The six books of a common-weale

Jean Bodin

Bodin, Jean. Les six livres de la republique. Paris: Chez Iacques du Puys, Libraire iuré, à la Samaritaine, 1577.

NOVS auons dit des commissaires, & de la difference qu’il y a entre les commissaires' & les officiers: par ce que l’ordre requeroit qu’on dist premierement des commissaires, comme estans aùparauant qu’il y eust offices establis. Car il est bien certain que les premieres Republiques estoient regies par main souueraine[*](l.2.de orig.) sans loix, & n’y auoit que la parole, la mine, la volonté des Princes pour toute loy, lesquels donnoient les charges en [*](Les premiers peuples gouuernez sans loix.)paix & en guerre à qui bon leur sembloit, & les reuoquoient aussi tost s'ils vouloient, affin que Ie tout dependist de leur pleine. puissance, & qu’ils ne fussent attachez, ny aux loix, ny aux coustumes. Aussi Iosephe l'historien au second liure contre Appion, voulant monstrer l'antiquité illustre des Hebrieux, & de leurs loix dit, que le mot de loy ne se trouue point en tout Homere : qui est bien vn argument que les premieres Republiques n’vsoient que de commissaires, attendu que l’officier ne peut ostre establi sans loy expresse, comme nous auons dit, pour luy donner charge ordinaire & limitee à certain temps: chose qui semble diminuer la puissance du souuerain. Et pour ceste cause, les Roys & Princes qui sont plus ialoux de leur grandeur, ont accoustumé de mettre en toutes lettres d’office vne clause ancienne, qui retient la marque de monarchie seigneuriale, c’est à sçauoir, que l'officier iouyra de l’office, TANT qv’i L

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QV'IL NOVS PLAIRA. Et iaçoit que ceste clause ne serue de rien, en ce Royaume, veu l’ordonnance de Loys XI. gardee inuiolablement, [*](La clause, tant, qu’il nous plaira est à present inutile és letures d’office.) & qu’en Espaigne, Angleterre, Dannemarc, Suede, Alemaigne, Poloigne, & en toute l'Italie, pareille ordonnance est obseruee: si est-ceque les secretaires d'estat ne l’oublient iamais. qui est vn grand argument que toutes, charges anciennement eftoient en commission Nous dirons cy apres si cela est expedient, comme plusieurs ont soustenu. Mais disons au parauant du Magistrat que nous auons posé par nostre definition, estre l’officier qui peut commander. Or il n’ya pas moins de confusion és autheurs, entre l’officier & le Magistrat, qu'il y a entre l’officier & le commissaire. Car combien que tout Magistrat soit officier, si estce que tout officier n’est pas Magistrat, ains feulement ceux-là qui ont pouuoir de commander. ce que le mot Grec SOME LANGUAGE TEXT signifie assez, comme qui diroit commandeurs: & le mot Latin Magistratus, qui est imperatif, signifiant maistriser & dominer. & d’autant que le Dictateur estoit celuy qui plus auoit de puissance de commander, les anciens l’appelloient magister[*](Festus in verbo optima lege.) populi: & le mot de Dictateur signifie commandeur, comme qui diroit edictateur[*](Dionyl. Halicarn.), car edicere c’eft commander. en quoy se sont abusez ceux qui ont supposé les liures de la langue Latine soubs le nom de Marc Varron, disans que le Dictateur s’appelloit ainsi, quia dictus ab interrege: mais à ce compte le colonnel desgens de cheual s’appelleroit aussi Dictateur, quia diceretur à Dictatore, comme il se voit par tout en Tite Liue: & faudroit qu’il s’appellast plustost Dictatus en signification passiue, que Dictator en actif. I’ay cy dessus monstré que les significations du Magistrat inuentees par les ieunes docteurs scholastiques, ne se pouuoient soustenir, ny pareillement celle d’Aristore[*](OTHER TEXT libr.3.politic.) qui appelle Magistrat celuy qui a voix deliberatiue en iugement & au conseil priué, & puifTance de commander, & principalement, dit-il,;de commander. Mais au sixiesme liure de la Republique, voyant qu’il y auoit vne infinité d'officiers qu’il appelle tous OTHER TEXT, il s’est trouué fort empesché: d’autant qu'il y en a de necessaires, [*](OTHER TEXT) les autres à l'ornement & splendeur de la Republique[*](OTHER TEXT): & puis tous les ministres des Magiftrats, sergens, huissiers, greffiers, notaires, lesquels il appelle du nom commun de Magistrat, comme ceux qui ont puissance de commander. & passe plus outre, en ce qu’il dit, que tels ministres ont puissance de commander, OTHER TEXT. Et toutefois en autre lieu[*](initio lib 3.politic.) il demande, si les harangueurs, orateurs & iuges sont Magistrats: & repond qu'on pourroit dire qu'ils ne font point Magistrats, & qu’ils n’ont point de part au commandement. C’est pourquoy Caton d’Vtique chastiant les greffiers, contreroolleurs & commis des receueurs, ilvous doit fpuuenir,di- foit-il, que vous estes ministres, & non pas Magistrats, ainsi que dit Plutarque. Quaut aux prescheurs ou harangueurs, qu'il appelle[*](OTHER TEXT) Ecclesiastes, s'ils n’ont commandement & par puissance ordinaire, il est bien certain
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iuftice qu’ils ne font point Magistrats, mais le plus souuent ils sont Magistrats: i’entends ceux-là qui auoient puissance és Republiques populaires & Aristocratiques de suader ou dissuader au peuple les choses qui leur sembloient vtiles, qu’ils appelloient aussi Rhethoras : combien qu'en Athenes, chacun particulier auoit puissance de parler[*](Plutar.in Phocione.): mais en Rome cela n’estoit pas licite, si Ie Magistrat qui presidoit à l'assemblee ne le permettoit. Et quant aux iuges ils s'abusent aussi de dire qu’ils ne sont pas Magistrats, veu que plusieurs sont magistrats: & la diuision que l’Empereur[*](in auth.de Iudic.) fait des iuges, c’est que Ies vns font Magistrats, Ies autres non. Il faut donc confesser, qu’entre les personnes qui ont charge publique & ordinaire, les vns font magiftrats, les autres non : & par ce que la negation fait la diuision de sa nature vitieuse, nous auons dit que les personnes publiques qui ont charge ordinaire limitee par loix ou par edits sans commandement, sont simples officiers, que les derniers Empereurs appelloient[*](lib.I.& 12.C.) officiales. Les anciens docteurs[*](Bart.in authent. vt ab illustri constitu. 23.Bald.in l.I.de offi. eius cui mandata nu.4.) ont suiui l’opinion d’Accurse, qui ne met aucune diffinition ny distinction des officiers, ny des commissaires, ny des magistrats: mais il dit simplement[*](ad l.I.eod. & in d. authent.) qu’il y a quatre fortes de magiftrats, c’est a sçauoir, les illustres, les spectacles, les clarissimes & perfectissimes, ausquels il attribue tout commandement. qui sont plustost qualitez honorables qu’on attribue selon la condition des personnes. combien que ceste diuision de qualitez manque, attendu que les Patrices eftoient plushonorez[*](l.I.de proximis sacrorum C.& l.26. de vsuris.C.), & marchoient deuant les illustres: & ceux qu’ils appelloient Augustales, estoient plus dignes que ceux qu’ils appelloient clarissimi. & de fait Ies dignitez eftoient ainsi[*](lib. 12. Cod. & in authent. vt ab illustri.) ordonnees du temps des Empereurs, depuis, & long temps au parauant Iustinian, c’est à sçauoir, Patricij, Illustres, Spectabiles, Augustales, Clarissimi, siue Speciosi & Perfectissimi: qui eftoient qualitez aussi bien attribuees aux[*](l.speciosas. de ver. signis.) particuliers comme aux Magiftrats. Mais ce que dit Bartol[*](ad.l. nec magistratib.de iniuriis.) qu’il y a certains qui ont Ia dignité fans charge, comme les Comtes & Marquis, ausquels toutefois il attribue commandement, & toute iustice, ne merite point de response, car il se contredit luy mesme trop euidemment. Et est aussi peu probable quand il dit, que les maistres[*](ad l.omnes populi de iustitia.) d’eschole ont iurisdiction sur leurs disciples, & puissance d’establir statuts: & s’il estoit ainsi, la puissance domestique, & discipline des familles feroit du tout confuse auec la iurisdiction publique: ce que nous auons monstré estre impossible. Alexandre le premier Iurisconsulte de son aage, a bien touché plus pres de la vraye definition du Magistrat, en ce qu’il dit, qu’il ny a que ceux-là magiftrats qui font iuges ordinaires. & toutefois ce n’est pas assez: car il y a tel magistrat qui a puissance de commander, qui n’a point de iurisdiction ordinaire, comme les Censeurs & les Tribuns du peuple: & au contraire, les anciens Pontifes, aussi bien que nos Prelats, estoyent iuges ordinaires, ayans cognoissance vniuerselle des choses religieuses & sacrees. Ainsi peut-on voir, que les anciens & nouueaux docteurs n’ont pas traité ce poinct, ny touché
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touche les difficultez, ny difference des officiers, Magistrats & commissaires comme la chose le meritoit bien . Or combien que les definitions des Magistrats, officiers, & commissaires ne se trouuent point és lambeaux des Iurisconsultes: si est-ce qu’en plusieurs endroits on peut remarquer leur aduis, & par le discours des histoires. Car Vlpian[*](l. I. si quis ius dicenti.) escrit qu’il est permis à tous Magistrats de defendre leur iurisdiction par peines iudiciaires, horsmis à ceux qu’ils appelloient Duumuiri. Qui n’est pas feulement entendu des amendes pecuniaires, ains aussi de main[*](l. cum ab eo. ad l. Iul.pecul.) mise fus les biens & sus les personnes. Toutefois il appert, dira quelqu’vn, que Vlpian ayant excepté les Duumuirs, qui eftoient en pareille puissance que les Escheuins des communautez de ville, qui n’ont point de iurisdiction, les a neantmoins compris au nombre des Magiftrats. & a voulu dire que les Duumuirs auoient iurisdiction: car pour neant feroient ils exceptez, s’ils n’eussent point eu de iurisdiction. Toutefois le mesme Iurisconsulte en autre[*](l.I.l.dies.§.duas de damno.) lieu dit, que les Duumuirs n'auoient aucune iurisdiction, ny cognoissance quelconque, sinon de receuoir les cautions au besoin, & mettre en saisine: qui tient plus, dit-il[*](l. iubere de iursdict.), du commandement, que de la iurisdiction. encores il dit, qu’ils ne sont en ce cas que simples[*](d.l I.& l.dies §.vbi.) commissaires des Preteurs, qui leur donnerent ceste commission pour leur absence, asin d’obuier aux dangers eminens: comme en cas pareil depuis on leur donna puissance[*](l.ius dandi de tutorib.datis.) de donner tuteurs aux pauures mineurs, pour la conseruation de leurs biens. Et s'ils auoient quelque commission outre cela, c’estoit plus de quelque chose legere, que de puissance[*](l. ea quæ. ad municipal.) de commander. Ce n’estoient donc pas proprement Magiftrats. Et par consequent il s’enfuit, que tous Magistrats ayans iurisdiction, ont puissance de condamner, saisir, executer. Ce qui semble auoir esté anciennement ottroyé à tous Magiftrats par la loy Ateria Tarpeia[*](Dionys lib.8.Gell. lib. II. cap. I. Festus lib.14.in voce peculatus.), publiee Tan CCXCVII. apres la fondation de Rome, par laquelle il fut dit, que tous Magistrats auroient puissance de denoncer l’amende iusques a la somme de LVXI. sols: autant que deux boeufs ou trente brebis eftoient estimez par la loy mesme. & depuis croissant le reuenu & les richesses des Romains, les Magistrats hausserent les amendes[*](Liuius lib. 25. XXX. milia æris Fuluio mulcta dicta est à magistratu.) sauf au menu peuple la decision[*](Dionysius lib.7.), par la loy Icilia (qu’ils appelloient certatio mulctae:) mais souuent il remettoit[*](Cicero Philip.2.) l'amende, d’autant que la sentence du peuple condamnatoire à l’amende portoit infamie : ce qui depuis fut abrogé[*](l.2.de modo mult. C.). Toutefois ie diray en passant, qu’il y a vne faute notable en Festus Pompeius & en Aule Gelle, qui est demeuree iusques icy à corriger, où il y a XXX. boum & duarum ouium, au lieu de xxx ouium. qui a fait qu’Aule Gelle, ayant fuiui la faute des autres a dit, qu’il y auoit lors plus de bœufs que de bestes à laine. Mais Denys[*](lib.10.) d’Halycarnas monstre expressément, que la plus haute amende n'estoit que de deux bœufs ou trente bestes à laine. Et au mesme lieu en Aule Gelle il y a vne autre faute plus notable, où il dit multam, quae suprema dicitur in singulos ij
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1 dies institutam fuisse: il faut rayer le mot dies: autlement il n'eust pas esté licite au Magistrat de condamner pour plufieurs forfaits en mesmeiour. mais le mot de singulos veut dire pour teste: de forte que si plufieurs auoient offensé, le Magistrat pouuoit denoncer à chacun l’amende de soixante six sols pour le plus. Encores y a vne autre faute, où il dit ouem pro bouem, & a figuré que ouis estoit de masculin genre. Ce qui n’estoit au parauant la loy Tarpeia permis sinon[*](Doynis.lib.10.Festus lib.14.) aux Consuls: car il n'y auoit lors, & n’y eut de LXXXVIII. ans apres aucun Preteur ny Ædile en Rome : veu que l’erection du premier Preteur fut faite l'an de la fondation de Rome CCCLXXXVI. Ciceron[*](lib.2. de legib. Magistratus oinne iudicium & auspicium habento.) ayant fait des loix à son plaisir pour sa Republique à l’exemple de Platon, en met vne par laquelle il donne à tous Magistrats iurisdiction, & auspices. Or celuy qui a iurisdiction à parler pro prement, il a aussi dit vn[*](l. vlt. de offic. eius cui mand.) Iurisconsulte, les choses sans lesquelles on ne peut exercer la iurisdiction, c’est à scauoir puissance de commander : tellement que la iurisdiction des anciens Pontifes & de nos Euesques n’est qu’vne simple cognoissance: vray est que les Euesques ont cognoissance beaucoup plus grande que Ies anciens Pontifes, car ils peuuent emprisonner en leur parquet, & condamner à la torture, ores que les Magistrats facent executer leurs sentences. les anciens Pontifes n’auoient point cela, ny cognoissance des mariages, ny de plufieurs autres causes que les Euesques ont à present, comme nous dirons en son lieu. Toutefois on peut dire que cela n’est pas general, que tous Magistrats ayent puissance de commander: car[*](Gell. lib. 13. c. 12. Magistratuum alij vocationem, alij præ hensionem tantum, alii neutrum habent.) Messala Iurisconsulte, & Marc Varron ont laisse par escrit, qu’entre les Magiftrats les vns auoient puissance de donner assignation, ou faire adiourner par deuant eux, & pareillement main mise, les autres auoient main mise seulement : & qu’il y auoit aussi des Magiftrats qui n'auoient ny l'vn ny l'autre: & ceux qui n’auoient que main mise n'auoient qu’vn simple sergent: ceux qui auoient l’vn & l’autre, auoient aussi leurs massiers: ceux qui n'auoient puifTance de faire adiourner, ny de mettre en prison, ils n'auoient ny sergens ny massiers. quand ie dy main mise i’entends la saisie de corps & de biens. car la main mise est donnee à plusieurs qui ont iurisdiction[*](Coustume de Sens. &c.) fonciere, qui n’ont pas puifTance de toucher aux personnes: ce qui n’estoit pas anciennement par Ies loix des Romains, desquels il est icy besoin de parler, & discourir en brief leur puissance, pour esclaircir comme en plein iour, la puissance de tous Magistrats en toute sorte de Republique:chose qui n’a point esté encores touchee par nos Docteurs. Caries grands [*](La puissance des Magistrats Romains.)Magistrats, à sçauoir les Consuls, Preteurs, Censeurs, & entre Ies Commissaires Ie Dictateur, & celuy qu’on appelloit Interrex, & les Gouuerneurs de Prouince auoient Massiers, & par consequent ils auoient puissance de faire adiourner par deuant eux chacun des particuliers, & les moindres Magistrats, horsmis les Tribuns. en oultre ils auoient pouuoir de condamner à l’amende, saisir & emprisonner à faute d’obeir. Les mains. J
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Les Tribuns n’auoient aucune puissance de faire assigner personne par deuant eux, mais bien de constituer prisonniers, iusqu’aux Consuls mesmes : comme L. Drusus Tribun, qui fist mettre en prison le Consul Philippe, par ce qu’il l'auoit interrompu parlant au peuple: qui estoit[*](Dionys.lib.5.) crime de leze majesté, & capital. & neantmoins ils n’auoient pas puissance de faire adiourner personne par deuant eux: comme leur fist entendre le Iurisconsulte Labeo, lequel ne voulut comparoir par deuant eux estant adiourné: & dist pour ses defenses, que les Tribuns n’estoient pas instituez pour auoir iustice & iurisdiction, ains feulement pour s'opposer à la violence, & aux abus des autres Magistrats, & donner secours & ay de aux appellans, qui eftoient iniustement opprimez, & emprisonner ceux qui ne voudroient deferer à l’opposition: comme le Tribun Sempronius voyant que le Censeur Appius ne vouloit se demettre de son office dix huict mois apres qu’il eut esté Censeur (suiuant la loy Æmilia, qui auoit reduit le terme de cinq ans prefix à la Censure, au terme de dix huict mois) luy dist qu’il le feroit mettre en prison, s’il n’obeissoit à la loy Æmilia, du consentement des six autres Tribuns du peuple: mais Appius ayant prattiqué trois Tribuns, qui s’opposerent au commandement des sept, il demeura en son office. car l'opposition d’vn seul Tribun suffisoit pour empescher les autres, s’il n’en estoit autrement ordonné par le peuple. C’est pourquoy vn Tribun[*](Liuius lib.6.) parlant à la Noblesse disoit: Faxo ne muet vox ista VETO, qua collegas nostros continentes tam loeti auditis. & peu apres, Contemni iam Tribunos plebis, quippe quae pot estas IBM suam ISA vim transit intercèdent : non posse aequo iure agi, vbi imperium penes illos, penes se auxilium tantum sit: nisi imperio communicato, nunquam plebem in parte pari Reipublicae esse. Le peuple demandoit qu’il fust aussi permis de faire vn Consul roturier. Ceste querelle dura quarante & cinq ans, pendant lesquels il ny eut point de Confuls. En quoy il semble que les Tribuns n'auoient point de commandement: car ils demandoient qu’on fift vn Consul roturier, afin que le peuple eust vn Magistrat de son corps, qui eust pouuoir de commander: par ce que les Tribuns n’auoient que la voye d’opposition. Toutefois on peut dire, que les Tribuns en ceste harangue là faisoient leur puifTance plus petite qu’elle n'estoit: car[*](l.2.de in ius vocam.) Vlpian parlant proprement, & en Iurisconsulte dit, qu'il n’est pas licite d'appeller en iugement fans congé ou commission du Magistrat, les i Consuls, Preteurs, Proconsuls, & tous autres, dit-il, qui imperium habent, & iubere possunt in carcerem duci. & en autre[*](l. sed & si. §.hæc clausula. ex quibus causis maiores.l.nec magistratib.de iniuriis.) lieu, il repete les mesmes mots. Et par ainsi nous conclurons, que les Magiftrats qui ont puissance de mettre en prison, ores qu’ils n’ayent pas iurisdiction, qui font en termes de droict Magistrats: comme les Tribuns en Rome, les Procureurs du Roy en ce Royaume, les Auogadours à Venize. Et ne faut pas s’arrester à ce que dit Plutarque aux Problemes, que les Tribuns n'auoient ny coche, ny selle d’yuoire, ny massiers, qui estoient, dit-il, les marques des
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Magiftrats: car la principale marque estoit le commandement : ny aux propos du Consul Appius, duquel parlant Tite Liue, Tribunus, inquit, viatorem mittit ad Consulem, Consul lictorem ad Tribunum priuatum esse clamitans, sine imperio, sine magistratu: car il disoit cela pour raualler la puissance des Tribuns. Et neantmoins il se[*](Liuius lib.6.) trouua bien vn Tribun si hardy, à sçauoir Licinius StoIo, qu’il contraignit le Dictateur Manlius, de deposer la Dictature. & vne autre fois ils firent mettre les[*](Florus epito.55.) deux Consuls en prison, pource qu'ils n'auoient voulu enteriner la requeste des Tribuns, qui estoit d’exempter dix soldats daller en guerre. Vray est que le[*](Dionys.lib.9.) pourpris & territoire des dix Tribuns du peuple eftoient les murailles de Rome: tellement que les Confuls M. Fabius, & L. Valerius, voyans qu’ils ne pouuoient leuer gens de guerre, obstant l’opposition des Tribuns, commanderent de porter leurs sieges hors la ville, & par ce moyen firent ce qu’ils voulurent: toutefois les Tribuns entreprenoient fort souuent par dessus leur puissance, iusques à faire edits & defenses, comme on peut voir en Tite Liue, mesmes au troisiesme liure, Communiter edicunt Tribuni, nequis Consulem faceret: si quis fecisset, se id suffragium non obseruaturos. qui est vn abus, & entreprise fus la puifTance du peuple, de luy defendre le chois libre & entier des Magiftrats. d’auantage ils faisoient iustice à tous venans, donnant assignation aux parties, comme s’ils eussent eu puissance d’appeller par deuant eux. Cela se peut voir en[*](in Catone maiore.) Plutarque, où il dit, que les Tribuns rendoient la iuftice au lieu qui s’appelloit Basilica Portia. Et Asconius Pedianus dit, Tribunos, Quaestores, Triumuiros capitales, non in sellis curulibus, sed in subselliis iura dixisse. & mesmes[*](lib.I.OTHER TEXT.) Appian dit, que Drusus Tribun estoit assidu à faire iuftice, & rendre droict à chacun. Aussi le Iurisconsulte met le Tribun du peuple entre les Confuls & Preteurs, qui rendoient la iuftice en Rome. C’est pourquoy Ciceron disoit, qu'on se porta pour appellant aux Tribuns, vt de Praetoris iniuria cognoscerent. Et non seulement ils auoient vsurpé la iurisdiction, ains aussi bailloient commissaires, & faisoient en plusieurs causes ceux qu’on appelloit AEdiles aedituos, leurs[*](Dionys.lib.6.Flor.epit.19.Gelli.lib.10.) lieutenans. Or il est tout notoire, que nul ne peut establir lieutenans, ny donner commissaires, que ceux qui ont la iurisdiction en[*](l. more.l. solet.de iurisdict.) tiltre d’office: mais tout cela n'estoit que par vsurpation, & parabus, que le Iurisconsulte Labeo leur remonstra, & ne voulut onques, comme i’ay dit, comparoir par deuant eux. Nous ferons mesme iugement des Ædiles, qu’on appelloit Curules, qui[*](Gell.lib.13.) n’auoient ny puifTance de faire adiourner par deuant eux, ny d’apprehender aux corps: aussi n’auoient-ils ny massier ny fergent, comme Varron & Messala ont remarqué: & neantmoins ils auoient vsurpé la iurisdiction par la[*](§.proponebant de iure naturali. institut.) souffrance des Preteurs, qui leur renuoyerent les causes touchant les ventes des meubles: & en fin aussi ils prindrent cognoissance des immeubles, & des femmes prostituees, qui ne pouuoient estre de ce mestier, si elles ne l’auoient declaré aux Ædiles : ce qui eftoit gardé 4 d’an-
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d’ancienneté, afin que la honte en peust estranger plusieurs mais depuis quelles eurent perdu la honte, & que des plus illustres dames Romaines oserent bien impudemment declarer aux Ædiles quelles vouloient se prostituer, l'Empereur[*](Tacit.lib.2.) Tibere voulut qu’on procedast contre elles par iustice. & soubs Ie mesme[*](Tacit.lib.2.) Empereur, & au mesme temps, les abus, & entreprises des Ædiles curules & autres, fut reprimee, & ordonné iusques à quelle somme ils pouuoient saisir: ce qu’ils n’auoient pas de leur ancienne institution: & beaucoup moins de faire appeller par deuant eux, iaçoit qu’ils eussent puissance de faire assembler le[*](Piso Annalium lib. 4.& Dionis. Halyca.) menu peuple. Quant aux Questeurs, ie ne voy point qu’ils ayent iamais eu, ny entrepris d’auoir iurisdiction, ny d’emprisonner: aussi Varron dit qu’ils ne l’auoient pas: iaçoit que l'annee d’apres leur office expiré, on leur donnoit aucunefois le gouuernement de quelque Prouince: comme au ieune Gracchus la[*](Plutar. in Gracchis.) Sardaigne. alors ils auoient autant & plus de puissance en leur gouuernement, que tous les[*](l.solent obseruare. de offic.procons.) Magistrats en Rome: mais ce n'estoit que par forme de commission, comme tous gouuerneurs de Prouince. Quant aux Censeurs, Ottoman & Sigonius ont tenu qu’ils auoient bien, ainsi qu’ils escriuent, potestatem, sed non imperium: chose impossible : car le mot de Potestas en termes de droict, & en la personne des Magistrats, signifie tousiours commandement, [*](l.potestatis.de ver. signif.) Potestatis verbo, imperium in magistratu significatur: & mesmes Vlpian, [*](d. l.solet.l.3. de iurisdict.) où il dit, que le gouuerneur de Prouince a iurisdiction tresample, & puissance de condamner a mort, il s’appelle proprement Potestas. Or nous[*](Liuius lib.40.& 43. Zonar. tomo 2.) voy ons que les Censeurs souuent faisoient publier leurs edits, c'est à dire commandemens, & ordonnances qu’ils faisoient. Aussi[*](apud. Gel. lib. 13. cap.12.) Varron & Messalla appellent les Consuls, Censeurs, Preteurs, Maiores Magistratus : tous les autres Minores :& dit[*](lib. 5. de lingua latina.) plus, qu’il n’estoit pas en la puissance des Preteurs (qui auoient commandement & iurisdiction) de faire assembler l’armee de ville : ce que pouuoient les Censeurs, Praetori exercitum vrbanum conuocare non licere, Consuli, Censori, Interregi, Dictatori licere. Et lors que Hanibal assiegea Rome, on fift vn edit, que tous ceux qui auoient esté Dictateurs, Consuls, Censeurs, eussent puifTance de commander. Placuit, dit Tite Liue, omnes qui antea Dictatores, Consules, Censoresve fuissent, cum imperio esse donec hostis a muris discessisset. ce qu’on n'eust pas fait, si les Censeurs n’eussent eu commandement quand ils eftoient en office, veu que ceux-là mesmes qui auoient esté Preteurs n’eurent pas ceste puissance. Et si les Tribuns auoient commandement, que Varron met au nombre des moindres Magiftrats, comment ne l’auoient les Censeurs, qu’il appelle grans Magiftrats ? Et qui plus est[*](In Catone maiore.) Plutarque dit, que les Censeurs auoient plus de puissance, que Magistrat qui fust en Rome : vray est que ie ne m'arreste pas du tout à Plutarque lequel on trouue auoir bien souuent failly aux antiquitez des Romains. mais ce qui a, peut estre, abusé plusieurs, c’eft qu’ils n'auoient point de iurisdiction: quoy que die Augustin Ono-
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phre, qu’ils auoient puissance de condamner de quelques crimes: & toutefois il ne les escrit point. Or il y a bien difference de iuger des crimes, & reprendre les moeurs. C’est pourquoy Ciceron disoit, que le iugement des Censeurs faisoit bien rougir les personnes, mais rien plus. [*](lib.4. de Repub.apud Nonium.) Censoris iudicium nihil ferè damnato affert praeter ruborem, itaque vt omnis ea iudicatio versatur tantummodo in nomine, animaduersio illa ignominia dicta est. il ne dit pas que la Censure touchast l'honneur pour le noter d’infamie, mais bien quelque ignominie, que le Docteur Cuias a pris pour infamie: qui est fort differente de l’ignominie. Charles[*](lib. 2. de iudiciis. cap.3.) Sigon a fait mesme faute ou il definist ignominie estre infamie: & au mesme lieu il dit, qu’il y a des causes capitales qui portent infamie & fans crime: contre les principes du droict. car celuy qui eftoit condamné par iugement public pour crime, il eftoit infame: & le soldat cassé par le Capitaine pour fa faute, n'estoit pas infame, mais ignominieux seulement, iusqu’à ce que le Preteur en eust fait edit[*](l.I.de iis qui notantur.) expres. les anciens[*](ad l I & ad l.palam. §.quæ de titu nuptia.) Docteurs ont appellé l’ignominie, infamie de fait: de laquelle parlant le Iurisconsulte[*](l.2 de senat.) Cassius dit, qu’il pense que le Senateur raye du registre, ne peut estre iuge ny tesmoin, s’il n’est restitué. il dit seputare. &[*](d.l palam.) Vlpian vse aussi de mesme façon de parler seputare et quae in adulterio deprehen sa est, & absoluta notam obesse. car il est bien certain que l’absolution oste l’infamie de droict, mais non pas l’ignominie. &[*](l. cognitionum de variis cog.) Callistrate dit, qu’il pense aussi que la reputation, & l’honneur est aucunement diminué, quando quis ordine mouetur. Aussi Feste Pompee met trois fortes de punition militaire, à scauoir deprehensa, castigatio, ignominia. deprehensa, dit-il, castigatione maior, ignominia minor. & la loy adiouste parsus tout cela infamiam. Autrement si l’infamie, & la note des Censeurs ignominieuse eftoit tout vn, il faudroit que LXIIII. Senateurs, queles Censeurs Lentulus & Gellius rayerent du registre, & debouterent du Senat, & CCCC. Cheualiers, qui furent par les Censeurs Valerius & Sempronius cassez, & priuez des cheuaux & gages qu’ils tiroient du public, fussent aussi infames. & qui plus est, il faudroit que tout le peuple Romain eust esté infame par la Censure de Liuius Salinator, qui raya & nota toutes les lignees, & comme dit[*](lib.2.) Valere Maxime, inter aerarios retulit, par ce qu’ils l’auoient condamné par iugement public, & depuis fait Consul & Censeur. il n’excepta que la lignee Metia, qui ne l’auoit condamné ny absouls, ny iugé digne d’obtenir Magistrat. Il nota aussi Claudius Neron son collegue en la Censure, qui luy rendit la pareille. Et pour ceste cause[*](pro Cluent.) Ciceron disoit, lllud commune proponam, nunquam animaduersionibus Censoriis banc ciuitatem ita contentam , vt rebus indicatis fuisse. & met vn exemple de L. Metellus Senateur, qui fut debouté du Senat parles Censeurs, & depuis fait Censeur: & puis il adiouste, Quod si illud iudicium putaretur vt caeteri turpi iudicio damnati, in perpetuum omni honore ac dignitate priuantur. sic hominibus ignominia notatis, neque ad honorem, neque in curiam reditus esset: timoris enim causam, non vitae pœnam
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nam in illa potestate esse voluerunt. quare qui vobis in mentem venit haec appellare iudicia, quae a populo Romano rescindi, abiuratis iudicibus repudiari, a Magistratibus negligi, ab iis qui eandem potestatem adepti sunt solent commutari? II appert donc assez qu’ils n'auoient point de iurisdiction: car mesmes les Preteurs[*](Cicero in prætura Vrbana.) cognoissoient des proces d’entre les fermiers & le public, & des plaintes des fermiers, que les Censeurs auoient establis. Aussi la iurisdiction n'a rien de commun auec la force de commander, comme nous dirons en son lieu. & pour ceste cause quand les Cours de Parlement de ce Royaume verifient les lettres des gouuerneurs de Prouinces, ils font adiouster sus le reply, qu'ils n’auront point de iurisdiction contentieuse, ains seulement volontaire, c’est à dire que la force de commander, la puissance, l'auctorité, la dignité leur demeurera, mais non pas la iurisdiction. Ainsi pouuons nous dire que les Censeurs auoient commandement, & toutefois fans iurisdiction. Il y auoit bien d’autres Magiftrats en Rome, qui[*](Cicero pro Cluent. Valer.lib.8.cap.4.) auoient bien commandement & iurisdiction des causes criminelles, comme ceux qu’on appelloit Triumuiri capitales, mais ce n’estoit que des estrangers ou esclaues seulement. vray est qu’ils[*](Valer lib. 5. c. 9.& lib.6.cap.I.) entreprenoient quelquefois fus les bourgeois, & mesmes fus les Magiftrats. En outre ils eftoient executeurs des iugemens de[*](Salust.in bello Catil.) mort. Par ce discours des Magiftrats Romains, & de leur puissance, il appert, que plusieurs officiers eftoient appeliez Magiftrats, qui n’auoient pas pouuoir de commander ny de saisir, & neantmoins s’appelloient Magistrats, tant es loix que par les histoires: de sorte que nostre definition ne seroit pas generale, si ce n’estoit qu’on voulust faire vne subdiuision des Magiftrats qui ont pouuoir de commander, & ceux qui n’en ont point: mais il n’est point de besoin, car la vraye proprieté du mot Magistrat emporte commandement. Et qui prendra garde à la façon de parler des anciens Latins, & mesmes des[*](l.honor.de muneribus.) Iurisconsultes, on trouuera qu’ils ont appellé les offices auec charge honneste du mot Honores: Honor, dit Callistrate, est administratio Reipublicae cum dignitate. & ceux qui au oient outre l’honneur puifTance de commander, ils estoient signifiez par le mot Imperia, comme on void en Tite Liue la Noblesse se plaindre en ceste sorte, Salios ac Flamines sine imperiis, ac potestatibus relinqui. il entend parle mot Imperia les grands estats de la ville, fust par commission, ou en tiltre d’office, qui auoient Massiers, & puissance de commander: & par le mot Potestates, il entend les gouuernemens de Prouinces, que le lurisconsulte Vlpian appelle en propres termes[*](l.imperium.de iurisdict.) Potestates. ce que l’Empereur Alexandre Seuere entendoit quand il dist tout haut, Non[*](Lamprid.) patiar mercatores potestatum. Ioint aussi que Ciceron maistre de bien parler aux liures des loix, a mis celle-cy, Magistratus omnes iudicium & auspicium habento. en [*](Diuision des Magistrats.)quoy il donne assez à entendre, que le Magistrat proprement est celuy qui a puifTance de commander. Or tout ainsi qu'on peut auoir charge publique fans honneur, corne les crieurs, fergens, trompettes (qui eftoient
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anciennement esclaues, & de la famille des Magiftrats fans tiltre d’office) &mesmes les greffiers & notaires eftoient aussi esclaues des Magistrats ou de la Republique, iusques au temps de[*](l.generali. de tabular.C.) Valentinian, qui ne voulut plus que les esclaues fussent en ceste charge: ainsi on peut dire qu’il y a des charges publiques auec honneur sans pouuoir de commander, comme les Ambassadeurs, Conseillers du priué conseil, secretaires d'estat, & des finances. les anciens Ædiles, & Questeurs, & nos receueurs. les autres ont charge honorable, & iugent ayans cognoissance de plusieurs causes, comme les anciens Pontifes Romains & nos Prelats, les autres ont charge honorable, & puissance de commander, sans iurisdiction, comme les Tribuns du peuple, les Censeurs & nos gouuerneurs de pays, ensemble les Procureurs du Roy. Il y en a d’autres qui ont charge publique, ordinaire & honorable, & puissance de commander auec iurisdiction: & sont ceux là qui proprement s’appellent Magistrats, comme eftoient les deux Confuls & les Preteurs, qui surent[*](l.2.de orig.iuris.) multipliez iusques à XVI. quant aux Dictateurs, gouuerneurs de Prouinces, & ceux qu’on appelloit interreges, & Praefectos vrbi Latinarum feriarum causa: ils auoient tien plus de puissance que tous les autres Magistrats que i’ay dit, mais ce n’estoient pas Magistrats, ains seulement commissaires, comme nous auons monstré cy dessus : iaçoit qu’on les appelloit aussi du nom commun de Magistrats, non pas toutefois ceux qui parloient proprement. Et par ainsi il appert, qu’on ne peut auoir commandement fans honneur : combien qu’il y a plusieurs personnes publiques qui n’ont aucun commandement, & toutefois sont constituez en grande dignité, comme à Venize le Chancelier, les Procureurs sainct Marc: & en toutes Republiques les Conseillers d’estat, Ambassadeurs, Pontifes & Prelats, qui n’ont ny commandement ny iurisdiction, sont plus respectez que les petits Preuosts & plusieurs autres iuges qui n’ont puissance de commander, & iurisdiction contentieuse auec route iuftice haute, moyenne & basse. Il y a aussi des charges publiques qui n'ont ny honneur ny commandement, ains au contraire tirent apres foy quelque deshonneur, comme les bourreaux, qui eftoient contraints par les edits des[*](Cicero pro Rabirio perd.) Censeurs loger hors la ville, apres que la charge des Massiers leur fut deferee pour l’execution de mort: coustume qui est encores gardee à Thouloze & en plufieurs autres villes. Il y a d’autres charges qui ne sont gueres plus honnestes, & toutefois necessaires, & proffitables à ceux qui les exercent, afin que le proffit couure aucunement le deshonneur. Soubs ceste diuision sont compris generalement toutes personnes publiques, qui font constituez en tiltre d’office, ou en commission, ou en dignité simple, sans puissance de commander. Et en cas semblable nous pourrons diuiser tous les offices & dignitez selon la diuersité des charges publiques que chacun a : les vns aux choses diuines, les autres aux affaires d’estat: ceux cy à la iustice, ceux là aux finances : les vns aux fortifications
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tions & reparations des places publiques, les autres à Ia prouision des viures, & choses qui font besoin, qui à la guerre pour la tuition des sugets contre les ennemis, qui à la santé publique, & purgation des villes: qui aux voyes, riuieres, forests, ports & passages. toutes lesquelles charges publiques se peuuent donner ou en tiltre d’office, ou en commission, ou en dignité simple sans commandement, ou bien auec puissance de commander, ou à l'execution des commandemens, comme soubs les ministres des Magistrats, Greffiers, Notaires, Huissiers, Voyers, Sergens,Crieurs. Et generalement en toute Republique il y a trois poincts à remarquer pour le regard de la creation des Officiers & Magiftrats: premierement celuy qui les fait: en second lieu de quelles personnes on esdoit prendre: en troisiesme lieu la forme de les faire. quant au premier il appartient à la majesté[*](l.I.ad l.Iul.de ambitu.) souueraine, ainsi que nous auons dit en son lieu. quant au second poinct, il appartient bien aussi à la majesté: mais toutefois on fuit ordinairement les loix qui font establies à ceste sin, & principalement en l'estat populaire & Aristocratique, où les Magistrats ne sont pris que des plus nobles ou des plus riches, ou des plus aduisez en la charge qu'on leur donne, ou bien indifferemment de toutes sortes de citoyens. Quant au troisiesme poinct, qui est la forme de faire les officiers, il y a trois moyens, à sçauoir l'election, le sort, & les deux meslez ensemble. Et quant au fait de l'election, elle se fait de viue voix, ou en leuant la main: & la voix que les anciens Grecs appelloient OTHER LANGUGE vsitee encores en Suisse: ou par tables& billets, ou par febues & ballotes. Le sort se fait de certains citoyens, pour paruenit à quelque Magistrat, ou de tous en certain aage. Quant au chois & au sort meslez ensemble, iaçoit qu’il ne fust pas vsité anciennement, si est-ce qu’il est fort commun à present és estats Aristocratiques, mesmement à Genes & à Venize. Or la diuersité du chois & du sort est encores plus grande pour les iuges: car il se peut faire és estats populaires & Aristocratiques, que tous les citoyens en nom collectif iugent de chacun en particulier, & de la moindre partie de tous en nom collectif, prenant les iuges au chois, ou bien au fort, ou bien par sort, & par election, ou bien que tous iugent de quelques vns estant choisis ou tirez au sort, ou par fort & par election: ou bien que certains citoyens iugent de tous les autres estans choisis ou pris au sort, ou en partie par sort & par election: ou bien que quelques citoyens iugent de quelques vns, estans choisis ou tirez au sort, ou par fort & par election: ou bien on en prendra quelques vns choisis de tous les citoyens, & quelques vns pris au sort, pour iuger de certains citoyens: ou bien on en prendra quelques vns de tous au sort, & quelques vns de certains citoyens par chois: ou bien on en prendra quelques vns de tous, & quelques vns de certaine qualité de citoyens par chois & par fort. Voila tous les moyens qu’on peut imaginer pour la varieté de ceux qui ont charge publique, & pour l'estat, qualité & condition d’vn chacun,
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& la forme de les appeller, & employer. L’orateur[*](Contra Ctesiph. OTHER TEXT.) Æschine faisant la diuision des offices & charges publiques d’Athenes, l'a tranché beaucoup plus court, iaçoit qu’il y eust plus d’officiers qu’en Republique qui fust lors pour son estendue. Il dit qu’il y auoit trois fortes d’officiers: les vns qui estoient pris au sort, ou choisis: les autres qui auoient quelque charge publique plus de trente iours, & les surintendans des reparations & constructions des œuures publiques. les autres portez par les loix anciennes, & les commissaires choisis pour le faict de la guerre, ou de la iustice, comme seroient les Magiftrats. Mais on ne peut pas iuger la diuersité des officiers & Magistrats par ceste diuision: non plus que par celle de Demosthene, qui est toute diuerse à celle d’Æschines son aduersaire. car il dit que ceux là sont Magiftrats qu’on tiroit au fort au temple de Thesee. & ceux à qui le peuple donnoit puissance de commander, ou qu’il elisoit capitaines. la diuision de Varron & de Messala est aussi cour- te:à sçauoir qu’il y a deux fortes de Magiftrats: les grands & les petits, ils appelloient les grands Magiftrats, les Confuls, Preteurs, Censeurs, qui eftoient eleus par les grands estats: & les autres eftoient appeliez petits, qui estoient faits par le menu peuple, & la ceremonie des Auspices estoit plus solennelle és vns qu’és autres. mais il faut trouuer les diuisios essentielles, & qui puissent seruir en toutes Republiques. comme celles que nous auons posees touchant la charge des Magistrats. aussi pouuons nous diuiser les Magistrats en trois sortes, pour le regard de leur puissance. les premiers se peuuent appeller Magiftrats fouuerains, qui ne doiuent obeissance qu'a la Majesté souueraine: Ies autres, Magistrats moyens, qui doiuent obeissance aux Magistrats superieurs, & ont commandement sut autres Magistrats. les derniers sont ceux là qui doiuent obeissance aux Magistrats superieurs & n’ont commandement que sur les particuliers, comme nous declarerons cy apres.