History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

XIII. Quand la Grèce devint plus puissante, et qu’on y fut plus occupé encore à s’enrichir, des tyrannies s’établirent dans la plupart des villes, à mesure que les revenus s’accroissaient. (Il y avait bien eu auparavant des royautés héréditaires, mais avec des prérogatives déterminées[*](Denys d’Halicarnasse admet (Antiq. r.) la même succession dans les gouvernements de la Grèce : d’abord la royauté avec prérogatives déterminées dans toutes les villes ; ensuite, la démocratie, et enfin le gouvernement despotique ou tyrannique. Aristote (Polit., iv, 17, et v, 4,) exprime avec plus de précision et de détails une opinion analogue. Il place avec raison entre la démocratie et la tyrannie le gouvernement aristocratique dont les excès portent souvent le peuple à se jeter entre les mains d’un maître.).) On équipa des flottes et on s’adonna davantage à la navigation. On dit que les Corinthiens ont, les premiers, fait usage de bâtiments très peu différents de ceux d’aujourd’hui, et que les premières trirèmes grecques ont été construites à Corinthe. On sait que le constructeur corinthien Ami- noclès fit aussi quatre vaisseaux pour les Samiens. De l’arrivée d’Aminoclès à Samos à la fin de la guerre du Péloponnèse il y a juste trois cents ans[*](704 av. J.-C.). Le plus ancien combat naval connu eut lieu entre les Corinthiens et les Corcyréens, deux cent soixante ans avant la fin de la guerre actuelle[*](664 av. J.-C.).

Corinthe, gràce à sa situation sur l’isthme, fut de tout temps une place de commerce ; car autrefois les

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Grecs, communiquant entre eux beaucoup plus par terre que par mer, tant ceux de l’intérieur du Péloponnèse que ceux du dehors, devaient traverser le territoire des Corinthiens ; aussi Corinthe était-elle puissante et riche, comme on le voit par les récits des anciens poëtes qui lui donnent le surnom d’Opulente. Lorsque les Grecs s’adonnèrent davantage à la navigation, les Corinthiens eurent une flotte et détruisirent les pirates. En possession d’un double marché[*](Par terre et par mer.), ils virent leur puissance s’accroître rapidement par l’affluence des richesses. Plus tard les Ioniens aussi eurent nne flotte nombreuse, au temps de Cyrus, premier roi des Perses, et de Cambyse son fils. En guerre avec Cyrus, ils dominèrent quelque temps sur la mer d’Ionie. Sous le règne de Cambyse, Polycrate, tyran de Samos, cut une marine puissante ; il soumit plusieurs ìles, entre autres Rhénie qu’il consacra à Apollon de Délos. Les Phocéens, fondateurs de Marseille, vainquirent sur mer les Carthaginois.

XIV. Telles étaient les marines les plus puissantes : on voit assez qu’elles ne se formèrent que plusieurs générations après la guerre de Troie ; les trirèmes y étaient peu en usage. Alors encore, comme au siége de Troie, les flottes ne se composaient que de pentécontores[*](Vaisseaux de cinquante rameurs, disposés sur un seul rang, vingt-cinq de chaque côté.) et de vaisseaux longs. Peu de temps avant la guerre médique et la mort du roi des Perses Darius, successeur de Cambyse, les tyrans de Sicile[*](Gélon offrit aux Grecs deux cents trirèmes, contre Xerxès, s’ils voulaient lui donner le commandement en chef de l’expédition.) et

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les Corcyréens eurent de nombreuses trirèmes. Ces flottes sont les dernières qui méritent d’être citées en Grèce, avant l’expédition deXerxès. Car, jusque-là, les Éginètes, les Athéniens et quelques autres peuples, n’avaient qu’une marine sans importance, composée surtout de pentécontores[*](Od. Muller oppose avec raison à cette assertion do nombreux passages des historiens anciens qui prouvent qu’antérieurement déjà la Grèce avait équipé de nombreuses galères. Égine, surtout, parait avoir eu une grande puissance ; car les historiens lui donnent le titre de reine des mers.). Ce fut même assez tard que, sur les conseils de Thémistocle, les Athéniens, en guerre avec les Éginètes, et dans l’attente de l’invasion barbare, construisirent des vaisseaux sur lesquels ils combattirent ; et encore ces bâtiments n’étaient-ils pas complétement pontés.