History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

CI. Le lendemain les Athéniens continuèrent leur muraille à partir du retranchement circulaire déjà élevé; ils fortifièrent l’escarpement qui domine le ma- [*](1 Ceux qui gardaient le nouveau mur.) [*](* Cette petite porte devait être une porte pratiquée dans le mur du Téménite pour aller à Épipolæ. La palissade dont il s’agit ici, distincte de celle qu’attaquaient les trois cents, devait servir de défense à la petite porte.) [*](8 Thucydide a dit plus haut que les Syracusains avaient joint le Téménitès à la ville pur une enceinte qui Tonnait comme un ouvrage avancé. x)

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rais et qui, de ce côté d’Épipolæ, fait face au grand port. Pour suivre la ligne la plus courte, la circonvallation devait descendre cette pente et rejoindre le grand port à travers la plaine et le marais. Pendant ce temps, les Syracusains sortirent de leur côté et se mirent à élever une nouvelle palissade qui partait de la ville et se dirigeait à travers le marais[*](La muraille des Athéniens s’étant avancée vers le grand port, ce nouveau retranchement des Syracusains dut Être reporté beaucoup plus au sud et très-près du port.); ils y ajoutèrent un fossé, pour empêcher les Athéniens de pousser leur mur de blocus jusqu’à la mer. Mais ceux-ci, après avoir achevé leurs ouvrages sur la pente, firent une nouvelle attaque contre la palissade et le fossé. Ordre fut donné à la flotte de s’avancer de Thapsos jusque dans le grand port de Syracuse, en doublant la pointe; l’armée, de son côté, descendit au point du jour d’Épipolæ dans la plaine, jeta sur le marais, à l’endroit où il est bourbeux et offre plus de solidité, des portes et de larges planches, et le traversa. Dès l’aurore, ils étaient maîtres de la palissade et du fossé, sauf une petite partie; — le reste fut également emporté plus tard. — Un combat s’engagea, où les Athéniens eurent l’avantage. L'aile droite des Syracusains s’enfuit vers la ville, la gauche vers le fleuve[*](Vers l’Anapos, en suivant la voie Hélorine.). Aussitôt les trois cents hommes d’élite de l’armée athénienne courent au pont pour couper le passage. Les Syracusains s’effrayent (car la plus grande partie de leur cavalerie se trouvait aussi sur ce point)[*](Et courait par conséquent risque d’élre coupée de la ville.); néanmoins ils courent aux trois cents, les enfoncent, et viennent donner sur l’aile droite des Athéniens. Le [*](1 La muraille des Athéniens s’étant avancée vers le grand port, ce nouveau retranchement des Syracusains dut Être reporté beaucoup plus au sud et très-près du port.) [*](2 Vers l’Anapos, en suivant la voie Hélorine.) [*](3 Et courait par conséquent risque d’élre coupée de la ville.)
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premier corps de cette aile s’effraye à son tour de cette brusque attaque : Lamachos, s’en apercevant, accourt de l’aile gauche pour les soutenir, avec un petit nombre d’archers et les Argiens; il franchit une espèce de fossé; mais il se trouve isolé avec le peu d’hommes qui l’ont accompagné de l’autre côté, et est tué avec cinq ou six de ceux qui l’entourent. Les Syracusains profitèrent du premier moment pour les enlever à la hâte et les mettre en lieu sûr, de l’autre côté du fleuve; puis, voyant le reste des Athéniens s’ébranler contre eux, ils opérèrent leur retraite.

CII Cependant ceux d’entre eux qui, d’abord, avaient fui vers la ville, voyant ce qui se passait, reprirent courage et revinrent à la charge contre ceux des Athéniens qui leur étaient opposés. En même temps ils détachèrent une division pour aller occuper le retranchement circulaire d’Épipolæ, qu’ils croyaient abandonné. Ils s’emparèrent en effet de l’avant-mur sur une longueur de dix plèthres et le renversèrent; mais quant à l’enceinte elle-même[*](Les circonvallations consistaient en deux murs parallèles crénelés et bordés de tours. Les troupes se logeaient dans l’espace intermédiaire .), Nicias, qui s'y trouvait retenu par une indisposition, les empêcha d’y pénétrer. Il ordonna aux valets d’armée de brûler les machines et tous les bois entassés en avant du retranchement; car il avait reconnu qu’en l’absence des soldats, ils n’étaient pas capables de résister autrement. Ce qu’il avait prévu arriva : l’incendie ne permit pas aux Syracusains d’approcher davantage, et ils se retirèrent. Déjà d’ailleurs arrivaient au secours de l’enceinte ceux des Athéniens qui avaient poursuivi l’en- [*](1 Les circonvallations consistaient en deux murs parallèles crénelés et bordés de tours. Les troupes se logeaient dans l’espace intermédiaire .)

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nemi dans la plaine; en même temps la flotte, partie de Thapsos, entrait dans le grand port, suivant ses instructions. A cette vue, les Syracusains qui étaient sur les hauteurs[*](A Épipolæ.) se retirèrent à la hâte, et toute leur armée rentra dans la ville. Ils se reconnaissaient désormais impuissants, avec les forces dont ils disposaient, à empêcher que le mur de blocus ne fût conduit jusqu’à la mer.

CIII. Après cela les Athéniens élevèrent un trophée, rendirent aux Syracusains leurs morts par convention, et retirèrent les corps de Lamachos et de ses compagnons. Toutes leurs forces de terre et de mer se trouvant alors réunies, ils purent enfermer les Syracusains d’un double mur de blocus partant d’Épipolæ et des escarpements pour aboutir à la mer. De toutes parts les provisions arrivaient d’ltalie à l’armée; un grand nombre de Sicèles, après avoir hésité d’abord, étaient venus les rejoindre comme alliés, et trois pentécontores leur étaient arrivées de Tyrsénie. Tout réussissait d’ailleurs au gré de leurs espérances : les Syracusains ne comptaient plus dès lors triompher par les armes, surtout en voyant qu’il ne leur arrivait aucun secours du Péloponnèse; ils parlaient entre eux d’accommodement, et faisaient des propositions à Nicias, seul investi du commandement depuis la mort de Lamachos. Mais il n’y avait rien là sur quoi on pût compter : il arrivait à Nicias une foule d’ouvertures, comme on pouvait l’attendre de gens hors d’eux mêmes et qui se voyaient enserrés de plus près qu’aqparavant. Dans la ville, la diversité des avis était plus grande encore ils [*](1 A Épipolæ.)

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en étaient venus, sous le coup des maux présents, à une sorte de défiance réciproque; on déposa les généraux sous lesquels avaient eu lieu ces revers, comme s’ils devaient être impiétés à leur mauvaise fortune ou à leur trahison, et on les remplaça par Héraclide, Euclès et Tellias.

CIV. Cependant le Lacédémonien Gylippos et les vaisseaux partis de Corinthe étaient déjà arrivés à Leucade, se portant en toute hâte au secours de la Sicile. Mais comme il ne leur parvenait que de mauvaises nouvelles, et que toutes également fausses s’accordaient à représenter Syracuse comme déjà entièrement investie, Gylippos, n’ayant plus d’espoir pour la Sicile, résolut du moins de préserver l’ltalie. De concert avec le Corinthien Pythès, il traversa en toute hâte le golfe d’Ionie, se dirigeant vers Tarente, avec deux vaisseaux lacédémoniens et deux de Corinthe. Les Corinthiens, outre dix vaisseaux qui leur appartenaient, en avaient équipé deux de Leucade et trois d’Ambracie, avec lesquels ils devaient plus tard prendre la mer. De Tarente, Gylippos se rendit à Thurium pour y négocier, en se réclamant du droit de cité qu’y avait autrefois obtenu son père[*](Cléandridas, adjoint au jeune Plistoanax pour commander dans une expédition contre Athènes, s’était laissé corrompre par Périclès, et avait été pour ce fait condamné à mort. Il s’était retiré à Thulium où il obtint le droit de cité.). Mais, n’ayant pu gagner les habitants, il reprit la mer et longea l’ltalie. Assailli, à la hauteur du golfe de Térina[*](Ce passage a embarrassé, avec raison tous les interprètes de Thucydide : le golfe de Térina se trouve sur la côte ouest du Brutium, taudis que Gylippe devait se trouver sur la côte est, dans le golfe de Scylacium ou dans celui de Tarcnte. 11 y a évidemment ici erreur, soit des copistes, soit de riiistorien.), par uh [*](1 Cléandridas, adjoint au jeune Plistoanax pour commander dans une expédition contre Athènes, s’était laissé corrompre par Périclès, et avait été pour ce fait condamné à mort. Il s’était retiré à Thulium où il obtint le droit de cité.) [*](* Ce passage a embarrassé, avec raison tous les interprètes de Thucydide : le golfe de Térina se trouve sur la côte ouest du Brutium, taudis que Gylippe devait se trouver sur la côte est, dans le golfe de Scylacium ou dans celui de Tarcnte. 11 y a évidemment ici erreur, soit des copistes, soit de riiistorien.)

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vent du nord qui souffle avec fureur en cet endroit, il fut entraîné au large, et, après avoir essuyé une violente tempête, revint aborder à Tarente, où il tira à sec pour les réparer ceux de ses vaisseaux qui avaient souffert de la tourmente. Nicias, informé qu’il était en mer, n’eut que du mépris pour le petit nombre de ses vaisseaux; — on avait éprouvé le même sentiment à Thurium : — il ne vit guère là qu’un armement de pirates et ne prit encore aucune précaution.

CV. A la même époque de cet été, les Lacédémoniens envahirent l’Argolide avec leurs alliés et ravagèrent une grande partie du territoire. Les Athéniens vinrent au secours des Argiens avec trente vaisseaux : c’était une infraction patente à la trêve entre Lacédémone et Athènes. Jusque-là ils avaient bien fait, de Pylos quelques courses pour piller; ils avaient pris part à la guerre des Argiens et des Mantinéens; mais quand ils opéraient des descentes c’était plutôt sur tout autre point du Péloponnèse qu’en Laconie. Invités même à plusieurs reprises par les Argiens à se montrer seulement en armes dans la Laconie, pour se retirer après avoir exercé avec eux quelques ravages insignifiants, ils s’y étaient refusés. Mais en cette circonstance, sous le commandement de Pythodoros, de Lespodias et de Démarate, ils prirent terre à ÉpidaureLiméra, à Proscis et sur une foule d’autres points, ravagèrent le pays, et fournirent par là aux Lacédémoniens un prétexte plus plausible de représailles. Après le départ des vaisseaux athéniens et l’évacuation du pays par les Lacédémoniens, les Argiens envahirent la Phliasie, ravagèrent une partie du territoire, tuèrent quelques habitants et rentrèrent chez eux.