History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.
I. Quand la nouvelle parvint à Athènes, on refusa longtemps de croire à cet anéantissement total de l’armée, même après le témoignage positif de soldats de l’expédition, bien connus pour tels[*](Je rends ainsi les mots τοΐς πάνυ των στρατιωτών, qui n’ont pas été compris des traducteurs. Il ne peut pas être question ici de soldats d’élite, ou de soldats distingués, ce qui n’a aucune importance dans la circonstance; le témoignage d’hommes qui avaient vu, qui faisaient incontestablement partie de l’expédition, τοῖς πάνυ τ. σ.' avait au contraire une irrécusable autorité. Le désastre avait été d’abord annoncé par un bâtiraent de commerce. Voir Plutarque, Nicias, 30.), et échappés au désastre. Mais quand la vérité fut connue, le peuple s’indigna contre les orateurs qui avaient concouru à l’enthousiasmer pour l'expédition, comme s’il ne l’eût pas décrétée lui-même : on s’emporta contre les colporteurs d’oracles, les devins, et tous ceux qui avaient alors, par quelque prédiction, encouragé l’espoir de soumettre la Sicile. On ne voyait de tous côtés que sujets d’affliction; à la douleur de l’événement se joignaient les craintes, les terreurs profondes dont on était assiégé. Chacun en particulier avait à déplorer quelque perte; la ville entière regrettait cette multi- [*](1 Je rends ainsi les mots τοΐς πάνυ των στρατιωτών, qui n’ont pas été compris des traducteurs. Il ne peut pas être question ici de soldats d’élite, ou de soldats distingués, ce qui n’a aucune importance dans la circonstance; le témoignage d’hommes qui avaient vu, qui faisaient incontestablement partie de l’expédition, τοῖς πάνυ τ. σ.' avait au contraire une irrécusable autorité. Le désastre avait été d’abord annoncé par un bâtiraent de commerce. Voir Plutarque, Nicias, 30.)
II. L’hiver suivant[*](Quatrième année de la quatre-vingt-onzième olympiade, 413 avant notre ère.), le grand désastre des Athéniens en Sicile mit en fermentation toute la Grèce : ceux qui n’avaient d’alliance avec aucun des deux partis ne croyaient plus pouvoir rester en dehors de la guerre, même sans y être appelés; chacun se disait que les Athéniens n’auraient pas manque de l’attaquer à son tour, s’ils eussent réussi en Sicile, et que d’ailleurs, la guerre ne devant plus maintenant durer bien [*](1 Quatrième année de la quatre-vingt-onzième olympiade, 413 avant notre ère.)
III. Aussitôt Agis, leur roi, partit de Décélie avec quelques troupes, dans le cours du même hiver, et alla chez les alliés lever la contribution pour l’entretien de la flotte. Il se dirigea vers le golfe de Malée, et, en raison d’une ancienne inimitié, fit sur les OEléens un butin considérable et leur imposa une contribution pécuniaire. Il força les Achéens-Phthiotes, et les autres sujets des Thessaliens dans ces parages, malgré l’opposition et les réclamations des Thessaliens, à fournir des otages et de l’argent. Il déposa les otages à Corinthe et
IV. Les Athéniens, de leur côté, se mirent en mesure, pendant l’hiver, de réaliser leurs projets pour la construction d’une flotte; ils se procurèrent des bois et fortifièrent Sunium, pour que les transports de vivres pussent se faire en sûreté autour du promontoire. Les fortifications élevées en Laconie, lors de la traversée en Sicile, furent abandonnées; ils supprimèrent toutes les dépenses qui parurent inutiles, se réduisirent à une sévère économie, et portèrent surtout leur attention sur les alliés, afin d’empêcher leur défection.
V. Pendant que de part et d’autre on faisait des dispositions et qu’on se préparait à la guerre avec la même ardeur que si elle n’eût fait que commencer, les Eubéens députèrent les premiers auprès d’Agis, dans le cours de l’hiver, pour traiter de leur défection. Agis accueillit leurs ouvertures et fit venir de Lacédémone Alcaménès, fils de Sthénélaïdas, et Mélanthos, pour aller commander en Eubée. Déjà ils étaient arrivés avec environ trois cents Néodamodes, et Agis préparait leur passage dans l’île, lorsquè les Lesbiens vinrent à leur tour, résolus également à se détacher d’Athènes. Secondés par les Béotiens, ils décidèrent Agis à ajourner
VI. Sur ces entrefaites, arrivèrent aussi à Lacédémone Calligitos, de Mégare, fils de Laophon, et Timagoras, de Cyzique, fils d’Athénagoras, tous deux exilés de leur patrie, et fixés auprès de Pharnabaze, fils de Pharnace. Pharnabaze les envoyait pour réclamer l’envoi d'une flotte dans l’Hellespont; il aspirait de son côté, comme Tissaphernes, à détacher des Athéniens les villes de son gouvernement, pour en percevoir les tributs, et à se faire l’intermédiaire d’une alliance entre les Lacédémoniens et le Roi. Comme ces deux négociations distinctes se poursuivaient séparément au nom de Pharnabaze et au nom de Tissaphernes, leurs agents mettaient tout en oeuvre de part et d’autre auprès des Lacédémoniens pour obtenir l'envoi d’une flotte et d’une armée, et demandaient la préférence, ceux-ci pour l’Ionie et Chio, ceux-là pour l’Hellespont. Mais les ouvertures de Tissaphernes et de Chio furent accueillies beaucoup plus favorablement par les Lacédémoniens, surtout étant soutenues par Alcibiade, que des liens d’hospitalité formés par ses ancêtres unissaient étroitement à l’éphore Eudios. C’était même à ces relations d’hospitalité que tenait l’adoption dans sa famille du nom d’Alcibiade, qui était aussi celui du père d’Eudios[*](Un des ancêtres d’Alcibiade ('Athénien, uni par les liens de l’hospitalité avec un des aïeux d’Eudios nommé Alcibiade, avait donné à son propre fils le nom de son hôte. Ce nom d’Alcihiade s’était ensuite transmis dans les deux familles, en passant, suivant l’usage le plus ordinaire, de l’aïeul au petit-fils.). Toutefois les Lacédémoniens envoyèrent d’abord à Chio un périoece[*](On donnait ce nom soit à des peuples de la Laconie, sujets de Lacédémone. soit aux habitants des bourgades les plus voisines de Sparte. Les périoeces (ou voisins) ne jouissaient pas de tous les droits dos citoyens de Sparte.) du nom de Phrynis, re- [*](1 Un des ancêtres d’Alcibiade ('Athénien, uni par les liens de l’hospitalité avec un des aïeux d’Eudios nommé Alcibiade, avait donné à son propre fils le nom de son hôte. Ce nom d’Alcihiade s’était ensuite transmis dans les deux familles, en passant, suivant l’usage le plus ordinaire, de l’aïeul au petit-fils.) [*](* On donnait ce nom soit à des peuples de la Laconie, sujets de Lacédémone. soit aux habitants des bourgades les plus voisines de Sparte. Les périoeces (ou voisins) ne jouissaient pas de tous les droits dos citoyens de Sparte.)