History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

CI. Cependant Mindaros et la flotte péloponnésienne en relâche à Chio, après avoir fait des vivres pendant deux jours et levé sur les habitants trois tessaracostes de Chio par homme, partirent de Chio le troisième jour. Craignant, s’ils prenaient le large, de rencontrer la flotte d’Éressos, ils laissèrent Chio sur la gauche, se dirigèrent vers le continent et touchèrent au port de Carteries, dépendance de Phocée, où ils prirent leur premier repas. De là ils côtoyèrent le rivage de Cymé et allèrent souper aux Arginuses, sur le continent, en face de Mytilène. Ils continuèrent à ranger la côte une grande partie de la nuit, et arrivèrent à Harmatous, sur le continent, en face de Méthymne. Après le repas du matin, ils longèrent rapidement Lectos, Larissa, Hamaxitos et les autres places de ces contrées, et arrivèrent avant le milieu de la nuit à Rhoetion, qui est déjà sur l’Hellespont. Quelques vaisseaux abordèrent à Sigée et sur d’autres points de cette plage.

CII Les Athéniens, qui étaient à Sestos avec dixhuit bâtiments, furent avertis par les feux de leurs vedettes et par le grand nombre de ceux qu’ils virent tout à coup s’allumer dans les campagnes ennemies, que les Péloponnésiens entraient dans l’Hellespont. Ils se dérobèrent cette nuit même, avec toute la célérité possible, se dirigèrent vers la Chersonnèse et rangèrent la côte jusqu’à Éléous, afin d’éviter la flotte ennemie en gagnant le large. Ils échappèrent aux seize vaisseaux d’Abydos[*](Aux vaisseaux péloponnésiens.), quoique la flotte péloponnésienne qui arrivait eût prévenu ces derniers de faire bonne garde, et de se tenir prêts pour le cas où les Athéniens [*](1 Aux vaisseaux péloponnésiens.)

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tenteraient de sortir. Mais à l’aurore ils découvrirent les vaisseaux de Mindaros et se hâtèrent de fuir, sans pouvoir cependant échapper à tous. La plupart se réfugièrent à Imbros et à Lemnos; mais les quatre vaisseaux qui fermaient la marche furent atteints en côtoyant Éléous : l’un, poussé à terre vers la chapelle de Protésilas, fut pris avec son équipage; deux autres étaient abandonnés quand ils tombèrent aux mains de l’ennemi; le dernier, également abandonné, fut brûlé près d’Imbros.

CIII Les Péloponnésiens réunirent ensuite les deux flottes, comprenant en tout quatre-vingt-six vaisseaux, et assiégèrent ce même jour Éléous; mais l’entreprise échoua et ils se retirèrent à Abydos. Les Athéniens, mal servis par leurs vigies et persuadés que la flotte ennemie ne pouvait passer à leur insu, continuaient à battre à loisir les murs d’Éressos. A la première nouvelle, ils abandonnèrent le siége et se dirigèrent en toute hâte vers l’Hellespont. Deux vaisseaux péloponnésiens qui, dans l’ardeur de la poursuite[*](Très-probablement en poursuivant les vaisseaux partis de Sestos.), s’étaient trop avancés en mer, tombèrent au milieu d’eux et furent pris. Ils arrivèrent le lendemain à Éléous, y mouillèrent, recueillirent tous ceux de leurs bâtiments qui s’étaient réfugiés à Imbros, et pendant cinq jours se préparèrent au combat.

CIV. L’action s’engagea ensuite dans l’ordre suivant : les Athéniens, rangés à la file, longeaient la côte de Sestos; les Péloponnésiens, qui d’Abydos avaient vu leur mouvement, s’avançaient à leur rencontre. [*](1 Très-probablement en poursuivant les vaisseaux partis de Sestos.)

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Quand on reconnut que le combat était inévitable, les deux flottes étendirent leurs lignes : celle des Athéniens, forle de soixante-seize vaisseaux, occupait, le long de la Chersonnèse, depuis Idacos jusqu’à Harrhianes; celle des Péloponnésiens s’étendait d’Abydos à Dardanos et comptait quatre-vingt-dix-huit bâtiments. A la droite des Péloponnésiens étaient les Syracusains; à l’autre aile Mindaros et les vaisseaux qui manoeuvraient le mieux. Du côté des Athéniens, Thrasylle occupait la gauche, Thrasybule la droite; entre eux deux étaient les autres généraux, chacun à leur rang Les Péloponnésiens, impatients de commencer, donnerent les premiers : ils voulaient, en étendant leur gauche dépasser la droite des Athéniens, les empêcher, s'(??)était possible, de gagner le large, les charger au centre t les pousser à la côte qui n’était pas éloignée. Les athéniens, voyant cette manoeuvre, s’étendirent du còé, où l’ennemi voulait les enfermer, prirent l’avance et le débordèrent. Leur gauche avait déjà dépassé le proraoitoire de Gynossêma, de sorte que, par cette manoeuvre, ils se trouvaient n’avoir plus au centre que des vaisstaux faibles, épars, moins nombreux d’ailleurs que ceux de l’ennemi. De plus, la côte de Gynossêma formant une courbe profondément dentelée, il était impossible Apercevoir de là ce qui se passait plus loin.

CV. Les Péloponnésiens jetèrent donc sur le centre, poussèrent à sec les 'aisseaux athéniens, poursuivirent l’ennemi à terre, et obtinrent sur ce point une supériorité marquée. Il état impossible à Thrasybule, occupé par la multitude devaisseaux qu’il avait devant lui, de se porter de la droite au centre, et Thra-

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sylle ne le pouvait pas davantage de la gauche; car, outre que le promontoire de Gynossêma l’empêchait de voir ce qui se passait, il avait en face des vaisseaux syracusains et autres, tout aussi nombreux que les siens, et qui ne lui permettaient pas de s’écarter. A la fin, cependant, les Péloponnésiens, rendus plus confiants par le succès, commencent à poursuivre isolément les vaisseaux ennemis; il en résulte quelque trouble dans leur ordre de bataille : Thrasybule, remarquant quelque hésitation dans les vaisseaux (??)ui lui sont opposés, cesse aussitôt d’étendre sa ligne, tourne droit à l’ennemi, l’attaque et le met en fuite. Il se porte ensuite sur le point où les Péloponnésiens ont eu l’avantage, les surprend disséminés et brise leurs vaisseaux; la panique est telle que a plupart ne tentent même pas de combattre. Déjà les syracusains avaient cédé de leur côté devant la division (??) Thrasylle; ils précipitèrent leur fuite lorsqu’ils vient la déroute des autres.

CVI. La défaite était décidée; les Péloponnésiens s’enfuirent pour la plupart vers (??)e fleuve Midios d’abord, et ensuite vers Abydos. les Athéniens ne prirent qu’un petit nombre de vaisseaux; car, en raison du peu de largeur de l’Hellespont, l’ennemi n’avait que peu de chemin à faire pour se mettre à l’abri. Néanmoins rien ne pouvait ariver plus à propos pour eux que cette victoire navale jusque-là ils redoutaient la marine péloponnésienne Par suite des revers qu’ils avaient éprouvés coup sur coup et de leur désastre de Sicile : ils cessèrent (??)es lors de se défier d’eux-mêmes et de faire quelque (??)stime de leurs adversaires comme puissance maritime Cependant ils prirent sur l’ennemi

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huit vaisseaux de Chio, cinq de Corinthe, deux d’Ambracie, deux de Béotie, un de Leucade, un de Lacédémone, un de Syracuse et un de Pellène. Ils perdirent de leur côté quinze vaisseaux. Ils élevèrent un trophée sur le promontoire où est le Cynossêma[*](Le monument du chien. Diodore appelle ce même point le tombeau d’Hécube.), recueillirent les débris, rendirent aux ennemis leurs morts par convention et envoyèrent une trirème annoncer cette victoire à Athènes. L’arrivée de ce vaisseau et la nouvelle de ce bonheur inespéré relevèrent les courages abattus par les récents revers d’Eubée et les malheurs des dissensions intestines : les Athéniens crurent qu’en s’appliquant à leurs affaires avec ardeur, il était encore possible de reprendre leurs avantages,

CVII. Le quatrième jour après ce combat naval, les Athéniens qui étaient à Sestos, après avoir réparé à la hâte leurs vaisseaux, firent voile pour Cyzique, insurgée contre eux. Ils aperçurent à l’ancre, aux environs d’Harpagion et de Priapos, les huit vaisseaux de Byzance[*](Ch. 80.), voguèrent sur eux, battirent les équipages qui étaient à terre et prirent les bâtiments. Arrivés à Cyzique, qui n’était pas fortifiée, ils la firent rentrer dans la soumission et levèrent sur elle une contribution.

Cependant les Péloponnésiens passèrent d’Abydos à Éléous, et recouvrèrent ceux de leurs vaisseaux pris par l’ennemi qui étaient en bon état. Les autres avaient été brûlés par les Éléousiens. Ils envoyèrent ensuite en Eubée Hippocrates et Épiclès, pour en ramener les vaisseaux qui s’y trouvaient.

[*](1 Le monument du chien. Diodore appelle ce même point le tombeau d’Hécube.)[*](* Ch. 20.)
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CVIII. Vers la même époque, Alcibiade revint avec ses treize vaisseaux de Caune et de Phasélis à Samos, annonçant qu’il avait détourné la flotte phénicienne de se joindre aux Péloponnésiens et fortifié encore les bonnes dispositions de Tissaphernes pour les Athéniens. Il équipa neuf bâtiments, outre ceux qu’il avait déjà, leva à Halicamasse une forte contribution pécuniaire, entoura Cos d’une muraille, y installa des magistrats et revint à Samos vers l’automne.

Lorsque Tissaphernes apprit que la flotte péloponnésienne avait quitté Milet pour l’Hellespont, il partit d’Aspendos, et appareilla pour l’Ionie.

Pendant que les Péloponnésiens étaient dans l’Hellespont, les habitants d’Antandros, qui sont Éoliens, ayant à se plaindre du Perse Arsacès, lieutenant de Tissaphernes, firent venir par terre, à travers le mont Ida, des hoplites d’Abydos et les introduisirent dans leur ville. Arsacès avait indignement traité les Déliens qui s’étaient établis à Atramyttion, depuis leur expulsion de Délos par les Athéniens, à propos de la purification de cette île : sous prétexte de quelque vengeance secrète à exercer, il avait invité à une expédition les principaux d’entre eux, à titre d’amis et d’alliés, et, saisissant le moment où ils dînaient, il les avait fait entourer par ses gens et tuer à coups de flèches. Les habitants d’Antandros, effrayés de cette perfidie qui leur faisait redouter pour eux-mêmes quelque attentat du même genre, et ne pouvant plus supporter les charges qu’il leur imposait, chassèrent sa garnison de la citadelle.

CIX. Tissaphernes, sentant que ce nouveau coup partait des Péloponnésiens, tout aussi bien que ce qui

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s’était passé à Milet[*](Voyez 1. nv, ch. 84.) et à Cnide, d’où ses garnisons avaient également été chassées, craignit de leur être devenu tout à fait odieux et d’avoir à souffrir encore de leur hostilité. Il ne voyait pas d’ailleurs sans quelque dépit Pharnabaze, qui les entretenait depuis moins longtemps et à moins de frais, en voie de réussir mieux que lui-même dans la guerre contre les Athéniens. Il résolut donc de les aller trouver dans l’Hellespont, de se plaindre à eux de ce qui s’était passé à Antandros, et de se disculper le mieux possible reproches qui lui étaient faits au sujet de la flotte phénicienne et sur d’autres points. Il se rendit d’abord à Éphèse, et offrit un sacrifice à Diane.

Quand viendra la fin de l’hiver qui suivit cet été, la vingt et unième année de la guerre sera terminée[*](Que cette phrase appartienne à Thucydide, ou qu’elle ait été ajoutée plus tard, ce qui est beaucoup plus probable, elle prouve suffisamment que l’histoire de la guerre du Péloponnèse n’a jamais été achevée. Le huitième livre tout entier ne parait même, à part quelques passages, qu’uue espèce de journal, une collection de matériaux destinés à entrer plus tard dans une composition plus parfaite.).

[*](1 Voyez 1. nv, ch. 84.)[*](2 Que cette phrase appartienne à Thucydide, ou qu’elle ait été ajoutée plus tard, ce qui est beaucoup plus probable, elle prouve suffisamment que l’histoire de la guerre du Péloponnèse n’a jamais été achevée. Le huitième livre tout entier ne parait même, à part quelques passages, qu’uue espèce de journal, une collection de matériaux destinés à entrer plus tard dans une composition plus parfaite.)