination est inconnue de Thucydide. ). Dans ce nombre, Chios, Lesbos et Corcyre fournissaient des vaisseaux; les autres, de l’infanterie et de l’argent.
Tels étaient les alliés et les ressources des deux partis au début de la guerre[*](Voyez liv. VII, chap. lvu, lviii, une nouvelle énumération des alliés des deux partis à cette seconde époque de la guerre. ).
Aussitôt après l’affaire de Platée, les Lacédémoniens firent savoir à tous leurs alliés, soit du Péloponèse soit du dehors, qu’ils eussent à préparer leurs troupes et le matériel nécessaire pour une expédition hors du pays, ce qui revenait à dire qu’on allait envahir l’Attique. Tout s’étant trouvé prêt pour le moment indiqué, les deux tiers des contingents de chaque État se rassemblèrent à l’Isthme. Dès que l’armée fut réunie, Archi-damos, roi des Lacédémoniens et chef de cette expédition, convoqua les généraux de chaque ville, les principaux officiers et les hommes les plus éminents, et leur adressa l’allocution suivante :
« Péloponésiens et alliés, nos pères ont bien des fois porté les armes dans le Péloponèse ou au dehors, et les plus Agés d’entre vous ne sont pas sans expérience de la guerre. Jamais cependant nous ne sommes entrés en campagne arec un appareil plus formidable qu’aujourd’hui. Ayant affaire à une ville très-puissante, nous avons voulu allier le nombre à la valeur. On est donc en droit d’attendre que nous ne serons pas moins braves que nos pères, que nous ne resterons pas au-dessous de notre renommée. La Grèce entière, vivement émue de notre entreprise, a les regards fixés sur nous et, dans son inimitié contre Athènes, elle fait des vœux pour nos succès.
« Néanmoins, malgré notre supériorité numérique et le peu d’apparence que l’ennemi accepte le combat, gardons-nous de marcher sans précaution. Généraux et soldats de chaque ville doivent toujours être sur le qui-vive. A la guerre, rien d’assuré; le plus souvent les attaques sont brusques et inopinées. Que de fois n'a-t-on pas vu des armées moindres, mais sur leurs gardes, triompher d’adversaires plus nombrenx, mais plongés dans une trompeuse sécurité ? Il faut toujours, en pays ennemi, s’avancer le cœur plein de confiance, mais en réalité avec une circonspection craintive; c’est le moyen d’assurer l’attaque et la défense.
« La ville contre laquelle nous marchons, loin d’être sans forces, est abondamment pourvue de tout. Si jusqu’à ce jour les ennemis sont restés immobiles, c’est que nous étions encore éloignés ; mais tout porte à croire qu iis sortiront en bataille du moment qu’ils nous verront dévaster leurs propriétés. Le spectacle d’un dommage inaccoutumé ne manque jamais d’enflammer la colère; alors on ne réfléchit plus, on agit avec emportement. Ce doit être surtout le cas pour les Athéniens, qui prétendent commander aux autres, et qui sont plus habitués à ravager le pays d’autrui qu’à voir ravager le leur.
« Puis donc que nous portons les armes contre une ville si puissante, et que notre renommée, à nous et à nos ancêtres, doit dépendre de nos succès ou de nos revers, suivez la route qui vous sera tracée. Observez avant tout la discipline, soyez vigilants, soyez prompts à saisit· les commandements. Rien n’est plus beau ni plus sûr à la fois qu’une armée nombreuse qui se meut avec une parfaite unité. »
Lorsqu’il eut achevé ce discours et congédié l’assemblée, Archidamos fit partir pour Athènes le Spartiate Mélésip-pos, fils de Diacritos, afin de savoir si les Athéniens, voyant