History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

I. L’Athénien Thucydide a écrit l’histoire de la guerre entre les Péloponnésiens et les Athéniens et suivi toutes les phases de cette lutte. Il a commencé son oeuvre au début même des hostilités, prévoyant dès lors combien cette guerre serait importante, combien plus mémorable que celles qui avaient précédé : il en avait pour preuve les immenses ressources de tout genre avec lesquelles les deux peuples allaient s’entre-choquer, et les dispositions des autres États de la Grèce qu’il voyait ou prendre parti immédiatement, ou méditer dès lors de le faire. C’est là, en effet, le plus vaste mouvement qui jamais se soit produit chez les Grecs ; il embrassa une partie des barbares[*](Perses, Thraces, etc. Les Perses s’allièrent plus tard aux Lacédémoniens ; les Thraces, sous la conduite de Sitalcès, s’uni- rent aux Athéniens.), et ébranla pour ainsi dire au loin l’univers. Les événements qui ont immédiatement précédé[*](Les guerres médiques.) et ceux qui appartiennent à une époque plus reculée[*](La guerre de Troie.) ne

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pouvaient, dans l’éloignement, être exactement connus ; toutefois, à en croire des indices qui m’ont paru certains, et après avoir pousse mes investigations le plus loin possible dans le passé, je ne pense pas que ces événements aient offert rien de bien remarquable, ni sous le rapport militaire, ni sous aucun autre.

II. La contrée connue aujourd’hui sous le nom d’Hellade ne paraît pas avoir eu jadis d’habitants fixes et attachés au sol ; les migrations y étaient fréquentes, et chaque peuplade abandonnait facilement son pays, sous la pression de nouveaux occupants toujours de plus en plus nombreux. En effet, il n’y avait pas de commerce ; les relations réciproques n’offraient de sécurité ni par terre ni par mer ; chacun ne produisait que ce qui lui était indispensable pour vivre ; on n’avait ni provisions ni superflu ; on ne faisait point de plantations, parce que, faute de murailles pour abriter les récoltes, on ne savait pas si d’autres ne viendraient point les enlever[*]( Strabon explique de même les habitudes nomades des Germains : « Chez tous ces peuples les migrations sont fréquentes ; « cela tient à la simplicité de leur vie ; il n’y a chez eux ni agri- « culture ni richesses ; vivant au jour le jour, des cabanes leur « suffisent. » (Strabon, liv. vii).). En un mot, chacun croyant trouver aisément partout la subsistance de chaque jour, on se décidait sans peine à émigrer, et dès lors il n’y avait nulle part ni cités puissantes, ni grandes ressources d’aucun genre. Les contrées les plus fertiles surtout changeaient fréquemment d’habitants, celles, entre autres, appelées aujourd’hui Thessalic[*](La Thessalie était précédemment appelée Pyrrhée et Hémonie ; elle est souvent désignée sous ce dernier nom dans les poëtes.) et Béotie, la

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plus grande partie du Péloponnèse (l’Arcadie exceptée[*](Les Areadiens habitaient un pays de montagnes ; ce sont les seuls des anciens habitants du Péloponnèse qui n’aient pas été refoulés par les invasions achéenne et ionienne.)), et les autres pays les plus favorisés. Quelques fortunes s’élevaient, grâce à la fécondité de la terre : de là des séditions dans lesquelles s’épuisait le pays ; de là aussi un appât plus vif pour la convoitise des étrangers. Aussi l’Attique, garantie dès longtemps des séditions par la stérilité de son territoire, conserva-t- -elle toujours les mêmes habitants. Ce qui prouve surtout l’influence de cette cause, c’est qu’aucun autre État ne s’accrut au même point par l’accession des étrangers. De tout le reste de la Grèce, on voyait ac- courir à Athènes, comme dans un asile sûr, les plus puissants de ceux que la guerre ou les séditions forçaient à l’exil ; ils y acquéraient le droit de cité, et contribuèrent ainsi, dès la plus haute antiquité, à accroître encore la population de la ville ; si bien que, l’Attique ne suffisant plus, on envoya plus tard des colonies jusqu’en Ionie.