The six books of a common-weale

Jean Bodin

Bodin, Jean. Les six livres de la republique. Paris: Chez Iacques du Puys, Libraire iuré, à la Samaritaine, 1577.

L'OFFICIER est la personne publique quia charge ordinaire limitee par edit. Commissaire est la personne personne publique qui a charge extraordinaire, limitee par simple commission. Il y a deux sortes d’officiers & de commissaires:[*](Difference des officiers, & commissaires.)  les vns qui ont puissance de commander, qui sont appelez Magistrats: les autres de cognoistre, ou d’executer les mandemens: & tous sont personnes publiques: mais toutes personnes publiques ne sont pas pourtant officiers ou commissaires: comme les Pontifes, Euesques, Ministres sont personnes publiques, beneficiers plustost qu'officiers: qu'il[*](Aristot.lib.4.cap.15.)  ne faut pas mesler ensemble, attendu que les vns sont establis pour les choses diuines, les autres pour les choses humaines, qui ne se doiuent point confondre. Ioint aussi que l'establissement de ceux qui font employez aux choses diuines, ne dépend pas des edits ny des loix politiques, comme font les officiers. Voyons donc si les definitions que i'ay posees sont bonnes, auparauant qu’entrer en la diuision des officiers: d'autant qu’il n’y a personne, ny des Iurisconsultes, ny de ceux qui ont traité le faict de la Republique, qui ait dit au vray que c’est d’officier, ny de commissaire, ny de Magistrat. & toutefois c’est chose bien necessaire d'estre entendue, puisque l’officier est l’vne des principales parties de la Republique, & qu’il est impossible d’imaginer Republique sans officiers ou commissaires. Et d'autant que les Republiques se sont premierement serui de commissaires que d’officiers, comme nous dirons cy apres, il est besoin de parler en premier lieu des commissaires, & de la difference qu’ils ont

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auec les officiers.[*](lib.4.)  Aristote dit, que le Magistrat est celuy qui a voix deliberatiue au senat & en iugement, & qui a pouuoir de commander. Il appelle Magistrat GREEK TEXT, qui n’est propre sinon à ceux qui ont[*](GREEK TEXT.)  puissance de commander, & non pas aux officiers seruans, comme huissiers, sergens, trompettes, notaires, qu’il met au[*](lib.6.)  rang de Magistrats, & qui n’ont aucune puissance de commander: de sorte que sa definition demeure courte pour ce regard. Encores est-ce chose plus absurde dire que celuy n’est point Magistrat qui n’a entree au conseil priué, & voix deliberatiue, & puissance de iuger: & s’il estoit ainsi, il n’y auroit point, ou fort peu de Magistrats en toutes les Republiques, attendu qu’il y a si peu de conseillers du priué Conseil és Republiques bien ordonnees, & entre ceux-là pas vn qui ait voix deliberatiue sinon par commision: & ores qu'ils ayent voix deliberatiue, ils n’ont point de commandement, ainsi que nous auons dit cy dessus. Quant aux Iurisconsultes il y en a peu qui ayent touché ceste corde: & mesmes le Docteur[*](In 2.lib.de iurisdict.)  Gouean confesse que la definition du Magistrat luy a tousiours semblé difficile, & de fait il y a failli, car il a dit que Magistrat est celuy à qui le Prince a donné quelque charge. en ceste sorte tous Commissaires feroient Magistrats: mais le Docteur Cuias au premier chapitre de ses Notes, dit qu’il donnera trois definitions pour vne, outre celle d’Aristote, c’est à sçauoir, Magistrat est vne personne publique qui preside en iustice, ou bien qui cognoist au siege de iustice, ou bien qui a iurisdiction & iugement public. de sorte qu'a son conte il assigne quatre definitions auec celle d'Aristote. Or c’est droictement contre les maximes de tous Philosophes, & contre les[*](Aristot.lib.6.topic.)  principes de Dialectique, qu’on puisse donner plus d’vne definition à vne chose: aussi est-il impossible par nature. Er si on veut dire que plusieurs descriptions se peuuent donner d’vne mesme chose: il est bien vray, mais cent descriptions ne sçauroient esclaircir l’essence ny la nature de la chose. Toutefois la faute, en termes de droict, est plus notable, & mesmes en matiere de Magistrats & officiers, qui est l’ouuerture du droict où les Iurisconsultes commencent: car la principale marque du Magistrat, qui est de commander, y defaut. & tous lieutenans de Magistrats cognoissent, & president en iustice, & au siege de iustice, & toutefois ne sont point Magistrats: & quant aux Euesques, ils ont iugement public, & siege en iustice, & cognoissance comme les anciens Pontifes, & les Cadis en Orient, & neantmoins ils ne font point Magistrats, attendu qu’ils n’ont aucun pouuoir de commander, ny de faire appeller deuant eux, ny d’emprisonner, ny d’executer leurs iugemens: aussi n’ont ils ny, sergent ny officier à qu’ils puissent commander, non plus que les Cadis de Turquie, & les anciens Pontifes: cela est tout notoire. & d’ailleurs, te la puissance de commander, qui n’a point de iurisdiction, ny de cognoissance de cause, comme nous dirons tantost. Et qui plus est, les commissaires dés causes publiques extraordinaires deputez, ancienne-
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ment par le peuple Romain, que la loy appelle Quaestores parricidij: auoient comme à present les commissaires deputez par le Prince, puissance de cognoistre, presider en iustice, iuger, commander, contraindre, & toutefois ils n'estoient point Magistrats. S’il est ainsi, pas vne des trois definitions ne se peut soustenir. Et neantmoins il y a vne autre faute, de n’auoir point distingué les Magistrats des autres officiers, ny fait aucune difference entre l'officier & le commissaire. Charles Sigon[*](lib 3.cap 5 de iu.prouuinciarum.) , qui semble auoir plus curieusement recherché la definition du Magistrat, y a failli en plusieurs sortes: car il appelle Magistrats tous ceux qui ont charge publique des choses humaines, sans faire aucune difference des officiers & des commissaires, ny des Magistrats auec les autres officiers, qui ont aussi charge publique: puis il donne à tous Magistrats puissance de iuger, de commander, d’executer, & prendre garde au vol des oiseaux. Or il faut que la definition du Magistrat conuienne à toutes Republiques. I’ay dit que l’officier est personne publique: ce qui n’est point reuoqué en doute, car la difference du particulier à l’officier est, que l’vn a charge publique, I’autre n’en a point. I’ay dit charge ordinaire, pour la difference des commissaires, qui ont charge publique extraordinaire, selon l’occasion qui se presente: comme anciennement le Dictateur & les commissaires pour informer des crimes donnez par le peuple à la requeste des[*](l.2.de origine.)  Magistrats. I’ay dit limitee par edit, pour l’erection des charges publiques ordinaires, erigees en tiltre d’office. autrement ce n’est point office, s’il n’y a edit, ou loy expresse. Ce qui a tousiours esté gardé és anciennes Republiques des Grecs & Latins, & mieux à present que iamais: & à ceste fin les Princes font publier leurs edits és cours souueraines & subalternes des moindres offices. & en ce Royaume les lettres d’offices nouuellement erigees font séellees en cire verde, & en las de soye verde & rouge, & le stile different, A tous presens & aduenir, &c. ayant trait perpetuel: ou les lettres patentes des commissions sont en cire iaune, en simple queue de parchemin, & qui n’ont iamais trait perpetuel. Et combien que tous les corps & Colleges soient ottroyez par le Prince auec charges limitees à perpetuité comme i’ay dit: si est-ce que si le Roy veut croistre le nombre du corps & College des iuges, ou autres Magistrats, voire des moindres sergés, crieurs, trompettes, arpenteurs, langayeurs, &c. il faut edit expres qui soit publié, vérifié, & enregistré. & dé fait tous Ies registres de la iustice en font pleins. Quand ie dy trait perpetuel, cela s’entend aussi bien des offices qui font annuels, que pour ceux-là qui les tiennent à vie: car l’office demeure tousiours, apres qu’il est vne fois erigé par edit, quelque temps qu’il soit prescript à l’officier, iusqu a ce que par loix, ou edits, contraires il soit cassé: ores que l’office soit pour dix huit mois comme la censure, ou pour vn an, comme estoient tous les autres offices en Rome par la loy[*](Liuius lib.40.)  Villia: ou pour six mois, comme estoient les Senateurs de Florence, lors quel'estat estoit populaire, ou pour deux
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mois, comme les six Conseillers de la Seigneurie qui assistent au Duc de Venize: ou pour vn iour, comme les Capitaines des deux forteresses de Rhaguse, muables par chacun iour. Mais en quelque forte que les offices soient erigez pour estre charge ordinaire, & publique, il ne se peut faire sans loy. non pas qu’il soit besoin de parchemin pour escrire, ou de cire verte pour séeller, ou de Magistrats pour publier les edits touchant les erections d’office. car l’escripture, le séel, la verification ne font pas la loy, non plus que les autres[*](l.non figura.de actionib.)  actes & contracts. ains au contraire il n’y eut onques loix plus fortes, ny mieux gardees que celles des Lacedemoniens, que[*](Plutarch.)  Lycurgue defendit d'estre escrites, & pour ceste cause on les appelloit Rhetes: les Atheniens auoient bien quelque forme de presenter la requeste au peuple, & si le peuple la receuoit elle passoit en force de loy, qu’on auoit accoustumé de grauer en bronze, & attacher à vn pillier. Ainsi quand il fut question d’eriger cent Senateurs nouueaux en Athenes des deux lignees nouuelles, à sçauoir de l’Antigonide & Demetriade, la loy en fut publiee au[*](Plutar.in Demetrio.) peuple. ce qu’on faisoit en l’erection de tous autres offices, comme on peut voir en Thucydide, Plutarque & Demosthene. Nous ferons mesme iugement des Magistrats Romains: comme l’erection de deux Consuls en tiltre d’office se fist par la loy[*](Dionys.lib.4.Liuius lib.2.)  Iunia: l’erection des Tribuns par la loy[*](Dionys.lib.10.Liuius lib.3.)  Duillia. Et quand il fut question de faire l’vn des Consuls roturier, cela se fist par la loy[*](Liuius lib.6.)  Licinia: & depuis par la loy[*](Liuius lib.6.) Sextia il fut arresté qu’il y auroit vn Preteur pour tenir la iustice en Rome: & par la loy Cornelia quatre Preteurs pour les causes publiques & criminelles, outre les autres ja erigez: ce qui auoit bien esté fait par la loy[*](Liuius lib.40.Festus lib.16.in voce rogat.l.2.de origine iuris.)  Bæbia, mais ce n’eftoit que de deux ans l’vn, & non pas en tel nombre. Ainsi peut-on voir de tous les autres Magistrats erigez par les Empereurs qu’il y a tousiours edit expres, par lequel le temps, le lieu, & la charge ordinaire sont limitez: comme en tout le premier & douziesme liure du Code, & aux edits de Iustinian, où chacun Magistrat a son edit particulier. I’ay mis aussi en nostre definition ce mot de Charge ordinaire, par ce que les mandemens du peuple Romain, ottroyez par les commissions & charges extraordinaires s'appelloient aussi bien du nom de Loy, comme pour les offices ordinaires, & la charge, & le temps, & le lieu estoit limité par la commission: ainsi qu’on peut voir des commissions ottroyees aux Dictateurs, qui se faisoient quelquefois par ordonnance du peuple, comme i’ay monstré cy dessus: & la commission ottroyee à Pompee pour cinq ans, pour mettre à fin la guerre Piratique, & auoir commandement fur toutes les costes, & villes maritimes de là mer Mediterranee, luy fut ottroyee par la loy Gabinia: & la commission pour faire la guerre au Roy Mithridate, luy fut decernee par la loy Manilia. mais pourtant que cen’estoient que charges extraordinaires, on ne peut appeller cela offices, qui sont ordinaires, & ont trait perpetuel. Et fait à noter, que le temps fut limité à cinq
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ans pour le plus a la requeste de Catule : afin que pendant ce terme Pompee meit fin à la guerre, & qu’il ne la fist durer, pour estre tousiours en charge. & si pustost la guerre estoit finie, sa commission expiroit par mesme raison la commission des Dictateurs estoit limitee à six mois pour le plus : & si plustost ils auoient mis fin à leur charge la commission expiroit : comme nous auons monstre cy dessus par plusieurs exemples, qu’il y a cu des Dictateurs qui n’on este en charge qu’vn mois, huic iours, vn iour comme on peut[*](Liuius.lib.6.)  voir de la Dictature de Æmylius Mamércus, lequel se demist volontairem et, quitta sa charge le iour d’apres qu’il fut esleu Dictateur, ayant satisfait? sa commission. Car autrement la nature des commissions est tolle, qu’elle n’a ny temps, ny lieu, ny charge qui ne se puisse reoquer : & n’aduient quasi iamais que le temps soit limité és Monarchies, comme il se fait és estats populaires & aristocratiques, pour la crainte qu’on a que la commission auec grande puissance, ne tire apres soy vne oppression de liberté : comme firent les dix commissaires deputoz par le peuple Romain pour corriger les coustumes anciennes, & faire chois des loix les plus vtiles : leur commission qui ne deuoit passer vn an, estant expiree, fut par le peuple prorogee auec puissance absoluë, & tous les Magistrats suspendus durant la commission : ce qui leur donna occasion d’empierer l’estat, & le retenir la troisiesme anuee par force. Et pour cela le peuple deslors erigea les offices des Tribuns du peuple, gardes de la liberté, pour demourer tousiours en leur office, iaçoit que tous les autres Magistrats fussent suspendus par la commission du[*](Festus in verbo optima lege.) Dictateur. A quoy les Florentins ne remedierent pas, quand ils faisoient dix commissaires de quatre en cinq ou si ans, auec puissance absoluë & suspenson de tous Magistrats, sans presixion de temps pour ordonner la Republique, & corriger les abus. Par ce moyen les factieux occuperent l’estat en effect, ores qu’en apperence ils fissent beau semblant de s’en despoüiller. car la suspension de tous Magistrats donne puissance infine aux commissaires, & ne se peut faire sans danger, si ce n’est en la Monarchie. comme il se fist en ce Royaume pendant la regence de Charles V : qui deputa cin quante Commissaires reformateurs en tout le Royaume, à la requeste des Estats qui lors furent tenus à Paris : pour estre par eux informé des abus des officiers, qui furent tous suspendus. Et pour entendre plus aisément la difference de l’office & de la commission, il se peut dire aucunement que l’office est comme vne chose empruntee, que le propretaire ne peut demander que le temps prefix ne soit expiré : & la commission est comme vne chose qu’on a par soufrance, & par forme de precaire, que le seigneur peut demander quand bon luy semble. c’est puorquoy[*](lib.17.)  Tacite parlant de l’Empire de Galba, qui ne dura que trois mois, & quand on ne l’eust point tué bien tost il fust mort croulant de vieillesse, il dit qu’il auroit l’Empire par forme de commission : Precarium seni imperium & breui transiturum. mais la com-
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mission est de telle nature, qu’elle expire aussi tost que la charge est executee: ores qu’elle ne soit reuoquec, ou que le temps fust otroyé plus long que l’execution: & neantmoins peut estre reuoquee toutesfois & quantes qu’il plaist à celuy qui l’a[*](l.& quia de iurisdict.& sequent.) decernee, soit la chose entiere ou non: comme nous auons monstre cy dessus par l’exemple des Dictateurs. Et à ce propos il y a vn ancien arrest de la Cour, extrait du registre coté OLIM. donné contre les Huissiers enuoyez aux grands sours de Troye, lesquels n’estoient point du corps de la Cour: & neantmoins la commission des grands iours expiree ils se portoient pour Huissiers, il fut dit par arrest qu’ils n’estoient point officiers. Ie demeure sur ce poinct, que semble, peut estre à quelques vns exercitez aüx affaires sans difficulté (car quant aux Iurisconsultes qui ne bougent des escholes ils sont excusables) & toutesfois les deux plus grands Orateurs de leur aage, c’est à sçauoir, Æschine & Demosthene, fondoient en partie l’estat de leurs harangues, & plaidoyez sur ce poinct.[*](Different entre Æschine & Demosthene.) Car Ctesiphon ayant presenté requeste au peuple, à ce qu’il luy pleust faire couronner Demosthene en plein theatre d’vne couronne d’or, pour ses merites enuers la Republique, & mesmement pour auoir vaqué à fortifier les murailles & autres places fortifiables de la ville d’Athenes: Æschine empescha l’enterinement de la request, & pour ses causes d’opposition disoit, que par les ordonnances il falloit au preallable rendre compte au peuple, comme tous Magistrats estoient tenus. Demosthene ayant pris la cause respond, que l’ordonnance ne parloit que des Magistrats: & que la charge de fortifier, & reparer les murailles n’estoit point Magistrat, ains seulement vne simple commission, qu’il dit en son vulgaire, GREEK TEXT, ce que les Latins proprement appellent Curatio, c’est à dire, commission. Il ne se faut pas esbahir si Demosthene a sceu bien distinguer, & mettre la difference en la commisssion & l’office, ce qu’Aristote a confondu par tout. Aus sil’vn auoit tousiours manié les affaires: l’autre, dit[*](idem GREEK TEXT Philosophos quorum vitas describit.) Laerce, ne s’en estoit iamais entremis. C’est pourquoy Nicolas Grouche, & Charles Sigon pour n’auoir entendu la difference de l’office & de la commission, se sont si fort trauaillez par repliques & dupliques, sans pouuoir sortir des contrarietez qu’ils ont posé sans propos, & qui seroient longs à refuter par le menu. mais I’espere que le tout sera bien esclarci à celuy qui aura leu ce liure. Icy, peut estre, dira quelqu’vn, que les Commissaires de Chastelet, & des Requestes du Palais sont officiers: comment se peut-il donc faire que l’office & la commission ne soient tout vn: A cela ie responds, que d’ancienneté ce n’estoient que simples commissions, qui depuis pour l’vtilité qui en resultoit furent erigez en tiltre d’offices ordinaires & perpetuels, demeurant neantmoins le premier nom de Commissaires par abus, ou pour l’honneur de la Cour, qui cognoist des appellations intergettees de leurs iugemens: & qui leur commettoit anciennement la cognoissance qu’ils ont à present. car si ce n’e
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stoient encores que simples Commissaires de la Cour, elle pourroit les reuoquer, ce que le Roy mesmes ne peut faire, sinon és trois cas de l’ordonnance de Loys XI. comme tous les officiers de ce Royaume. Non pas que la commission soit incompatible auec l’office ; car la puspart des commissions ne s’id pessent sinon aux Magistrats, mais l’officier ne peut estre Commissaire en qualité d’officier, pour la mesme charge limitee par son office. Car les commissions, quo’on appelle excitatiues, adressant aux officiers pour chose qui est de leur office, ne sont point proprement commissions, si le[*](l.I.de variis cogni.Iacob Buttigar.in l.qui procuratorem princip.de procur.Lanfr ac.in reper.ca.quoniam contra.de probat.dd.in l.& quia de iurisdict.Feli in cap.licet de offic.ordin.Amgel.consil 137.) temps ou le lieu n’est alteré par la commission : comme de iuger les derniers procez, & laisser les premiers, par ce que le temps, & de iuger les derniers procez, & laisser les premiers, par ce que le temps, & l’ordre porté par les edits est alteré par auctorité du Prince ou du Magistrat, alors est commission. Or la difference est si notable, que les[*](Bald.Io.Andr.Panor.Felin Cardinal.in cap.cum ex officij de præscript.ext.) Iurisconsultes tiennent, que si l’officier a iugé du fait porté par sa commission en qualité d’officier, le iugement est nul. mais cela s’entend de chose qui ne touchoit point son office. car s’il y a concurrence de la commission excitatiue, auec la charge portee par l’erection d’office, la cognoissance ordinaire est preferable à la commission, tout ainsi que la qualité de l’officer est preferable au Commissaire : & les actes des officiers plus asseurez que des Commissaires : & par ainsi en telle concurrence, si l’officier commis en chose qui est de sa charge, n’a point declaré en quelle qualité il cognoissoit, l’acte sera pris comme de l’officier, afin qui’il soit plus[*](argu.l.3.de milit.testa.l.societatem.§.arbitrorum.& ibi dd.Bald.in l.si miles.de resta.milit.Felin.in d.cap.cum ex officij.) serme & plus stable. ioint aussi que les commisions & charges extraordinaires sont odieuses, si ce n’est pour cognoistre des abus des officiers, comme il se fait a Venize de cinq ans en cinq ans, & a Genes tous les ans, où les Syndics sont deputez Commissaires, pour cognoistre des abus commis par les magistrats & officiers (ce qui estoit anciennement en Athenes attribué à certains Magistrats ordinaires) ou pour decider les procez multipliez pendant les guerres ciuiles, comme fist Vespasian l’Empereur, ainsi que dit Suetone : ou bien pour cognoistre des choses qui touchēt la pluspart des officiers, ou bien tout vn corps & college : en ce cas les commissions sont necessaires. & me souuient que le Roy Charles IX. ayant decerné ses lettres patentes l’an M.D.LXX. pour la reformation generale des caues & forests de Normandie, qui tiroit apres soy la cognoissance du plus beau de son domaine, les Presidens & Conseillers du Parlement de Roüan furent interdits d’en cognoistre, & combien qu’ils eussent remué ciel & terre pour empescher l’interdiction, si est ce qu’en fin ils l’accorderent, apres que ie leur eu presenté les iussions reïterees, & que ie tenois en procez XXII. Conseillers, & le premier President à partie, pour les cas resultans de la commission :[*](Toutes sortes de commissions.)  & tout le corps de la ville de Roüan, pour les droicts qu’ils pretendoient contre le Roy, & que c’estoit la cause pour laquelle i’auois obtenu l’interdiction. Mais pour esclarcir briefuement toutes les sortes de Commissaires : soit pour le gouuernement de prouinces, ou pour la guerre, ou pour la iustice, ou pour les finances, ou  
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pour autre chose qui concerne l'estat, nous dirons que Ies commissions sont emanees du Prince souuerain, ou des magistrats, ou des commissaires deputez par le souuerain. les Commissaires sont officiers ou particuliers. si la commission s'adresse aux officiers, ou bien c’est chose qui leur est attribuee par l’erection de leur office, ou qui ne leur appartient point. Et en quelque sorte que cesoit ou à l’officier, ou bien au particulier, la commission est decernee pour cognoistre & passer outre par dessus l’appel, ou pour deferer à l'appel deuolu au Prince souuerain, si la commission est emanee de luy, ou aux Magistrats nommez par la commission: ou bien le commissaire est delegué par celuy que le[*](l.à iudice.de iudic.C.)  souuerain a deputé, comme il est permis quelquesfois par la commission, pour l’in- struction des affaires ou des procez, iusques à sentence[*](authent.ad hæc de iudic.C.cap.vt debitus.de appel.cap.super quæstionum.de offic.de’egat.Io.And.& Panor.in ca.cum Bartoldus.de re iudic.post Innocentium & Hostiensem.Bartol.in Linore.de iurisd.Anfrer.in decis.capel.Tolos.)  diffinitiue exclusiuement ou inclusiuement, sauf l'execution s'il en est appellé. ou bien les Commissaires sont establis par les Magistrats, pour cognoistre du fait ou du droict, ou de l’vn & I'autre ensemble, sans aucune puissance de commander, ou auec pouuoir & commandement. Ceste diuision se rapporte à tous Commissaires en quelque forme de Republique que cesoit. Cela se peut voir en l'estat des Romains, où le fait de la guerre, & le gouuernement des pays & prouinces nouuellement conquestees appartenoit aux magistrats & officiers ordinaires, à sçauoir aux Consuls, Preteurs, Questeurs. Mais lors que l’Empire des Romains fut estenduhors l’Italie, alors on commença à deputer des Commissaires pour gouuerner les prouinces au lieu des magistrats ordinaires: qu’on appelloit Proconsuls, Propreteurs, Proquesteurs: c'est à dire, commis ou lieutenans des Consuls, des Preteurs, des Questeurs. comme on peut voir en Tite[*](lib.9.)  Liue, lequel parlant de Philon, qui fut le premier Proconsul, Actum cum Tribunisplebis est ad populum ferrent, vt cùm Philo consulatu abiisset, pro Consule rem gereret. & telles commissions estoient le plus souuent par soufrance du peuple ottroyees par le Senat, à ceux qui auoient sorti de leurs offices: lesquels s'accordoient ensemble pour le gouuernement des prouinces, ou s’ils ne pouuoient tomber d'accord, ils gettoient au sort, ce qu’ils disoient, Comparare inter se, aut sortiri. si ce n’estoit que la charge & commission fust de telle consequence, qu’elIe meritast estre decernee fans fort, à quelque grand capitaine que le Senat nommoit: ou il y auoit brigues & factions, le peuple ottroyoit la commission à la requeste des Tribuns: comme il se fist à Scipion l’Africain, auquel Ie peuple ottroya la commission pour faire la guerre en Espagne & en Afrique, & par ce moyen faire quitter l’Italie aux ennemis. Et semblable commission fut ottroyee au capitaine Paul Æmyl, sans getter au sort pour faire la guerre contre Perseus Roy de Macedoine: & à Pompee contre les Pirates, & contre Mithridate. & Ie peuple pouuoit nommer qui bon luy sembloit, iaçoit qu’on eust getté au sort, ce qui n’aduenoit pas souuent: car ordinairement on gettoit au fort, ceux qui auoient esté l’annee
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LIVRE TROISIEME. precedente Consuls, Preteurs, & Questeurs. & d'autant que la charge de faire la guerre à Mithridate tomba par fort à SylIa, Marius fuborna vn Tribun du peuple pour la voiler à Sylla, affin qu’il l’empottast. qui fut cause de la plus cruelle, & sanglante guerre ciuile qui fut onques. Et en cas semblable pour le fait de la Iustice, quand il eftoit question de quelque cas enorme, le peuple ottroyoit la commission au Senat, & le . Senat commettoit quelques vns de son corps, non seulement pour l'in- struction, ains aussi pour faire & parfaire le procez. comme il se fist du Preteur L. TubuIlus Iuge des meurtres, qui auoit commis tant de concussions, que le peuple laissant la voye ordinaire, & les magiftrats à qui en appartenoit la cognoissance, renuoya le tout au[*](Cicero lib.2. de sinib.) Senat par commission extraordinaire: & le Senat deputa Cn. Scipion pour le iuger. comme en cas pareil quand il fut question des ports d’armes, & meurtres aduenus entre les habitans de Noncer, & les Pompeians, l’Empereur Ne- ron donna la commission au Senat, & le Senat deputa les[*](Tacit.lib.14.) Consuls. Quelquesfois le Senat fans commission du peuple, & comme parmain souueraine donnoit Commissaires, si le cas dont eftoit question, auoit esté commis en Italie hors le territoire de Rome: comme chose appartenant au Senat,7 priuatiuement à tous autres, ainsi que dit[*]( lib. de militari ac domestica Rom. disciplina.) Polybe, comme il aduint d’vne volerie estrange, & meurtre cruel, duquel parle Ciceron au liure des nobles Orateurs, ou il dit que le Senat deputa les Consuls pour en cognoistre. Or il appert par les exemples cy deffus deduits, que les Commissaires deputez par le souuerain, soient magistrats ou particuliers, peuuent[*](l.a iudice.de Iudic.C.) commettre, Cil n’est expressément defendu par la commission: ou qu’il soit question[*](Bald.in l. I.de iure aureo.annul. C.& in l. scripta. de precib. imperatori.C.) de I’estat en la commission: comme les Ambassadeurs, ou deputez pour traitter paix, ou alliance ou autre chose semblable. ou qu'il soit question de la;vie, ou de eius cui l’honneur de quelqu’vn :.qui est le cas de[*](l.t.de offi. eius cui mandata.) Papinian, Depuis l’Empereur Iustinian ordonna par forme d’edit[*](auth.ad hæc. de Iudic.cap.super quæstionum de offi.deleg. cap. statutum & ibi glo. de rescript. Io.Andr.& Panor.in cap. cum Bertoldus de re iudic.) perpetuel, que les commissaires deputez par le souuerain ne pourroient commettre que l'instruction des procez, & qu’ils cognoistroient du fait, s'il en eftoit appellé. Mais pour obuier à tout, le plus seur est de reigler les Commissaires par la commission, comme il se fait és Republiques bien establies. Et combien qu’on peut faire plufieurs queftions, touchant Ies commis- sions decernees, tant par le Prince souuerain que par les magiftrats, toutesfois ie n'en toucheray que deux ou trois qui font necessaires d'estre entendues par ceux qui ont le maniement des affaires, soit en guerre ou en paix. Laissant donques toutes disputes pour abreger, nous dirons que la commission cesse, si celuy qui l’a ottroyee vient à[*](l.si quis alicui §. morte.mandat.) mourir, ou qu’il reuoque[*](l. iudicium soluitut. de iudiciis. l. & quia de iurisdict.) la commission: ou que le Commissaire pendant sa com- mission obtienne office, ou magistrat esgal à celuy qui a decerne la commission. Or la reuocation expresse, portee par lettres du[*](Panor.Butrio.Dominicus Felin. in ca. cæterum. Innocentius in cap.cum contingat. de rescript. ext.) Prince, touche aussi bien les[*](cap. dudum. cap. penul. de præbend. lib.6.) ignorans, comme ceux qui en sont aduertis. Et combien
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que les actes du commissaire qui est ainsi reuoqué, au parauant la signification à luy faicte, tiennent pour le regard des particuliers, enuers lesquels le Commissaire a executé sa commission, & mesmement fils ont procedé volontairement scachant bien, quant à eux, que la commission eftoit reuoquee: toutesfois enuers les autres, les actes du Commissaire, depuis la reuocation[*](cap. ex literis. de offi. delegg. Innocent. Butrio. Imol.Panor. Felin.in.d.cap.cæternum.) n’ont point de force, par la[*](Imola.in d.cap.cæterum latiss.) rigueur de droict: & neantmoins la raison equitable veut qu’ils y soient tenus, iusques à ce qu’ils ayent esté aduertis de la reuocation. Car tout ainsi que le Commissaire n’a point de puissance, iusques a ce qu’il ait receu &[*](iudicatum decisio. totæ in nouis 459. Archidiacon.in cap. sæpe. de offi. deleg.) accepté la commission: aussi la commission dure, si la reuocation n’est sîgnifiee: ou du moins que le Commissaire sçache qu’il est reuoqué. C’est pourquoy [*](l.si forte de offic. præsid.ff.) Celsus disoit, que les actes du gouuerneur de Prouince,sont bons & valables, si le commissaire ne sçait qu’il est reuoqué: quoy que le Pape[*](Innocentius in cap. qualiter. de accusat. ext.) Innocent fust d’aduis que cela n’a point de lieu, quand il y va de l’honneur, ou de la vie, & qu’il soit suiuy de plusieurs, [*](Bartol.in l. Barbarius de offi. prætor. nu.18.Roman.in l.is cui. de verb. oblig. Cardinal. consil. 115. Roman.singul.60.) si est-ce toutesfois qu’il a varié[*](Innocent. in cap. ex conquestione de restitut. spoliat. Archidiaco. sequit. in cap.3.de probat.ext.) d’opinion. Et combien qu’il fust Pape & Prince souuerain, & sçauant Iurisconsulte, si est-ce qu'il declara qu’il ne vouloit pas qu’on s’arrestast à ce qu’il auoit escript, s'il n’y auoit raison bonne & valable. Mais pour oster toutes ces difficultez anciennes, les secretaires d'estat ont accoustumé d’aposer aux commissions, & presqu’en tous mandemens, & lettres patentes, ceste clause D V IOVR DE LE SIGNIFICATION DE CES PRESENTES. qui est & doibt estre entendue, ores qu'elle fust omise: Voila quant à la reuocation expresse. Auffi finist la commission par[*](l. & quia. de iurisdict. Io. Andr. Bald. Imol. Hostiens. Panor.in cap. cùm venissent de testib. Angel.in l.I.de iurisdic. Bart.in d.l. & quia l. inter. l.si quis alicui. l. mandatum. mandati.) la mort de celuy qui l’a ottroyee, soit Prince ou Magistrat, pourueu toutesfois que la chose soit entiere: autrement le Commissaire peut continuer ce qu'il a encommencé sans fraude. car combien que le Commissaire ne fust pas aduerti de la mort du Prince par denonciation expresse, neantmoins qu’il sceust bien estant les choses entieres, il ne peut[*](argu.l.eius si certum. & l. si ego §. I. de iure dot.) rien entreprendre. Quand ie dy la chose entiere, cela s'entend qui ne se peut laisser sans preiudice du public, ou des particuliers. comme en matiere de iustice, fi les parties ont contesté, la chose n’est plus entiere, ains les commissaires peuuent & doibuent paracheuer ce qu’ils ont commencé, soit que le Prince, soit que le Magistrat les ait[*](l. venditor. de iudic.cap.2.de offic.de legat. l. vbi cæptum de Iudi.) commis. ou en termes de guerre, si la bataille est rangee deuant l’ennemy, & que la retraitte ne ie peust faire fans peril euident, le Capitaine en chef ne laissera pas à donner la bataille, apres qu’on luy aura fait sçauoir la mort du Prince. Toutesfois les commissions emanees du Prince, ou lettres de commandement, font en cela differentes des autres lettres Royaux, qu’on appelle lettres de iustice, car celles cy demeurent en leur force & vertu: les mandemens expirent apres la mort du Prince. neantmoins le Prince nouueau peut auoir pour aggreable & ratifier (comme il fait souuent) les actes de ceux qui ont continué la chose entiere apres la mort de son predecesseur: ce que les magiftrats ne peuuent faire enuers Ies commissaires
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res baillez par eux: car les ratifications, en terme de iustice, ne sont iamais[*](l.obseruare sine.de offi. proconsul. & in cap.ex parte decani. de rescript.ext.Molin. in tit. de censib. in consuct. Patis.§. 52. glo.I.nu.131.) receuables. Or ce que nous auons dit des commissaires, n'a point de lieu pour le regard des officiers: car leur puissance ne finist point pour la mort du Prince : ores qu’elle soit aucunement tenue en souffrance, & comme suspenduë, iusques à ce qu'ils ayent lettres du nouueanu Prince, ou confirmation d’iceluy pour continuer en leurs offices, Et pour ceste cause le Parlement de Paris apres la mort du Roy Loys XI. [*](Arrests differends des parlemens de Paris, & de Tolouse.) - ordonna que les officiers continueroient en leur charge, comme ils auoient fait auparauant, attendant la response du nouueau Roy: suyuant vn ancien arrest donné au mois d’Octobre M. CCCLXXXI. en cas pareil. Aussi le Parlement de Toulose apres la mort de Charles VII. en ordonna autrement que le Parlement de Paris, c’eft à sçauoir qu’on ne donneroit audience, ny arrest iusques à ce qu’on eust lettres du nouueau Roy. neantmoins s’il suruenoit affaires, que la Court y procederoit par lettres & commissions intitulees, Les gens tenans le Parlement Royal de Toulose, auec le seel de la Cour fans faire mention du Roy. mais d’autant que le Roy venant par droit successif vse de sa majesté au parauant qu’il l'oit sacré, comme il fut iugé par arrest du Parlement de Paris, le XIX. Auril. M. CCCCXCVIII. il n’appartient pas aux officiers, ny aux Parlemens, ny au Senat de proceder en autre qualité que d’officiers du Roy, & soubs fa puissance lettres, nom, & seel: ce qu’ils pourroient faire estant le Royaume electif, comme il se fait en Polongne & Dannemarc. Et neantmoins il est tout notoire, que les commissions & charges de commissaires expirent apres la mort du Prince, soit qu'il vienne par droit d'election ou de succession. En quoy plusieurs se font fort trauaillez pour chercher la[*](dd. in cap.sin.de offi. deleg.& in cap. gratum eod. Bart.in l.t de Iudic. Cuneus. Alberic. Castrens. Bald.in d. l. eius qui. si certum.) raison, & en fin se sont resolus & accordez en ce poinct, que c’eft d’autant que les offices font fauorables, & les commissions odieuses: ou bien que la voye ordinaire, comme ils disent est fauorable, la voye extraordinaire odieuse. ce qui ne peut auoir lieu, soit pour la punition des crimes, qui est le plus souuent extraordinaire,& la plus fauorable : soit pour la faueur des personnes, ou des faits qui meritent qu’on vse de la voye[*](l. I.de variis & extraord.cognit.) extraordinaire. Les autres ont pensé que c’est d’autant que le Prince ne meurt point: ce que nous auons refuté cy dessus: ioint que cela ne peut auoir lieu és Royaumes qui viennent par election, combien qu’anciennement en ce Royaume mesmes, le Prince n'estoit point appelle Roy deuant qu’il fust sacré, comme du Tillet a remarqué. Dauantage si ceste raison eftoit receuable, il s'ensuyuroit és Republiques populaires & Aristocratiques, que les commissîons feroient perpetuelles, car le peuple ny les seigneurs en corps ne [*](l. proponebatur. de Iudic.)meurent iamais, s'ils n'estoient tout à coup exterminez. Mais la raison de ceste diuersité prouient de ce que les offices sont perpetueIs, ou pour le moins ont tousiours temps limité, & sont fondez en edit auec puissance de continuer la charge: où les commissions cessent, estant
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la charge executee & n’ont aucun appuy de loix, comme nous auons dit. Car quant à l'arrest de la Cour qu'on met en datte du VI. Octobre M. CCCLXXXI. par lequel il fut dit, que les mandemens Royaux sont de pareil effect; apres que deuant la mort du Roy, cela s’entend si la charge est commencee à executer. Et par ainsi quand l’office est annuel,1 si le Prince meurt deuant l’an, l’officier neantmoins paracheuera l'annee de Ton office: ou s'il est perpetuel, il continuera tant & si longuement que la loy luy permet : par ce que l’office ne depend point d’vn simple mandement reuocable, ou d’vne charge qui ne peut recommencer : ains il est appuyé fus vne loy receuë, publiee, verifiee, enregistree: de forte que l'office ne peut estre suprimé que par edict, & loy contraire: comme quand il fut question de suprimer les Tribuns militaires, qui auoient puissance consulaire, cela se fist par la loy Licinia. & quand le cinq & sixiesme president du Parlement de Paris furent suprimez l'an M.D.XLIIII. cela se fist par edict expres, comme on peut voir aux registres faits au temps du Roy François liure v. fol. LXXXXV. vers. & fol. LXXXXIX. par edicts particuliers, tout ainsi que par edict general fait par Charles IX. à la requeste des estats d’Orleans M.D.LX. tous offices erigez depuis la mort du Roy François furent suprimez. Et quelquesfois grand nombre d’officiers font erigez tout à coup: comme par edict publié en Parlement au mois d’Auril M. D. XLIIII. on erigea soixante sergens. & les. iuges criminels furent erigez en tout le Royaume par edict de l’an M.D. XXVII. Cela est si estroittement garde en ce Royaume, que mesmes les clercs du Greffe de Parlement furent erigez en tiltre d’office par edict expres, & depuis suprimez par autre edict à l'instance du Greffier en chef au mois de May M. D. XLIIII. & mesmes il se trouue és registres de la Cour erection en tiltre d’office d’vn langayeur de pourceaux par edict expres, verifié au mois de Iuillet l'annee mesme. Aussi les successeurs en l'office erigé par edict, n’ont plus de besoin de nouuel edict, ny de lettres à cire verde. Et pour ceste cause les commissions du Prince addressees aux officiers en qualité d’officiers, continuent[*](Bart in l. terminato.de fructib. & litium expens. C. Panor. in cap. I. quod metus. Felin. in cap. quoniam. de offi.deleg.) en leurs successeurs: ce qui ne se pourroit faire si la commission s'addressoit en leur propre & priué[*](Argu.l.inter artifices de solu.) nom, pour le chois expres qu’on fait des personnes. Encores y a il d’autres differences entre l’officier & le commissaire, d’autant que la puissance des officiers outre ce qu'elle est ordinaire, est tousiours plus auctorisee & plus estendue que la commission. c’est pourquoy les edicts & ordonnances laissent beaucoup de choses à la religion & discretion des magiftrats, qui[*](l.penult.de iustitia.) ployent & interpretent equitablement les loix, selon l'occurrence & l’exigence des cas qui se presentent. mais les commissaires font bien autrement obligez & attachez aux termes de leurs commissions: & mesmement où il est question des affaires d'estat : comme és charges & commissions des Ambassadeurs, ou deputez pour negotier entre les Princes, les commissaires
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missaires ne peuuent passenvn seul traict de la leçon qu’ils ont par escrit, si ceste clause (qu'on met souuent és charges & instructions des Ambassadeurs, & deputez pour traitter auec les Princes)n'y est apposee,^1 c’est à sçauoir, SELON LES PERSONNES, & qu’il verra les matieres disposees, pourra adiouster ou diminuer a sa creance, sélon sa prudence discretion. qui est semblable à la clause de laquelle parle l’Orateur AEschines, au plaid oyé qu’il a fait pour la defense de fa legation, où il dit, que ceste clause inseree en la commission des Ambassadeurs, Qu'ils facent tout ce qu’ils verront estre au profit public, cela, dit il, ne s’entend pas des charges speciales. Aussi la clause que i’ay dit ne s'estend pas aux obligations & resolutions principales des traittez, ains aux accessoires de moindre importance : comme s'il est question de transiger, ou quitter quelque droict, cela ne peuuent ils faire sans mandement special: veu mesmement qu’és moindres affaires des particuliers, vn procureur ayant mandement general, auec pleine & entiere puissance, ne peut neantmoins rien donner, quitter, aliener, transiger, [*](l. contra.§. vlt. de pactis. l. transactionis.de transac.l.mandato. de procurat.l. procurator totorum eod.l. iusiurandum §. vlt. de iureiuran. l. 3. de acceptil.) ny deferer, ny referer le ferment à personne, sans charge speciale : beaucoup moins se doibt-il faire és choses qui touchent le public, & mesmement qui concernent l'estat: combien que s'il passe fa charge le tout se puisse confirmer par[*](l quod si de special. de minor. vbi Bald.l.penult.rem ratam.l.hociure de regul. l. vlt. ad Macedo.C.) ratification, pour le regard feulement de celuy qui ratifie. Et iaçoit qu es affaires des particuliers, celuy se peut dire auoir[*](l.si quis mihi bona §.sed si mandauit de acquit. hæred. vbi Bart.& Imol. Iaso in l. puberem. de iure deliberan.l.5.l. si deiussor.& seq. mandat.) bien & deuement executé sa charge, qui a mieux fait qu'on ne luy auoit dit: si est ce qu’aux affaires d'estat cela n’a pas toufiours lieu : & le soldat qui a combatu, ou le Capitaine qui a donné la bataille contre la defense à luy faicte merite[*](l.3.de re milit.) la mort, ores qu’il ait emporté la victoire: comme fist bien cognoistre Papyrius Cursor Dictateur au colonnel de la cheualerie, qui auoit tué XX. mil des ennemis, sans auoir perdu cent soldats, contreuenant aux defenses qui luy eftoient faictes. Aussi Cesar[*](lib.I.belli ciuil.) parlant d’vn sien Capitaine nommé Syllanus, dit qu’il fift bien & sagement de ne donner la bataille, ores qu’il fust certain d’emporter la victoire: par ce que, dit-il, ce n’est pas au Capitaine de passer par dessus les defenses à luy faictes. Et tant s'en faut qu’on doibue rien faire en matiere de guerre contre les defenses, que mesmes le Capitaine lieutenant d’autruy ne doibt donner la bataille, s’il ne luy est expressément commandé. qui fut la cause que le Comte d’Aiguemond fut en danger, & eut vne reprimende d’auoir donné la bataille au Mareschal de Termes, biem qu’il eust eu la victoire: parce qu’il auoit ioué au hazard tout l'estat du bas pays fil eust perdu la bataille. Mais ce dernier poinct s'entend des capitaines qui n’ont point de charge de commander en tiltre d’office. car l’officier comme le Consul, le Connestable, le Capitaine en chef, erigé en tiltre d’office, pour auoir plein commandement fus l’armee & faire la guerre, peut en vertu de son office, & fans attendre mandement special, faire la guerre aux ennemis declairez, les
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poursuiure, donner la bataille, assieger, & prendre s'il peut les forteresses, & disposer de l’armee à fa discretion: s'il n'y auoit defenses particulieres du souuerain, par lesquelles sa puissance fust suspendue. mais ayant pris les places forces, ou les chefs des ennemis, il ne des peut rendre sans mandement special. Vray est qu'és Republiques populaires ces poiiicts icy ne sont pas, aussi ne peuuent ils estre gardez a la rigueur: ains souuent il aduient que les capitaines disposent des plus grandes affaires, ce qu’ils ne pourroient faire en la monarchie: pour Ia difference qu'il y a d’auoir l’aduis & volonté d vn Prince, ou d’vn peuple: d’vn homme ou de trente mil: comme on peut voir à tout ;propos. en Tite Liue: où les commissions estoient decernees bien fort amples: comme en la guerre contre les Hetrusques, on donna toute puissance à Fabius. [*](Liuius lib.10.) Omnium rerum, dit- il, arbitrium, & à senatu, & a populo, & a collega Fabio Consuli permissum. & en autre, [*](Liuius lib.32.) initio liberum pacis, ac belli arbitrium permissum. Et toutesfois encores gardoient ils ceste difference entre les officiers & les commissaires: que les Confuls, Preteurs, & aut res ay ans pouuoir de faire guerre en vertu de l’office, estoient aduouez de leurs actions sans autre ratification, s'ils n’auoient entrepris les cas concernans la majesté, que nous auons cottez cy dessus: mais si les commissaires passoient leur commission, il eftoit necessaire de faire ratifier leurs actions: comme Pompee ayant eu la commission contre Mithridate passa bien plus outre, & entreprint la guerre contre plusieurs autres peuples: donnant & ostant les. Royaumes, estats, & villes' par luy conquestees à qui bon luy sembla. & combien que le peuple ne voulust rien casser, ny reuoquer des choses par luy maniees, toutesfois pres ses triomphes il fift plusieurs fois instance au Senat d’auoir pour agreable ce qu’il auoit fait: & d’autant que le Senat en faisoit difficulté, [*](Dio.Plutar.in Pompeio.)vsant de longues remises en son endroit, il print alliance en la maison de Cesar, pour se fortifier l’vn l’autre contre ceux qui les voudroient rechercher. car combien qu’il eust commission generale, & en ce cas que le tout fust à sa discretion, si est-ce neantmoins que la clause generale des commissions, se doibt regler en forte qu’on face le profit de la Republique: mais cela n’emporte pas puissance de rien faire au dommage du public: ce qui ne seroit pas[*](l si quis pro eo.mandat. l. si procurator. de condit.indeb.) mesme permis au fait d’vn particulier, qui auroit donné charge generale. car ces mots portez par les commissions, soient gouuerneurs, capitaines, iuges, ou ambassadeurs, A LA DISCRETION, A LA prudence, à la volonté, ou autres semblables, se rapportent tousiours à l'examen d’vn homme[*](l. in venditione. §. de tempore. l. hæc venditio. de contrahen.empt.l.creditor §.Lucis.mandat.) de bien & entier: & la moindre[*](l 5.l.si de iussor. mandat.) faute peut estre recherchee, mesmement quand il est question de l'estat, ou de notable interest au public: car l'ignorance n'est pas receuable, ny l’excuse d’erreur en celuy qui a accepté vne charge publique, & beaucoup moins fil a demandee, pratiquee, arrachee. Et si les fautes ne sont excusables[*](l. à procuratore. mandati C.I. illicitas. §. sicut. de offic. præsid. l. sed addes. §. qui gemmam. locati.) pour le simple faict des particuliers, quand on a pris
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a pris la charge de faire quelque chose les vns pour Ies autres,ores que ce soit gratuitement, comment seroient elles excusables ou il y va de l'estat, où du public: Nous dirons par cy apres, si le suget doibt receuoir vne commission iniuste, ou si la doibt regeter, & comment il s'y doibt porter car ce que nous auons dit, ne touche que les commissions iustes & raisonnables: & pour declarer la difference qu’il y a entre les commissions & les offices. A quoy i’adiousteray encores l'authorité des Iurisconsultes pour satisfaire à ceux qui pourroyent doubter de ce que i’ay dit : en comparant nostre façon de parler à celle des Romains : comme en ce que dit Feste Pompee, Cum imperio esse dicebatur apud antiquos, cul nominatim à populo dabatur imperium: c'est à dire par commission expresse, sans aucune appellation de magistrat, auquel la loy donnoit la puissance de commander. comme nous voyons en Tite Liue, lors que Hannibal assiegea Rome, placuit, dit-il, omnes qui dictatores, consules, censorésue fuissent, cum imperio esse donec recessisset hostis a muris. c’est à dire par commission. Et Ciceron parlant d’Auguste, Demus, inquit, imperium Caesari, sine quo res militaris geri non potest: d’autant qu’il ne pouuoit encores tenir office, qui est vn passage qui a fort trauaillé Charles Sigon, qui eust eu plus d’honneur d'escrire de toute autre chose que du droit des Romains, mesmement où il traitte de Iudiciis. Et la difference des Requestes eftoit notable pour demander vn Magistrat, ou vne commission. car le Magistrat se demandoit en vertu des loix ia publiees & receues, QVOS VELLENT CONSVLES FIERI, comme on fait des offices vacans: mais pour les commissions de commandement , on vsoit de ces mots, VELLENT iuberent, 9[*](Liuius lib.26.)vt huic vel illi imperium esset, in hac vel ilia prouincia. ce qui est dit de Scipion l’African, qui eut commission auec puissance de commander, par ce qu’il n'estoit pas en aage pour estre Magistrat. Et Ciceron[*](In Rullum.) parlant de toutes fortes de commissions disoit, Omnes potestates, imperia, curationes ab vniuerso populo Romano proficisci conuenit. le mot potestates s'entend des gouuerneurs de prouince. Ie mot imperia, des capitaines qui ont commission particuliere pour faire la guerre. le mot curationes est dit de toutes autres charges sans puissance de commander. car le mot Imperator signifie proprement Capitaine en chef: comme Pline[*](lib.7.)parlant de Pompee, Toties Imperator, antequam miles. mais generalement le mot curatio emporte toutes fortes de commissions : comme il est aisé de iuger par ce lieu de Ciceron : [*](in 4.Vert.) Idem transfero in magistratus, curationes, sacerdotia. qui font les trois fortes de char ges publiques? Aussi Vulpian[*](l.2.§.graui l.3.§.I.& penult. de administrat.rerum ad ciuit. l.magistratus Reipublicæ.l.curator.eod. tit.l.7. de offic. procons.l.I.& 2. de operib. public.l. 2. & 17. de vsuris. l. vlt. de munerib.l.penul. de collegiis. l. 5. §. hæc verba. quod vi aut clam.) distingue fort bien le magistrat de celuy qu’il appelle curator Reipub. duquel il a fait vn liure[*](l. vlt. quod cuiusque vniuersitat.) expres: & la loy l’appelle du mot Grec logistes: qui n’auoit puissance de condamner, ny denoncer[*](l.curator.de modo mult C.) l’amende: ce qui estoit permis à tous magiftrats, ainsi que nous auons monstré cy dessus. Mais il fait à noter, que la commission passe en force d’office par edit : & ce qui n'estoit attribué qu’au plaisir NOTE DOES NOT EXIST IN TEXT [*](Liuius lib.9.) NOTE DOES NOT EXIST IN TEXT [*](Liuius lib.42.) 288 des magistrats vient en tiltre d’office, quand celuy qui a la souueraineté en fait loy: comme anciennement les Consuls elisoient les seize caps d’esquadoe, qu'ils appolioient Tribunos militam, iusques a l'an de la fondation de Rome CDXLIX qu’il fut ordonné par loy expresse, publiee[*](Liuius lib 9.) à la requeste des Tribuns du peuple, qu'ils seroient deslors en auant eleus par an peuple: ce qui fut tousiours gardé depuis, horsmis quand il fut question de faire la guerré à Perseus Roy de Macedoine, Ies consuls Licinius & Cassius presenterent requeste au peuple; tendant à fin que pour ceste annee Ia, & sans tirer à consequence, Ies Tribuns militaires fussent choisis par les Consuls, attendu l'importance de la guerre: ce:qui fut ordonné. [*](Liuius lib.42.) Aussi anciennement les magistrats faisoient de leurs esclaues leurs huissiers, greffiers, massiers, trompettes: comme il s'est fait en ce Royaume iusques à Philippe le Bel, qui fut le premier qui osta ceste puissance aux Baillifs, & Seneschaux, laissant aux seigneurs iusticiers puissance d’establit sergens & notaires en leur territoire: comme on peut voir es registres de la chambre des comptes, & en cas pareil le procureur general du Roy commettoit pour aduocat du Roy qui bon luy sembloit. depuis ceste commission particuliere d’vn magistrat, a passe en forme d'office treshonnorable, ottroyé par le Prince.