History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.
LXXXI. Thrasybule, qui, depuis la révolution qu’il avait opérée, était toujours dominé par la pensée de faire rappeler Alcibiade, parvint enfin, de concert avec ceux qui dirigeaient les affaires à Samos, à obtenir, dans une assemblée, l’assentiment de la majorité des soldats. Après avoir fait voter par eux le rappel d’Alcibiade, avec toutes garanties pour sa personne, il alla le trouver auprès de Tissaphernes et le ramena à Samos. Car il ne voyait d’autre chance de salut que [*](1 Voyei I. vin, 39.) [*](* Contre les Athéniens.)
LXXXII. Après avoir entendu ces promesses et beaucoup d’autres, ils l’élurent aussitôt général, concurremment avec ceux déjà nommés, et lui remirent toutes les affaires. Chacun croyait dès lors son salut si bien assuré, le châtiment des quatre cents si certain, qu’il n’eût échangé contre rien au monde cette double espérance. Déjà ils étaient tout disposés, d’après ce qu’ils venaient d’entendre, à cingler incontinent vers le Pirée, sans tenir aucun compte des ennemis qui étaient devant eux. Mais Alcibiade s'opposa absolu-
LXXXIII. Quand les Péloponnésiens, stationnés à Milet, apprirent le rappel d’Alcibiade, leurs défiances antérieures contre Tissaphernes s’accrurent, leurs récriminations devinrent plus violentes. Ce n’était pas là leur seul grief : Tissaphernes, devenu beaucoup plus négligent à payer le subside depuis le jour où ils avaient refusé le combat, lors de la pointe des Athéniens sur Milet, avait fourni par là un nouveau prétexte à la haine qu’ils lui portaient précédemment à cause d’Alcibiade. Les soldats s’attroupaient, comme ils l’avaient fait auparavant; déjà ce n’était plus seulement la soldatesque, c’étaient aussi quelques hommes plus considérables qui rappelaient qu’on n’avait jamais reçu la solde entière; que le subside, quelque minime qu’il fût, n’était même pas payé régulièrement; qu’à moins de livrer un combat naval décisif, ou de se transporter sur un point où l’on pourrait trouver à vivre[*](Thucydide a ici eu vue les offres de Pharnabaxe.), on [*](1 Thucydide a ici eu vue les offres de Pharnabaxe.)
LXXXIV. Comme on se livrait à ces réflexions, une sorte de mouvement séditieux eut lieu contre Astyochos; voici à quelle occasion : les matelots de Syracuse et de Thurium, de condition libre pour la plupart, se montraient par cela même d’autant plus arrogants et pressants dans leurs réclamations au sujet de la paye. Astyochos répondit avec quelque hauteur, menaça même Doriée qui appuyait les demandes de son équipage et leva sur lui son bâton. A cette vue, la masse des soldats pousse des cris et, avec toute la violence des gens de mer, se précipite sur Astyochos pour le frapper. Celui-ci, prévoyant le danger, chercha un refuge auprès d’un autel; il ne fut pas blessé, et la foule se dispersa.
Les Milésiens attaquèrent par surprise le fort bâti dans leur ville par Tissaphernes, s’en emparèrent et en chassèrent la garnison[*](Lorsque Milet, après sa défection, se soumit à Tissaphernes, il bâtit un fort dans la ville et y mit garnison (voyez I. vm, ch. 58).). Ils eurent en cela l’assentiment des autres alliés, et en particulier des Syracusains. Mais Lichas blâma cette mesure[*](Lichas était à la tête des commissaires lacédémoniens chargés de surveiller Astyochos (voyez 1. vin, ch. 43, 52).) : il dit que les Milésiens et tous ceux qui habitaient sur les terres du Roi devaient rester soumis à Tissaphernes à des conditions modérées, et le ménager jusqu’à ce que la guerre fût terminée heureusement. Les Milésiens, qui avaient contre lui d’autres griefs analogues, ne lui pardonnèrent pas ce propos et, lorsque plus tard il mou- [*](1 Lorsque Milet, après sa défection, se soumit à Tissaphernes, il bâtit un fort dans la ville et y mit garnison (voyez I. vm, ch. 58).) [*](* Lichas était à la tête des commissaires lacédémoniens chargés de surveiller Astyochos (voyez 1. vin, ch. 43, 52).)
LXXXV. Les choses en étaient là, lorsqu’au plus fort de cette irritation contre Aslyochos et contre Tissaphernes arriva de Lacédémone Mindaros, successeur d’Astyochos dans le commandement de la flotte. Astyochos lui remit ses pouvoirs et s’embarqua. Tissaphernes fit partir avec lui, en qualité d’ambassadeur, un de ses affidés, nommé Gaulitès, Carien qui parlait les deux langues[*](Celle des barbares et celle des Grecs. C’était parmi les Cariens f|ue les Perses choisissaient ordinairement les interprètes, dans leurs rapports avec les Grecs.). Il avait mission de se plaindre des Milésiens au sujet du fort, et en même temps de justifier Tissaphernes : car celui-ci savait que les Milésiens étaient partis surtout pour l’accuser, et qu’avec eux se trouvait Hermocrates, qui devait le représenter comme un homme double, ruinant avec Alcibiade les affaires du Péloponnèse. Tissaphernes ne lui avait jamais pardonné depuis les contestations au sujet de la solde. Lorsqu’en dernier lieu les Syracusains Je bannirent et envoyèrent à Milet d’autres généraux, Potamis, Myscon, Démarches, pour commander leur flotte, Tissaphernes montra contre lui, quoique exilé, plus d’acharnement encore, et l’accusa, entre autres choses, de lui en vouloir parce qu’il n’avait pas obtenu une somme d’argent qu’il avait autrefois sollicitée de lui. Pendant qu’Aslyochos, les Milésiens et Hermocrates faisaient voile pour Lacédémone, Alcibiade était déjà de retour à Samos d’auprès de Tissaphernes.
LXXXVI. Les députés des quatre cents, envoyés [*](1 Celle des barbares et celle des Grecs. C’était parmi les Cariens f|ue les Perses choisissaient ordinairement les interprètes, dans leurs rapports avec les Grecs.)
Il se trouvait aussi là des députés d’Argos envoyés à Samos, auprès des Athéniens, pour offrir des secours au parti populaire. Alcibiade les félicita, les engagea à venir au premier appel, et les congédia. C’étaient les Paraliens qui avaient amené ces ambassadeurs d’Argos. Embarqués précédemment sur un bâtiment affecté au transport des hoplites, avec ordre de croiser autour de l’Eubée, ils avaient reçu ensuite mission de transporter à Lacédémone Lespodias, Aristophon et Mélésias, envoyés comme ambassadeurs par les quatre cents. Mais, une fois à la hauteur d’Argos, ils avaient arrêté et livré aux Argiens ces députés, comme ayant joué un des principaux rôles dans l’abolition de la démocratie. Quant à eux, au lieu de retourner à Athènes, ils avaient pris à leur bord les députés argiens et les avaient amenés à Samos.
LXXXVII. Le même été, au moment où divers motifs et surtout le rappel d’Alcibiade irritaient au plus
LXXXVIII. Alcibiade, dès qu’il apprit que Tissaphernes se dirigeait vers Aspendos, s’y rendit de son côté avec treize vaisseaux. Il avait promis aux Athéniens de Samos de leur rendre un service signalé, sans qu’ils eussent aucun péril à courir; c’était de leur amener la flotte phénicienne ou de l’empêcher de se réunir aux Lacédémoniens. Il savait probablement de longue main que Tissaphernes était résolu à ne pas amener cette flotte, et il voulait, par cette apparence de concert avec lui, provoquer chez les Péloponnésiens des récriminations plus vives qui le forceraient d'autant mieux à s’entendre avec les Athéniens. Il mit donc à la voile et cingla droit à l’est de Phasélis[*](Caune devait être nommée d’abord; mais ces inversions sont assez fréquentes citez Thucydide.) et de Caune.
[*](1 Caune devait être nommée d’abord; mais ces inversions sont assez fréquentes citez Thucydide.)LXXXIX. Les ambassadeurs envoyés par les quatre cents rapportèrent, à leur retour de Samos à Athènes, ce que leur avait dit Alcibiade : qu’il engageait à tenir ferme contre l’ennemi, sans lui faire aucune concession, et qu’il avait bon espoir de réconcilier l’armée avec eux et de triompher des Péloponnésiens. Déjà la plupart de ceux qui avaient été mêlés au mouvement oligarchique en étaient aux regrets et ne demandaient pas mieux que de trouver une issue quelconque pour sortir de là s’ils le pouvaient sans danger. Leur confiance s’en accrut; ils formaient des réunions, ils critiquaient l’ordre de choses présent. A leur tête étaient des hommes du plus grand poids dans le parti oligarchique, généraux, fonctionnaires en charge, tels que Théramènes, fils d’Agnon, Aristocrates, fils de Scellias, et d’autres encore. Quoiqu’aux premiers rangs parmi les chefs actuels du gouvernement, ils redoutaient— et ils ne s’en cachaient pas — l’armée de Samos et Alcibiade; ils craignaient que les ambassadeurs envoyés à Lacédémone ne prissent sans la participation du peuple quelque mesure compromettante pour la république; aussi, tout en se gardant de dire qu’il fallait modifier l’ordre actuel comme concentrant le pouvoir dans un cercle trop étroit, ils réclamaient pour les cinq mille une action politique réelle et non plus nominale, et un gouvernement plus conforme aux principes d’égalité. Mais la raison politique, mise ainsi en avant, n’était qu’un leurre; en réalité, la plupart d’entre eux, dans des vues d’ambition privée, cédaient à des préoccupations personnelles, fatales surtout à une oligarchie issue de la démocratie. Car alors une rivalité incessante s’établit entre tous; ce n’est plus à l’égalité qu’on as-
XC. Ceux des quatre cents qui étaient le plus opposés à cette forme politique et qui avaient la haute direction des affaires, Phrynichos, autrefois adversaire d’Alcibiade, lors de son commandement à Samos, Aristarchos, depuis longtemps l’ennemi le plus déclaré de la démocratie, Antiphon et quelques autres des chefs les plus puissants, avaient précédemment envoyé à Lacédémone des députés pris parmi eux, aussitôt après la révolution. Lorsque Samos se fut insurgée contre eux en faveur de la démocratie, ils en firent partir d’autres, donnèrent tous leurs soins au maintien de l’oligarchie et se mirent à élever un fort au lieu nommé Éétionée. Ils redoublèrent d’activité, lorsqu’après le retour des ambassadeurs qu’ils avaient envoyés à Samos, ils virent le changement qui s’opérait dans la multitude et chez ceux des leurs qu’ils croyaient auparavant dévoués. Inquiets et à l’intérieur et du côté de [*](1 C’est-à-dire par ceux qui concourent arec vous à l'élection. Comme on est l’égal de chacun d’eux, leur choix ne Tait déchoir personne, d'autant plus que chacun peut toujours intérieurement protester contre les résultats de l’élection, et se croire supérieur à ceux qui ont été favorisés. Dans une oligarchie, au contraire, on ne s’élève qu’en abaissant les autres et en leur faisant sentir sa supériorité.)
XCI. Théramènes donc récriminait partout à ce sujet; et, lorsque les députés furent revenus de Lacédémone sans avoir conclu aucun accord général[*](Us pouvaient avoir traité personnellement, dans l’intérêt dos quatre cents, mais non pas au nom de la république.), il dit qu’Athènes risquait fort de périr par ce mur. En effet, il se trouva qu’à cette même époque une flotte forte de quarante-deux vaisseaux, parmi lesquels des bâtiments italiens de Tarente et de Locres et quelques vaisseaux siciliens, était partie du Péloponnèse sur l’appel des Eubéens. Le Spartiate Hagésandridas, fils d’Hagésandros, la commandait. Déjà elle mouillait à Las, en Laconie, et se disposait à faire voile pour l’Eubée. Théramènes prétendit quelle était destinée à ceux qui fortifiaient Éétionée, bien plutôt qu’à l’Eubée, et que, si on ne se hâtait de se mettre en garde, on serait surpris et écrasé. Ceux sur qui tombait cette accusation y prêtaient jusqu’à un certain point, et ce n’était pas tout à fait une calomnie sans fondement; leur but, était, avant tout, de maintenir le gouvernement oligarchique et de conserver l’autorité, même sur les alliés; sinon, de disposer de la flotte et des murs pour assurer leur indépendance; que si même ce dernier espoir leur échappait, ils voulaient, pour ne pas tomber les premiers sous les coups du parti poulaire revenu au pouvoir, introduire les ennemis, traiter avec eux moyennant le sacrifice des murs et de la flotte, et conserver, à telles conditions que ce fût, l’administration [*](1 C’était un moyen de contenir la ville par la famine.) [*](9 Us pouvaient avoir traité personnellement, dans l’intérêt dos quatre cents, mais non pas au nom de la république.)
XCII. Aussi s’empressaient-ils d’achever ces fortifications; ils ménageaient de petites portes, des entrées, des passages pour les ennemis, et voulaient que tout fût terminé avant le moment décisif.
D’abord les murmures circulèrent secrètement et entre peu de personnes. Mais, sur ces entrefaites, Phrynichos, au retour de son ambassade à Lacédémone, fut frappé de guet-apens et tué sur le coup par un des péripoles, en pleine place publique, au moment de la plus grande affluence et presque au sortir du sénat. Le meurtrier s’échappa; un Argien, son complice, arrêté et mis à la question par les quatre cents, ne dénonça aucun instigateur et dit seulement qu’il était à sa connaissance que de nombreuses réunions avaient lieu chez le commandant des péripoles et dans d’autres maisons. Comme il ne lut donné aucune suite à cette affaire, Théramèhes, Aristocrates et tous ceux qui pensaient de même, soit parmi les quatre cents, soit en dehors, mirent la main à l’oeuvre avec plus de résolution. Déjà, en effet, la flotte partie de Las était parvenue, en côtoyant, jusqu’à Épidaure, et avait fait de là une pointe sur Égine. Théramènes faisait remarquer qu’il n’était pas vraisemblable, si sa destination était l’Eubée, qu’elle fût entrée dans le golfe d’Égine, ni qu’elle fût revenue stationner à Épidaure si elle n’eût été mandée précisément dans le but que lui-même ne cessait de dénoncer; qu’il n’était donc plus possible d’hésiter à agir. Enfin, après bien des discours propres à semer le soupçon et la sédition, on en vint aux effels. Les hoplites qui élevaient au Pirée les fortifications
Les quatre cents se trouvaient alors en séance au sénat : à la première nouvelle du mouvement, ils se disposèrent à courir aux armes, — excepté pourtant ceux qui n’étaient pas dans les mêmes sentiments, — et se répandirent en menaces contre Théramènes. Celui-ci, pour se justifier, déclara qu’il était prêt à aller sur-lechamp avec eux délivrer Alexiclès; il prit avec lui un des généraux, qui partageait ses vues, et courut au Pirée. Aristarchos s’y porta également avec des jeunes gens de Tordre des chevaliers. Le tumulte et l’épouvante étaient partout : à la ville, on se figurait déjà que le Pirée était pris et le prisonnier égorgé; au Pirée, on s’attendait d’un moment à l’autre à une irruption du côté de la ville. Dans la ville, on se précipitait de toutes parts et on courait aux armes; ce ne fut qu’à grand’peine que les vieillards et Thucydides de Pharsale, proxène d’Athènes, qui se trouvait là, parvinrent à les contenir; Thucydides se jetait au-devant de chacun, leur criait de ne pas perdre la patrie qund l’ennemi était aux portes et épiait le moment; enfin ils se calmèrent et n’en vinrent pas aux mains.
Théramènes arriva au Pirée : comme il était luimême général, il s’emporta fort contre les hoplites, mais seulement en paroles. Aristarchos, au contraire,
XCIII. Le lendemain, les quatre cents, malgré leur trouble, se réunirent en conseil. Les hoplites du Pirée relâchèrent Alexiclès qu’ils avaient arrêté; après la [*](1 C’est-à-dire détruire le mur.) [*](* Et par conséquent affermissait le pouvoir aux mains des oligarques.)
XCIV. Le jour fixé pour l’assemblée dans le temple de Bacchus, et au moment même où l’on allait se réunir, la nouvelle arriva qu’Hagésandridas, parti de Mégare avec ses quarante-deux vaisseaux, côtoyait Salamine. Il n’y eut aucun des hoplites qui ne vît dans cetévénement la réalisation des craintes exprimées autrefois par Théramènes et ses partisans; on crut que cette flotte venait occuper les fortifications et qu’on avait eu raison de les démolir. Et dans le fait c’était peut-être par suite de quelques intelligences qu’Hagésandridas croisait en vue d’Épidaure et dans les envi- [*](1 Temple de Castor et Pollux, au pied de l’Acropole.)
XCV, La flotte péloponnésienne, après avoir rangé la côte et doublé Sunium, mouilla entre Thoricos et Prasies, puis gagna Oropos. Les Athéniens dirigèrent sur Érétrie une flotte commandée par Timocharès; mais ils avaient été obligés d’appareiller à la hâte et d’employer des équipages mal exercés, conséquence nécessaire des troubles politiques et de l’empressement qu’ils mirent à secourir la plus importante de leurs possessions; car, l’Attique investie, l’Eubée était tout pour eux. Cette flotte, réunie aux bâtiments qui se trouvaient précédemment en Eubée, comptait trentesix vaisseaux et fut tout d’abord obligée à combattre. En effet, Hagésandridas mit à la voile d’Oropos, aussitôt après le premier repas. — Oropos n’est séparé d’Érétrie que par un bras de mer de soixante stades. Dès qu’on le vit s’avancer, les Athéniens s’empressèrent d’embarquer leurs équipages, persuadés que leurs soldats étaient à portée des vaisseaux. Mais ceux-ci, [*](1 Je lis avec la plupart des interprètes, et conformément à la correction du scoliaste de Thucydide : ὡς τοῦ ἰδίου πολέμου μείζονος τοῦ ἀπὸ τ. π.)
XCVI. Quand on apprit à Athènes les événements d’Eubée, ce fut une consternation jusque-là sans exemple : ni le désastre de Sicile, quelque immense qu’il eût semblé alors, ni aucun autre malheur n’avait causé encore une telle stupeur. L’armée de Samos insurgée contre eux; ni vaisseaux de rechange, ni équipages pour les monter; la sédition dans la ville, sans qu’on
XCVII. Cependant, sur ces nouvelles, les Athéniens équipèrent vingt vaisseaux et se formèrent aussitôt en assemblée dans le lieu nommé Pnyx, consacré autrefois à cet usage : c’était la première réunion depuis la ré-
XCVIII. Au milieu de cette révolution, Pisandre, Alexiclès et tous les principaux partisans de l’oligarchie se sauvèrent aussitôt à Décélie. Seul parmi eux, Aristarchos, qui était aussi général, prit à la hâte quelques archers des plus barbares et se dirigea vers CEnoé, fort des Athéniens Sur les frontières de la Béotie. Les Corinthiens qui avaient contre cette place un grief particulier, la perte de leurs gens, tués par ceux d’OEnoé, à leur retour de Décélie, l’assiégeaient en leur propre nom, avec le secours de quelques Béotiens qu’ils avaient appelés. Aristarchos se mit en rapport avec eux et trompa la garnison d’OEnoé, en lui disant qu’à la ville on était d'accord avec les Lacédémoniens sur tous les points et qu’ils devaient eux-mémes livrer OEnoé, sui [*](1 Depuis la restauration delà démocratie*)
XCIX. Vers la même époque de cet été, les Péloponnésiens qui étaient à Milet se lassèrent de leur situation : ils ne recevaient plus le subside d’aucun des agents que Tissaphernes avait chargés de le payer, lors de son départ pour Aspendos; ni la flotte phénicienne, ni Tissaphernes ne paraissaient; Philippe, envoyé à la suite de Tissaphernes, et Hippocrates, autre Spartiate, alors à Phasélis, écrivaient à Mindaros, commandant de la flotte, que les vaisseaux ne viendraient pas; qu’en tout Tissaphernes les trahissait; que d’un autre côté Pharnabaze les appelait; qu’il était disposé, si on lui amenait la flotte, à faire soulever contre les Athéniens, comme l’avait fait Tissaphernes, le reste des villes de son gouvernement, dans l’espoir de tirer de là quelque avantage. Par ces divers motifs, Mindaros donna soudain l’ordre du départ, afin d’en dérober la connaissance à la flotte de Samos; il mit à la voile avec beaucoup d’ordre et se dirigea de Milet vers l’Hellespont. Déjà seize vaisseaux y étaient entrés, dans le cours du même été, et avaient porté le ravage dans une partie de la Chersonnèse. Mindaros, battu par une tempête, fut forcé de relâcher à Icaros, où il séjourna cinq ou six jours, et aborda ensuite à Chio.
C. Thrasylle, dès qu’il apprit son départ de Milet, mit lui-même à la voile sur-le-champ, et se porta rapidement de Samos vers l’Hellespont, afin de n’y être