History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.
Comme on ne faisait aucun progrès, le chef des Messéniens, s’adressant à Cléon et à Démosthène, leur dit qu’on se fatiguait en vain ; que, s’ils voulaient lui donner un certain nombre d’archers et de peltastes, il se faisait fort de tourner la position par le chemin qu’il saurait trouver et de forcer le passage. Il obtint ce qu’il demandait, partit sans bruit, et, dérobant sa marche aux ennemis, il se glissa le long des escarpements, par tous les endroits praticables, vers le point que les Lacédémoniens avaient cru assez fort pour se passer de défense. Il y parvint à grand’peine et après de longs détours. Tout à coup il se montra derrière eux sur la hauteur. Ils furent consternés de cette apparition soudaine, tandis que les Athéniens qui l’attendaient en conçurent une nouvelle ardeur. Dès lors , les Lacédémoniens , attaqués des deux côtés à la fois, se trouvèrent, toute proportion gardée, dans la même situation que les défenseurs des Thermopyles, quand les Perses les tournèrent par le sentier et les taillèrent en pièces. Enveloppés de toutes parts, ils ne résistaient plus; mais, accablés par le nombre, exténués par la faim, ils reculaient. Les Athéniens étaient maîtres du passage.
Cléon et Démosthène, sentant que, pour peu qu’ils pliassent encore, ils seraient exterminés par l’armée athénienne, firent cesser le combat et retinrent les leurs. Us aspiraient à conduire à Athènes les ennemis vivants, si du moins ceux-ci, vaincus par leurs maux, humiliaient leur orgueil jusqu’à demander quartier. Ils les firent donc sommer par un héraut de mettre bas les armes et de se rendre à discrétion aux Athéniens.
A cette proclamation, la plupart abaissèrent leurs boucliers et agitèrent les mains en signe d’adhésion. Une suspension d’armes ayant été convenue, Cléon et Démosthène s’abouchèrent avec Styphon fils de Pharax. Des chefs précédents, Épitadas, le premier, avait été tué ; le second, Hippagrétas, laissé
Voici le chiffre de ceux qui périrent et de ceux qui fareat pris vivants. Quatre cent vingt hoplites en tout avaient passé dans Plie ; de ce nombre, deux cent quatre-vingt-douze furent emmenés captifs ; le reste avait été tué. Parmi les prisonniers étaient cent vingt Spartiates. La perte des Athéniens fut légère ; Car oft n'avait pas combattu de pied ferme.
La durée totale du blocus, depuis la bataille navale jusqu'au dernier combat livré dans l'île, fut dè soixante et douze jours, sur lesquels il y en eut vingt Où les Lacédémoniens reçurent des Vivres, savoir pendant l'absence des envoyés chargés de parlementer. Le reste du temps, ils ne véonreat que d’importations clandestines. On trouva cependant encore dans l'île du blé et d’autres substances alimentaires; car le général Épitadas avait réduit les rations.
Les armées d’Athènes et du Péloponèse quittèrent Pjrloê et feutrèrent dans leurs foyers. Ainsi fut accomplie, malgré son extravagance, la promesse de Cléon : en moins de vingt jours il amena les guerriers, comme il Pavait promiSi
La nouvelle de cet événement produisit en Grèce une sensation extraordinaire. On avait cru que ni la faim ni aucune extrémité n’engagerait les Lacédémoniens à mettre bas les ârmes, mais qu’ils se feraient tuer plutôt que de se rendre On ne pouvait se persuader que les captifs fussent de la même trempe que ceux qui étaient morts. Il y eut même un des alliés d'Athènes, qui, plus tard, demanda par raillerie à l’un des prisonniers de l’île si c'étaient de braves gens que ceux qui
A l’arrivée des prisonniers, les Athéniens arrêtèrent de les tenir aux fers en attendant qu’une convention fût intervenue, et en se réservant de les mettre à mort si jusque-là lçs Lacédémoniens envahissaient l’Attique. Une garnison fut établie à Pylos. Les Messéniens de Naupacte y envoyèrent leurs gens les plus alertes. A leurs yeux, c’était la patrie; car Pylos avait jadis appartenu à la Messénie. Ils mirent la Laconie au pillage et y firent d’autant plus de mal qu’ils parlaient le même dialecte [*](Le dialecte dorien, parlé en Laconie, et qui leur permettait de parcourir plus sûrement le pays, de communiquer avec les esclaves et de les exciter à la désertion. ). Cette guerre de brigandage était nouvelle pour les Lacédémoniens ; leurs Hilotes désertaient ; on pouvait craindre que l'esprit de révolte ne gagnât toute la contrée ; ils étaient donc fort alarmés. Aussi, tout en désirant dissimuler aux Athéniens leurs inquiétudes, ils ne laissèrent pas de leur envoyer des députés pour obtenir, s'il se pouvait, la restitution de Pylos et de leurs guerriers. Mais les Athéniens avaient des prétentious trop élevées. Ils reçurent plusieurs ambassades qu'ils renvoyèrent sans rien accorder. Tel fut le dénoûment de l’affaire de Pylos.
Le même été, peu après ces événements, les Athéniens firent une expédition contre la Corinthie. Ils avrçieut quatre-vingts vaisseaux, deux mille hoplites d’Athènes et deux cents cavaliers, embarqués sur des bâtiments construits pour cet usage. Leurs alliés de Milet, d’Andros et de Carystos les accompagnaient. Cette armée était commandée par Nicias fils de Nicératos, lui troisième. Elle mit à la voile au point du jour et prit terre entre la Chersonèse et Rhitos [*](La Chersonèse corinthienne doit être une langue de terre qui s’avance dans le golfe Saronique, au S. de Cenchrées, en prolongement du mont Onéon. Rhitos est, à ce qu’on présume, le nom d’un ruisseau qui coulait un peu plus au S. La colline de Solygie était, une des sommités du mont Onéon. ), au pied de cette même colline de Solygie, où s’établirent jadis les Doriens pour faire la guerre aux Éoliens alors habitants de Corinthe [*](Les Doriens qui, à l’époque du retour des Héraclides, s’emparèrent de Corinthe, étaient conduits par l’Héraclide Alétas. Ils assiégèrent Corinthe à l’ancienne manière, consistant à s’établir solidement dans le voisinage de la place qu’on voulait prendre, et à ravager son territoire, afin d’amener les ennemis à combattre en rase eam-pagne ou à capituler. ). Au sommet se trouve aujourd’hui un village appelé également -Solygie. De l’endroit où abordèrent les vaisseaux, il y a douze stades jusqu’à ce village, soixante jusqu’à la ville de Corinthe, et vingt jusqu’à l’Isthme. Instruits d’avance, par la voie d’Ajv gos, de l’approche des ennemis, les Corinthiens, excepté ceux qui habitent en deçà de l’Isthme[*](La Connthie s’étendait ara N. de l’isthme, probablement jusqu’aux monts Onéens, limite de la Mégaride, à laquelle la Gérante appartenait (liv. I, ch. cv). Dans ce district étaient les petites places de Schoenus, de Sidus et de Crommyon. ), s'étaient rassemblés à l’Isthnie depuis longtemps. A part cinq cents hommes détachés sur Ambracie et sur Leucade, tous les citoyens en armes épiaient l'endroit où descendraient les Athéniens ; mais ceux-ci les mirent en défaut et abordèrent de nuit. A l’instant furent élevés des
Battos, Tun des deux généraux présents à cette journée, prit avec lui une division et alla occuper le village de Solygie, qui n’était pas fortifié. Lycophron avec le reste des troupes engagea lë combat. D’abord les Corinthiens attaquèrent l’aile droite des Athéniens, à peine débarquée en avant de Ja Chersonèse ; ensuite l’action devint générale. On se battit pendant longtemps et toujours corps à corps. L’aile droite des Athéniens et les Carystiens qui en formaient l’extrémité, soutinrent le choc des Corinthiens et les repoussèrent non sans peine. Ceux-ci rétrogradèrent jusqu’à une muraille située au-dessus d’eux, sur un terrain incliné. De là ils se mirent à lancer des pierres, chantèrent le Péan et revinrent à la charge. Les Athéniens les attendirent de pied ferme et la mêlée recommença. Une division de Corinthiens, venue au secours de leur aile gauche, mit en fuite la droite des Athéniens, et la refoula jusqu’à la mer : mais arrivés près des vaisseaux, les Athéniens et les Carystiens firent volte-face. Le reste des deux armées combattit sans interruption, surtout l’aile droite des Corinthiens, où était Lycophron, et qui avait affaire à la gauqhe des Athéniens. On craignait que ceux-ci ne se portassent contre le village de Solygie.
Pendant longtemps on fit bonne contenance sans broncher d’aucun côté ; mais à la fin les Athéniens qui avaient l’avantage d’être soutenus par leur cavalerie, rompirent la ligne des Corinthiens. Ceux-ci se replièrent sur la colline, où ils se mirent au repos sous les armes, sans faire mine de descendre une seconde fois. Dans ce mouvement rétrograde, leur aile droite fut surtout maltraitée ; elle perdit entre autres son général Lycophron. Le reste de l’armée, quoique enfoncé, ne fut que faiblement poursuivi et eut le temps de se retirer sur les hauteurs, où il s’établit. Les Athéniens demeurèrent maîtres du champ de bataille, relevèrent leurs morts, dépouillèrent ceux de l’ennemi et dressèrent aussitôt un trophée.
L’autre moitié de l’armée corinthienne était restée en observation à Cenchrées, dans la crainte que les Athéniens ne se portassent sur Crommyon. Elle n’avait pu apercevoir le combat, dont le mont Ornéon [*](Le mont Onéon s’étendait à PE. de Corinthe jusqu’au golfe Saronique. Il ne faut pas le confondre avec les monts Onéens, qui croisent l’isthme entre Corinthe et Mégare. ) lui interceptait la vue. Cependant, avertie par le nuage de poussière qui s’élevait du champ de bataille,
Après avoir quitté les îles, les Athéniens cinglèrent le même jour vers Crommyon, place du territoire de Corinthe, à cent vingt stades de cette ville. Ils jetèrent l'ancre, ravagèrent' la campagne, et y passèrent la nuit. Le lendemain, ils remirent en mer; et, longeant la côte, ils firent premièrement une des-cénte en Epidaurie ; puis ils poussèrent jusqu’à Méthone, qui est située entre Épidaure etTrézène[*](Méthone en Trézénie, pour la distinguer de Mé-thone en Messénie (Modon). Le village moderne de Uéthana est sur l’emplacement de la première de ces deux villes. ). Ils occupèrent l’isthme de la presqu’île où est Méthone, le fermèrent d’un mur et y construisirent un fort. De là ils firent des courses sur les terres de Trézène, des Haliens et d’Épidaure. Ces opérations terminées, ils se rembarquèrent et retournèrent dans leur pays.
Pendant que ces événements se passaient, Eurymé-don et Sophoclès, partis de Pylos pour la Sicile, avec la flotte athénienne, étaient arrivés à Corcyre. Là, de concert avec ceux de la ville, ils firent une expédition contre les Corcy réens établis sur le mont Istone [*](Voyez liv. III, ch. lxxxv, note 2. ), lesquels, après la sédition, avaient passé dans rïle et s’étaient rendus maîtres de la campagne qu’ils infestaient. Le fort fut emporté d’assaut. Les défenseurs, retirés ensemble sur une éminence, capitulèrent à condition de livrer leurs auxiliaires, de mettre bas les armes et de s’en rapporter pour leurs personnes à la décision du peuple athénien. Les généraux, transportèrent ces captifs, sous U foi d’un traité, dans l’ile de Ptychia [*](Ilot situé devant le port de Corcyre·. ), pour y être gardés jusqu’à ce qu’ils fussent envoyés à Athènes, sous la réserve expresse que, si l’un d’eux cherchait à s’évader, la convention serait annulée pour tous.
Les chefs du peuple de Corcyre, craignant que les Athéniens ne laissassent la vie à ces prisonniers, imaginèrent un stratagème. Ils envoyèrent ^pus main des hommes dévoués, qui, avec un faux-semblant de bienveillance, firent savoir à quelques-uns des prisonniers que ce qu’ils avaient de mieux à faire était
Les prisonniers donnèrent dans le piège. Les mesures étaient prises pour que le bâtiment qui les portait fût capture à son départ. Dès lors la convention fut rompue et ils fûrent tous livrés aux Gorcyréens. Les généraux athéniens se prêtèrent à cette perfidie ; ce furent eux qui en fournirent le prétexte et qui assurèrent toute sécurité aux auteurs de cette trame. Il fut évident pour tout le monde que, devant partir eux-mêmes pour la Sicile, ils n’avaient pas voulu laisser à d’autres l’honneur de conduire à Athènes ces prisonniers.
Les Corcyréens ne les eurent pas plus tôt en leur puissance, qu’ils les enfermèrent dans un grand édifice, d’où on les retira vingt par vingt, garrottés deux à deux, à travers une double haie d’hoplites, qui les frappaient ou les piquaient à mesure qu’ils reconnaissaient un ennemi. A leurs côtés étaient des hommes armés de fouets pour presser leur marche.
Soixante furent ainsi extraits et mis à mort à l’insu de leurs compagnons de captivité. Ceux-ci croyaient qu’on les transférait ailleurs ; mais on les détrompa. Mieux informés, ils invoquèrent les Athéniens, les conjurant de les tuer eux-mêmes, s’ils le voulaient. Ils déclarèrent qu’ils ne sortiraient plus, et qu’ils s’opposeraient de tout leur pouvoir à ce que personne entrât.
Les Corcyréens n’eurent garde de forcer les portes ; mais ils escaladèrent le toit, entr’ouvrirent le plafond, et firent pleuvoir dans l’intérieur les traits et les tuiles. Les prisonniers s’abritaient de leur mieux. Quelques-uns se donnaient eux-mêmes la mort. Ils s’enfonçaient dans le gosier les flèches qu’on leur avait lancées ; ils s’étranglaient avec les sangles de quelques lits qui se trouvaient là, ou avec les lambeaux de leurs vêtements déchirés.
Pendant la plus grande partie de la nuit qui recouvrit cette scène de carnage, tout fut mis en œuvre de part et d’autre pour donner ou pour recevoir la mort. Le jour venu, les Corcyréens empilèrent les cadavres sur des charrettes et les transportèrent hors de la ville. On réduisit en esclavage toutes les femmes prises dans le fort.
C’est ainsi que les Corcyréens de la montagne furent exterminés par le peuple. Là se termina cette grande sédition, du moins en ce qui concerne la guerre actuelle [*](Ce passage semble indiquer qu’il n’y eut de nouveaux troubles à Corcyre qu’après la fin de la guerre du Pélopo-nèse, c’est-à-dire postérieurement à 404 av. J. C., et que Thucydide vécut assez longtemps pour en être témoin. D’autres, s’autorisant de ce que Diodore de Sicile (XIII, xlviii) parle d’une· sédition arrivée à Corcyre en 410, en concluent que par ces mots : la guerre actuelle, Thucydide désigne seulement le première partie de la guerre du Pélo-ponèse, jusqu’à la paix de Nicias. ). En effet, il ne
Sur la fin de l’été, les Athéniens qui étaient à Naupacte firent, de concert avec les Acamaniens, une expédition contre Anactorion, ville corinthienne, située à rentrée du golfe Ambracique. Ils la prirent par trahison. Les Corinthiens furent expulsés et la ville repeuplée par des habitants tirés de toute rAcamanie. Sur quoi l’été finit.
L’hiver suivant, Aristidès fils d'Archippos, l’un des commandants de la flotte athénienne chargée de lever le tribut des alliés, arrêta à Ëïon, à l’embouchure du Strymon, le Perse Arta-phemès, qui se rendait à Lacédémone avec mission du roi. Ar-taphernès fut conduit à Athènes, où l’on donna lecture de ses dépêches, après les avoir fait traduire de l’assyrien. Entre autres choses à l’adresse des Lacédémoniens, elles portaient en substance que le roi ne comprenait rien à leurs demandes, parce que tous ceux qui étaient venus de leur part lui avaient tenu un langage différent ; que, s’ils voulaient préciser leurs intentions, ils eussent à lui envoyer des députés avec Artapher-nès. Plus tard, les Athéniens reconduisirent ce dernier à Éphèse sur une trirème, en lui adjoignant des ambassadeurs. Mais ceux-ci, ayant appris en cet endroit la mort d’Artaxerxès fils de Xerxès, (elle eut effectivement lieu à cétte époque [*](Selon Diodore (XII, liv), Artaxerxès mourut sous Parchontat de Stratoclès (olympiade 88, 4), ce qui s’accorde avec l’époque indiquée ici. Il eut pour successeur Xerxès II, qui ne régna que quarante-cinq jours, puis Sogdien pour six mois. Après ce dernier vint Darius II, surnommé Nothus„ qui est cité plusieurs fois dans le VIIIe livre de Thucydide. Voyez liv. VIII, ch. LVin, note 1. )), revinrent à Athènes.
Le même hiver, les Chiotes démolirent leur nouvelle muraille à la réquisition des Athéniens, qui leur prêtaient des projets de révolte. Ils n’obéirent cependant qu’après avoir obtenu l’assurance la plus formelle qu’il ne serait rien innové à leur égard. Là-dessus l’hiver finit, et avec lui la septième année de la guerre que Thucydide a racontée.
L’été suivant ne faisait que de commencer [*](Huitième année de la guerre, 424 av. J.-C.), lorsqu’il y eut une éclipse de soleil à l’époque du renouvellement de la lune [*](Le .21 mars.), ainsi qu’un tremblement de terre dans les premiers jours du mois.
Les bannis de Mytilène et du reste de Lesbos, partis du continent pour la plupart et soutenus par des mercenaires levés dans le Péloponèse ou dans le pays même, s’emparèrent de la ville de Rhétée[*](Ville de Mysie, près du cap du même nom, à l’entrée de l’Hellespont. Voyez liv. VIII, ch. a* ). Ils la frappèrent d’une contribution de deux
Le même été, les Athéniens firent une expédition contre Cythère avec soixante vaisseaux, deux mille hoplites et un petit nombre de cavaliers. Leurs alliés de Milet et de quelques autres villes les accompagnaient. Les généraux étaient Nicias fils de Nicératos, Nicostratos fils de Diotréphès et Autoclès fils de Tol-méos. Cythère est une île adjacente à la Laconie et voisine du cap Malée. Les habitants sont des Lacédémoniens de la classe des Périèques. Chaque année on y envoyait de Sparte un magistrat nommé Cythérodicès[*](Juge de Cythère, sorte de bailli ou de provédi- teur. Sur l’importance de Cythère pour Lacédémone, comparez Hérodote, liv. VU, ch. ccxxxv. La restitution de Cythère fut stipulée en première ligne par les Lacédémoniens dans 1e traité de.paix. Voyez liv. IV, ch. cxvin, et liv. V, ch. xvin. ). Les Lacédémoniens y entretenaient une garnison d’hoplites, et gardaient cette île avec le plus grand soin, parce que son port était fréquenté par les vaisseaux marchands venant d’Égypte et de Libye[*](Cet abord des vaisseaux marchands venant d’Égypte est de neu-veau mentionné au livre VIII, chapitre xxxv. Il paraît avoir surtout consisté en cargaisons de blé, la Grèce ne suffisant pas λ sa consommation. ). De plus elle préservait des déprédations la côte maritime, seul point vulnérable de la Laconie. En effet cette île s’étend dans toute sa longueur vers les mers de Sicile et de Crête.
Les Athéniens ayant pris terre, dix de leurs vaisseaui et deux mille hoplites de Milet[*](Si le nombre indiqué est exact, il faut admettre qu’il y avait sur la flotte autant d’hoplites milésiens que d’hoplites athéniens, et que les troupes de débarquement étaient aussi nombreuses que les équipages, ceux-ci devant monter à deux mille hommes pour dix vaisseaux, à raison de deux cents par trirème. Enfin Poppo remarque avec justesse que les Milésiens n’étaient guère en état de fournir tant d’auxiliaires, eux qui, ayant à défendre leurs foyers (liv. VIII, ch. xxv), ne mettent sur pied que huit cents hoplites. Il est probable qu’il y a dans le texte une erreur de chiffre. ) s’emparèrent de la ville de Scandéa, située au bord de la mer. Le reste de l’armée alla descendre dans la partie de l’ile‘qui fait face au Malée, et marcha contre la ville maritime des Cythériens. On les trouva tous campés hors des murs. Le combat s’engagea bientôt. Les Cythériens tinrent quelque temps ; mais ensuite ils tournèrent le dos et se réfugièrent dans la ville haute[*](Il y avait dans Plie de Cythère deux villes distinctes : celle de Scandéa au S., et celle de Cythère au S. Celle-ci se subdivisait en deux parties : la ville basse ou maritime et la ville haute ou acropolis. ). Plus tard, ils capitulèrent avec Nicias et ses collègues; ils se rendirent à discrétion, sous la seule réserve d’avoir la vie sauve. Déjà précédemment, Nicias avait noué des intelligences avec quelques Cythériens. C’est ce qui facilita dans le moment la transaction et valut aux habitants de meilleures conditions pour la suite ; autrement les Athéniens n’eussent pas manqué d’expulser de Cythère toute la population, qui était lacédémonienne et proche de la Laconie. Là-dessus
Les Lacédémoniens, voyant les Athéniens maîtres de Cythère, et s'attendant à ce qu’ils feraient de nouveaux débarquements dans leur pays, ne leur opposèrent nulle part leurs forces réunies ; ils se contentèrent d’envoyer des détachements d’hoplites sur les points les plus menacés. Ils redoublaient de vigilance ; car tout leur faisait craindre quelque révolution : le désastre aussi terrible qu’imprévu arrivé à Sphactérie; la prise de Pylos et de Cythère ; enfin la vivacité d’une guerre qui multipliait autour d’eux ses coups inopinés. Aussi formèrent-ils, contrairement à leur usage, un corps de quatre cents cavaliers et un autre d’archers [*](Sans doute un corps permanent de troupes mercenaires. La cavalerie de Lacédémone était mauvaise et peu nombreuse (Voyez Xénophon, JfeZL, VI, iv). Elle se composait de six compagnies de cent hommes, attachées à chacune des six divisions (μόραι) de l’armée lacédémonienne, et commandées chacune par un hippar-moste. Le service de cavalier était dédaigné par les Spartiates. Les archers étaient étrangers, ordinairement Crétois. ). Plus que jamais ils étaient las de la guerre. Ils se voyaient engagés dans une lutte maritime qu’ils étaient mal préparés à soutenir, surtout contre des Athéniens, aux yeux desquels l’inaction était une perte véritable. Cette rapide succession de calamités inattendues les avait frappés de stupeur. Sans cesse ils appréhendaient quelque nouvelle catastrophe pareille à celle de Plie. En un mot, ils n’avaient plus la même hardiesse. Ils ne pouvaient faire un pas sans crainte de commettre une faute, tant leur confiance était ébranlée par des revers inaccoutumés.