History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.

Vers là même époque, Oreste fils d’Échécratidas, chassé de la Thessalie dont il était roi[*](LaThessalie ne formait point un royaume unique, mais chaque ville avait son gouvernement particulier. Oreste ne devait donc être roi que de Pharsale. Hérodote (VIII, Lxm) qualifie également de rois de Thessalie les Alévades de Larisse. ), persuada aux Athéniens de l’y rétablir. Ceux-ci, prenant avec eux leurs alliés de Béotie et de Phocide, marchèrent contre Pharsale en Thessalie; mais, contenus par la cavalerie thessalienne, ils ne purent se rendre maîtres que du terrain qu’ils occupaient, sans s’éloigner de leur camp. Ils ne prirent point la ville ; et, voyant s’évanouir tous leurs projets, ils s’en retournèrent comme ils étaient venus, et ramenèrent Oreste avec eux.

Peu de temps après, mille Athéniens s’embarquèrent à Pa-gæ, place qui leur appartenait alors, et suivirent la côte jusqu’à Sicyone, sous la conduite de Périclès fils de Xanthippos. Ils descendirent à terre, défirent ceux des Sicyonieus qui voulurent leur résister ; puis, prenant un renfort d’Acbéens, ils passèrent sut la rive opposée et allèrent assiéger OEni^des en Acarnanie[*](Ville maritime d’Acarnanie, à l’embouchure de l’Âchéloos. Elle était indépendante et fréquemment en guerre avec les Achéens, en faveur desquels les Athéniens paraissent avoir fait cette expédition. ); mais ils ne réussirent pàs à s’en emparer, et revinrent à Athènes.

Trois ans après ces événements [*](L’an 450 av. J. C.), une trêve de cinq années fut conclue entre les Péloponésiens et les Athéniens. Ceux-ci, se trouvant en paix avec les Grecs, portèrent leurs armes en Cypre, avec deux cents vaisseaux d’Athènes et des alliés, sous le commandement de Cimon. Soixante bâtiments furent détachés de cette flotte pour aller en Égypte, à la demande d’Amyrtée, roi des marais. Le reste assiégea Cition ; mais la mort de Cimon et la famine qui survint forcèrent les Athéniens à lever le siége. En passant à la hauteur de Salamine en Cypre, ils eurent à combattre sur mer et sur terre les Phéniciens et les Ciliciens. Vainqueurs dans ces deux rencontres, ils regagnèrent leurs foyers. Les vaisseaux envoyés en Égypte rentrèrent également.

Les Lacédémoniens firent ensuite la guerre dite sacrée. Maîtres du temple de Delphes, ils le remirent aux Delphiens ; mais,

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après leur retraite, une armée athénienne s’en empara de nouveau et le rendit aux Phocéens[*](La haute surveillance de l’oracle de Delphes appartenait aux Amphictyons; mais, dans l’intervalle des sessions de cette assemblée, l’administration des affaires courantes, la justice criminelle et la garde du temple étaient du ressort du gouvernement local. Les Delphiens avaient un régime oligarchique, en harmonie avec celui de Lacédémone, tandis que les Phocéens, alors alliés d’Athènes, se gouvernaient démocratiquement. La ville de Delphes, bien que comprise dans les limites générales de la Phocide, était indépendante des autres cités phocéennes, et faisait bande à part. ).

A quelque temps de là, eut lieu l’expédition des Athé niens en Béotie. Les exilés béotiens occupaient Orchomène, Chéronée et d'autres places de ce pays. Les Athéniens, avec mille de leurs hoplites et les contingents des alliés, marchèrent contre ces villes ennemies, sous la conduite de Tolmidès, fils de Tolméos. Ils prirent Chéronée, y mirent garnison et se retirèrent. Ils étaient en chemin et sur le territoire de Coronée, lorsque les exilés béotiens d’Orchomène, soutenus par des Locriens, par des réfugiés eubéens et par tous ceux qui étaient de la même opinion [*](C’est-à-dire de l’opinion aristocratique, la présence des Athéniens ayant momentanément donné gain de cause au parti populaire, et occasionné l’exil des hommes les plus marquants du parti opposé. ), les attaquèrent, les mirent en fuite, les tuèrent ou les prirent. Pour obtenir qu’on leur rendît leurs prisonniers, les Athéniens firent la paix et s’engagèrent à évacuer la Béotie. Les exilés béotiens rentrèrent donc chez eux, et le pays recouvra son indépendance.

Peu de temps après, l’Eubée se souleva contre les Athéniens[*](Cette révolte, ainsi que celle de Mégare, fut une conséquence naturelle de la perte de la Béotie par les Athéniens. ). Déjà Périclès y avait conduit une armée athénienne, lorsqu’il apprit que Mégare était révoltée, que les Péloponé-siens menaçaient l’Attique, enfin que la garnison athénienne avait été massacrée par les Mégariens, excepté ce qui avait pu se réfugier à Niséa. Les Mégariens ne s’étaient portés à la révolte qu’après s’être assuré l’appui de Corinthe, de Sicyone et d'fî-pidaure. Périclès se hâta de ramener ses troupes de l’Eubée. Les Péloponésiens, commandés par Plistoanax, fils de Pausanias et roi de Lacédémone, envahirent l’Attique ; ils s’avancèrent jusqu’à Eleusis et à la plaine de Thria, qu’ils ravagèrent; mais ils ne poussèrent pas plus loin et opérèrent leur retraite. Alors les Athéniens, conduits par Périclès, repassèrent dans l’Eubée et la soumirent en entier. Ils reçurent à composition la plupart des villes; mais ils expulsèrent les Hestiéens[*](Hestiéa ou Histiéa était une ville du N. de l’Eubée, dans un canton extrêmement fertile. Depuis que les Athéniens s’en furent emparés, en y établissant une colonie de deux mille de leurs concitoyens, elle prit le nom d’Oréos qu’elle a toujours conservé. ), dont ils confisquèrent le territoire[*](C’est-à-dire qu’ils se mirent en possession de leurs terres, et les partagèrent au sort entre des colons athéniens. Cette espèce de colonisation s’appelait κληρουχία et les colons κληροῦχοι. Voyez II, xxvn; III, L, note 1. ).

Immédiatement après leur retour d’Eubée, ils firent avec les Lacédémoniens et leurs alliés une paix de trente ans [*](L’an 445 av. J. C.). Ils rendirent les portions du Péloponèse qu’ils occupaient, savoir Niséa, Pagæ, Trézène et l’Achaïe [*](On a vu au chap. III que les Achéens étaient alliés des Athéniens; mais, pour ce qui est de Trézène, Thucydide ni aucun autre auteur ne dit à quelle occasion elle était entrée dans l’alliance d’Athènes. La môme énumération se lit au liv. IV, ch. xxi. ).

Six ans plus tard, il s’éleva entre Samos et Milet une guerre au sujet de Priène. Les Milésiens, qui avaient le dessous, vinrent à Athènes, jetant feu et flammes contre les Samiens. Ils étaiçnt secondés par quelques particuliers de Samos qui désiraient

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une révolution. En conséquence les Athéniens firent voile pour Samos avec quarante vaisseaux et y établirent la démocratie ; ils prirent pour otages cinquante enfants et autant d’hommes qu’ils déposèrent à Lemnos, mirent garnison à Samos et se retirèrent. Alors un certain nombre de Samiens, qui avaient émigré sur le continent, se liguèrent avec les plus puissants de la ville et avec Pissouthnès fils d’Hystaspe, gouverneur de Sardes; ils réunirent sept cents auxiliaires et passèrent de nuit à Samos. D’abord ils se mirent en insurrection contre le parti démocratique, dont ils triomphèrent presque entièrement ; ensuite ils enlevèrent de Lemnos leurs otages et se déclarèrent en état de révolte. Ils livrèrent à Pissouthnès la garnison athénienne, ainsi que les fonctionnaires établis dans leur ville [*](Apparemment des employés civils que les Athéniens avaient placés à Sames. ), et préparèrent aussitôt une expédition contre Milet. La ville de Byzance était complice de cette défection.

A cette nouvelle, les Athéniens firent voile pour Samos avec soixante vaisseaux ; ils en détachèrent seize, les uns vers la Carie pour observer la flotte phénicienne, les autres vers Chios et Lesbos pour demander du seceurs. Ce fut donc avec quarante-quatre vaisseaux que les Athéniens, commandés par Périclès et neuf autres généraux, livrèrent bataille devant l’île de Tragie[*](Petite île au sud de Samos et à l’entrée du grand golfe dé Milet. ) à soixante-dix vaisseaux samiens, dont vingt portaient des soldats [*](Bâtiments de transport, appropriés à l’embarquement des troupes de terre, comme on en avait aussi pour le transport des chevaux. C’était sans doute l’armée expéditionnaire dirigée par les Samiens contre Milet. ). Toute cette flotte revenait de 'Milet. Les Athéniens furent vainqueurs. Ayant ensuite reçu un renfort de quarante vaisseaux athéniens et de vingt-cinq de Chios ou de Lesbos, ils descendirent à terre ; et, après un nouvel avantage, ils cernèrent la ville au moyen de trois murs [*](Cela doit s’entendre de trois forts élevés contre les trois côtés de la ville qui regardent la terre, et non d’une muraille triple, qui eût été sans objet. ) en même temps qu’ils la bloquaient par mer. Sur l’avis que là flotte phénicienne approchait, Périclès détacha de la croisière soixante vaisseaux, avec lesquels il se porta rapidement vers Caunos et la Carie ; il savait que Stésagoras et d’autres Samiens étaient partis avec cinq vaisseaux pour la même destination.