History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.
Gependant les Ambraciotes de la ville étaient arrivés àldomèae; c’est le nom de deux monticules élevés. Le plus
I
Le lendemain arriva un héraut de la part des Ambraciotes réfugiés d’Olpæ chez les Agréens. Il demandait la permission de relever les corps des hommes tués à la suite du premier combat, lorsque, sans y être autorisés, ils étaient sortis avec les Mantinéens et autres protégés par la capitulation. Ce héraut, voyant les armes des Ambraciotes de la ville, n’en pouvait croire ses yeux; car il ignorait le désastre de la veille, et prenait ces armes pour celles de ses compagnons. Un des assistants, qui le croyait envoyé par ceux d’idomène, lui demanda la cause de sa surprise et combien d'hommes ils avaient perdus, c Environ deux cents, répondit le héraut.—Ce ne sont pas là les armes de deux cents hommes, mais de plus de mille. — Dans ce cas, ce ne sont pas celles de nos gens. — Ce sont
Ce fut dans cette guerre le plus grand désastre éprouvé par une ville grecque en si peu de jours. Je n’ai pas indiqué le nombre des morts, parce qu’on le fait monter à un chiffre incroyable , eu égard à la grandeur de la ville. Ce que je sais bien, c’est que si les Acamaniens et les Amphilochiens eussent voulu s’emparer d’Ambracie, comme Démosthène et les Athéniens le leur conseillaient, rien ne leur eût été plus aisé ; mais ils craignirent que les Athéniens, une fois maîtres de cette ville, ne fussent pour eux de dangereux voisins[*](Ambracie se releva plus tard. Elle était redevenue la plus grande ville de la contrée à l’époque de Pyrrhus, qui en fit sa résidence. ).
Là-dessus ils assignèrent aux Athéniens le tiers des dépouilles et partagèrent le reste entre eux. La part des Athéniens fut prise en mer. Les trois cents panoplies qui se voient aujourd’hui dans les temples de l’Attique furent prélevées pour Démosthène, qui les rapporta lui-même à son retour. Cette victoire lui permit de rentrer dans sa patrie avec moins de danger qu’il n’aurait pu le faire après sa malheureuse campagne d’Étolie. Les vingt vaisseaux athéniens retournèrent à Naupacte.
Après le départ des Athéniens et de Démosthène, les Acar-naniens et les Amphilochiens firent avec les Ambraciotes et les Péloponésiens, réfugiés d’abord auprès de Salynthios, roi des Agréens, puis à OEniades, une convention qui leur permit de quitter cet asile. Ils conclurent aussi avec les Ambraciotes une paix et une alliance de cent ans. Les conditions furent que les Ambraciotes ne porteraient pas les armes avec les Acamaniens contre le Péloponèse, non plus que les Acamaniens avec les Ambraciotes contre Athènes ; mais qu’ils se garantiraient mutuellement leur territoire ; que les Ambraciotes rendraient aux Acamaniens les places et les otages dont ils étaient détenteurs; qu’enfin ils ne soutiendraient pas Anactorion, ville ennemie des Acamaniens. Ce traité mit fin à la guerre. Dans la suite, les Corinthiens envoyèrent à Ambracie une garnison de trois cents hoplites sous les ordres de Xénoclidas fils d’Eu-thyclès. Ces troupes s’y rendirent par voie de terre et eurent
Le même hiver, les Athéniens qui étaient en Sicile opérèrent une descente sur le territoire d’Himéra, tandis que les Sicules faisaient de l’intérieur une incursion sur les frontières du même pays. Ils cinglèrent aussi contre les îles d’Ëole. De retour à Rhégion, ils trouvèrent Pythodoros fils d’Isolo-chos, général athénien, qui venait remplacer Lâchés dans le commandement de la flotte[*](Aristophane (les Guêpes, v. 240) nous apprend que Lâchés fut rappelé à Athènes pour cause de malversations. ). C’est que les alliés de Sicile s’étaient rendus auprès des Athéniens et avaient obtenu l’envoi d’un armement considérable. Les Syracusains, maîtres de la campagne et indignés que la mer leur fût fermée par un petit nombre de navires, armaient une flotte pour repousser cette insulte. Les Athéniens équipèrent donc quarante vaisseaux pour cette destination. Ils voyaient en cela un moyen de terminer plus promptement la guerre de Sicile et en même temps une occasion d’exercer leur marine. L'un des trois généraux, Pythodoros, fut envoyé le premier avec quelques bâtiments ; ses deux collègues, Sophoclès fils de Sostratidès, et Eurymédon fils de Thouclès, devaient suivre avec le reste de la flotte. Pythodoros, après avoir reçu des mains de Lâchés le commandement, cingla sur la fin de l’hiver contre le fortin que Lâchés avait pris sur lesLocriens dans une expédition antérieure[*](Voyez chap. xcix. Il .parait que, dans l’intervalle, Les Locriens l’avaient repris. ); mais il fut battu par les Locriens et se retira.
Aux approches du printemps, il y eut une seconde éruption de l’Etna. Elle désola une partie du territoire des Catanéens, qui habitent au pied de cette montagne, la plus haute de la Sicile. On prétend que cette éruption eut lieu cinquante ans après la précédente et qu’il n’y en a eu que trois depuis que la Sicile est habitée par des Grecs [*](Ainsi la première éruption de l’Etna aurait eu lieu en 475 av. J. C. Les marbres de Paros la placent en 479. Selon Diodore de Sicile (xiv, ,59), une quatrième éruption eut lieu en 396. Thucydide n’en parlant pas, on en conclut qu’il ne vivait plus à cette dernière époque. ).
Tels furent les événements de cet hiver, avec lequel finit la sixième année de la guerre que Thucydide a racontée.
L’été suivant [*](Septième année de la gaerre, an 425 ayant J.-G.), à l'époque où le blé monte en épis, dix vaisseaux de Syracuse et autant de Locres se rendirent à Messine en Sicile, sur l'invitation des habitants. Ils prirent possession de cette ville, qui se détacha ainsi de l'alliance d’Athènes. Ce qui détermina les Syracusains à cette entreprise, c’est que Messine étant l’abord de la Sicile, ils craignaient qu’un jour les Athéniens ne s’en servissent pour diriger contre eux des forces plus considérables. Le motif des Locriens était leur haine contre Rhégion , qu’ils voulaient placer entre deux ennemis [*](Au N. Rhégion avait pour' ennemie la ville de Locres, dont le territoire était limitrophe du sien, et au S. celle de Messine, dont elle n’était séparée que par le détroit. ). Aussi entrèrent-ils en masse dans le pays des Rhé-giens, pour les empêcher de secourir Messine. Ils étaient d’ailleurs excités par des bannis de Rhégion, réfugiés chez eux par suite des dissensions qui agitaient cette ville et qui pour lors paralysaient sa résistance ; c’est ce qui engagea d’autant plus les Locriens à l’attaquer. Leur armée de terre se retira après avoir dévasté la campagne ; mais la flotte resta pour garder Messine. D’autres vaisseaux,, alors en armement, devaient l’y rejoindre et de là continuer la gûerre.
Vers la même époque du printemps et avant la maturité des blés, les Péloponésiens et leurs alliés envahirent l'Attique sous la conduite d’Agis, fils d’Archidamos, roi des Lacédémoniens. Us y campèrent et ravagèrent le pays. De leur côté, les Athéniens envoyèrent en Sicile les quarante vaisseaux qu’ils avaient armés. Les deux généraux restés en arrière, savoir, Eurymedon et Sophoclès, les commandaient ; Pythodoros, le troisième, les avait précédés en Sicile. Ils avaient ordre de donner en passant assistance aux Corcyréens de la ville, exposés aux brigandages des exilés établis sur la montagne[*](Sur le mont Istone. Voyez liv. III, ch. lxxxv. ). Ceux-ci avaient été secourus par soixante vaisseaux péloponésiens; et, comme la ville souffrait beaucoup de la disette , ils espéraient s’en rendre maîtres sans trop de difficulté. Démosthène, resté sans emploi depuis son retour d’Acarnanie, avait obtenu de disposer de cette flotte athénienne pour tenter quelque coup
Arrivés dans les eaux de la Laconie et informés que la flotte péloponésienne était déjà à Corcyre, Eurymédon et So-phoclès avaient hâte de s’y rendre aussi. Démosthène, au contraire, demandait qu’on touchât d’abord à Pylos et qu’on ne reprît la mer qu’après l’exécution des travaux nécessaires. Cet avis rencontrait de l’opposition, quand le hasard voulut qu’une tempête poussât les vaisseaux à Pylos. Aussitôt Démosthène renouvela ses instances pour qu’on fortifiât cette place, disant ne s’être embarqué que dans ce but. Il représentait que le bois et les pierres étaient en abondance, que la place était fortifiée par la nature et inhabitée, ainsi qu'une grande partie des environs. Pylos, située dans l’ancienne Messénie, est à quatre cents stades de Sparte; les Lacédémoniens l’appellent Corypha-sion [*](Coryphasion était proprement le nom du promontoire qui ferme au N. la baie de Pylos, et sur lequel étaient les ruines de l’ancienne ville de Pylos en Messénie, aujourd’hui Vieux Navarin. ). — A quoi l’on répondait que le Péloponèse ne manquait pas de promontoires déserts, dont il pouvait s’empârer, s’il voulait jeter la ville dans de grandes dépenses. Mais Démosthène voyait dans Pylos des avantages particuliers. Non-seulement elle possédait un port; mais, en s’établissant dans cette place qu’ils sauraient bien défendre, les Messéniens, à qui elle avait jadis appartenu et qui parlent le même dialecte que les Lacédémoniens, leur causeraient de grands dommages.
Comme il ne persuadait ni les généraux, ni plus tard les soldats lorsqu'il eut communiqué son projet aux taxiarques [*](Les taxiarqves étaient des officiers commandant les hoplites dans l’armée athénienne. Ils étaient au nombre de dix, un par tribu, subordonnés aux généraux ou stratèges. Il est probable que, dans la circonstance actuelle, Démosthène se sert de leur intermédiaire pour communiquer avec les soldats. ), il n’insista plus. Mais enfin les soldats eux-mêmes, retenus dans l’inaction près de Pylos par les vents contraires, se prirent d’ardeur pour la fortifier. Sur-le-champ ils se mirent à l’œuvre. Comme ils manquaient d’outils pour tailler les pierres, ils les choisissaient une à une et les assemblaient de leur mieux. Fallait-il du mortier, à défaut d’auges, ils le portaient sur leur dos, en se courbant pour le maintenir et en croisant les bras par derrière pour l’empêcher de tomber. En un mot ils faisaient toute la diligence imaginable pour fortifier les points les plus accessibles, avant d’être attaqués par les Lacédémoniens. Du reste la plus grande partie de la place était naturellement forte et n’avait pas besoin de murs.
En ce moment les Lacédémoniens célébraient une fête. La nouvelle de l’occupation de Pylos les inquiéta peu ; ils croyaient n’avoir qu’à se montrer pour faire retirer les défenseurs, ou comptaient facilement emporter la position de vive force. Les Athéniens, après avoir en six jours fortifié le flanc
Les Péloponésiens qui étaient en Attique n’eurent pas plus tôt appris l’occupation de Pylos, qu’ils se hâtèrent de regagner leur foyers. Les Lacédémoniens, et le roi Agis à leur tête, regardaient cette affaire comme personnelle. D’ailleurs ils s’étaient mis en campagne de bonne heure ; les blés étaient en core verts, les vivres rares; enfin le temps était plus mauvais que de coutume et l’armée en souffrait. Ces divers motifs accélérèrent leur retraite et rendirent cette invasion la plus courte de toutes ; car ils ne restèrent pas plus de quinze jours en Attique.
Vers la même époque, Simonidès, général athénien, s’empara par trahison d’Êon [*](Il ne faut pas confondre cette ville avec celle d’Eîon, située à l’embouchure du Strymon. Celle-ci était une colonie d’Athènes (I, xcvm), et les Athéniens n’avaient pas cessé d’en être les maîtres (IV, cvi, cvii). La ville d’Éon, qui n’est pas mentionnée ailleurs, était probablement en Chalcidique. ), ville du littoral de la Thrace, colonie des Mendéens et ennemie d’Athènes. Il avait rassemblé dans ce but quelques Athéniens et beaucoup d’alliés du pays. Mais attaqué promptement par les Chalcidéens et les Bottiéens, il fut chassé avec Une grande perte.
Dès que les Péloponésiens furent de retour d’Attique, les Spartiates et leurs Périèques les plus voisins n’eurent rien de plus pressé que de marcher contre Pylos; mais le reste des Lacédémoniens, à peine retenu d’une autre expédition, mit peu d’ardeur à les suivre. Ils firent savoir par tout le Péloponèse qu'on eût à se rendre le plus tôt possible à Pylos. Ils rappelèrent leurs soixante vaisseaux de Corcyre. Cette flotte, transportée par-dessus l’isthme de Leucade, trompa la surveillance des Athéniens qui mouillaient à Zacynthe et parvint à Pylos. L’armée de terre y était déjà. D’autre part Démosthène, avant l’arrivée de la flotte péloponésienne, avait dépêché à Zacynthe deux vaisseaux pour avertir Eurymédon et les Athéniens du danger de Pylos. Sur ce message de Démosthène, ceux-ci,ne perdirent pas un instant pour aller à son secours. Les Lacédémoniens se préparaient à attaquer par mer et par terre. Ils espéraient s’emparer sans peine d’ouvrages construits à la hâte et gardés par une poignée de défenseurs. Comme ils s’attendaient bien à voir accourir de Zacynthe la flotte athénienne, ils avaient le projet, en cas de non-réussite, d’obstruer les entrées du port, pour le fermer aux Athéniens. L’île de Sphactérie, qui s’étend un peu en avant de ce port, le met à l’abri des vents et ne laisse que deux passes fort étroites : la première, en face de Pylos et
Démosthène, voyant les Lacédémoniens sur le point d’attaquer par mer et par terre, fit à son tour ses préparatifs. Les trirèmes qui lui restaient furent tirées sur le rivage au pied du rempart et entourées d’une palissade. Leurs matelots furent armés de méchants boucliers, d’osier pour la plupart ; en effet, dans ce lieu désert, il n’était pas question de se procurer des armes; celles-là même furent empruntées à une triacontore de pirates[*](Bâtiments légers, à trente rames, et armés en course. Les Messéniens sont ceux de Naupacte. ), ainsi qu’à un brigantin, messéniens l’un et l’autre, que le hasard avait amenés. Ces Messéniens fournirent une quarantaine d’hoplites, que Démosthène incorpora parmi les siens. H plaça la plus grande partie de ses hommes, armés ou non, sur le flanc le plus fort de la place, du côté du continent, avec ordre de repousser les gens de pied. Lui-même, avec soixante hoplites choisis et quelques archers, sortit de l’enceinte et s’avança vers la mer, à l’endroit où il présumait que les ennemis tenteraient la descente. C’était une côte malaisée et garnie de rochers, tournée vers la haute mer[*](On peut conclure de là que le premier combat livré par Démo-sth^ne n’eut pas lieu sur la côte qui borde le port de Pylos, mais dans la partie extérieure, au* N. de la pointe de Sphactérie. Le mot πέλαγος, dont se sert ici Thucydide, indique tôujours une mer ouverte. ) ; mais il pensait que le mur étant le plus faible de ce côté, ce serait là le point d’attaque. Les Athéniens, dans leur confiance en la supériorité de leur marine, avaient négligé de fortifier ceflanc, de sorte que l’ennemi, en brusquant la descente, avait chance de réussite. C'est pourquoi Démosthène prit position sur le bord de la mer. Après
« Soldats qui affrontez avec moi le péril de cette journée, que nul de vous, en ce moment suprême, ne s’ingénie à calculer l'étendue de notre danger. Marchez plutôt tête baissée, animés d’une confiance qui vous rendra vainqueurs. En présence d'une nécessité impérieuse, il ne faut pas raisonner, mais aller droit au but.
« Pour moi, j’estime que nous avons les chances les meilleures, si nous voulons tenir ferme et, sans nous effrayer du nombre des ennemis, ne pas trahir nos avantages. La difficulté de l’abord est en notçe faveur. Si vous restez, ce sera un auxiliaire; si vous reculez, cette côte, tout ardue qu’elle est, s’aplanira faute d’obstacle. D'ailleurs les ennemis seraient plus à craindre si, venant à être pressés, ils se voyaient acculés à la mer. Tant qu’üs sont sur leurs vaisseaux, rien de plus aisé que de les combattre ; une fois débarqués, la partie devient égale.
« Quant à leur multitude, elle ne doit pas vous intimider. Quelque nombreux qu’ils soient, ils ne combattront qu’en détail, grâce à la difficulté de prendre terre. Ce n’est pas ici un combat de plaine, où, toutes choses étant d'ailleurs pareilles, le nombre doit l’emporter. Ils sont sur des vaisseaux ; or en mer il faut le concours de mille circonstances. A mes yeux leurs désavantages compensent amplement la disproportion de nos forces. Je parie à des Athéniens : ils savent par expérience combien il est difficile d’opéref un débarquement en présence d’ennemis résolus à l’empécher, qui ne reculent pas épouvantés par le bruit des rames ou par l’impétuosité de l’abord.
« Soyez donc fermes sur ces rochers que vous allez défendre. Saches vous garder vous-mêmes, vous et le poste qui vous est confié. »
Après avoir enflammé ses soldats par ce langage, Démo-sthène les fit descendre au bord dé la mer et les rangea en bataille. Les Lacédémoniens s’avancèrent alors et attaquèrent la place par terre et par mer. Leur flotte, forte de quarante-trois voiles, était commandée par le Spartiate Thraâymélidas fils de Gmtésiclès. Elle se dirigea vers l’endroit qu'avait prévu Démo-sthène. Les Athéniens firent face des deux côtés, vers le continent et vers la mer. Les vaisseaux ïacédémoniens, échelonnés par petits groupes pour éviter l’encombrement, attaquaient et se reposaient tour à tour. Les soldats déployaient toute l’ardeur
C’est ainsi que Brasidas encourageait les siens. Lui-même contraignit son pilote d'échouer son vaisseau et s'avança vers l’échelle; mais il fut repoussé par les Athéniens. Couvert de blessures, il tomba en défaillance sur l’avant du navire; son bouclier glissa dans la mer ; les Athéniens s’en saisirent et le placèrent ensuite dans le trophée élevé en commémoration de ce combat. Le reste de la flotte faisait les derniers efforts pour toucher terre, sans pouvoir y parvenir, à cause de l’escarpement de la côte et de l’obstination des Athéniens, qui ne cédaient pas un pouce de terrain. Étrange intervertissement des rôles I Ces mêmes Athéniens qui avaient porté si haut la gloire de leur marine, combattaient sur terre, en Laconie, pour repousser les Lacédémoniens. Ceux-ci au contraire, si renommés pour leur tactique continentale, venaient sur des vaisseaux tenter contre des Athéniens une descente dans leur propre territoire, devenu pour eux un pays ennemi.
Après avoir continué leurs attaques pendant toute la journée et une partie du lendemain, les Lacédémoniens y renoncèrent. Le troisième jour, ils envoyèrent à Asiné[*](Place maritime, appartenant aux Lacédémoniens, et située à l’entrée du golfe de Messénie, à quarante stades du cap Acritas. ) quelques vaisseaux chercher des bois pour des machines, avec lesquelles ils espéraient prendre la muraille du côté du port. C’était à la vérité la partie la plus élevée ; mais cet inconvénient était compensé par une plus grande facilité d’accès.
Sur ces entrefaites, arrivèrent de Zacynthe les vaisseaux athéniens aμ nombre de cinquante[*](Le texte reçu porte τεσσαράκοντα. Le nombre primitif des vaisseaux athéniens était de quarante. Démosthène en avait gardé cinq, puis renvoyé deux: restaient trente-sept. Ajoutez le renfort de quatre bâtiments chiotes et de quelques-uns de Naupacte, cela ferait déjà plus de quarante. Enfin, on voit au chapitre xxm qu’après un nouveau renfort de vingt vaisseaux envoyés d’Athènes, la totalité de la flotte athénienne fut de soixante^dix (sans variante); preuve qu’on doit lire ici πεντή κοντά avec quelques manuscrits. ) ; ils avaient été ralliés par quelques bâtiments de la station de Naupacte et par quatre de Chios. Quand ils virent le continent et l’île fourmiller d'hoplites et le port de vaisseaux qui ne faisaient pas mine de sortir, ils ne surent d’abord où prendre terre ; ensuite ils gagnèrent Proté, île déserte et peu éloignée, où ils passèrent la nuit. Le lendemain,
Les Athéniens s’élancent par les deux passes. Déjà la plupart des vaisseaux ennemis avaient démarré, la proue en avant. Les Athéniens les assaillent, les mettent en fuite, les atteignent bientôt, en maltraitent un grand nombre et en prennent cinq, dont un avec son équipage. Ensuite ils fondent sur les bâtiments qui s’étaient jetés à la côte ; d’autres sont heurtés pendant qu’ils embarquent encore leur monde et avant d’avoir démarré ; enfin quelques vaisseaux abandonnés de leurs équipages sont saisis et remorqués par les Athéniens.
A cet aspect, les Lacédémoniens, désespérés d’un événement qui enfermait leurs guerriers dans l’île, s’élancent tout armés dans la mer, ressaisissent leurs navires et les ramènent à eux. Chacun croit sa coopération nécessaire. Autour des vaisseaux, c’était un épouvantable tumulte. Les deux peuples avaient échangé leur manière de combattre. Les Lacédémoniens, dans leur ardeur et dans leur trouble, livraient, pour ainsi dire, un combat naval sur la terre ferme; tandis que les Athéniens, vainqueurs et désireux de poursuivre leurs avantages, combattaient comme sur terre du haut de leurs vaisseaux.
Enfin, après s’être fait mutuellement bien du mal et bien des blessures, on se Sépara. Les Lacédémoniens sauvèrent leurs vaisseaux vides, excepté ceux qui avaient été pris au commencement de l’action. Lorsque les deux partis se furent retirés dans leurs camps, les Athéniens dressèrent un trophée, rendirent les morts et recueillirent les débris des vaisseaux. Ils bloquèrent aussitôt l’île au moyen d’une croisière, pour s’assurer des hommes qui s’y trouvaient renfermés. Les Peloponésiens, qui étaient sur le continent et dont les renforts étaient déjà arrivés de tous côtés, restèrent en place devant Pylos.
Quand la nouvelle de ces événements fut parvenue à Sparte, on décida, comme dans les cas de calamité grave, que les magistrats se rendraient au camp, afin de voir les choses par leurs yeux et d’aviser sans aucun délai. Ils reconnurent l’impossibilité de secourir leurs gens. Voulant donc leur épargner