History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

LXXXV. Telles furent les fureurs dont les Corcyréens donnèrent les premiers l’exemple, dans leurs dissensions réciproques. Eurymédon et les Athéniens partirent avec leur flotte. Plus tard les Corcyréens fu- gitifs, qui avaient échappé au nombre de cinq cents, s’emparèrent de forts situés sur le continent et se rendirent maîtres de la côte, en face de leur patrie. Partant de là pour aller piller les habitants de l’ile, ils leur firent beaucoup de mal et réduisirent la ville à une grande disette. Ils envoyèrent aussi des députés à Lacédémone et à Corinthe pour solliciter leur rentrée : mais, comme ces démarches restaient sans résultat, ils se procurèrent, quelque temps après, des vaisseaux de transport et des troupes auxiliaires et passèrent dans l’ile au nombre de six cents. Là ils brûlèrent leurs vaisseaux, afin de n’avoir plus d’autre espérance que celle de s’emparer du pays  ; ils s’établirent sur le mont Istone[*](Sur une montagne, à peu de distance de la ville, probablement la même où l’empereur Michel Comnène bâtit le château de Saint-Ange, dont on voit encore aujourd’hui les ruines.), où ils bâtirent une forteresse, et de là harcelèrent ceux de la ville et se rendirent maîtres de ia campagne.

LXXXVI. A la fin du même été, les Athéniens envoyèrent vingt vaisseaux en Sicile, sous le commandement de Lachès[*](Aristophane le met en scène dans les Guêpes, sous le nom du chien Labès, « fort bon chien d’ailleurs,... capable de conduire de nombreux troupeaux… mais qui a le tort de ne pas savoir jouer de la lyre. »), fils de Mélanopus, et de Charoeadès, fils d’Euphiletus. Les Syracusains et les Léontins étaient alors en guerre[*](Voyez, sur les causes de cette guerre, Diodore (xii, 54 et suiv.).). Les premiers avaient dans

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leur alliance toutes les villes doriennes[*](Syracuse, Géla, Agrigente, Himère, Messine.) qui, dès le commencement des hostilités, s’étaient rangées au parti des Lacédémoniens, sans cependant prendre part à la guerre. Camarina faisait seule exception. Les Léontins étaient alliés des villes chalcidiennes[*](Les Chalcidiens avaient fondé Naxos, métropole de Léontium et de Catane.) et de Camarina. En Italie, les Locriens tenaient pour Syracuse, et Rhégium pour les Léontins, en vertu de la communauté d’origine. Les alliés des Léontins députèrent auprès des Athéniens[*](Le chef de cette ambassade était Gorgias de Léontium.)  ; et, sous prétexte d’une ancienne alliance et de leur qualité d’Ioniens, ils les engagèrent à leur envoyer des vaisseaux  ; car les Syracusains les tenaient alors assiégés par terre et par mer. Les Athéniens leur accordèrent ce secours  ; le prétexte fut la communauté d’origine  ; mais en réalité ils voulaient empêcher l’importation des blés siciliens dans le Péloponnèse, et s’assurer en même temps par un premier essai s’il leur serait possible de ranger la Sicile sous leur domination. Ils descendirent à Rhégium, en Italie, et firent la guerre de concert avec leurs alliés. L’été finit.

LXXXVII. L’hiver suivant, la peste fondit une seconde fois sur les Athéniens : sans avoir jamais cessé complètement, elle leur avait cependant laissé quelque trêve. Dans cette seconde invasion elle ne dura pas moins d’une année, et deux ans dans la première. Rien ne fut plus funeste à la puissance athénienne : dans les rangs de l’armée, ils ne perdirent pas moins de quatre mille quatre cents hoplites et trois cents

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cavaliers  ; dans le reste du peuple le nombre des victimes lut incalculable[*](Diodore dit plus de dix mille.). Ce fut alors aussi qu’eurent lieu ces fréquents tremblements de terre, à Athènes, en Eubée, chez les Béotiens, et particulièrement à Orchomène de Béotie.

LXXXVIII. Le même hiver les Athéniens qui étaient en Sicile et les habitants de Rhégium firent, avec trente vaisseaux, une expédition contre les îles nommées Éoliennes[*](Les ìles Lipari, an nombre de douze.) : le manque d’eau[*](Le sol est entièrement volcanique et il ne s’y trouve que quelques sources peu abondantes.) ne permet pas d’y faire la guerre en été. Elles sont au pouvoir des Lipariens, colonie de Cnide. Ils habitent l’une d’elles, qui est peu étendue et porte le nom de Lipara  ; c’est de là qu’ils vont cultiver les autres, Didyme, Strongyle et Hiéra. Les gens du pays croient que Vulcain tient ses forges à Hiéra, parce qu’on y voit de nombreux jets de flamme pendant la nuit, et de fumée pendant le jour. Ces ìles, situées en face des côtes des Sicules et des Messéniens, étaient alliées des Syracusains. Les Athéniens les ravagèrent  ; mais ils ne purent obtenir leur soumission et retournèrent à Rhégium. L’hiver finit, et avec lui la cinquième année de celle guerre, dont Thucydide a écrit l’histoire.

LXXXIX. L’été suivant, les Péloponnésiens et leurs alliés, sous la conduite d’Agis, fils d’Archidamus, roi des Lacédémoniens, s’avancèrent jusqu’à l’isthme pour envahir l’Attique  ; mais, de nombreux tremblements de terre étant survenus, ils retournèrent sur leurs pas et l’invasion n’eut pas lieu. A cette époque de fréquents

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tremblements, on vil tout à coup, à Orobies[*](Sur le golfe d’Oponte, au sud d’Égé.), en Eubée, la mer s’avancer par un point de la terre ferme  ; les flots soulevés envahirent une portion de la ville  ; certaines parties furent submergées, tandis qu’ailleurs les eaux se retiraient, et ce qui était terre autrefois est mer aujourd’hui. Tous ceux qui furent surpris avant d’avoir pu gagner en courant les hauteurs périrent dans ce désastre. A l’île d’Atalante[*](Il déserte, en face d’Oponte, fortifiée par les Athéniens,) près des Locriens d’Oponte, eut lieu une inondation du même genre, qui renversa une partie du fort des Athéniens : deux vaisseaux se trouvaient à sec sur le rivage  ; il y en eut un de brisé. La mer sortit également de son lit à Péparèthe, mais sans submerger la ville  ; le tremblement de terre renversa une partie de la muraille, ainsi que le prytanée et quelques autres maisons, mais en petit nombre. Ces irruptions des eaux tiennent, ce me semble, à ce que’e tremblement de terre refoulant les flots là où il est le plus violent, ceux-ci refluent soudain et débordent avec d’autant plus de violence  ; car je ne pense pas qu’un pareil phénomène puisse se produire autrement que par un tremblement de terre.

XC. Le même été, plusieurs peuples se firent respectivement la guerre en Sicile, chacun suivant l’occurrence. Il y eut en particulier entre les Siciliens des engagemens dans lesquels les Athéniens marchèrent avec leurs alliés. Je me contenterai de rappeler ce que firent de plus important soit les Athéniens et leurs alliés, soit les adversaires de ces derniers dans leurs engagements contre les Athéniens. Charoeadès, général

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des Athéniens, ayant été tué en combattant les Syracu- sains, Lachès, investi du commandement de toute la flotte, marcha avec les alliés contre Mylé[*]( Sur la côte septentrionale de la Sicile, — aujourd’hui Melazza.), l’une des places des Messéniens. Cette ville se trouvait gardée par deux corps de Messéniens, qui dressèrent une embuscade contre les troupes de débarquement. Mais les Athéniens et leurs alliés les mirent en fuite et en tuèrent un grand nombre. Ils attaquèrent ensuite les remparts et forcèrent les habitants à leur livrer par capitulation la citadelle, et à marcher avec eux contre les Messéniens. Ceux-ci, attaqués par les Athéniens et leurs alliés, se soumirent à leur tour, donnèrent des otages, et fournirent toute espèce de sûretés.

XCI. Le même été, les Athéniens envoyèrent trente vaisseaux autour du Péloponnèse, sous le commandement de Démosthènes[*](Distinct du grand orateur  ; — célèbre par sa victoire sur les Ambraciotes, par la défense de Pylos, la prise de Sphacterie, et surtout par le désastre de Sicile.), fils d’Alcisthènes, et de Proclès, fils de Théodorus. Une autre flotte de soixante voiles, commandée par Nicias, fils de Nicératus, fut expédiée contre Mélos[*](L’une des Cyclades.). Les Méliens, peuple insulaire, ne voulant ni se soumettre, ni entrer dans leur alliance, leur dessein était de les réduire. Mais après avoir ravagé le pays, sans les amener à composition, ils quittèrent Mélos, firent voile pour Oropos, en face de cette île[*](Le texte est évidemment corrompu, car Oropos n’est pas situé en face de Mélos  ; c’est une ville de Béotie, en face de l’Eubée,), et y abordèrent la nuit. Les hoplites débarquèrent aussitôt et se portèrent à pied sur Tanagre, en Béotie.

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Les habitants d’Athènes, sous le commandement d’Hip- ponicus [*](Beau-père d’Alcibiade et l’un des plus riches citoyens de la Grèce.), fils de Callias, et d’Eurymédon, fils de Thouclès, vinrent en masse, à un signal donné, les y rejoindre par terre. Ils campèrent tout le jour dans les champs de Tanagre, les ravagèrent, et y bivaquèrent la nuit. Le lendemain ils vainquirent dans un combat un parti de Tanagriens, sorti de la ville pour les attaquer, et quelques Thébains venus à leurs secours. Ils enlevèrent des armes, dressèrent un trophée, et s’en retournèrent, les uns à la ville, les autres sur leurs vaisseaux. Nicias suivit les côtes avec ses soixante vaisseaux, ravagea la partie maritime de la Locride et rentra au port.

XCII. Vers le même temps, les Lacédémoniens fondèrent la colonie d’Héraclée, en Trachinie[*](Au pied de l’oeta.) : voici dans quel but : toute la population de Mélos se divise en trois parties, les Paraliens, les Hiériens et les Trachiniens. Ces derniers, poussés à bout par la guerre que leur faisaient les oetéens, leurs voisins, étaient tout d’abord disposés à s’unir aux Athéniens  ; mais, craignant de ne pas les trouver fidèles, ils envoyèrent une ambassade à Lacédémone : Tisamène fut chargé de cette mission. Les Doriens, métropolitains des Lacédémoniens, se joignirent à cette députation pour faire la même de- mande, car ils étaient aussi harcelés par les oetéens. Les Lacédémoniens, après les avoir entendus, conçurent le dessein d’envoyer une colonie pour défendre à la fois les Trachiniens et les Doriens. L’emplacement

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d’Héraclée leur semblait d’ailleurs très convenablement choisi, en vue de la guerre contre les Athéniens  ; car on pourrait y équiper contre l’Eubée une flotte qui n’aurait qu’un court trajet à faire  ; cette ville d’ailleurs devait être avantageusement située sur la route de Thrace : aussi étaient-ils impatients de faire cet éta- blissement. En conséquence ils consultèrent d’abord l’oracle de Delphes, et, sur sa réponse favorable, ils envoyèrent des colons, tant de la Laconie que des pays voisins  ; ils autorisèrent aussi ceux des autres Grecs qui le voudraient à s’adjoindre à eux, à l’exception des peuples de race ionienne ou achéenne, et de quelques autres[*](Le nombre total des colons fut de dix mille, suivant Diodore.). Trois Lacédémoniens présidèrent à la fondation de la colonie, Léon, Alcidas et Damagon. Rendus sur les lieux ils fortifièrent à nouveau la ville, qui porte maintenant le nom d’Héraclée. Elle est à quarante stades des Thermopyles et à vingt de la mer[*](On voit encore les ruines de la ville, sur une colline, à seize kilomètres environ des Thermopyles.). Ils disposèrent un chantier maritime, et firent les premiers travaux du côté des Thermopyles, dans le défilé même, afin que l’établissement fût plus facile à défendre.

XCIII. Les Athéniens, lors de la colonisation de cette ville, conçurent d’abord des craintes, et pensèrent que cette entreprise était dirigée tout particulièrement contre l’Eubée  ; car de là au promontoire Cé- néon[*](Pointe septentrionale de l’Eubée.), en Eubée, il n’y a qu’un trajet fort court. Mais dans la suite l’événement ne répondit pas à leurs craintes, et ils n’eurent jamais rien à souffrir de ce côté. En voici la raison  ; les Thessaliens, dont la

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puissance était prépondérante dans ces contrées, et contre lesquels avait été fondée la colonie, craignirent d’avoir des voisins trop redoutables  ; ils les harcelèrent et ne cessèrent pas d’attaquer ces nouveaux hòtes, qu’ils ne les eussent complètement ruinés. Et cependant la colonie avait été très nombreuse tout d’abord  ; car cha- cun y venait avec confiance et croyait à la stabilité d’un établissement fondé par les Lacédémoniens. Les commandants envoyés par les Lacédémoniens contribuèrent puissamment aussi à la ruine des affaires et à la dépopulation, en intimidant la plupart des habitants par la dureté et même par l’injustice de leur administration : il n’en fut que plus facile à leurs voisins de prendre sur eux l’avantage.

XCIV. Le même été, dans le temps même où les Athéniens étaient occupés à Mélos, ceux d’entre eux qui, avec trente vaisseaux, croisaient autour du Péloponnèse, après avoir tué dans une embuscade quelques soldats de la garnison d’Ellomène, en Leucadie, se portèrent sur Leucade avec des forces plus considérables. Tous les Acarnanes en masse, à l’exception des OEniades, les suivirent, ainsi que les Zacynthiens, les Céphalléniens et quinze vaisseaux de Corcyre. Ils ravagèrent le pays, tant au delà de l’isthme qu’en deçà, dans la partie où sont situés Leucade et le temple d’Apollon. Les Leucadiens, contenus par la su- périorité du nombre, ne firent aucun mouvement. Les Acarnanes prièrent Démosthènes, général des Athéniens, d’investir la place au moyeu d’un mur fortifié  ; ils espéraient la réduire aisément et se débarrasser d’une ville qu’ils avaient toujours eue pour ennemie  ; mais, dans le même temps, les Messéniens persuadèrent à

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Démosthènes qu’il serait digne de lui, ayant sous la main des forces considérables, d’attaquer les Étoliens. Ils lui représentèrent que ce peuple était ennemi de Naupacte  ; que, s’il les subjuguait, il lui serait facile de soumettre aux Athéniens le reste de l’Épire de ce côté  ; que les Étoliens étaient à la vérité un peuple nombreux et brave, mais qu’habitant des bourgades sans murailles et fort éloignées les unes des autres, armés seulement à la légère, ils seraient aisément vaincus avant d’avoir pu se prêter un mutuel secours. Ils lui conseillaient d’attaquer d’abord les Apodoles, ensuite les Ophioniens, et après eux les Eurytanes[*](Les Eurytanes étaient les plus belliqueux et les plus puissants des Étoliens  ; c’est pour cela que Démosthènes devait les attaquer en dernier.). Ces peuples forment la portion la plus considérable des Étoliens, parlent une langue tout à fait inconnue, et se nourrissent, dit-on, de chair crue. Une fois qu’on les aurait réduits, le reste se rendrait aisément.

XCV. Démosthènes se laissa persuader, pour complaire aux Messéniens, et surtout par cette considération que, sans recourir aux forces athéniennes, il pourrait, avec l’aide des Épirotes alliés et des Étoliens, marcher par terre contre les Béotiens, en traversant le pays des Locriens Ozoles pour se rendre à Citinium le Dorique. De là, laissant à droite le Parnasse, il descendrait jusqu’en Phocide  ; il espérait que les Phocéens, en raison de l’amitié qui les avait de tout temps unis aux Athéniens, se joindraient volontairement à lui, ou que, du moins, ils pourraient y être forcés. Une fois en Phocide, il se trouvait à portée de la Béotie qui y confine.

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Il s’embarqua donc à Leucade avec toute son armée, au grand déplaisir des Acarnanes, et suivit la côte jusqu’à Sollium. Les Acarnanes, lorsqu’il leur communiqua son projet, refusèrent de le suivre, piqués de ce qu’il n’avait pas investi Leucade. Demosthènes marcha contre les Étoliens avec le reste de son armée, Céphalléniens, Messéniens, Zacynthiens, et trois cents soldats de marine, tous Athéniens et montés sur les vaisseaux d’Athènes  ; car les quinze vaisseaux de Corcyre s’étaient retirés. Il partit d’OEnéon dans la Locride. Les Locriens Ozoles de cette contrée étaient alliés des Athéniens et devaient venir le rejoindre, avec toutes leurs forces, dans l’intérieur du pays. Voisins des Étoliens et armés de la même manière, ils paraissaient devoir être d’un grand secours contre un peuple dont ils connaissaient le pays et la tactique militaire.

XCVI. Il passa la nuit avec son armée dans l’enceinte sacrée de Jupiter Néméen. (C’est là, dit-on, que fut tué par les gens du pays le poëte Hésiode, auquel un oracle avait prédit qu’il mourrait à Némée[*](Voir, au sujet de cette mort, Plutarque, Banquet des Sept Sages.).) Au point du jour il se mit en marche pour l’Étolie. La première journée il prit Potidania  ; la seconde, Crocylium, et la troisième, Tichium[*](On n’a aucune donnée certaine sur la situation de ces trois villes.). Il s’arrêta à cette dernière ville et envoya son butin à Eupalium, en Locride  : car son intention était, après avoir soumis le reste du pays, de retourner à Naupacte si les Ophioniens ne voulaient pas se rendre, et de revenir ensuite les combattre. Mais les dispositions n’avaient pas été

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tellement secrètes, qu’elle ne fussent connues des Étoliens au moment même où le projet fut conçu. Quand son armée entra dans le pays, ils vinrent tous à sa rencontre avec des forces considérables : des extrémités mêmes de l’Ophionie, du côté du golfe Maliaque, les Bomiens et les Calliens accoururent en armes.

XCVII. Les Messéniens continuaient à donner à Démosthènes les mêmes conseils qu’auparavant : ils lui représentaient que la réduction des Étoliens serait facile, et l’engageaient à marcher au plus vite sur les bourgades et à s’attacher toujours à prendre celles qu’il trouverait sur son chemin, sans attendre que tous les ennemis se fussent réunis contre lui. Il les crut, et, se fiant à fortune qui ne lui avait jamais fait défaut, il n’attendit même pas les secours que devaient lui amener les Locriens, car il manquait surtout de gens de trait armés à la légère. Il marcha contre Égitium[*](Aujourd’hui Abukor.) et l’emporta d’emblée, les habitants ayant pris la fuite pour aller s’établir sur les hauteurs qui dominent la ville. Égitium est bâtie dans une position élevée, à une distance de quatre-vingts stades de la mer. Mais déjà les Étoliens réunis étaient arrivés au secours d’Égitium  ; ils attaquèrent les Athéniens et leurs alliés, se précipitèrent de toutes parts des hauteurs, et les accablèrent de traits. Quand l’armée athénienne avan- çait, ils cédaient le terrain  ; si elle reculait, ils revenaient à la charge. Longtemps le combat se continua ainsi, dans ces alternatives d’attaques et de retraites  ; et ni dans les unes, ni dans les autres, les Athéniens n’eurent l’avantage.

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XCVIII. Cependant les Athéniens so maintinrent tant que leurs archers eurent des flèches et purent s’en servir  ; car les traits qu’ils lançaient tenaient en respect les Étoliens, légèrement armés. Mais le chef des archers ayant été tué, ceux-ci se dispersèrent  ; le reste des troupes, harassé par la répétition continuelle de la même manoeuvre, vivement pressé d’ailleurs par les Étoliens, et accablé d’une grêle de traits, finit par prendre la fuite. Ils tombèrent dans dos ravins sans issue, ou s’égarèrent dans des sentiers inconnus, et furent massacrés  ; car leur guide, le Messénien Chro mon, avait été tué. Les Étoliens continuaient à les accabler de traits : bons coureurs et armés à la légère, ils les gagnaient à la course et en tuèrent un grand nombre sur place, au lieu même de la déroute. La plupart se trompèrent de chemin, et s’engagèrent dans une forêt, où les Étoliens les brûlèrent en allumant du feu tout autour. La fuite sous tous ses aspects, la mort sous toutes les formes, tel était le spectacle que présentait l’armée athénienne : ceux qui échappèrent ne purent qu’à grand’peine gagner la côte et oenéon en Locride. Le nombre des mort s fut considérable parmi les alliés  ; les Athéniens eux-mêmes perdirent environ cent vingt hoplites, tous à la fleur de l’âge. C’étaient d’excellents soldats qu’Athènes perdit dans cette guerre. L’un des deux généraux, Proclès, y périt également. Les Athéniens, après avoir enlevé leurs morts par une convention avec les Étoliens, retournèrent à Naupacte, et regagnèrent ensuite Athènes sur leurs vaisseaux. Quant à Démosthènes, il resta à Naupacte et dans les environs, craignant la colère des Athéniens après ce qui venait d’arriver.

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XCIX. Vers la même époque, les Athéniens qui étaient autour de la Sicile cinglèrent vers la Locride : dans une descente ils vainquirent un corps de Locriens venu à leur rencontre, et prirent un poste fortifié situé sur le fleuve Halex.

C. Le même été, les Étoliens qui avaient précédemment député à Corinthe et à Lacédémone Tolophus d’Ophionie, Boriade d’Euryte et Tisandre d’Apodotus, obtinrent l’envoi d’une armée, pour agir contre Naupacte qui avait appelé contre eux les Athéniens, Les Lacédémoniens leur expédièrent vers l’automne trois mille hoplites pris parmi les alliés  ; cinq cents venaient d’Héraclée de Trachinie, fondée depuis peu. Cette armée était sous le commandement du Spartiate Euryloque, assisté de Macarius et de Ménédéus également de Sparte.