History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

LXXVII. Après cet essai, les Péloponnésiens, voyant que les machines ne leur étaient d’aucune utilité et qu’en face de leur plate-forme s’élevait le mur de renfort, jugèrent, par leur insuccès jusque-là, qu’ils ne pourraient prendre la place de vive force ; ils se dispo- sèrent donc à l’investir d’une enceinte fortifiée. Mais,

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comme la ville était petite, ils voulurent tenter aupa- ravant si, par un vent favorable, il ne leur serait pas possible de l’incendier ; car ils imaginaient toute sorte d’expédients pour s’en emparer à peu de frais et sans un siége régulier. Ils apportèrent des fascines, les jetèrent du haut de la plate-forme, et comblèrent d’abord l’intervalle qui séparait celle-ci de l’enceinte. Cet espace s’étant bientôt trouvé rempli, grace au grand nombre des travailleurs, ils en lancèrent jusque dans la ville, aussi loin qu’ils purent atteindre de la hauteur où ils se trouvaient. Puis ils y jetèrent du soufre et de la poix, et y mirent le feu. Il s’éleva alors un incendie tel qu’on n’en avait jamais vu, du moins allumé par la main des hommes (car on a vu quelquefois, sur les montagnes, des forêts battues par les vents s’enflammer spontanément par le frottement, et brûler tout entières). L’embrasement était immense, et peu s’en fallut que les Platéens, après avoir échappé aux autres périls ne périssent dans les flammes. Jusqu’à une grande distance dans l’intérieur de la ville, il était impossible d’approcher. Si le vent se fût élevé et eût soufflé de ce côté, comme l’avaient espéré les ennemis, c’en était fait des Platéens. On prétend aussi qu’un orage étant survenu à ce moment, une pluie abondante éteignit l’incendie et mit fin au danger.

LXXVIII. Les Péloponnésiens, après l’insuccès de cette nouvelle tentative, congédièrent une partie de leur armée. Ce qui restait fut employé à la construction du mur de siege ; une étendue déterminée fut assignée au contingent de chaque ville. En dedans et en dehors du mur on creusa un fossé, et la terre qu'on en tirait servit à faire des briques. Lorsque le tout fut

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terminé, vers le lever d’Arcturus[*]( Étoile de la constellation du bouvier. — Les anciens avaient coutume de désigner les diverses époques de l’année par le lever ou le coucher de certaines étoiles remarquables, c’est-à-dire par l’époque où elles apparaissent sur notre horizon et par celle où elles cessent d'être visibles. Ils citent fréquemment le lever et le coucher des Pléiades, d’Orion, d’Arcturus. Le lever d’Arcturus cor- respond à peu près à l’équinoxe d’automne, vers le 20 septembre.), des soldats furent laissés à la garde de la moitié du mur (l’autre moitié était gardée par les Béotiens) ; l’armée se retira , et chacun rentra dans son pays.

Les Platéens avaient, tout d’abord, fait passer à Athènes les femmes, les enfants, les vieillards et tous les hommes inutiles ; il ne restait en tout, pour soutenir le siége, que quatre cents soldats, avec quatre- vingt-dix Athéniens, et cent dix femmes pour faire le pain[*](Chez les Romains les femmes étaient aussi chargées de ce soin. Nous savons par Pline que, jusqu’à l’an 630 de la fondation de Rome, il n’y eut pas de boulangers à Rome, que les habitants faisaient eux-mêmes leur pain, et que c’était une des occupations des femmes. Cet usage s’est perpétué chez nous dans les campagnes.). Tel était exactement le nombre des défenseurs de Platée lorque commença le siége ; il n’y avait personne de plus dans l’intérieur, ni hommes libres, ni esclaves.

Telles furent les dispositions prises pour le siége de Platée.

LXXIX. Le même été, pendant l’expédition contre Platée, les Athéniens, avec deux mille hoplites indigènes et deux cents cavaliers, portèrent la guerre chez les Chalcidiens de l’Épithrace et les Bottiéens ; c’était au moment de la maturité des blés ; Xénophon, fils d’Euripide, commandait avec deux autres généraux. Arrivés

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sous Spartolos[*](A l’ouest d’Olynthe.), dans la Bottique, ils ravagèrent les blés. La ville même semblait devoir se soumettre, grâce à quelques partisans qu’ils avaient dans l’intérieur ; mais ceux qui étaient opposés à la reddition, ayant envoyé à l’avance demander des secours à Olynthe, en avaient reçu des hoplites et d’autres troupes pour la garde de la ville. La garnison fit une sortie, et le combat s’engagea sous les murs mêmes de la place. Les hoplites chalcidiens et quelques auxiliaires qui les accompagnaient, vaincus par les Athéniens, rentrèrent dans Spartolos. Mais la cavalerie chalcidienne et les troupes légères défirent la cavalerie et les troupes légères des Athéniens. Avec les Chalcidiens se trouvaient quelques peltastes, mais en petit nombre, du pays nommé Crusis[*](Au fond et à l’est du golfe Thermaïque (golfe de Saloniki).). Le combat était à peine terminé que d’autres peltastes vinrent d’Olynthe à leur secours. Dès que les troupes légères de Spartolos aperçurent ce renfort, leur audace s'en accrut, d’autant plus qu’elles n’avaient pas eu le dessous à la première affaire ; unies à la cavalerie chalcidienne et à ces nouveaux auxiliaires, elles revinrent à la charge contre les Athéniens, et les forcèrent à se replier sur les deux cohortes qu’ils avaient laissées à la garde des bagages. Quand les Athéniens avançaient, l’ennemi cédait le terrain ; s’ils se repliaient, il attaquait vivement et les accablait de traits. La cavalerie chalcidienne, accourant partout où besoin était, contribua surtout à les effrayer par ses charges réitérées, les mit en fuite et les poursuivit au loin[*](Plutarque cite cette défaite Nicias, chap. vii) : « Les Athéniens, sous la conduite de Calliadès et de Xénophon, furent vaincus en thrace par les Chalcidiens. »). Les Athéniens se
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réfugièrent à Polidée, enlevèrent plus tard leurs morts par convention, et retournèrent à Athènes avec le reste de leur armée. Ils avaient perdu dans cette affaire quatre cent trente hommes et tous leurs généraux. Les Chalcidiens et les Bottiéens dressèrent un trophée, enlevèrent leurs morts et se séparèrent pour rentrer chacun chez eux.