History of the Peloponnesian War
Thucydides
Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.
XXI. Contre une telle puissance, ce n’est pas une expédition navale et de peu d’importance qui peut suffire; il faut de plus embarquer avec nous beaucoup d’infanterie, si nous voulons faire quelque chose qui réponde à nos desseins, et ne pas voir une nombreuse cavalerie nous fermer le pays; surtout si les villes effrayées se liguent, si nous ne trouvons pas quelques alliés, autres que les Égestains, pour nous fournir de la cavalerie à leur opposer. Il serait honteux d’être contraints par la force à nous retirer, ou réduits à demander plus tard des renforts, pour n’avoir pas tout d’abord pris de sages mesures. Il faut donc partir d’ici [*](1 Voyez même livre, ch. 3.)
XXII. « Il faut donc, à mon avis, emmener un grand nombre d’hoplites, levés chez nous, chez nos alliés, chez nos sujets, même dans le Péloponnèse, si nous pouvons en gagner quelques-uns par la persuasion ou l’appât d’une solde[*](Les Argiens et les Mantinéens.);il faut aussi beaucoup d’archers et de frondeurs pour tenir tête à leur cavalerie; il faut des vaisseaux en grand nombre pour la facilité des transports; il faudra encore emporter d’ici des vivres sur des bâtiments de charge, du froment et de l’orge grillée, enrôler de force et solder un certain nombre de boulangers tirés proportionnellement de chaque moulin, afin que, si le mauvais temps nous retient quelque part, l’armée ne manque pas du nécessaire; car toutes les villes ne seront pas en état de recevoir une armée si nombreuse. Enfin il nous faut, autant que possible, pourvoir à tout le reste, et ne pas être à la discrétion d’autrui; surtout nous aurons à emporter d’ici le plus d’argent que nous pourrons; car, croyez-moi, les trésors des Égestains, qu’on dit tout prêts là-bas, sont prêts surtout en paroles.
[*](1 Les Argiens et les Mantinéens.)XXIII. « En supposant même que nous partions d’ici avec des forces, je ne dis pas égales, mais supérieures aux leurs sous tous les rapports (excepté pourtant pour le nombre des hoplites qu’ils peuvent mettre en ligne), ce sera à grand’peine encore si nous pourrons vaincre les uns et protéger les autres. Songez encore une fois[*](Je lis πάλιν, au lieu de πάλιν, qui donne un sens tout à fait ea contradiction avec ce qui suit.) que nous allons nous établir au milieu d’étrangers et d’ennemis; que dès lors il nous faut dès le premier jour nous rendre maîtres du pays, là où nous aborderons, ou bien nous attendre, en cas d’échec, à voir tout se tourner contre nous. Redoutant ce malheur et convaincu que nous avons à délibérer mûrement sur bien des points, qu’il en est un bien plus grand nombre encore où il nous faut compter sur un bonheur que l’homme peut difficilement espérer, je veux, en partant, m’abandonner le moins possible à la fortune et ne mettre à la voile qu’avec des préparatifs qui puissent inspirer une légitime confiance. Voilà, selon moi, ce qui donnerait à la république entière les plus sûres garanties, ce qui petit nous sauver, nous qui allons combattre. Si quelqu’un est d’un avis contraire, je lui cède le commandement. »
XXIV. Ainsi parla Nicias : il espérait ou décourager les Athéniens par la multiplicité des demandes, ou du moins, s’il était forcé de faire l’expédition, partir alors avec toute sécurité. Mais l’ardeur des Athéniens ne fut pas refroidie par l’embarras des préparatifs; bien loin de là, elle s’en accrut, et il arriva tout le contraire de ce que voulait Nicias : ses conseils furent [*](i Je lis πάλιν, au lieu de πάλιν, qui donne un sens tout à fait ea contradiction avec ce qui suit.)
XXV. Enfin un Athénien[*](Démostratos, suivant Plutarque (Fïe de Nicias, ch. 12).), s’avançant, interpelle, Nicias et dit qu’il ne faut ni défaites ni délais; qu’il ait à déclarer sur-le-champ, en présence de tous, quels préparatifs les Athéniens doivent lui décréter. Nicias répondit à regret qu’il en conférerait plus à loisir avec les généraux ses collègues; que cependant, autant qu’il pouvait en juger dans le moment, il ne fallait pas se mettre en mer avec moins de cent trirèmes; que les Athéniens affecteraient eux-mêmes au transport des hoplites le nombre de bâtiments qu’ils jugeraient à propos, et qu’il en faudrait demander d’autres aux alliés; que l’ensemble des hoplites, tant d’Athènes que des alliés, devait être de cinq mille au moins, et même plus s’il était possible; les autres préparatifs en proportion, des archers du pays et de Crète, des frondeurs, en un mot tout ce qui serait jugé né- [*](1 Démostratos, suivant Plutarque (Fïe de Nicias, ch. 12).)
XXVI. Après l’avoir entendu, les Athéniens décrétèrent sur-le-champ que, pour le nombre des soldats et tout ce qui avait trait à l’expédition, les généraux auraient plein pouvoir de faire ce qui leur semblerait le mieux pour la république. Ensuite les préparatifs commencèrent. On députa chez les alliés et on fit des levées dans le pays. Athènes s’était relevée depuis peu des désastres de la peste et d’une guerre continue; une jeunesse nombreuse avait grandi, et le trésor s’était rempli à la faveur de la trêve[*](Suivant Ândocide et Eschine, il y avait sept mille talents dans le trésor.) : aussi se procurait-on toutes choses plus facilement.
XXVII. On était au milieu de ces préparatifs, lorsque, dans une même nuit, la plupart des Hermès de pierre qui sont à Athènes eurent la face mutilée. Ces Hermès sont des figures carrées placées en grand nombre, suivant un usage local, soit aux vestibules des maisons particulières, soit dans les fieux sacrés. Personne ne connaissait les coupables[*](Plutarque dit, dans la Vied’Alcibiade, que les Corinthiens furent soupçonnés d’avoir fait mutiler les Hermès, dans l’intérêt des Syracnsains, afin de faire ajourner la guerre sous le coup de ce mauvais présage.); mais on en faisait activement la recherche; de grandes récompenses étaient offertes au nom de l’État aux dénonciateurs; on avait en outre décrété que si quelqu’un, citoyen, étranger ou esclave, avait connaissance de quelque autre impiété, il eût à la dénoncer hardiment. On donna une grande importance à cette affaire; car on y voyait un présage pour l’expédition, et en même [*](Ί Suivant Ândocide et Eschine, il y avait sept mille talents dans le trésor.) [*](3 Plutarque dit, dans la Vied’Alcibiade, que les Corinthiens furent soupçonnés d’avoir fait mutiler les Hermès, dans l’intérêt des Syracnsains, afin de faire ajourner la guerre sous le coup de ce mauvais présage.)
XXVIII. Quelques métoeques et des serviteurs, sans faire aucune révélation au sujet des Hermès, dénoncèrent d’autres mutilations de statues précédemment commises par des jeunes gens dans la gaieté et l’ivresse, ainsi que la célébration dérisoire des mystères[*](Les mystères de Gérés.) dans certaines maisons. Comme ils accusaient entre autres Alcibiade, ses ennemis les plus ardents s’emparèrent de ces déclarations : le trouvant sur leur chemin comme un obstacle à l’établissement de leur autorité à la tête du peuple, et espérant, s’ils l’écartaient, occuper le premier rang, ils exagéraient les faits; ils criaient que la profanation des mystères et la mutilation des Hermès avaient pour objet le renversement de la démocratie, qu’aucun de ces sacrilèges n’avait été commis sans sa participation; et, comme preuve, ils alléguaient toute sa conduite et le contraste de ses dérèglements avec l’esprit démocratique.
XXIX. Alcibiade repoussa tout d’abord ces dénonciations, et se déclara prêt, avant de s’embarquer (car déjà les préparatifs étaient terminés), à être jugé sur ce dont on l'accusait, demandant à être puni, s’il avait commis quelqu’un de ces crimes, et à prendre le commandement s’il était absous. Il les conjurait de n’accueillir aucune accusation contre lui en son absence, et de le faire mourir sur-le-champ, s’il était coupable; ajoutant qu’il serait plus prudent de ne point l’envoyer, sous le coup d’une telle accusation et avant décision, à la tête d’une importante expédition. Mais ses [*](1 Les mystères de Gérés.)
XXX. On était déjà au milieu de l’été quand, à la suite de cette affaire, l’expédition de Sicile mit à la voile. Corcyre avait été assignée d’avance pour rendezvous à la plupart des alliés, aux transports des vivres, aux bâtiments de charge et à tous les bagages qui suivaient l’expédition. Toute l’armée réunie devait, de là, se diriger vers le promontoire d’lapygie, à travers le golfe d’Ionie. Les Athéniens et ceux des alliés qui étaient à Athènes, descendirent au Pirée au jour fixé, et dès l’aurore montèrent sur les vaisseaux pour faire voile. Toute la population de la ville, pour ainsi dire, citoyens et étrangers, était descendue avec eux; chacun, parmi les gens du pays, accompagnait les siens : ceux-ci leurs amis, ceux-là leurs pareilts, d’autres leurs fils; ils étaient là, mêlant des gémissements à leurs espérances, préoccupés des biens qu’ils allaient conquérir, mais aussi de l’incertitude de revoir jamais ceux qui leur étaient chers, lorsqu’ils songeaient quelle longue navigation allait les séparer de leur patrie.
Dans ce moment de séparation mutuelle et à l’approche du péril, les risques de l’expédition s’offraient bien plus vivement que lorsqu’ils l’avaient décrétée cependant les forces dont ils disposaient, la multitude des ressources de tout genre qu’embrassait le regard, frappaient les yeux et inspiraient la confiance. Quant aux étrangers et au reste de la multitude, ils étaient venus pour jouir de la vue, comme à un spectacle d’un haut intérêt et que l’imagination ne pouvait se représenter.
XXXI. C’était en effet, la première fois qu’on vît sortir d’une seule ville les armements les plus splendides, la plus magnifique expédition que la Grèce eût fournie jusqu’alors. Sans doute, pour le nombre des vaisseaux et des hoplites, l’expédition dirigée contre Épidaure par Périclès, et ensuite contre Potidée par Hagnon, ne le cédait en rien; car elle comptait quatre mille hoplites et trois cents cavaliers athéniens, cent galères d'Athènes, cinquante de Lesbos et de Chio, sans parler d’une multitude d’alliés quiy prirent part. Mais alors la traversée devait être courte; l’appareil était médiocre : ici, au contraire, l’expédition était organisée en prévision d’une longue guerre, abondamment pourvue, pour parer à toute éventualité, et d’armements maritimes et de forces de terre. La flotte avait été équipée à grands frais par les triérarques et par la ville : l’État payait une drachme par jour à chaque matelot, et fournissait des vaisseaux vides, à savoir : soixante bâtiments légers[*](Thucydide désigne ainsi les trirèmes de combat, par opposition aux vaisseaux de transport.) et quarante pour le transport des hoplites; il les pourvoyait des meilleurs équipages de matelots. [*](i Thucydide désigne ainsi les trirèmes de combat, par opposition aux vaisseaux de transport.)
XXXII. Quand les troupes furent embarquées et les bâtiments chargés de tout ce qu’on devait emporter, la trompette donna le signal du silence : les prières d’usage avant le départ furent faites, non point sur chaque vaisseau isolément, mais en commun, par l’armée entière, à la voix d’un héraut. Les cratères remplis dans toute l’armée à la fois, soldats et chefs firent des libations dans des coupes d’or et d’argent. A leurs prières se joignaient celles de toute la foule répandue sur le rivage, des citoyens et de tous ceux qui s’intéressaient à leurs succès. On chanta le Péan, et, les libations terminées, on mit à la voile. D’abord ils sortirent du port à la file, et, jusqu’à Égine, ils rivalisèrent de vitesse; ils se dirigeaient en toute hâte vers Corcyre, où se réunissaient aussi tous les contingents des alliés.
Cependant la nouvelle de cette expédition arrivait d’une foule de points à Syracuse; mais pendant longtemps on refusa d’en rien croire. Néanmoins une assemblée fut convoquée, et voici dans quel sens parlèrent, soit ceux qui croyaient à l’expédition des Athéniens, soit ceux qui la révoquaient en doute. Hermocrate, fils d’Hermon, s’avança, et, en homme qui se croit bien instruit de l’état des choses, il prit la parole et donna cet avis :
XXXIII. « Mes déclarations sur la réalité de l’expédition vous paraîtront peut-être incroyables, comme celles de bien d’autres; je sais d’ailleurs que, quand on dit ou annonce des choses invraisemblables, non-seulement on n’inspire aucune confiance, mais on passe
« Mais, tout en croyant à l’entrepnse, ne vous effrayez ni de leur audace, ni de leurs forces : quoi qu’ils fassent, ils auront à souffrir autant que nous; et même l’immensité des forces qui nous attaquent aura son utilité; car notre situation n’en sera que meilleure avec les autres peuples de Sicile, que l’effroi disposera plus favorablement à s’unir à nous. Que si nous parvenons à les vaincre, ou à les repousser sans qu’ils aient rien fait de ce qu’ils prétendent (car, quant à réaliser leurs espérances, je ne le crains pas), ce sera pour nous le plus glorieux des événements, et je suis loin d’en désespérer. Rarement, en effet, de grandes armées, grecques ou barbares, ont réussi dans de lointaines expéditions; elles ne peuvent pas arriver plus nombreuses que les habitants du pays et des contrées voisines;— car la crainte fait que tout le monde se lève, — et si le manaue des objets de première nécessité sur une terre
XXXIV. « Faisons donc ici nos préparatifs avec confiance; en même temps envoyons chez les Sicèles pour raffermir encore les bonnes dispositions des uns, et contracter avec les autres, s’il est possible, amitié et alliance. Envoyons aussi des ambassadeurs aux aûtres villes de Sicile pour leur démontrer que le danger nous est commun à tous, et aux peuples d’ltalie pour qu’ils fassent alliance avec nous, ou du moins n’accueillent pas les Athéniens. Il serait bon même, je crois, de députer aussi à Carthage; car elle n’est pas sans inquiétude; tout au contraire, elle redoute sans cesse que les Athéniens ne viennent un jour l’attaquer. Peut- être saisiront-ils avec empressement cette occasion, dans la pensée qu’en la laissant échapper, ils pourront se trouver dans l’embarras; et alors ils nous viendront en aide de façon ou d’autre, secrètement du moins, si ce n’est ouvertement; car, s’ils le veulent, personne aujourd’hui n’est mieux en position de le faire : ils possèdent en or et en argent d’immenses richesses, gage du succès à la guerre et en toutes choses. Envoyons enfin à Lacédémone et à Corinthe, avec prière de nous secourir ici et de reprendre les hostilités en Grèce.
« Mais il y aurait, suivant moi, une mesure décisive
« Croyez-moi donc : avant tout, osez prendre ce parti; sinon, faites du moins en toute hâte vos préparatifs de guerre. Que cette pensée vous soit présente à tous, que c’est dans la chaleur de l’action qu’il faut mépriser les agresseurs; mais que, pour le moment, le meilleur parti est de regarder les préparatifs dictés par la crainte comme les plus sûrs, et d’agir comme en vue du danger. L’ennemi s’avance, déjà il est en mer, je le sais, il va paraître. »
XXXV. Ainsi parla Hermocrate. De longs débats s’élevèrent parmi les Syracusains : ceux-ci prétendaient que les Athéniens ne viendraient en aucune façon, et que les assertions d’Hermocrate étaient fausses; a et,
XXXVI. « Quiconque ne désire pas que les Athéniens aient cette folle pensée et viennent se livrer ici entre nos mains, est ou un lâche, ou un ennemi de sa patrie. Quant à ceux qui apportent de pareilles nouvelles et jettent l’effroi parmi vous, ce qui m’étonne, ce n’est pas leur audace, mais leur sottise, s’ils ne sentent pas que leurs motifs sont à jour. Ceux qui personnellement ont peur, veulent jeter l’effroi dans le public afin de dissimuler leurs propres sentiments sous le voile de la consternation générale. Tel est en ce moment le but de ces nouvelles : elles ne se produisent pas d’elles-mêmes, mais émanent d’hommes qui ne savent qu’exciter sans cesse de telles agitations. Quant à vous, si vous êtes sages, vous prendrez en considération, pour vous guider sur le parti à prendre, non ce qu’annoncent de telles gens, mais ce que doivent faire des hommes prudents et d’une grande expérience, tels que je me figure les Athéniens. Il n’est pas vraisemblable qu’ils laissent derrière eux les Péloponnésiens, et qu’avant d’avoir définitivement terminé la guerre chez eux, ils viennent de propos délibéré entreprendre une autre guerre non moins considérable. Car, pour ma part, je suis convaincu qu’ils se félicitent, au contraire, en voyant le
XXXVII. « Et quand ils viendraient, comme on le dit, je crois la Sicile plus en état que le Péloponnèse de les combattre avec succès, d’autant qu’elle est mieux pourvue sous tous les rapports; je crois que notre ville seule est plus forte de beaucoup que l’armée qui, dit-on, s’avance maintenant, fût-elle deux fois plus nombreuse encore. Ce que je sais, c’est qu’ils n’amèneront pas de cavalerie, et qu’à part un très-petit nombre de chevaux levés chez les Égestains, ils ne pourront en tirer d’ici : ils ne pourront pas davantage, venant sur des vaisseaux, amener une armée d’hoplites égale à la nôtre; car le transport est une grande affaire lorsqu’il faut tout à la fois avoir des bâtiments légers pour une traversée aussi longue, et amener l’immense matériel nécessaire pour attaquer une ville de cette importance. Aussi, telle est ma conviction à cet égard, que je crois difficile qu’ils ne soient pas anéantis, quand même ils auraient pour base d’opérations une autre ville aussi grande que Syracuse et seraient maîtres d’un pays frontière, d’où ils pussent nous faire la guerre : à plus forte raison quand ils auront toute la Sicile pour ennemie, — car elle se lèvera tout entière, — quand il leur faudra se retrancher au sortir de leurs vaisseaux, sans autre point d’appui que de mauvaises tentes et des dispositions faites à la hâte, en présence de notre cavalerie qui ne leur permettra pas de s’écarter. En un mot, je suis persuadé qu’ils ne pourront pas même tenir la campagne, tant je crois nos forces supérieures!
XXXVIII. « Au reste, tout ce que je dis, les Athéniens le savent, et ils ne s’occupent, j’en suis sûr, qu’àgar-
« Et vous, jeunes gens, — car j’ai souvent réfléchi à [*](i Le texte dit ολίγους, le petit nombre. C’est ainsi que Thucydide désigne presque toujours la classe des riches.)
XXXIX. « On dira que la démocratie n’est ni intelligente, ni juste; que les détenteurs des richesses sont les plus capables de bien gouverner. Et moi je réponds d’abord que ce qu’on appelle le peuple, c’est l’État tout entier dont l’oligarchie n’est qu’une fraction; ensuite que les riches excellent à garder les richesses, les gens instruits à donner des conseils, et la multitude à juger après avoir été instruite. Dans une démocratie, chacune de ces classes en particulier, et toutes ensemble, jouissent des mêmes droits : l’oligarchie, au contraire, abandonne bien à la multitude sa part des dangers; mais, pour les avantages, non contente de prendre la première part, elle attire à elle et garde le tout. Voilà ce que convoitent chez vous les riches et les jeunes gens, ce qu’il leur est impossible d’atteindre dans un grand État. Et pourtant, maintenant encore!... O les plus insensés des hommes! Vous êtes ou les plus ineptes des Grecs que je connaisse si vous ne sentez pas que vous poursuivez de criminels desseins, ou les plus pervers, si, le sachant, vous persistez dans votre audace.
XL. « Mieux instruits, ou revenus à résipiscence, travaillez, dans l’intérêt de l’État, à accroître les biens communs à tous, persuadés que les gens de bien parmi vous y participeront autant et même plus que la multitude, et qu’en agissant autrement vous risquez de