History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

LXVII. « Pour nous, l’audace qui, à l’origine, nous faisait, sans expérience encore, affronter les périls, repose maintenant sur un fondement plus certain; il s’y joint la ferme croyance à notre supériorité militaire, puisque nous avons vaincu les troupes les plus estimées; double motif d’espérance! et, en général, dans les entreprises, on ose d'autant plus qu’on espère davantage. Quant aux emprunts faits par l’ennemi à des dispositions que l’habitude nous a rendues familières[*](11 s’agit des dispositions navales, et en particulier des hoplites installée sur les ponts des navires.), ils ne sauraient, en aucun cas, nous trouver en défaut. Eux au contraire dérogent à leurs usages en Couvrant leurs ponts d’une foule d’hoplites, en embarquant quantité de gens de trait, Acarnanes et autres, marins de terre ferme[*](Χερσαίοι, habitants de la terre, est ici un terme de mépris auquel répond exactement notre expression marin de terre ferme, le land-lubbers des Anglais*), pour ainsi dire, qui ne sauront pas même trouver une position pour lancer leur trait. Estil possible que ces gens-là ne mettent pas le trouble à bord, et que le ballottage auquel ils ne sont pas faits ne les jette pas en désordre les uns sur les autres? S’il en est parmi vous qui s’inquiètent de ce que nous n’aurons pas en ligne le même nombre de bâtiments, sachez que même la multitude de leurs vaisseaux ne leur sera d’aucune utilité; car, dans un espace étroit, [*](1 11 s’agit des dispositions navales, et en particulier des hoplites installée sur les ponts des navires.) [*](1 Χερσαίοι, habitants de la terre, est ici un terme de mépris auquel répond exactement notre expression marin de terre ferme, le land-lubbers des Anglais*)

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une flotte nombreuse obéira plus difficilement à la manoeuvre et offrira plus de prise aux moyens d’attaque dont nous sommes pourvus. L’exacte vérité, fiezvous-en à des renseignements que nous croyons certains, c’est qu’accablés sous le poids- de leurs maux, poussés à bout par l’excès de leur détresse, ils sont complètement démoralisés; comptant moins sur leurs propres ressources que sur le hasard d’un effort désespéré, ils veulent faire une tentative telle quelle, soit pour gagner le large en forçant le passage, soit pour s’ouvrir ensuite une retraite par terre; car ils sentent que rien ne saurait être pire que leur situation actuelle.

LXVIII. « Jetons-nous donc avec colère au milieu de ce désordre, sur ces ennemis acharnés, dont la fortune se livre d’elle-même à nous; songeons que rien n’est plus légitime que de vouloir satisfaire son ressentiment sur un adversaire, en représailles de ses attaques; que rien en même temps n’est plus doux, le proverbe le dit, que de se venger d’un ennemi, comme nous allons pouvoir le faire. Ce sont des ennemis, vous le savez tous, et des ennemis acharnés, eux qui sont venus dans notre pays pour l’asservir, et qui, s’ils eussent réussi, auraient imposé aux hommes les plus cruels traitements, aux enfants et aux femmes le comble de l’ignominie, à la république entière le plus honteux de tous les noms[*](République «l’eschvea.). Vengez-vous donc; que personne ne mollisse, et croyez n’avoir rien gagné, s’ils font impunément leur retraite; car, même vainqueurs, ils ne veulent pas autre chose. Mais atteindre, comme tout nous le promet, le but de nos espérances, châtier [*](1 République «l’eschvea.)

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nos ennemis, donner à la Sicile, en possession déjà de la liberté, une liberté mieux assurée, voilà une vietoire vraiment belle. Quant aux risques, c’est ici une de ces occasions bien rares, où l’on a peu à perdre en cas de revers, tout à gagner si l’on réussit. »

LXIX. Les généraux syracusains et Gylippe, après avoir exhorté ainsi leurs soldats, sachant que les Athéniens embarquaient, se hâtèrent d’en faire autant. Nicias cependant, effrayé de la situation, voyant l’étendue et l’imminence du danger, puisqu’on touchait au moment de l’action, se figurait, comme il arrive toujours dans les grandes occasions, qu’en fait toutes leurs dispositions laissaient à désirer, et que même leurs exhortations étaient insuffisantes. Il appela donc de nouveau chacun des triérarques, et, les interpellant par leur nom, par leur surnom paternel[*](Les fils portaient comme surnom le nom de leur père. Nicias flattait leur vanité en paraissant les connaître parfaitement, c’était dans çejnii qu’il nommait même la tribu à laquelle ils appartenaient. A Rome, les candidats aux charges avaient des esclaves, nommés nomenclateurs, chargés de leur dire à l’oreille les noms de tous les citoyens qu’ils rencontraient, et même les particularités de leur vie. Us pouvaient, en les abordant, leur parler de tout ce qui les intéressait. Tous les grands conquérants ont pratiqué ce même genre de flatterie à l’égard de leurs soldats.), avec indication de leur tribu, il pria ceux qui jouissaient de quelque considération personnelle de ne pas trahir leur propre gloire, ceux qui avaient d’illustres ancêtres de ne pas ternir leur nom; il leur rappela leur patrie en possession d’une liberté sans égale, l’indépendance garantie à tous dans la vie privée; il leur dit, en un mot, tout ce que peut suggérer une pareille extrémité à un homme qui ne craint pas de pa- [*](1 Les fils portaient comme surnom le nom de leur père. Nicias flattait leur vanité en paraissant les connaître parfaitement, c’était dans çejnii qu’il nommait même la tribu à laquelle ils appartenaient. A Rome, les candidats aux charges avaient des esclaves, nommés nomenclateurs, chargés de leur dire à l’oreille les noms de tous les citoyens qu’ils rencontraient, et même les particularités de leur vie. Us pouvaient, en les abordant, leur parler de tout ce qui les intéressait. Tous les grands conquérants ont pratiqué ce même genre de flatterie à l’égard de leurs soldats.)

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raître répéter des phrases vieillies, des lieux communs applicables à tout, — les femmes, les enfants, les dieux paternels, — pourvu qu’il fasse entendre ce qu’il croit utile dans le trouble du moment.

Nicias, après avoir dit, non tout ce qu’il eût voulu, mais ce qui lui paraissait indispensable, se retira et conduisit l’armée de terre sur le rivage. Il étendit sa ligne le plus possible, afin de soutenir d’autant mieux la confiance de ceux qui étaient sur les vaisseaux. Démosthènes, Ménandre et Euthydème, qui commandaient à bord de la flotte athénienne, partirent chacun de leur station, et se dirigèrent aussitôt vers le barrage du port et le passage qu’on y avait laissé libre, afin de le forcer et de gagner le large.

LXX. Déjà les Syracusains et leurs alliés avaient pris position avec le même nombre de vaisseaux à peu près que dans le précédent combat : une partie gardaient la passe; les autres étaient échelonnés autour du port, afin de fondre sur les Athéniens de tous les côtés à la fois, et de pouvoir en même temps être secourus par les troupes de terre, de quelque côté qu’ils abordassent. Sicanos et Agatharchos commandaient la flotte syracusaine et formaient les deux ailes; Pythen et les Corinthiens occupaient le centre. Une partie des Athéniens se porta contre le barrage, enfonça au premier choc la division qui le gardait, et se mit en mesure de rompre cet obstacle. Mais ensuite, les Syracusains et leurs alliés s’étant précipités sur eux de toutes parts, le combat s’engagea non plus seulement auprès du barrage, mais dans l’intérieur du port. Il fut acharné et hors de comparaison avec les précédents : il y avait de part et d’autre même entrainement chez

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les matelots toutes les fois qu’on leur ordonnait d’attaquer, même ardeur, même rivalité de science et d’habileté chez les pilotes. Les soldats de marine sur les ponts s'efforçaient, quand les bâtiments fondaient l’un sur l’autre, de ne pas rester au-dessous du reste de l’équipage. Chacun enfin s’appliquait à se distinguer entre tous au poste qui lui était assigné. Jamais vaisseaux aussi nombreux ne combattirent dans une enceinte aussi resserrée, puisque les deux flottes réunies ne formaient guère moins de deux cents navires. Aussi les éperons furent-ils de peu d’usage, par suite du défaut d’espace et de l’impossibilité où l'on était soit de reculer sur la poupe, soit de passer entre les bâtiments ennemis. Le plus fréquemment, les vaisseaux venant à se rencontrer, en fuyant ou en attaquant, on combattait bord à bord. Tout le temps qu’un bâtiment manoeuvrait à portée d’un autre, les troupes placées sur le tillac lançaient sans relâche des javelots, des traits, des pierres : venait-on à s’aborder, les soldats de marine luttaient corps à corps, s’efforçant de part et d’autre de monter sur le bâtiment ennemi. Souvent même il arriva, par le défaut d’espace, qu’un bâtiment engagé par l’éperon dans un autre était éperonné à son tour par un troisième, et qu’ainsi deux navires et plus étaient comme enchaînés à un seul. Chaque pilote avait à pourvoir en même temps à la défense, à l’attaque, et cela non point contre un seul ennemi, mais contre une multitude, et dans toutes les directions. Un tumulte effroyable, s’élevant de cette foule de vaisseaux qui s’entre-choquaient, frappait d’épouvante et couvrait la voix des maîtres de rame. De part et d’autre leurs exhortations, leurs cris
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se mêlaient au tumulte, soit pour commander la manoeuvre, soit pour animer au combat : du côté des Athéniens, ils criaient qu’on forçât le passage et qu’on combattît à outrance, maintenant ou jamais, pour le salut, pour le retour dans la patrie; du côté des Syracusains et de leurs alliés, qu’il serait beau de fermer la fuite à l’ennemi, et d’ajouter chacun à la puissance de leur patrie par la victoire. Les généraux, sur les deux flottes, s’ils voyaient quelque vaisseau reculer sans nécessité, appelaient les triérarques par leur nom, et leur demandaient, ceux des Athéniens, si cette terre vers laquelle ils fuyaient et où tout était ennemi pour eux, leur était devenue plus chère que la mer dont tant de travaux leur avaient acquis l’empire; ceux des Syracusains, si, sachant que l’ennemi n’avait rien tant à coeur que de s’enfuir, ils allaient fuir eux-mêmes devant des fuyards.

LXXI. Pendant que la lutte sur mer se balançait ainsi, les deux armées de terre étaient en proie à une cruelle perplexité et à une violente agitation : les indigènes ambitionnaient un succès plus glorieux encore; les agresseurs redoutaient des maux plus grands même que ceux du moment. Comme tout l’espoir des Athéniens reposait sur leurs vaisseaux, rien n’égalait l’excès de leurs inquiétudes sur le résultat; leurs regards d’ailleurs ne pouvaient embrasser que fort inégalement du rivage les incidents de la lutte : comme l’action se passait à peu de distance, et que tous ne pouvaient apercevoir en même temps le même point, ceux qui voyaient d’un côté les leurs victorieux, reprenaient courage et conjuraient les dieux de ne pas leur fermer toute chance de salut. Ceux au contraire dont les re-

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gards tombaient sur un point où l’on avait le dessous, poussaient des gémissements et des cris; la vue de ce qui se passait les jetait dans un abattement plus profond encore que celui des combattants. D’autres enfin suivaient le combat sur un point où il était balancé; au milieu de l’indécision prolongée de la lutte, leurs corps mêmes reproduisaient les mouvements et les alternatives de leurs pensées. Leur anxiété était horrible; car à chaque instant ils touchaient au salut ou à la ruine. Tant que la lutte se maintint indécise on entendait en même temps dans l’armée athénienne des lamentations, des cris : Vainqueurs! vaincus! et toutes ces exclamations diverses qui, dans un grand péril, doivent nécessairement s’élever du milieu d’une nombreuse armée.

Sur les vaisseaux on était en proie aux mêmes angoisses, lorsque enfin les Syracusains et leurs alliés, après une lutte longue et opiniâtre, mirent en fuite les Athéniens, les poussèrent vivement et les pour suivirent en criant, en s’animant mutuellement, jusqu’au rivage. A ce moment tout ce qui restait de l’armée navale, tout ce qui n’avait pas été pris à la mer se précipita au rivage dans toutes les directions et vint retomber sur le camp. Dans l’armée de terre la diversité des impressions avait fait place à une explosion unanime de gémissements et de lamentations; la consternation était partout; ceux-ci couraient au secours des vaisseaux, ceux-là à ce qui restait des retranchements pour les défendre, d’autres enfin, — et c’était le plus grand nombre, — ne songeaient déjà plus qu’à eux-mêmes et aux moyens de se sauver. Jamais on ne vit démoralisation plus profonde : leur situation était exactement celle qu’ils

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avaient faite eux-mêmes aux Lacédémoniens à Pylos : la flotte lacédémonienne anéantie, sa destruction entraînait la perte des guerriers descendus dans l'ile; de même il n’y avait alors pour les Athéniens aucune chance d’échapper par terre, à moins de quelque événement en dehors de toutes les prévisions.

LXXII. Le combat avait été acharné, et beaucoup de vaisseaux, beaucoup d’hommes avaient péri de part et d’autre. Les Syracusains et leurs alliés, après la victoire, recueillirent les débris des navires et leurs morts, retournèrent à la ville et dressèrent un trophée. Les Athéniens, succombant sous l’excès de leurs maux, ne songèrent pas même à réclamer leurs morts et les débris de leurs vaisseaux; ils méditaient de partir sans retard la nuit même. Démosthènes, s’étant rendu auprès de Nicias, ouvrit l’avis d’équiper de nouveau ce qui restait de vaisseaux et de forcer le passage, s’il était possible, au point du jour. Il ajouta qu’ils avaient encore plus de vaisseaux propres au serviee que les ennemis; et, en effet, il en restait aux Athéniens environ soixante, et à leurs adversaires moins de cinquante. Nicias se rangea à cet avis; mais lorsqu’il fut question de s’embarquer, les marins s’y refusèrent : frappés de leur défaite, ils désespéraientde vaincre désormais et n’avaient tous qu’une même pensée, celle d’opérer leur retraite par terre.

LXXIII. Cependant Hermocrates de Syracuse avait soupçonné leurs desseins : pensant que, si une armée aussi nombreuse se retirait par terre et s’établissait sur quelque point de la Sicile, il était à craindre qu’elle ne voulût recommencer la guerre contre eux, il va trouver les magistrats et leur expose, en donnant ses motifs, qu’on ne doit pas laisser l’ennemi s’échapper pendant

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la nuit; qu’il faut sortir en masse, Syracusains et alliés, barricader les routes, occuper à l’avance les défilés et les garder. Les magistrats étaient entièrement d’accord avec lui sur ce point, et jugeaient la mesure opportune; mais ils ne croyaient pas qu'il fût aisé d’amener à l’obéissance des hommes qui, après une grande bataille navale, s’abandonnaient avec bonheur au repos, surtout au milieu d’une fête; — car il se trouvait qu’on célébrait chez eux, ce jour-là, un sacrifice à Hercule. — La plupart, dans la joie de la victoire et l’animation de la fête, s’étaient mis à boire, et on leur persuaderait tout au monde plutôt que de prendre les armes et de faire une sortie à ce moment. Cette difficulté parut insurmontable aux magistrats, et Hermocrates ne put les convaincre. Il eut donc recours au stratagème suivant : craignant que les Athéniens ne prissent les devants et ne franchissent librement pendant la nuit les passages les plus difficiles, il envoya, une fois la nuit venue, quelques-uns de ses amis et des cavaliers vers le camp des ennemis. Une fois arrivés à portée de la voix, ils appelèrent quelques personnes, en se donnant pour amis des Athéniens; — car Nicias recevait de la ville des avis sur la situation intérieure. — Ils firent dire à Nicias de ne pas mettre son armée en mouvement la nuit, les routes étant gardées par les Syracusains, et de faire ses préparatifs à loisir pour partir au jour. Après cet avis ils se retirèrent. Ceux qui l’avaient entendu en informèrent les généraux athéniens.

LXXIV. Ceux-ci, sur ce Rapport, se tinrent en repos la nuit, sans soupçonner un stratagème. Puis, du moment où ils n’étaient pas partis sur-le-champ, ils crurent devoir attendre encore le jour suivant, afin de lais-

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ser aux soldats le temps de faire autant que possible les dispositions les plus indispensables, et de prendre avec eux en partant tout ce qui était strictement nécessaire pour vivre; car ils abandonnaient tout le reste. Gylippe, de son côté, sortit de la ville avec l’armée de terre dés Syracusains, prit les devants, et intercepta les routes dans la direction quedevaient suivre vraisemblablement les Athéniens; il occupa les gués des rivières et des ruisseaux, et choisit ses positions pour attendre l’ennemi et lui barrer le passage. En même temps la flotte se rapprocha du rivage et se mit à remorquer les vaisseaux athéniens. L’intention des Athéniens était de les incendier tous; mais ils n’avaient pu en brûler qu’un petit nombre. Les autres, abandonnés au hasard sur la côte, furent remorqués à loisir et sans aucune opposition vers la ville. '

LXXV. Enfin, quand Nicias et Démosthènes jugèrent les préparatifs suffisants, le départ de l’armée eut lieu, le surlendemain du combat naval. La situation des Athéniens était affreuse à bien des égards : ils partaient après avoir perdu tous leurs vaisseaux; au lieu de vastes espérances, il n’y avait plus que périls pour eux et pour la république. Même l’abandon du camp était pour la vue, pour l’âme de chacun, un spectacle navrant : les morts restaient sans sépulture; celui qui découvrait un des siens gisant à terre était saisi de douleur et d’effroi. Ceux qu’on délaissait vivants encore, les blessés et les malades, inspiraient à ceux qui partaient plus de compassion encore que les morts, et étaient en effet plus à plaindre. Leurs supplications, leurs gémissements jetaient l’armée dans une affreuse perplexité; ils adjuraient de les emmener; ils appelaient à grands cris tous

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ceux de leurs amis, de leurs parents qu’ils apercevaient; ile se suspendaient à leurs compagnons de tente au moment du départ et les suivaient aussi loin qu’ils pouvaient; puis, quand la force et l’énergie les trahissaient, ils restaient abandonnés, non sans faire entendre des cris d’imprécation et de désespoir. Aussi l’armée entière, plongée dans les larmes et la consternation, avait peine à s’éloigner; et pourtant c’était une terre ennemie; les maux qu’elle y avait déjà soufferts, ceux qu’elle redoutait encore dans un avenir inconnu étaient de ceux qu’aucunes larmes ne sauraient égaler. A un immense découragement se mêlait la honte de leur profonde humiliation. On eût cru voir une place prise d’assaut, une ville considérable fuyant tout entière; car la multitude qui marchait là réunie ne formait pas moins de quarante mille hommes, et tous s’en allaient chargés d’objets divers, chacun ayant pris ce qu’il avais pu trouver d’utile. Les hoplites mêmes et les cavaliers portaient sous les armes leurs vivres, contrairement à l’usage; les uns parce qu’ils n’avaient plus de valett, les autres parce qu’ils s’en déliaient. —Et, en effet, la désertion, qui avait commencé depuis longtemps, devint alors générale. — Les provisions qu’ils emportaient n’étaient même pas suffisantes; car il n’y avait plus de vivres au camp. Quoique la vue des maux d’autrui, la parité des souffrances, le grand nombre des compagnons de malheur apporte un certain soulagement, leur situation ne leur en semblait pas moins intolérable, eu égard surtout à l’éclat et à l’orgueil des débuts, comparés à l’humiliation du dénoûment. Jamais, en effet, armée grecque n’avait passé par d’aussi extrêmes vicissitudes : venus pour asservir les autres, ils
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s’en allaient redoutant pour eux-mêmes l’esclavage; aux invocations et aux péans du départ avaient succédé les sinistres lamentations du retour·; partis sur leurs vaisseaux, ils revenaient à pied, plus confiants dans leurs hoplites que dans leur marine[*](Thucydide note ce fait comme une étrange anomalie dans la situation des Athéniens, dont toute la puissance résidait dans la marine.). Et cependant tout cela leur semblait tolérable, comparé à l’immensité du péril encore suspendu sur eux.

LXXVI. Nicias, voyant l’abattement de l’armée et le changement qui s’y était opéré, parcourut les rangs pour distribuer des consolations et des encouragements appropriés aux circonstances. L’ardeur qui l’animait, le désir de faire parvenir le plus loin possible des conseils utiles, donnaient plus de force encore à sa voix, plus de retentissement aux paroles qu’il jetait à chacun de ceux qu’il approchait.

LXXVII. « Maintenant encore, et quelle que soit notre situation, il faut, Athéniens et alliés, conserver l’espérance; d’autres, avant nous, se sont sauvés de dangers semblables et même plus terribles; que vos malheurs et des souffrances imméritées ne vous fassent donc pas désespérer de vous-mêmes. Et moi aussi, sans être plus vigoureux qu’aucun de vous, — vous voyez au contraire en quel état m’a mis la maladie, — sans le céder, ce semble, à personne ni sous le rapport des jouissances de la vie privée, ni à aucun autre égard, je suis ballotté dans un même péril avec les plus misérables. Et pourtant ma vie a été consacrée à de nombreuses pratiques de piété envers les dieux; ma conduite a été juste, irréprochable envers les hommes. [*](1 Thucydide note ce fait comme une étrange anomalie dans la situation des Athéniens, dont toute la puissance résidait dans la marine.)

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Aussi j’ai une· ferme confiance dans l’avenir : si des maux immérités nous effrayent maintenant, peut-être vont-ils cesser. Car le bonheur de nos ennemis a assez duré; et si notre expédition a offensé quelqu’un des dieux, nous en avons été suffisamment punis. D’autres avant nous ont commis d’autres agressions; ils ont agi en hommes, et leurs maux n’ont point dépassé ce que peut supporter l’humanité. Nous aussi nous devons attendre maintenant de la divinité un traitement plus clément; car nous sommes plus dignes désormais de la pitié des dieux que de leur colère. Jetez les yeux sur vous-mêmes, et que la vue de ces hoplites si braves, si nombreux, qui marchent ici en bon ordre, vous garantisse du découragement. Réfléchissez que, partout où vous vous arrêterez, vous formerez à l’instant une ville, et qu’il n’est aucune autre ville de Sicile qui puisse aisément vous résister si vous l’attaquez, vous expulser si vous vous établissez quelque part. Veillez vous-mêmes à ce que la marche ait lieu avec sécurité et en bon ordre; que chacun n’ait qu’une seule pensée, c’est que le lieu où il sera forcé à combattre lui servira, s’il a l’avantage, et de patrie et de remparts. Nous poursuivrons notre marche et la nuit et le jour; car nos provisions sont courtes. Si nous gagnons quelque place amie, chez les Sicèlesqui nous demeurent encore fidèles par crainte des Syracusains, croyez-vous dès lors en sûreté. Des messagers leur ont été envoyés, pour qu’ils Viennent à notre rencontre et nous apportent d’autres provisions. Songez, en un mot, soldats, que la nécessité vous fait une loi du courage, puisqu’il n’y a près d’ici aucun lieu qui puisse vous servir d’asile si vous mollissez. Si au contraire vous échappez maintenant à l’ennemi,
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vous reverrez tous un jour les objets de vos désirs, et vous en particulier, Athéniens, vous rendrez à la république, malgré ses désastres actuels, sa grandeur et sa puissance. Car ce qui constitue une ville, ce sont les hommes, et non des murailles, ou des vaisseaux vides de défenseurs. »

LXXVIII. Nicias, tout en adressant ces exhortations, parcourait, les rangs de l’armée : s’il apercevait quelque part des soldats dispersés et marchant sans ordre, il les réunissait et rétablissait les rangs. Démosthènes, de son côté, faisait les mêmes recommandations aux troupes sous ses ordres. Le corps d’armée de Nicias marchait formé en carré long; celui de Démosthènes suivait; au centre des hoplites étaient les porteurs de bagages et le gros de la multitude[*](Thucydide désigne toujours par ce mot les troupes légères, celles qui u’étaient pas complètement armées et ne comptaient que comme accessoires.). Arrivés au passage de l’Anapos, ils trouvèrent un détachement des Syracusains et de leurs alliés en bataille le long du fleuve; ils le culbutèrent, occupèrent le passage et poussèrent en avant. La cavalerie syracusaine voltigeait autour d’eux et les harcelait, pendant que les troupes légères les accablaient de traits. Les Athéniens franchirent ce jour-là environ quarante stades, et bivouaquèrent sur une éminence. Le lendemain, ils se mirent en marche de bonne heure, firent environ vingt stades, et descendirent dans une plaine où ils campèrent. Cet endroit étant habité, ils voulaient tirer des maisons quelques vivres et de l’eau pour emporter avec eux; car en avant, sur la route qu’ils devaient suivre, l’eau était rare pendant un grand nombre de stades. Pendant ce temps, les Syracüsains prirent [*](* Thucydide désigne toujours par ce mot les troupes légères, celles qui u’étaient pas complètement armées et ne comptaient que comme accessoires.)

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les devants et murèrent le passage qu’ils devaient franchir; c’était une colline d’une forte assiette, bordée de part et d’autre de ravins escarpés; on l’appelait le roc Acréon[*](La Roche élevée.). Le lendemain les Athéniens continuèrent à avancer. Les Syracusains et leurs alliés, avec une nombreuse cavalerie et des troupes légères non moins nombreuses, leur barraient le chemin, les accablaient de traits et voltigeaient sur leurs flancs. Après avoir longtemps combattu, les Athéniens retournèrent à leur même campement; mais ils n’y trouvèrent plus les mêmes ressources, la cavalerie ne leur permettant pas de s’écarter.

LXXIX. Le matin, ils levèrent le camp, se remirent en marche, et à force d’efforts parvinrent à la colline fortifiée. Là ils trouvèrent devant eux l’infanterie rangée au-dessus du retranchement, en colonne profonde; car le lieu était étroit. Ils poussèrent en avant et attaquèrent la muraille. Mais, criblés de traits par les ennemis étagés en grand nombre sur les pentes, et qui de haut visaient plus sûrement, ils ne purent forcer le passage, battirent en retraite et prirent quelque repos. A ce moment survint un orage mêlé de pluie, comme il arrive fréquemment aux approches de l’automne; l’abattement des Athéniens s’en accrut encore, et ils crurent que tout conspirait pour leur ruine. Pendant qu’ils étaient arrêtés, Gylippe et les Syracusains envoyèrent un détachement élever un nouveau retranchement derrière eux, sur la route par où ils étaient venus; mais ils envoyèrent de leur côté quelques troupes et déjouèrent ce projet. Toute l’armée [*](1 La Roche élevée.)

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se retira ensuite, appuya davantage vers la plaine, et y bivouaqua. Le lendemain ils reprirent leur marche en avant. Les Syracusains les entouraient de toutes parts, les attaquaient sans relâche et en blessèrent un grand nombre; si l’armée athénienne marchait à eux, ils cédaient le terrain; si elle reculait, ils fondaient sur elle; ils s’attaquaient surtout aux derniers rangs, espérant, s’ils pouvaient déterminer la fuite sur un seul point, jeter la panique dans toute l’armée. Longtemps les Athéniens résistèrent à ce genre d’attaques; ils franchirent ensuite cinq ou six stades en avant et firent halte dans la plaine. Les Syracusains s’éloignèrent de leur côté et rentrèrent dans leur camp.

LXXX. Nicias et Démosthènes, voyant la détresse de l’armée, le manque absolu de vivres et le grand nombre de soldats blessés dans les attaques incessantes de l’ennemi, imaginèrent d’allumer, la nuit, une grande quantité de feux, et de faire filer l’armée non plus par la route qu’ils avaient d’abord résolu de suivre, mais vers la mer en sens contraire des positions gardées par les Syracusains. La direction générale de leur marche les portait à l’opposé de Catane, de l’autre côté de la Sicil/e vers Camarina, Géla et les villes grecques et barbares de cette contrée. Ils allumèrent donc un grand nombre de feux et partirent de nuit. Mais ils éprouvèrent de ces terreurs paniques si communes dans toutes les armées, surtout quand elles sont nombreuses, et particulièrement dans des marches de nuit, à travers un pays hostile, et dans le voisinage de l’ennemi. Le désordre se mit parmi eux. Le corps de Nicias, qui marchait en

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tête, conserva ses rangs et prit beaucoup d’avance; celui de Démosthènes, qui formait la moitié de l’armée et plus, se divisa et s’avança en désordre. Cependant, au point du jour, ils arrivèrent au bord de la mer, prirent la voie appelée Hélorine, et poursuivirent leur route. Leur but était, une fois arrivés au fleuve Cacyparis, d’en suivre le cours, en remontant vers l’intérieur; car ils espéraient aussi rencontrer de ce côté les Sicèles qu’ils avaient mandés. Ils arrivèrent au bord du fleuve; mais là encore ils se trouvèrent en présence d’un détachement syracusain occupé à murer et à palissader le passage. Ils le forcèrent, traversèrent le fleuve, et, sur les indications de leurs guides, continuèrent leur marche vers un autre cours d’eau nommé Érinéos.

LXXXI. Cependant les Syracusains et leurs alliés s’étaient aperçus, dès qu’il fit jour, du départ des Athéniens. La plupart accusaient Gylippe de les avoir à dessein laissés échapper. Ils reconnurent aisément la route qu’ils avaient suivie, se mirent vivement à leur poursuite et les atteignirent à l’heure du dîner. La division de Démosthènes était restée en arrière, marchant plus lentement et avec moins d’ordre, par suite dé la confusion qui s’y était mise pendant la nuit; dès qu’ils l’eurent jointe; ils fondirent sur elle et engagèrent le combat. La cavalerie syracusaine enveloppa sans peine cette multitude disséminée, et la refoula à l’étroit sur elle-même. La division de Nicias était en avant, à une distance de cinquante stades. Nicias, en effet, avait fait presser la marche, persuadé qu’en pareil cas le moyen d’échapper n’est pas d’attendre volontairement l’ennemi et de le combattre,

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mais bien de se soustraire le plus vite possible, en ne combattant qu’à la dernière extrémité. Démosthènes, au contraire, s’était trouvé plus exposé et d’une manière plus continue : car, marchant le dernier, il avait été le premier assailli par l’ennemi; d’un autre côté, au moment où il apprit que les Syracusains le poursuivaient, il avait moins songé à gagner du terrain qu’à se mettre en bataille, et, pendant qu’il perdait ainsi les instants, l’ennemi l’avait enveloppé. Général et soldats furent frappés de stupeur : refoulés dans un clos entouré d’un petit mur, bordé de part et d’autre par une route, et couvert d’oliviers, ils étaient de toutes parts accablés de traits. Les Syracusains préféraient, avec raison, ce genre d’attaque à une lutte corps à corps; car un combat en règle contre des hommes au désespoir était tout à l’avantage des Athéniens. D’ailleurs, le succès désormais assuré faisait que chacun se ménageait pour n’en pas perdre à l’avance le fruit, persuadé que cette tactique suffisait pour réduire l’ennemi et s’en rendre maître.

LXXXII. Tout le jour on tira ainsi sur les Athéniens et leurs alliés. Quand Gylippe, les Syracusains et leurs alliés les virent accablés de blessures, épuisés de souffrances, ils firent proclamer d’abord que ceux des insulaires qui voudraient passer de leur côté seraient libres : quelques habitants des villes, mais en petit nombre, passèrent dans leur camp. Tout le reste de l’armée de Démosthènes capitula ensuite et convint de livrer ses armes, à la condition qu’il n’y aurait aucune violence contre la vie des personnes, qu’on ne les ferait périr ni dans les fers, ni par la privation du

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strict nécessaire. Tous se rendirent, au nombre de six mille. Ils livrèrent tout ce qu’ils possédaient d’argent, le jetèrent dans des boucliers retournés, et eu remplirent quatre qui furent aussitôt portés à la ville. Nicias parvint le même jour avec sa division au fleuve Érinéos, le traversa et établit son armée sur une éminence.

LXXXIII. Le lendemain les Syracusains l’atteignirent, lui apprirent que les troupes de Démosthènes avaient capitulé, et le sommèrent d’en faire autant. Nicias, se défiant de cette déclaration, convint d’envoyer un cavalier pour s’en assurer. Celui-ci, à son retour, ayant confirmé la nouvelle de la reddition, il fit déclarer par un héraut à Gylippe et aux Syracusains qu’il était prêt à stipuler, au nom des Athéniens, le remboursement de tous les frais de la guerre, à condition qu’on le laisserait partir avec son armée. Comme garantie du payement, il offrait de fournir des otages athéniens, un homme par talent. Les Syracusains et Gylippe n’acceptèrent pas ces propositions; ils fondirent sur les Athéniens, les enveloppèrent de toutes parts, et tirèrent sur eux jusqu’au soir. La division de Nicias n’était pas moins épuisée que l’autre par le manque de blé et de provisions. Cependant elle résolut de profiter du répit de la nuit pour se remettre en route; mais, au moment où on prit les armes, les Syracusains s’en aperçurent et chantèrent le péan. Les Athéniens, voyant qu’ils ne pouvaient tromper la surveillance de l’ennemi, renoncèrent à leur tentative, à l’exception de trois cents hommes seulement qui forcèrent les gardes et s’échappèrent la nuit où ils purent.

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LXXXIV. Le jour venu, Nicias remit l’armée en marche. Les Syracusains et leurs alliés continuaient à les harceler dans tous les sens, à tirer sur eux, et à les accabler de traits. Les Athéniens s’efforçaient de gagner le fleuve Assinaros; refoulés de toutes parts par les charges d’une nombreuse cavalerie et par une nuée d’ennemis, ils espéraient respirer un peu derrière le fleuve, s’ils parvenaient à le franchir; l’épuisement et la soif les y poussaient également. Arrivés sur les bords, ils s’y précipitent sans ordre; chacun veut passer le premier. L’ennemi qui les presse ajoute aux difficultés du passage. Obligés de se serrer en avançant, ils se précipitent les uns sur les autres, se foulent aux pieds; ceux-ci tombent sur les pointes des lances, au milieu des bagages, et périssent avant de toucher le bord; ceux-là s’embarrassent et tombent dans le courant. Les Syracusains, postés sur l’autre rive, escarpée en cet endroit, tirent d’en haut sur les Athéniens occupés la plupart à boire avidemeht, et confondus en désordre dans le lit encaissé du fleuve. Les Péloponnésiens descendent à leur suite et s’attachent surtout à égorger ceux qui sont dans le fleuve. L’eau, souillée dès le premier instant, roule bourbeuse et sanglante; on la boit néanmoins, le plus souvent on se la dispute les armes à la main.

LXXXV. Déjà des monceaux de cadavres étaient entassés entre les rives, l’armée était anéantie; une partie avait péri dans le fleuve; la cavalerie avait détruit ce qui avait pu s’échapper. Nicias alors, se fiant plus à Gylippe qu’aux Syracusains, se rendit à lui; il s’en remit entièrement à sa discrétion et à celle des Lacédémoniens, en le priant seulement de faire cesser le car-

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nage. Gylippe ordonna de faire des prisonniers : tous ceux que les Syracusains ne purent cacher[*](Pour se les approprier, au lieu de les abandonner à l’État.), — car il y en eut beaucoup de soustraits, — furent dès lors amenés vivants. On envoya à la poursuite des trois cents qui s’étaient échappés la nuit en forçant les gardes, et on les arrêta. Toutefois il n’y eut que peu de prisonniers rassemblés au profit de l’État. Ne s’étant pas rendus par capitulation, comme les soldats de Déraosthènes[*](Une capitulation permettait de les compter et empêchait ainsi les détournements.), ils avaient été détournés pour la plupart; la Sicile entière en fut remplie. Le nombre des morts fut considérable; car ce fut un affreux carnage, et cette guerre de Sicile n’offre rien de comparable. Bien des soldats périrent aussi dans les attaques réitérées durant la marche. Néanmoins beaucoup s’échappèrent au moment même, ou s’évadèrent après avoir été réduits en esclavage. Catane leur offrit un refuge.

LXXXVI. Les Syracusains et leurs alliés, après s’être réunis, prirent avec eux le plus possible de prisonniers et 'de dépouilles, et retournèrent à la ville. Ils descendirent tous les prisonniers faits sur les Athéniens et leurs alliés au fond des carrières, comme dans le lieu où il était le plus facile de les garder. Quant à Nicias et à Démosthènes, on les égorgea, malgré Gylippe. Celui-ci eût regardé comme un beau triomphe ajouté à tous ses succès d’amener aux Lacédémoniens les généraux ses adversaires. Démosthènes se trouvait être l’homme qu’ils détestaient le plus, à cause des événements de Sphactérie et de Pylos. Ces mêmes événements avaient valu à Nicias toute leur bienveillance; car il avait té-

[*](1 Pour se les approprier, au lieu de les abandonner à l’État.)[*](* Une capitulation permettait de les compter et empêchait ainsi les détournements.)