History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.

Dès leur arrivée, ces députés eurent des conférences avec les Lacédémoniens, pour tâoher de se mettre d’accord. Avant tout, ils exigèrent qu’on soumît à l’arbitrage d’une ville ou d’un particulier leur éternel différend au -sujet de la Cynurie. Ce pays, situé entre les deux États, comprend les villes de Thyréa et d'Anthène, et appartient aux Laoédémoniens. Ceux-ci ne voulurent pas entendre parler de cette affaire mais ils offrirent de traiter avec les Argiens aux mêmes termes que précédemment. Toutefois les députée les amenèrent à Souscrire aux dispositions suivantes. On ferait pour le moment une trêve de cinquante ans, pendant la durée de laquelle chacun des deux peuples aurait le droit — moyennant une déclaration préalable et sauf le cas de peste ou die guerre tk Lacédémone ou à Argos — d’en appeler aux armes pour la possession de cette contrée, comme cela s’était pratiqué jadis, lorsque les deux partis s’étaient attribué la victoire[*](Cet ancien combat entre les Argiens et les Lacédémoniens se disputant la Cynurie, est raconté par Hérodote, liv. I, ch. lxxxii. Il eut lieu en 555 av. J. C. ) ; la poursuite ne pourrait pas s’étendre au delà des limites d’Argos ou de Lacédémone. Les Lacédémoniens voyaient dans cette prétention oie véritable démence ; néanmoins le désir de se concilier à tout prix l'amitié des Argiens les fit passer outre, et le traité fat

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rédigé. Mais, avant de le ratifier, ils voulurent que les députés retournassent à Argos pour le soumettre au peuple. S’il était approuvé, ils devaient revenir aux Hyacinthies pour l’échange des serments. Les députés se retirèrent.

Pendant ces négociations, les ambassadeurs- lacédé-moniens Andromédès, Phédimos et Antiménidas, chargés de recevoir des Béotiens et de remettre aux Athéniens Fanacton et les prisonniers, trouvèrent Panacton rasé. Les Béotiens s’excusèrent en disant que jadis , à la suite de démêlés survenus entre eux et les Athéniens au sujet de cette place, il avait été convenu sous serment que ni les· uns ni les autres ne l'habita raient, mais qu'ils en exploiteraient en commun le territoire. Quant aux prisonniers athéniens détenus en Béotie , la remise en fut faite à Andromédès et à ses collègues, qui Ijbs conduisirent à Athènes et les rendirent. Ils annoncèrent aussi que Panacton était rasé ; c'est ce qu’ils appelaient le rendre, par là raison qu’aucun ennemi des Athéniens n’y habiterait plue. Les Athéniens éclatèrent en reproches contre les Lacédémoniens, soit pour la destruction de Panaoton, qui dèvait, disaient-ils, leur être remis intact, soit pour l’alliance séparée; qu’ils savaient existerentre les Lacédémoniens et les Béotiens. Ils soutenaient que les Lacédémoniens s’étaient engagés à s’unira eux pour contraindre les récalcitrants. Enfin ils recherchaient minutieusement toutes les autres dérogations au traité de paix, et se regardaient comme joués. Aussi répondirent-ils avec aigreur aux députés et les congédièrent.

Profitant de ces altercations, ceux des Athéniens qui désiraient la rupture du traité se mirent aussitôt à l’œuvre. De ce nombre était Alcibiade fils de Clinias, personnage qui eût alors passé pour un jeune homme dans toute autre ville[*](A cette époque, Alcibiade n’avait que vingt-sept ans. Or, dans la plupart des villes grecques, notamment à Sparte, l’exercice des droits politiques ne commençait qu’à trente ans. A Athènes, les citoyens faisaient partie de l’assemblée du peuple dès l’âge de vingt ans; mais pour être éligible aux charges, au conseil, aux tribunaux, il fallait avoir trente ans. ), mais à qui des ancêtres illustres avaient légué un immense crédit. Au fond; il ôtait convaincu que l’alliance d’Argos· valait mieux pour Athènes ; mais son opposition aux Lacédémoniens venait surtout d’un orgueil froissé. Il ne leur pardonnait pas d’avoir négocié la paix par l’entremise de Nicias et deLachès, de l’avoir dédaigné lui-même à cause de sa jeunesse et frustré d’un honneur qu’il croyait lui être dû ; il est vrai que son aïeul avait jadis renoncé à la proxénie de Lacédémone[*](Sur les proxènes, voyez liv. II, ch. xxix, note 1. Legrand-père maternel d’Alcibiade s'appelait comme lui. Ce nom, d’origine laco-nienne, indique les relations qui existaient entre cette famille athénienne et les Lacédémoniens. Comparez liv. VII, ch. lxxxix, et liv. VIII, ch. vi. ), mais lui-même avait'travaillé à la renouer par ses prévenances pour les prisonniers de l’île. Se tenant donc pour offensé à tous égards, il avait dès l’origine témoigné son éloignement; pour les Lacédémoniens , en les représentant comme des gens peu sûrs, qui

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cherchaient à écraser les Argiens pour attaquer ensuite les Athéniens isolés. Dans la circonstance présente, il fît dire aui Argiens de venir au plus tôt, avec les Mantinéens et lesËléens pour solliciter ralliance d’Athènes. L'instant, selon lui, était propice, et lui-même les seconderait de tout son pouvoir.

Sur ce message d’Alcibiade, les Argiens, informés d’ailleurs que l’alliance avec les Béotiens avait eu lieu en dépit des Athéniens, et que ceux-ci étaient en pleine brouille avec les Lacédémoniens, ne s’inquiétèrent plus des députés qui étaient partis pour traiter en leur nom à Lacédémone, et ne songèrent qu’à se rapprocher d’Athènes. Ils voyaient en elle une ville dès longtemps leur amie, gouvernée démocratiquement comme eux, et maîtresse d’une marine qui, en cas de guerre, leur serait d’un puissant secours. Ils s’empressèrent donc de faire partir pour Athènes une députation, à laquelle s’adjoignirent les Mantinéens et les Elécns. De leur côté les Lacédémoniens envoyèrent en toute hâte aux Athéniens des ambassadeurs qu’ils croyaient leur être agréables, savoir Phi-locharidas, Léon et Endios. Ils craignaient que les Athéniens, n’écoutant que leur colère, ne s’alliassent avec les Argiens. Ils voulaient par la même occasion réclamer Pylos en échange de Panacton et juetifier leur alliance avec les Béotiens, en la représentant comme tout à fait inoffensive pour Athènes.

Ces députés exposèrent dans le conseil l’objet de leur mission [*](Les ambassadeurs étrangers étaient introduits par leurs proxènes dans le conseil, qui devait ensuite les présenter dans l’assemblée du peuple, avec son avis préalable sur l’objet de leur mission. ) et se déclarèrent munis de pleins pouvoirs pour régler tous les différends. Là-dessus Alcibiade craignit que. s’ils tenaient le même langage devant le peuple, ils n’entraînassent la multitude et ne fissent repousser l’alliance d’Argos. Il imagina donc de leur tendre un piège. Il leur insinua que. s’ils dissimulaient dans rassemblée les pleins pouvoirs dont ils étaient porteurs, il se faisait fort de terminer leurs litiges et de leur faire obtenir la restitution de Pylos, qu’il appuierait à ce prix comme il l’avait jusqu’alors combattue. C’était une manière de les détacher de Nicias[*](En leur faisant croire que sa propre influence était supérieure à , celle de ce général. ), de les discréditer auprès du peuple comme coupables de perfidie et de duplicité, enfin de pousser les Athéniens dans l’alliance des Argiens, des Éléens et des Mantinéens. Alcibiade y réussit. Quand les députés lacédémoniens parurent dans l’assemblée, et qu’aux questions qui leur furent faites ils ne répondirent plus, comme devant le conseil, qu’ils venaient munis de pleins pouvoirs, les Athéniens éclatèrent. Alcibiade se déchaîna de plus belle contre les Lacédémoniens et

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entraîna les suffrages. Déjà même on se disposait à introduire les Argiens et les autres députés pour conclure avec eux l’alliance, lorsqu’un tremblement deterre, survenu avant le vote, fit ajourner l’assemblée[*](Un tremblement de terre, une éclipse de soleil, un coup de tonnerre, des gouttes de pluie par un temps serein, en un mot tous les signes célestes (διοσημίαι), suffisaient pour faire lever la séance dans les assemblées du peuple. Comparez livre V, ch. l , et liv. VIII, chap. vi. ).

Dans la séance suivante, Nicias, malgré le piège où Ton avait fait tomber les Lacédémoniens et lui-même, en les engageant à taire leurs pleins pouvoirs, ne laissa pas d’insister pour qu’on s’en tînt à l’alliance de Lacédémone, qu’on suspendît les négociations avec Argos, èt qu’on envoyât aux Lacédémoniens une nouvelle ambassade pour s’assurer de leurs intentions. Il représenta que c’était un honneur pour Athènes et un abaissement pour Lacédémone d’éviter la guerre; que cette prospérité dont on jouissait présentement, il fallait la conserver le plus longtemps possible, tandis que les Lacédémoniens humiliés avaient tout intérêt à recommencer au plus tôt la lutte. Il obtint qu’on enverrait une députation, dont lui-même ferait partie, pour sommer les Lacédémoniens, si leurs intentions étaient droites, de rendre Panacton intact, ainsi qu’Amphipolis, et de renoncer à l'alliance des Béotiens, à moins que ceux-ci n’adhérassent au traité, qui interdisait toute alliance séparée. Les députés avaient ordre de dire que, si les Athéniens avaient voulu déroger à la justice, ils auraient pu, eux aussi, s’allier avec les Argiens, venus dans ce but à Athènes. Nicias et ses collègues reçurent des instructions sur. les autres points en litige et partirent.

A peine arrivés, ils firent connaître leur mandat et déclarèrent que, si les Lacédémoniens persistaient dans leur alliance avec les Béotiens et ceux-ci dans leur refus d’accéder au traité, les Athéniens à leur tour s’allieraient avec les Argiens et leurs amis. Les Lacédémoniens, influencés par l’éphore Xénarès et par ses adhérents, refusèrent de rompre avec les Béotiens ; toutefois, à la sollicitation de Nicias, ils consentirent à renouveler les serments. Nicias craignait, s’il revenait sans avoir absolument rien fait, d’être en butte aux reproches, comme il arriva en effet, d’autant plus que le traité passait pour être son ouvrage. A son retour, lorsque les Athéniens apprirent qu’on n’avait rien obtenu, ils entrèrent en courroux; et aussitôt se croyant lésés, ils conclurent avec les Argiens et leurs alliés, qui se trouvaient présents et qu’Alcibiade introduisit, un traité de paix et d’alliance dans les termes suivants :

« La paix a été faite pour cent ans entre les Athéniens d’une part, les Argiens, les Mantinéens et les Ëléens

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d’autre part, soit pour eux, soit pour leurs alliés, sans dol ai fraude, sur terre et sur mer.

« Tout acte d’hostilité est interdit aux Argiens, aux Ëléens, aux Mantinéens et à leurs alliés envers les Athéniens et les alliés de la dépendance d’Athènes, ainsi qu’aux Athéniens et à leurs alliés envers les Argiens, les Éléens, les Mantinéens et leurs alliés.

« Les Athéniens, les Argiens, les Éléens et les Mantinéens seront alliés pour cent ans aux conditions indiquées ci-après.

« Si quelque agresseur entre à main armée sur les terres des Athéniens, les Argiens, les Éléens et les Mantinéens iront au secours d’Athènes , suivant qu’ils en seront requis par les Athéniens, avec toutes leurs forces et par tous les moyens possibles.

« S’il se retire après avoir dévasté la campagne, les Argiens, les Mantinéens, les Éléens et les Athéèiens le tiendront pour ennemi, lui feront la guerre, et ne la termineront que d’un commun accord.

« Si quelque agresseur entre à main armée sur les terres des Éléens, des Mantinéens et des Argiens, les Athéniens iront au secours d’Argos, de Mantinée ou d’Élis, suivant qu’ils en seront requis par ces villes, avec toutes leurs forces et par tous les moyens possibles.

« S’il se retire après avoir dévasté la campagne, les Athéniens , les Argiens, les Mantinéens et les Éléens le tiendront pour ennemi, lui feront la guerre, et ne la termineront que d’un commun accord.

« Les villes contractantes empêcheront tout passage de troupes λ travers leur domaine ou celui des alliés de leur ressort, par voie de mer aussi bien que par voie de terre, à moins que l’autorisation n’en ait été accordée par les villes réunies d’Athènes, d’Argos, de Mantinée et d’Élis.

« La ville qui enverra des troupes auxiliaires leur fournira des vivres pour trente jours, à dater de leur arrivée dans la ville qui les aura appelées, et pourvoira de même à leur retour. Si le séjour de ces troupes se prolonge, la ville qui les anra mandées donnera ponr son ordinaire à chaque hoplite, peltaste ou archer, trois oboles d’Égine par jour, et à chaque cavalier une drachme d’Êgine [*](Voyez livre I, chap, xxvii, note 2. ).

« La ville qui aura, mandé les troupes auxiliaires aura le commandement, tant que la guerre se fera sur son territoire. Si les villes contractantes jugent à propos de faire quelque

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expédition en commun, chacune d’elles aura une part égale dans Le commandement.

« La paix sera jurée par les Athéniens, tant pour eux-mêmes qœ pour leurs alliés. Les Argiens, les Mantinéens, les Éléens et leurs alliés jureront ville, par ville. On prêtera le serment réputé le plus solennel dans chacun des États, en immolant des victimes parfaites. La formule sera conçue en ces termes :

« Je serai fidèle à l’alliance telle qu'elle est convenue, en c toute droiture, sans dol ni fraude. Je n’y contreviendrai en « aucune manière ni par quelque moyen que ce soit. »

« Le serment sera prêté, à Athènes par le conseil et les autorités locales, entre les mains des prytanes ; à Argos par le conseil, les Quatre-Vingts et les Artynes[*](Ces noms et les suivants désignent des magistratures locales, dont les attributions sont peu connues ou même ne le sont pas. ),entre les mains des Quatre-Vingts; à Mantinée par les Démiurges, le conseil et les autres autorités, entre les mains des théores et des polé-marques ; à Élis, par les démiurges , les magistrats suprêmes et les six Cents, entre les mains des démiurges et des thesmo-phylaques.

« Les serments seront renouvelés, par les Athéniens en se rendant à Élis, à Mantinée et à Argos trente jours avant les jeux olympiques ; par les Argiens, les Éléens et les Mantinéens en se rendant à Athènes dix jours avant les grandes Panathénées[*](Le délai assigné au voyage des députés athéniens est plus long, parce qu’ils devaient aller successivement dans les trois villes, tandis que les députés péloponésiens n’avaient à se rendre qu’à Athènes. Ce serment se renouvelait tous les quatre ans. Les grandes Panathénées se célébraient la troisième année de chaque olympiade; les jeux Olympiques tous les quatre ans, et ils commençaient le 11 du mois Hécatombéon (juin-juillet). ).

« Les conventions relatives à la paix, aux serments et à l’al-lianoe seront inscrites sur une colonne de marbre, à Athènes dans l'acropole; à Argos sur lagora dans le temple d’Apollon; à Mantinée dans le temple de Jupiter sur l’agora[*](La ville d’Êlis n’est pas mentionnée, parce qu’il suffisait pour elle de la colonne d’Olympie. ). On placera aussi à frais communs une colonne d’airain à Olympie pendant les jeux olympiques prochains.

« Si les villes contractantes jugent à propos de faire quelque addition aux présentes conventions, elles le pourront pourvu que ce Soit d’un commun accord; et les additions ainsi consenties auront force de loi. »

Ainsi fut conclu ce traité de paix et d’alliance. Quant à celui qui existait entre les Athéniens et les Lacédémoniens, ce ne fut ni pour les uns ni pour les autres un motif de le rompre. Les Corinthiens, quoique alliés d’Argos, n’adhérèrent pas à ce nouveau traité, non plus qu’au précédent, par lequel les Éléens, les Argiens et les Mantinéens s’étaient engagés à ne faire la paix ou la guerre que d’un commun accord. Ils déclarèrent s’en tenir à l’ancieime alliance défensive, en vertu de laquelle on devait se prêter mutuellement secours, saps s’unir

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pour attaquer presonne. C’est ainsi que les Corinthiens se séparèrent de leurs alliés et inclinèrent derechef vers Lacédémone.

Pendant cet été, on célébra les jeux olympiques, où l’Arcadien Androsthénès fut pour la première fois vainqueur au pancrace[*](Olympiade XC, quatre cent vingt ans av. J. C. Thucydide désigne ordinairement les olympiades par le nom du vainqueur à la course du stade ; ici l’exception est motivée par la célébrité de l’athlète victorieux. Le pancrace était une combinaison de pugilat et de lutte, dans laquelle toutes les forces du corps trouvaient leur emploi. Ce genre de combat fut introduit pour la première fois à la trente-troisième olympiade. ). Les Lacédémoniens se virent fermer par les Eléens l’accès du temple, des sacrifices et des jeux. Ils n’avaient pas payé l’amende à laquelle, d’après la loi d’Olympie, les Eléens les avaient condamnés pour avoir porté les armes contre leur fort de Phyrcos[*](Probablement situé en Triphylie. ) et envoyé des hoplites à Lépréon pendant la trêve olympique [*](Voy. chap. xxxi. On sait qu’il y avait, pour le temps des jeux Olympiques, une trêve sacrée dans tout le Péloponèse, afin d’assurer la libre fréquentation de ces jeux. Les Êléens. en qualité de présidents des jeux Olympiques, faisaient publier cette trêve dans tous les États. ). L’amende était de deux mille mines[*](C’est-à-dire trois cent mille francs. La somme doit être calculée en monnaie d’Égine, puisqu’il s’agit d’un État péloponésien. Or, la drachme éginétique était à la drachme attique dans le rapport de dix à six. ), à raison de deux mines par hoplite, conformément à la loi. Les Lacédémoniens réclamèrent par ambassade contre cette sentence ; suivant eux, la trêve n’était pas encore publiée à Lacédémone quand ils avaient envoyé leurs gens. Les Eléens répondirent qu'elle existait pour eux-mêmes,—en effet ils la proclamèrent d’abord chez eux;— et que, se reposant sur la foi publique , ils avaient été pris au dépourvu. A quoi les Lacédémoniens répliquèrent que si, à cette époque, les Eléens s’étaient crus offensés, ils n’auraient pas proclamé liai trêve à Lacédémone; puisqu’ils l’avaient fait, c’est qu’ils étaient loin de cette pensée ; enfin, depuis ce moment, eux-mêmes s’étaient abstenus de toute agression. Les Eléens ne voulurent rien entendre. Jamais, dirent-ils, on ne leur ferait croire que les Lacédémoniens ne fussent pas dans leur tort; si pourtant ceux-ci voulaient rendre Lépréon , ils renonceraient à leur part de l’amende et payeraient pour les Lacédémoniens celle qui revenait au dieu.

Sur leur refus, les Eléens leur firent une autre proposition : qu’ils gardassent Lépréon, puisqu'ils ne voulaient décidément pas le rendre; mais, s’ils tenaient à avoir l'usage du temple, qu’ils montassent sur l’autel de Jupiter et fissent, en présence de tous les Grecs, le serment de payer plus tard cette amende. Les Lacédémoniens n’y consentirent pas davantage ; aussi furent-ils exclus du temple, du sacrifice et des jeux. Ils sacrifièrent chez eux. Le reste des Grecs prit part à la fête, excepté les Lépréates. Cependant les Eléens, craignant que les Lacédémoniens n'eüssent recours à la force, mirent sur pied une garde de jeunes gens. Il leur vint aussi mille Argiens, autant de Man· tinéens, et des cavaliers d’Athènes, qui attendaient à Argos la célébration des jeux. Une grande frayeur s’empara de l’assemblée; on craignit que les Lacédémoniens ne vinssent en armes.

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surtout après que leur compatriote Lichas fils d’Arcésilaos eut été frappé de verges dans l'arène par les rhahdophores[*](Porte-verges ou licteurs, chargés de veiller à ce que les combats du stade eussent lieu selon toutes les règles établies, et de punir les infractions. Il parait, par la présence de Lichas, que la défense faite aux Lacédémoniens d’assister aux jeux Olympiques ne s’étendait pas aux particuliers en tant que simples spectateurs. ). Ses chevaux avaient mérité le prix ; mais, comme il n'avait pas le droit de concourir, on proclama vainqueur le peuple de Béotie. Alors Lichas, s'avançant dans l’arène, ceignit d’une bandelette le front du cocher, pour faire voir que le char était à lui. Cet incident augmenta la crainte générale, et l’on s'attendit à quelque mouvement. Toutefois il n’en fut rien , et là fête s'acheva sans trouble.

Après les jeux olympiques, les ArgieDS et leurs alliés se rendirent à Corinthe, pour engager cette ville à se joindre à eux. Il s’y trouvait déjà des ambassadeurs de Lacédémone. On échangea bien des paroles sans rien terminer; car il survint un tremblement de terre qui fit lever la séance, et chacun regagna ses foyers. Là-dessus l’été finit.

L’hiver suivant, les habitants d’Héraclée en Trachinie eurent un combat à soutenir contre les Éniens,les Dolopes, les Maliens et un certain nombre de Thessaliens. Ces peuples voyaient de mauvais œil cette ville s’élever dans leur voisinage; car sa fondation était une menace essentiellement dirigée contre eux. Aussi, à peine commençait-elle à s’établir, qu’ils l’attaquèrent et lui firent tout le mal possible. En cette occasion , ils vainquirent en bataille les Héracléotes, tuèrent leur chef, le Lacédémonien Xénarès fils de Cnidis, et taillèrent en pièces une partie de sa troupe.-Là-dessus l’hiver finit, ainsi que la douzième année de la guerre.

Dès le commencement de l’été suivant [*](Troisième année de la guerre, an 419 avant J.-C.), les Béotiens, voyant l’état fâcheux où ce combat avait réduit Héraclée, prirent en mains l’administration de cette ville, et renvoyèrent, pour abus de pouvoir, le gouverneur lacédémonien Hégésip-pidas. Ce qui les y détermina, ce Çut la crainte que les Athéniens ne s’emparassent d’Héraclée à la faveur des embarras du Péloponèse. Les Lacédémoniens ne leur en gardèrent pas moins rancune.

Le même été, Alcibiade fils de Clinias, général athénien, secondé par les Argiens et leurs alliés, pénétra dans le Péloponèse avec un petit nombre d’hoplites et d’archers athéniens. Il prit avec lui un renfort d’alliés du pays, régla tout ce qui concernait l’alliance, traversa le Péloponèse avec une armée, et persuada aux Patréens de construire des murs jusqu'à la

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mer[*](L’ancienne ville achéenne de Patræ était située à quelque distance de la mer. Ces murs devaient la relier à son port. Quant au Rhion, voyez livre II, cha£. lxxxvi, note 2. ). Il avait aussi le projet d’élever un fort sur le Rhion d’Achaîe, mais les Corinthiens , les Sicyoniens et tous ceux à qui cette construction portait ombrage, s’y opposèrent les armes à la main.

Le même été, il y eut une guerre entre les Épidau-riens et les Argiens au sujet d’un Sacrifice que les Ëpidau-riens devaient offrir à Apollon Pythéen[*](Pausanias (II, xxiv. xxxv. xxxvi) cite trois tem- ples de ce nom en Argolide. Probablement il s’agit ici de celui qui était dans le voisinage d’Asiné. ) pour les terres riveraines, et dont ils négligeaient de s’acquitter. Les Argiens étaient les maîtres absolus de ce temple. Indépendamment de ce motif, Alcibiade et les Argiens voulaient, s'il était possible, s’assurer d’Épidaure, afin de tenir Corinthe en respect et d’ouvrir aux Athéniens, allant d’Êgine au secours d’Argos, une route plus directe, sans avoir à doubler le cap ScyIléon[*](Les Athéniens, maîtres d’Égine, n’avaient qu’un bras de mer à traverser jusqu’à Epidaure, et de là il leur restait un assez court trajet par terre jusqu’à Argos. La route de mer était beaucoup plus longue ; il fallait tourner toute ΓArgolide, dont le cap Scylléon forme l’extrémité méridionale. ). Les Argiens se disposèrent donc à envahir l’Épidaurie pour obliger les habitants à fournir la victime.

Vers la même époque, les Lacédémoniens en corps de nation, sous la conduite de leur roi Agis fils d’Archidamos, s’avancèrent jusqu’à Leuctra , dernière ville de leur pays du côté du Lycée[*](Montagne située au S. de l’Arcadie^ et se prolongeant jusqu’à l’ancienne provinoe de Messénie. — Leuctra ou Leuc-tron était la dernière place de Laconie sur le chemin de Sparte à Mëgalopolis. Il y avait une autre ville de Leuctra au bord du golfe de Messénie. Ni l’une ni l’autre n’ont rien de commun avec la ville béotienne de Leuctres, illustrée par la victoire d’Épaminondas. ). Nul ne connaissait le but de cette expédition, pas même les villes qui avaient fourni les troupes. Mais les sacrifices pour le passage de la frontière n’ayant pas été favorables , les Lacédémoniens regagnèrent leurs foyers , et prévinrent les alliés de se tenir prêts pour une autre expédition aussitôt après le mois suivant — c’était le mois Carnéen, temps de fête pour les Doriens[*](Le mois Carnéen, correspondant au mois athénien Métagitnion (juillet-août), devait son nom aux fêtes d’Apollon Caméen, qui se célébraient à cette époque et duraient neuf jours. Le mois entier était pour les Doriens un temps de réjouissance, une espèce de carndrai ou de ramadan, pendant lequel les hostilités étaient généralement suspendues. ). — Après leur retraite, les Argiens se mirent en campagne le quatrième jour'de la dernière décade du mois qui précède le Carnéen. Ils employèrent ce jour à faire la route, et tout lè reste du temps[*](Les six jours qui restaient avant le commencement du mois Car-néen. Au surplus le sens de ce passage est controversé. D’autres traduisent : « quoiqu’ils eussent de tout temps observé ce jour, » en ponctuant après χρόνον, et non après ταύτην. J’ai préféré l’autre leçon, qui nécessite, il est vrai, ἐσέβαλλον au lieu de ἐσέβαλον, l’invasion s’étant prolongée un certain temps. ) à envahir et à dévaster les terres des Épidauriens. Ceux-ci appelèrent leurs alliés ; mais les uns s’excusèrent sur les fêtes de ce mois, les autres s’avancèrent jusqu’aux limites de l’Épidaurie, et s’y tinrent en repos.

Pendant que les Argiens étaient dans le pays d'Épi-daure, dés députations des villes se réunirent à Mantinée sur l’iqvitation des Athéniens. Des conférences s’étant ouvertes, Euphamidas de Corinthe soutint que les actions répondaient mal aux paroles ; qu’on était assemblé pour s’occuper de la paix, tandis que les Épidauriens, leurs alliés et les Argiens étaient en armes et en présence; qu’avant tout il fallait séparer les deux armées; qu’alors seulement on pourrait parier de paix. Cette proposition admise, on partit sur-le-champ, et l’on obtint l’éloignement des Argiens ; puis on reprit les conférences,

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mais sans réussira se mettre d’accord. Aussi les Argiens firent-ils une nouvelle irruption dans l’Épidaurie, qu’ils ravagèrent. Les Lacédémoniens s’avancèrent jusqu’à Caryæ[*](Ville de Laconie, à l’ettrémité N. E. de ce pays, sur les confins de la Thyréatide et sur la route de Sellasie à Argos. ); mais, cette fois encore, les victimes pour le passage de la frontière n’ayant pas été favorables, ils rebroussèrent chemin. Les Argiens ravagèrent près du tiers de l’Épidaurie et rentrèrent chez eux. Mille Athéniens, commandés par Alcibiade, étaient venus à leur secours; mais, quand ils surent que les Lacédémoniens s'étaient retirés et que leur présence à eux n’était plus nécessaire, ils reprirent la route de leur pays. Ce fut ainsi que l’été s’écoula.

L’hiver suivant, les Lacédémoniens, à l’insu des Athéniens, envoyèrent par mer à Ëpidaure une garnison de trois cents hommes sous les ordres d’Agésippidas. Les Argiens se plaignirent aux Athéniens de ce qu’ils avaient permis cette expédition maritime, quoiqu’il fût dit expressément par £e traité qu’on ne laisserait traverser son domaine par aucun ennemi. Ils ajoutèrent que si, par représailles, les Athéniens ne replaçaient pas à Pylos les Messéniens et les Hilotes peur infester la Laconie, ils se tiendraient pour offensés. Les Athéniens, sur la proposition d’Alcibiade, inscrivirent auhasde la colonne lacédémonienne [*](La colonne sur laquelle était gravé le traité d’alliance entre Athènes et Lacédémone. Voyez chap. xxiil. ) que les Lacédémoniens avaient trahi leurs serments ; puis ils transportèrent les Hilotes de Cranies à Pylos pour y exercer le brigandage. D’ailleurs ils se tinrent en repos.

Dans la guerre que se firent pendant cet hiver les Argiens et les Épidauriens, il n’y eut point de bataille rangée, mais seulement des escarmouches et des incursions, où les pertes de part et d’autre se réduisirent à quelques hommes. L’hiver finissait et l’on touchait au printemps, lorsque les Argiens s’approchèrent d’Épidaure avec des échelles. Ils avaient compté la trouver sans défense A cause de la guerre et l’emporter d’emblée; mais ils n’y réussirent pas. Là-dessus l’hiver finit, ainsi que la treizième année de la guerre.

Au milieu de l’été suivant [*](Quatrième année de la guerre, an 448 avant J.-C.), les Lacédémoniens, voyant leurs alliés d’Ëpidaure en souffrance,.le reste du Péloponèse ou révolté ou mécontent, se dirent que le mal ne ferait qu’empirer, s’ils ne se bâtaient d’y porter remède. Ils prirent donc les armes, eux et leurs Hilotes en corps de nation, et marchèrent contre Argos sous la conduite de leur roi Agis fila d’Archidamos.

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Avec eux étaient les Tégéates et les autres alliés d’Arcadie ; ceux du reste du Péloponèse et du dehors se rassemblèrent à Phlionte. Les Béotiens avaient fourni cinq mille hoplites, autant de soldats armés à la légère, cinq cents cavaliers avec un pareil nombre à'hamippes[*](Fantassins mêlés à la cavalerie, dette institution était particulière aux Béotiens parmi les Grecs; mais elle existait chez les Germains (César, Guerre des Gaules, liv. I, chap. xLvrn). D’autres l’entendent de soldats instruits à combattre à pied ou à cheval, comme nos dragons. ) ; les Corinthiens deui mille hoplites; les autres à proportion. Les Phliasiens étaient venus en masse, le rassemblement ayant lieu sur leur territoire.

Les Argiens, prévenus d’abord des préparatifs des Lacédémoniens, puis de leur marche sur Phlionte à la rencontre de leurs alliés , se mirent eux-mêmes en campagne. Us étaient soutenus par les Mantinéens et leurs alliés, ainsi que par trois mille hoplites d’fîlis. En s’avançant, ils rencontrèrent les Lacédémoniens à Méthydrion en Arcadie [*](Le chemin direct de Tégée à Phlionle passait par Mantinée; mais cette ville étant au pouvoir des ennemis, les Lacédémoniens la laissèrent à leur droite, et passèrent par Méthydrian, qui est plus au centre de l’Arcadie. ). Chacune des deux armées s’empara d’une hauteur. Les Argiens se disposaient à profiter de l’isolement des Lacédémoniens pour les combattre; mais Argis décampa sans bruit pendant la nuit-, et se porta vers Phlionte pour rejoindre le gros de ses alliés. Aussitôt que les Argiens s’en furent aperçus, ils se mirent.en marche à la pointe du jour et se portèrent premièrement sur Argos, puis sur le chemin de Némée, par où ils présumaient que les Lacédémoniens descendraient avec leurs alliés. Mais, au lieu de suivre cette route, Agis, à la tête de Lacédémoniens, des Arcadiens et des Épidauriens, en prit une autre fort difficile, et descendit dans la plaine d’Argos [*](De Némée à Argos il y a encore aujourd’hui deux routes : l’une, plus longue et meilleure, par le village de Saint-George; l’autre, plus courte et très-mauvaise, par le village de Carvathi, près des ruines de Mycènes. Celle-ci est connue dans le pays sous le nom de Contoporia. Les Àrgiens ne supposaient pas qu’une armée pût passer par ce dernier chemin.). Les Corinthiens, les Pelléniens et les Phliasiens se dirigèrent par d'autres pentes rapides[*](Sur la droite du grand chemin: de Némée, de manière à former la troisième colonne d’attaque. ) ; les Mégariens et les Sicyoniens eurent ordre de descendre par la route de Némée qu’occupaient les Argiens, ann de les prendre à revers avec la cavalerie au premier mouvement qu’ils feraient dans la plaine contre les Lacédémoniens. Cés dispositions arrêtées, Agis déboucha dans la plaine, où il ravagea Saminthos et d’autres localités.

Dès qu’il fit jour, les Argiens mieux renseignés partirent de Némée. Us rencontrèrent le corps des Phliasiens et des Corinthiens, tuèrent quelques hommes aux Phliasiens et en perdirent eux-mêmes à peu près autant, qui tombèrent sous les coups des Corinthiens. Les Béotiens , les Mégariens et les Sicyoniens, d’après l’ordre qu’ils avaient reçu, se portèrent sur Némée, mais sans trouver les Argiens ; ceux-ci étaient descendus en voyant le ravage de leurs terres, et étaient occupés à se ranger en bataille. Les Lacédémoniens s’étaient également déployés. De toutes parts les Argiens étaient environnés d’ennemis:

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du côté de la plaine, les Lacédémoniens et leurs alliés leur barraient le chemin d’Argos ; sur les hauteurs étaient les Corinthiens, les Phliasiens et les Pelléniens ; du côté de Némée, les Béotiens, les Sicyoniens et les Mégariens. Enfin ils n’avaient pas de cavalerie ; car de tous leurs alliés les Athéniens seuls étaient en retard.

Les Argiens et leurs alliés ne jugeaient pas généralement la position si fâcheuse ; au contraire les chances leur paraissaient être en leur faveur ; car ils s'imaginaient tenir les Lacédémoniens enfermés dans leur propre territoire et sous les murs de leur ville. Déjà les deux armées s'ébranlaient pour en venir aux mains, lorsque deux Argiens, savoir Thrasyllos, un des cinq généraux, et Alciphron, proxène des Lacédémoniens, allèrent trouver Agis et le dissuadèrent de livrer bataille, l’assurant que les Argiens étaient prêts à soumettre à un arbitrage leurs différends avec les Lacédémoniens et à faire avec eux un traité de paix pour l’avenir.

Les Argiens qui faisaient cette démarche agissaient de leur chef et sans aucune mission publique. Agis goûta leurs propositions; et seul, sans en délibérer plus amplement, sans en dire mot à personne , si ce n'est à l'un des magistrats qui étaient au camp, il conclut une trêve de quatre mois, pendant laquelle les Argiens devaient accomplir leurs promesses; après quoi il ramena aussitôt l’armée, avant d’avoir pris l’avis d'aucun autre de ses compagnons.

Les Lacédémoniens et leurs alliés obéirent par déférence pour la loi ; mais entre eux il n'y avait qu’un cri contre Agis. On avait, disaient-ils, une occasion unique de livrer bataille; l’ennemi était complètement cerné, soit par la cavalerie, soit par l'infanterie ; et l’on se retirait sans avoir rien fait qui répondît aux forces dont on disposait. Jamais en effet plus belle armée grecque n’avait été réunie; on put s'en convaincre lorsqu’elle fut rassemblée à Némée. C’étaient les Lacédémoniens en masse, les Arcadiens, les Béotiens, les Corinthiens, les Sicyoniens, les Pelléniens , les Phliasiens, les Mégariens, tous gens choisis, l'élite de leurs nations, et qui semblaient faits pour tenir tête, je ne dis pas à la coalition d’Argos, mais à une force double. Ainsi l’armée se retira fort mécontente d’Agis. Elle fut licenciée, et chacun regagna ses foyers.

Les Argiens étaient encore plus irrités contre ceux qui, traitant sans l’aveu de la multitude, leur avaient fait manquer la plus belle occasion qui pût jamais se présenter, et avaient fait

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échapper les Lacédémoniens : en effet, ils allaient combattre sons les murs de leur ville, avec l’assistance d’alliés braves et nombreux. Aussi, à leur retour, se mirent-ils en devoir de lapider Thrasyllos dans le Charadron[*](Torrent près d’Argos (Pausanias, Iiv. Il, ch. xxv), sur le bord duquel se tenaient les assises militaires des Argiens, par la raison qu’une fois rentrés dans la ville les citoyens ressortissaient à la justice civile, qui se serait opposée à des condamnations sommaires. ), endroit où. ils jugent, avant de rentrer, les délits militaires. Thrasyllos se réfugia sur l’autel et échappa ainsi à la mort ; mais ses biens furent confisqués.