History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése, Vol. 1-2. Zévort, Marie Charles, translator. Paris: Charpentier, 1852.

I. L’été suivant[*](Première année de la quatre-vingt-huitième olympiade, ■428 av J.-C.), au fort de la croissance des blés, les Péloponnésiens et leurs alliés tirent une expédition en Attique, sous la conduite d’Archidamus, fils deZeuxidamus, roi des Lacédémoniens. Ils campèrent dans le pays et le ravagèrent. La cavalerie athénienne les inquiétait, comme de coutume, par de fréquentes at- taques, partout où l’occasion se présentait : elle tint en respect sur presque tous les points les troupes légères, et les empêcha de s’écarter de leurs campements pour ravager les environs de la ville Les Péloponnésiens, après être restés tant qu'ils eurent des vivres, éva- cuèrent l’Attique et rentrèrent chez eux, chacun de leur côté.

II. Aussitôt après l'invasion des Péloponnésiens, l’ile de Lcsbos[*](Toutes les villes de Lesbos formaient alors une sorte de confédération, à la tête de laquelle était Mytilène, gouvernée ellemême par l’aristocratie.), à l’exception de Méthymne[*](Méthymne était située à 280 stades (environ 50 kilom.) à l’est de Mytilène.), se détacha des Athéniens. Dès avant la guerre, les Lesbiens avaient médité cette défection ; mais les

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Lacédémoniens ne les avaient pas accueillis alors. Dans cette circonstance même, ils furent contraints de se révolter plus tôt qu'ils ne l’avaient projeté ; car ils attendaient pour agir qu’ils eussent comblé l’entrée des ports[*](Il s’agit évidemment ici des remparts de Mytilène.), élevé des murailles, achevé la construction des navires, et qu’il leur fût arrivé du Pont-Euxin des secours sur lesquels ils comptaient, des archers, du blé, en un mot tout ce qu’ils avaient réclamé. Mais les ha- bitants de Ténédos, ennemis des Lesbiens, ainsi que ceux de Mélhymne, et même quelques particuliers de Mytilène, hommes de parti et proxènes des Athéniens[*](Mytilène, comme toutes les villes alliées des Athéniens, était partagée en deux factions, le peuple et les grands ; les projets de défection furent, sans doute, dénoncés par les chefs du parti populaire ; car nous voyons plus tard le peuple, aussitôt qu’il eut reçu des armes, forcer les magistrats à traiter avec les Athéniens. — Sur les causes de cette guerre voir Aristote, Polit. v, chap. 3, et Diodore.), dénoncèrent l’entreprise. Ils firent savoir aux Athéniens que l’on contraignait tous les habitants de l’ile à se concentrer dans Mitylène ; que, d’accord avec les Lacédémoniens et les Béotiens, unis aux Lesbiens par la communauté d’origine[*](Les Lesbiens étaient Éoliens, et les Éoliens descendaient des Béotiens.), tout se préparait à la hâte pour une prochaine défection, et qu’il était temps qu’Athènes prévint la révolte, si elle ne voulait que Lesbos fût perdue pour elle.

III. Les Athéniens avaient eu beaucoup à souffrir déjà de la maladie et de la guerre, à peine commencée et déjà dans toute sa force ; ils jugèrent que ce serait une grosse affaire d’avoir en outre à combattre Lesbos,

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maîtresse d’une marine[*](Lesbos et Chio avaient, à elles seules, fourni cinquante vaisseaux aux Athéniens (Thuc. ii, 56).), et dont la puissance n’avait pas été entamée. Ils se refusèrent donc d’abord à accueillir ces accusations, par ce motif surtout qu’ils ne voulaient pas qu’elles fussent vraies. Mais une ambassade qu’ils envoyèrent aux Mytiléniens n’ayant pu dé-, cider ceux-ci à cesser la concentration des habitants et les préparatifs de guerre, ils commencèrent à craindre, et se décidèrent à prendre les devants. Une flotte de quarante vaisseaux, qui se trouvait prête à mettre à la voile pour le Péloponnèse, fut expédiée soudain sous la conduite de Cléippide, fils de Dinias, avec deux autres généraux. Les Athéniens avaient été prévenus qu’il se célébrait hors de la ville[*](Probablement sur le promontoire de Malée, où devait être un temple.), en l’honneur d’Apollon de Malée, une fête à laquelle assistait tout le peuple de Mitylène, et qu’on pouvait espérer les surprendre en se hâtant. L’entreprise pouvait réussir ; dans le cas contraire, les généraux devaient ordonner aux Mytiléniens de livrer leurs vaisseaux et de raser leurs murailles ; en cas de refus, ils avaient ordre de faire la guerre. Les vaisseaux partirent. Il se trouvait alors à Athènes, d’après les traités, dix trirèmes auxi- liaires de Mytilène ; les Athéniens les arrêtèrent et mirent les équipages sous bonne garde. Mais les Mytiléniens n’en furent pas moins prévenus : un homme passa d’Athènes en Eubée, se rendit à pied à Géres- tum, y trouva un vaisseau marchand en partance, et, favorisé par le vent, arriva le troisième jour à Mytilène. Les Mytiléniens, sur l’avis qu’il leur donna de
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l'expédition, ne sortirent pas pour la fête d’Apollon de Malée ; ils palissadèrent la partie de leurs murailles et de l'enceinte des ports qui n’était qu’à moitié construite, et firent bonne garde.