History of the Peloponnesian War

Thucydides

Thucydides. Histoire de la Guerre du Péloponnése. Bétant, Élie-Ami, translator. Paris: Librairie de L. Hachette, 1863.

L'été suivant [*](Quatrième année de la guerre, an 428 av. J.-C.), à l'époque de la maturité des blés, les Péloponésiens et leurs alliés, sous la conduite d’Archidamos, fils de Zeuxidamos et roi des Lacédémoniens, firent une expédition en Attique. Ils y campèrent et ravagèrent le pays. La cavalerie athénienne saisissait, comme d’ordinaire, toutes les occasions d'attaquer les emnemis. Elle empêchait leurs troupes légères de s’écarter du camp, et d'infester les environs de la ville. Les Péloponésiens restèrent en Attique aussi longtemps qu’ils eurent des vivres ; ensuite ils repartirent, et chacun regagna ses foyers.

L’invasion des Péloponésiens était à peine terminée, lorsque Lesbos, à l’exception de Méthymne, se souleva contre les Athéniens[*](On voit par ce qui suit cfue cette défection fut i’ou-vrage du parti aristocratique. ). Ce projet, déjà conçu avant la guerre, mais repoussé alors par les Lacédémoniens, dut se réaliser plus tôt que les Lesbiens n'auraient voulu. Leur intention, était, avant tout, d’obstruer l’entrée de leurs ports, d’élever des murailles, de construire des vaisseaux, enfin d’attendre l’arrivée de tout ce qui devait leur venir du Pont-Euxin, savoir des archers, des vivres et d’autres objets qu’ils avaient demandés. Mais l'entreprise fut dénoncée par les Ténédiens, leurs ennemis, par les Méthymniens et même par quelques citoyens de Mytilène, hommes de parti et proxènes des Athéniens. Ils firent savoir à Athènes qu’on forçait tous les habitants de Lesbos à se concentrer dans Mytilène, qu’on activait la défection, de concert avec les Lacédémoniens et les Béotiens, unis aux Lesbiens par l’identité de race [*](Ces deux peuples étaient de race éolienne. Lesbos considérait la Béotie comme sa métropole, parce que c’était de ce pays qu’était parti Penthilos fils d’Oreste, conducteuy de la colonie éolienne dont Lesbos fut le centre. Voyez Hérodote, liv. VII, ch. clxxvi. ) ; enfin que, si l’on n’y mettait ordre, Lesbos serait perdue sans retour.

Les Athéniens, écrasés par la peste et par la guerre, qui. naissante encore, était déjà dans toute sa force, regardaient comme une affaire grave d’avoir de plus sur les bras Lesbos, qui pôssédait une marine et une puissance encore intacte. D’abord ils refusèrent d’ajouter foi à ces accusations, par la seule raison qu’ils eussent voulu les trouver fausses. Mais une ambassade qu’ils envoyèrent aux Mytiléniens n’ayant pas obtenu iju’ils cessassent leurs préparatifs et la concentration des Lesbiens à Mytilène, ils conçurent des craintes et se décidèrent à

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prendre les devants. Une flotte de quarante voiles était prête à cingler contre le Péîoponèse, sous le commandement de Cléip-pidès fils de Dinias et de deux autres généraux. Elle eut ordre de se rendre immédiatement à Lesbos. On savait que les Myti-léniens en corps de nation devaient célébrer, hors de leur ville, une fête en l’honneur d’Apollon Maléen [*](Ainsi appelé parce que le temple de ce dieu était situé près du promontoire Maléa, pointe méridionale de l’île de Lesbos. ), et l’on pensait qu’avec un peu de promptitude il serait possible de les surprendre. Si ce projet réussissait, rien de mieux ; dans le cas contraire, on ordonnerait aux Mytiléniens de livrer leurs vaisseaux et de raser leurs murailles ; s’ils refusaient, on leur ferait la guerre. La flotte partit. Il se trouvait alors à Athènes dix trirèmes my-tiléniennes, venues comme auxiliaires en vertu de l'alliance. Les Athéniens les saisirent et mirent leurs équipages en état d’arrestation. Heureusement pour les Mytiléniens, un homme passa d’Athènes en Eubée, se rendit par terre à Gérestos [*](Port situé près du promontoire du même nom, à l’extrémité méridionale de l’Eubée, où était un temple de Neptune. ), y trouva un vaisseau marchand qui mettait à la voile, et, favorisé par le vent, parvint en trois jours d’Athènes à Mytilène [*](La distance entre ces deux villes est de cent quatre-vingt-douze milles nautiques de soixante au degré. ). Il annonça aux Mytiléniens l’attaque dont ils étaient menacés. En conséquence, ils s’abstinrent de sortir pour la fête, et prirent des mesures défensives en barricadant les travaux ébauchés des murs et des ports.