History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.
CXXIV. Brasidas et Perdicas firent alors de concert une seconde expédition à Lyncos contre Arrhibée. Perdiccas conduisait avec lui les forces de la Macédoine soumise à sa domination, et des hoplites fournis par les Grecs établis dans ses États ; Perdiccas avait, indé- pendamment des troupes péloponnésiennes disponibles, des Chalcidiens, des Acanthiens et les contingents dés autres villes, suivant leur importance. Il y avait en tout trois mille hoplites grecs. Venait ensuite toute la cavalerie macédonienne, unie à celle des Chalcidiens, et formant un peu moins de mille hommes ; sans
CXXV. Au milieu de ce dissentiment, on annonce que les Illyriens, trahissant Perdiccas, se sont joints à Arrhibée. Tous deux alors se prononcent également pour la retraite, dans la crainte de ce peuple belliqueux ; mais, par suite de leur désaccord, rien n’est arrêté sur le moment du départ. La nuit étant survenue, les Macédoniens et la foule des Barbares sont pris d’une terreur subite, comme il arrive souvent, sans cause apparente, dans les armées nombreuses ; ils s’exagèrent le nombre des ennemis qui s’avancent, se figurent
CXXVI. « Péloponnésiens, si je ne vous supposais inquiets de votre isolement, de l’approche des Barbares et de leur nombre, je me serais contenté de vous exhorter, sans entrer dans aucun autre détail[*](C’est-à-dire, je n’aurais pas songé à vous démontrer que vos ennemis sont peu redoutables.) ; mais, en présence de l’abandon où nous laissent nos alliés et de la multitude de nos ennemis, je veux joindre à mes exhortations quelques rapides enseignements[*](Sur la situation véritable où ils se trouvent, sur leurs forces et celles des ennemis.), pour vous inspirer les plus héroïques résolutions. La bravoure dont il convient que vous fassiez preuve au combat doit reposer, non sur la présence de tels ou tels alliés, mais sur votre valeur propre ; et
« Quant aux Barbares, que vous redoutez en ce moment, faute de les connaître, votre propre expérience contre les Barbares de la Macédonie, mes conjectures, et des renseignements certains, tout vous montre qu’ils n’ont rien de redoutable. Toutes les fois qu’un ennemi faible en réalité se présente avec une apparence de force, la connaissance exacte de qu’il vaut inspire plus de confiance pour le combattre ; tandis qu’avec des adversaires d’une valeur réelle on peut, faute de connaître, se laisser emporter trop témérairement. Ces Barbares, quand on ne les connaît pas, sont effrayants à l’approche du combat ; leur multitude trouble le regard ; leurs horribles clameurs jettent l’épouvante ; ce vain brandissement des armes a quelque chose de menaçant ; mais dans l’action, contre un ennemi qui tient ferme, tout cela s’évanouit. Comme ils ne gardent pas de rangs, ils ne rougissent pas de céder dans un moment pressant ; avancer et fuir étant choses également méritoires pour eux, le courage même ne saurait être constaté. Dans un combat où chacun ne suit que son caprice, on trouve aisément un prétexte spécieux pour se sauver. Ils trouvent plus sûr de nous épouvanter sans danger pour eux, que d’en venir aux mains ; car, autrement, c’est par là qu’ils auraient commencé. Vous voyez clairement que ce qui, au premier abord, vous paraît si terrible chez
CXXVII. Après cette exhortation, Brasidas commença la retraite. Les Barbares, à cette vue, se précipitèrent à grands cris et en tumulte, persuadés qu’il fuyait et qu’il suffisait de l’atteindre pour l’anéantir. Mais quand les éclaireurs firent face partout où ils se présentaient ; quand ils virent que Brasidas, avec sa troupe d’élite, résistait à leurs attaques ; que l’armée, après avoir, contre leur attente, reçu leur premier choc, continuait à tenir tête quand ils avançaient et à opérer sa retraite lorsqu’ils cessaient de l’inquiéter, alors ils renoncèrent pour la plupart à attaquer en plaine les Grecs de Brasidas ; ils laissèrent seulement une partie de leur monde pour les suivre et les harceler ; les autres coururent à la poursuite des Macédoniens fugitifs et tuèrent tout ce qu’ils rencontrèrent. Ils allèrent occuper à l’avance une gorge étroite entre deux collines, sur la route qui mène aux États d’Arrhibée, sachant qu’il n’y avait pas d’autre issue pour Brasidas. A son approche, ils prirent position tout autour du défilé, dans sa partie la plus difficile, afin de l’envelopper.
CXXVIII. Brasidas, voyant cela, ordonne aussitôt à
CXXIX. Brasidas, à son retour de Macédonie à
Pendant les événements de Lyncos, les Athéniens, une fois leurs préparatifs terminés, avaient fait voile contre Mende et Scione. L’expédition comptait cinquante vaisseaux, dont dix de Chio, mille hoplites athéniens, six cents archers, mille Thraces soudoyés et des peltastes levés chez leurs alliés du pays. Nicias, fils de Nicératus, et Nicostratus, fils de Diitréphès, la commandaient. Ils s’embarquèrent à Potidée, abordèrent à Posidonium[*]( Sans doute un temple de Neptune, sur le rivage.) et marchèrent contre Mende. Les habitants, avec trois cents Scioniens venus à leur secours et les auxiliaires péloponnésiens, sortirent sous la conduite de Polydamidas, et s’établirent sur une colline, hors de la ville, dans une forte position. Nicias, à la tête de cent vingt Méthoniens légèrement armés, de soixante hommes d’élite pris parmi les hoplites athéniens et de tous les archers, tenta l’escalade, en suivant un sentier de la colline ; mais il fut accablé de traits et ne put forcer le passage. Nicostratus tenta également de gravir la colline avec tout le reste de l’arméè par un chemin plus éloigné et fort escarpé ; mais il fut mis dans le plus grand désordre, et peu s’en fallut que toute l’armée athénienne ne fût vaincue. Les Mendéens et leurs alliés ayant tenu ferme pendant cette journée, les Athéniens opérèrent leur retraite et campèrent. La nuit venue, les Mendéens rentrèrent dans la ville.
CXXX. Le jour suivant, les Athéniens, tournant la
CXXXI. Les habitants et les Péloponnésiens sortirent à leur rencontre et s’établirent, en avant de la ville, sur une colline naturellement fortifiée, qu’il fallait nécessairement prendre pour investir la place. Les Athéniens l’attaquèrent de vive force et refoulèrent ceux qui la défendaient ; ils campèrent, alors, élevèrent un trophée et se disposèrent à entourer la place d’une muraille. Peu après, les travaux étant déjà commencés, les auxiliaires assiégés dans la citadelle de Mende forcèrent la garde du côté de la mer et arrivèrent de nuit. Ils échappèrent pour la plupart aux Athéniens campés devant Scione et entrèrent dans la place.
CXXXII. Pendant les travaux de circonvallation devant Scione, Perdiccas conclut, par l’intermédiaire d’un héraut, un accord avec les généraux athéniens. Il avait, sans tarder, entamé cette négociation en haine de Brasidas, à propos de la retraite de Lyncos. Le Lacédémonien Ischagoras était alors sur le point d’amener par terre une armée à Brasidas. Perdiccas, pressé par Nicias, après la conclusion de l’accord, de donner aux Athéniens quelque preuve évidente de sa fidélité, et désirant personnellement interdire aux Péloponnésiens l’entrée de son pays, s’adressa aux hommes les plus puissants de la Thessalie, avec lesquels il avait été de tout temps en bons rapports : par leur moyen il arrêta la marche de l’armée et les préparatifs :
CXXXIII. Le même été, les Thébains démolirent les murailles de Thespies, qu’ils accusaient d’être favorable aux Athéniens : ils avaient eu de tout temps ce dessein ; mais l’exécution en était devenue plus facile depuis que Thespies avait perdu dans le combat contre les Athéniens[*](A Délium.) la fleur de sa jeunesse. Le temple de Junon, à Argos, fut incendié le même été : la prêtresse Chrysis, ayant placé près d’une guirlande une lampe allumée, se laissa surprendre par le sommeil ; l’incendie gagna sans qu’on s’en aperçût, et tout fut consumé. Chrysis, craignant la colère des Argiens, s’enfuit la nuit même à Phlions. Ils établirent, suivant la loi, une autre prêtresse, du nom de Phaïnis. Il y avait huit ans et demi que la guerre était commencée, quand Chrysis prit la fuite. A la fin de l’été, la circonvallation de Scione fut entièrement terminée. Les Athéniens y laissèrent garnison et rentrèrent avec le reste de leur armée.
CXXXIV. L’hiver suivant, les Athéniens et les Lacédémoniens se tinrent en repos, en observation de la trêve. Les Mantinéens et les Tégéates, avec leurs alliés respectifs, en vinrent aux mains, à Laodicéum, dans l’Orestide ; la victoire resta indécise. Chacun des deux peuples enfonça l’aile qui lui était opposée ; et tous deux dressèrent un trophée et envoyèrent des dépouilles à Delphes. Le nombre des morts fut considérable des deux côtés ; le combat se soutenait sans désavantage de part et d’autre, quand la nuit y mit fin. Les Tégéates passèrent la nuit sur le champ de bataille et élevèrent aussitôt un trophée ; les Mantinéens se retirèrent à Boucolion et ce ne fut qu’ensuite qu’ils en dressèrent un à leur tour.
CXXXV. L’hiver finissait et on touchait au printemps, lorsque Brasidas fit une tentative sur Potidée. Il s’en approcha de nuit et appliqua une échelle sans être aperçu ; il avait profité du moment où la son- nette[*](Les gardes, à certaines heures de la nuit, se transmettaient de main en main une sonnette ; c’était un moyen de s’assurer qu’ils veillaient.) passe ; et, pendant que la sentinelle la transmettait à son voisin, il avait, avant son retour, appliqué l’échelle à l’endroit qu’elle laissait libre. Cependant, l’éveil ayant été donné avant l’escalade, il ramena promptement son armée sans attendre le jour. Avec l’hiver finit la neuvième année de cette guerre, dont Thucydide a écrit l’histoire.
fin du premier volume.
I. L’été suivant, le terme de la trêve d’un an avait été fixé aux jeux pythiens[*](Deuxième année de la quatre-vingt-troisième olympiade* 423 avant notre ère, au commencement du printemps.). Pendant l’armistice, les Athéniens expulsèrent de Délos les habitants de l’île : ils s’imaginaient qu’une faute déjà ancienne les ayant rendus impurs et indignes d’habiter une terre sacrée, ce complément avait manqué à la purification dont j’ai parlé plus haut[*](Livre ni, ch. 104.), lorsque, par l’enlèvement des tombeaux des morts, ils crurent n’avoir rien laissé à faire[*](Diodore (xn, 73) donne de cette expulsion une raison plus plausible s les Athéniens reprochaient aux habitants de Délos de s’ôtre alliés secrètement avec les Lacédémoniens.). Les Déliens s’établirent à Atramytion[*](Aujourd’hui Adramiti, au fond du golfe du même nom,), ville d’Asie, que leur donna Pharnace, et où ils furent admis à mesure qu’ils se présentèrent.
II. Cléon, avec l’assentiment des Athéniens, fit voile, après l’armistice, pour l’Épithrace, avec douze cents hoplites athéniens, trois cents cavaliers, un plus grand [*](1 Deuxième année de la quatre-vingt-troisième olympiade* 423 avant notre ère, au commencement du printemps.) [*](2 Livre ni, ch. 104.) [*](3 Diodore (xn, 73) donne de cette expulsion une raison plus plausible s les Athéniens reprochaient aux habitants de Délos de s’ôtre alliés secrètement avec les Lacédémoniens.) [*](4 Aujourd’hui Adramiti, au fond du golfe du même nom,)
III. Le Lacédémonien Pasitélidas, commandant de la place, se porta sur ce point avec ce qu’il avait de garnison, pour repousser l’attaque des Athéniens; mais, se sentant forcé, et apercevant les vaisseaux que Cléon avait envoyés croiser devant le port, il craignit, si la flotte le prévenait en occupant la ville maintenant sans défense, et si l’enceinte venait à être forcée, de se trouver pris entre deux ennemis : il abandonna l’enceinte et courut vers la ville; mais les Athéniens de la flotte levaient devancé et occupaient Toroné; en même temps l’infanterie, qui s’était précipitée sur ses traces, entrait d’emblée par la partie détruite de l’ancien mur. Une partie des Péloponnésiens et des Toronéens furent tués dans la lutte, au moment même; d’autres furent faits prisonniers, et parmi eux le commandant Pasité- [*](i Socrate, suivant Platon, prit part à cette malheureuse expédition.) [*](2 C’était le nom d’un petit golfe sur le territoire de Toroné. On ignore d’où lui venait ce nom do port dos Golophoaicus.)
Vers la même époque, les Béotiens prirent par trahison Panacton, fort des Athéniens, sur la frontière. Cléon mit garnison à Toroné, s’embarqua et tourna l’Athos pour gagner Amphipolis.
IV. Vers le même temps, Phéax, fils d’Érasistrate, fit voile avec deux vaisseaux pour l’ltalie et la Sicile, où il était envoyé en ambassade, lui troisième, par les Athéniens. Les Léontins, après l’évacuation de la Sicile par les Athéniens, lors de la paix, avaient inscrit un grand nombre de citoyens nouveaux, et le peuple méditait le partage des terres[*](11 est probable qu’il ne s’agit ici que d’une nouvelle division des terres publiques, rendue nécessaire par l’extension du droit de cité.); les riches, instruits du projet, appelèrent les Syracusains, et expulsèrent le peuple. Les bannis se dispersèrent chacun de leur côté; quant aux riches, ils traitèrent avec les Syracusains, abandonnèrent la ville, la laissèrent déserte, et allèrent [*](i Un peu plus de sept kilomètres.) [*](* 11 est probable qu’il ne s’agit ici que d’une nouvelle division des terres publiques, rendue nécessaire par l’extension du droit de cité.)