The six books of a common-weale

Jean Bodin

Bodin, Jean. Les six livres de la republique. Paris: Chez Iacques du Puys, Libraire iuré, à la Samaritaine, 1577.

A troisiesme partie du gouuernement des mesnages depend de la puissance du Seigneur enuers ses esclaues, & du maistre enuers ses sèruiteurs. Car mesme le nom de famille vient a famulis & famulitio, par ce qu’il y auoit grand nombre d'esclaues, & de la pluspart des sugets de la famille, on nommoit tout le mesnage, [*]( I pronuntiatio. De verb. Signif. Toto tit. Si familia furtum. I. si quis id quod de iurisdie.) famille: ou pource qu’il n’y auoit richesses que d’escIaues, on appella les compagnies d’esclaues, familles, & la succession du dessunct, famille. Et Seneque voulant monstrer combien le Seigneur doibt estre modéré enuers ses esclaues, il dit, que les anciens ont appellé le chef de la maison, pere de famille, & non pas seigneur. Et d’autânt que tout le mode est rempli d’esclaues, horsmis vn quartier d e l’Europe, qui les reçoit désia peu à peu, il est icy besoin de toucher & de là puissance du seigneur enuers les esclaues, des inconueniens & commoditez, qui resultent de receuoir les esclaues, qui est vn poindt de consequence, non feulement à toutes familles en général, ains aussi à toutes Republiques. Or tout esclaue est naturel, a scauoir, engéndré de femme esclaue: ou fait par droit de guerre: ou par crime, qu’on appelle esclaue de peine: ou qui a eu part au pris de sa li-

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berté, ou qui a ioué sa liberté, comme faisoient anciennement les peuples d’Alemagne: 2 [*]( Tacit. De morib. German.) ou qui volontairement s'est voué d’estre esclaue perpétuel d’autruy, comme les Hebrieux le pratiquoient. Le prisonnier de guerre estoit esclaue du vainqueur, qui n’estoit pas tenu le mettre à rançon, si autrement il n’eust esté conuenu: comme il fut anciennement3 [*]( Aristot. Lib. 5. ethic.) en Grece, que le Barbare prisonnier de guerre pourroit estre mis à la cadene, & retenu comme esclaue: mais quant au Grec, qu’il seroit mis en liberté, en payant par luy vne liure d’or. & par l’ancienne ordonnance [*]( Cromer. In history. Polon. & in statutis Polon.) de Polongne, auparauant, & depuis trois cens ans, il fut arresté par les estats, que tous ennemis prisonniers de bonne guerre demeureroient esclaues des vainqueurs, si le Roy n’en vouloit payer deux florins pour teste, mais celuy qui a payé la rançon du prisonnier, est tenu le remettre en liberté, ayant receu le pris: autrement il le peut garder non comme esclaue, mais comme prisonnier, suiuant l’ancienne 5 [*]( Diony. Halic. Lib. 3. GREEK TEXT Demosthen. Contra Lacritum. Varro in verbo claricare. I. nam & Seruius. De negot. Gest. & ibid d. I. qui testamento. De testamentis. I. pater. De captiuis I. senatus §. Vlt. De legat. 1. I. in bello. §. Si quis serum de captiuis.) loy pratiquée en la Grece, puis en tout l’Empire Romain. Quant aux debteurs prisonniers des creanciers, encores qu’il fust permis par la loy des douze tables les demèmbrer en pieces pour les distribuer aux créanciers, qui plus qui moins, comme au sol la liure: si est-ce toutefois que s'il n’y auoit qu’vn créancier, il ne pouuoit luy oster la vie, & moins encores la liberté, qui estoit plus chere que la vie. car le pere pouuoit bien vendre, troquer., eschanger, voire oster la vie à ses enfans, mais il ne pouuoit leur oster6 [*]( I. 1. De patria pot. C. Cicero pro Caecinna.) la liberté. aussi le cueur bon, & genereux aymera tousiours mieux mourir honnestement, que seruir indignement d’esclaue. C’est pourquoy la loy des douze tables, qui adiugeoit le debteur non soluable au creâcier, fut bien tost cassee à la requeste des Petiliens Tribuns du peuple, qui firent ordonner, que deflors en auânt le debteur ne seroit adiugé au créancier, & qu’il ne pourroit estre par luy retenu pour debte, sauf au creâcier à se pouruoir par saisîe de biés, & autres voyes de iustice, ainsî qu’il verroit estre à faire par raison. laquelle loy demeura inuiolable sept cens ans, & iusques au règne de Diocletian, [*]( I. ob aesalienum. De action C. Alciatus hunc legem accepit pro Praetilia.) qui la fist publier de rechef sus peine de la vie. Voila toutes les sortes d’esclaues. Car quanta ceux qui sont prins par les brigans & corsaires, ou qui sont védus à faux tiltre pour esclaues, ils demeurent neantmoins libres, & en termes8 [*]( I. 1. De legat. 3. I. eius qui a latronibus de testament. ff.) de droit peuuent faire tous actes légitimes. Et quant aux autres seruiteurs domestiques, ils ne peuuent par contract, ny conuention quelconque faire aucun preiudice à leur liberté, ny en receuant vn laiz testamentaire, sous vne conditio9 [*]( I. Maeuius de condit & demonstra. 1. I. 1. §. que onerandae. Quarum rerum action non detur.) tant soit peu seruile: ny mesme l’esclaue ne peut promettre au seigneur qui l’afranchist, chose qui tourne à la diminution de saliberté, horsmis les seruices aggreables & ordinaires aux afranchis. C'est pourquoy les arrests du Parlement de Paris, souuent ont caffe les contracts des seruiteurs, qui s'obligent soubs peine à seruir certaines années: les quelles neantmoins sont receus en Angleterre, & en Escosse: où les maistres après le terme du seruice expiré, s’en vont deuant le iuge
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des lieux emanciper leurs seruiteurs, & leur donner puissance de porter bonnet, qui estoit l’ancienne marque de l'esclaue nouuellement afranchi, pour cacher sa teste pelee, iusques a ce que les cheueux luy fussent reuenus. Qui donna occasion à Brutus après auoir tué Cesar, de faire battre2 [*]( Plutar. In vita Caesaris.) la monnoye au bonnet, comme ayant afranchile peuple Romain. & après la mort de Néron, le menu peuple alloit par les rues portant bonnets3 [*]( Tranquil. In Nerone.) en teste, en signe de liberté. Et le Roy Eumenes vint en Rome après la mort de Mithridate, & entrant au Sénat auec bonnet, aduoua tenir sa liberté du peuple Romain. Or combien que les seruiteurs domestiques ne soient point esclaues, & qu'ils puissent faire tous actes de liberté, soit en iugement, soit hors iugement: si est-ce qu’ils ne font pas cômme simples mercenaires, ou gaignedeniers à la iournee, sur lesquels celuy qui les a louez n’a pouuoir, ny commandement, ny correction quelconque, comme le maistre a sus les seruiteurs domestiques, qui doibuent seruice, honneur, & obeissance au maistre tant qu’ils font en sa maison, & les peut chastier & corriger auec discrétion & modération. Voila en trois mots la puissance du maistre enuers les seruiteurs ordinaires. car nous ne voulons pas icy entrer aux réglés morales, du comportement des vnsenuers les autres. Mais quant aux esclaues, il y a deux difficultez, qui ne sont point encores resolues. La premiere est, à sçauoir si seruitude des esclaues est naturelle, & vtile, ou cotre nature. La sécondé, quelle puissance doit auoir le seigneur sus l’esclaue. Quant au premier point Aristote [*]( In Polit.) est d’adûis que la seruitude des esclaues est de droit naturel: & pour Ia preuue. Nous voyons, dit il, les vns naturellement faits à seruir, & obéir: les autres à commander, & gouuerner. Mais les Iurisconsultes, qui ne s'arrestent pas tant aux discours des Philosophes, qu'a l’opinion populaire, tiennent que la seruitude est droictement contre nature, & font tout ce qu’ils peuuent pour maintenir la liberté, [*]( I. libertas. De stans homi.) contre l'obscurité, ou ambiguité des loix, des testaments, des arrests, des contracts: & quelquesfois il n’y a loy, ny testamént qui tienne, qu’on ne donne coup à l'vn, & à l’autre, pour afranchir l’esclaue, comme on peut voir en tout [*]( maxime in I. proxime de iis qui in testa. Delent. Vbi nec legibus, vllum nec testamento locum reliquit Imperator fauore libertatis.) le droit, & s’il faut que la loy tienne, si est-ce que le Iurisconsulte fait cognoistre tousiours que l’acerbité d’icelle contre les esclaues luy deplaist,7 [*]( I. prospexit. Qui & a quibus. Dura quidem ait Vlpian sed ita scripta lux est.) l’appellant dure & crùelle. De ces deux opinions il faut choifir la meilleure. Il y a beaucoup d’apparence, pour soustenir que la seruitude est vtile aux Republiques, & qu’elle est naturelle. Car toute chose contre nature ne peut estre de longue duree: & sî on vient à forcer la nature, elle retourneratousiours en son premier estat, comme on voit euidemmént en toutes choses naturelles. Or est-il que la seruitude a prins son origine soudain après le deluge, & aussi tost qu’on a commencé d’auoir quelque forme de Republique, & depuis a tousiours continué: & iaçoit que depuis trois ou quatre cens ans elle a discontinué en quelques lieux, si est-ce qu’on la voit retourner. Et mesmes les peuples
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des Istes Occidentales, qui sont trois fois de plus grande estendue, que toute l’Europe, qui n’auoient iamais ouy parler de loix diuines, ny humaines, ont tousiours esté pleines d'esclaues: & ne se trouue pas vne seule Republique qui sè soit exemptee des esclaues: voire les plus sàincts personnages qui furent onques en ont vsé. qui plus est, en toute République le seigneur a eu la puissance des biens, de la vie, & de la mort fus l’esclaue: excepté quelques vnes où lés princes & legistateurs ont moderé ceste puissance. Il n’est pas vray-sèmblable que tant de Roys & legislateurs eussent attenté contre nature, ny que les sàges & vertueux hommes l’eussent approuué, ny tant de peuples par tant de siecles eussènt receu les seruitudes, voire défendu par quelques [*]( tit. Quibus ex causis manu mittere non licet.) loix d’afranchir les esclaues, sînon en certain nombre: & neantmoins ont fleuri en armes, & en loix. Et qui voudroit nyer, que ce ne fust chose honneste, & charitable de garder vn prisonnier de bonne guerre, le loger, coucher, vestir, nourrir, en faisant le seruice qu’il pourra, s’il n'a dequoy payer si rançon, au lieu de le massàcrer de sang froid? c’est la premiere cause des esclaues. Dauantage, les loix diuines & humaines veulent9 [*]( L. I. §. Generaliter de poenis. I. si quis id quod de iurisdict. I. cum ab eo. Ad I. Iuliam pecul.) que celuy qui n’a dequoy payer pour la faute par luy commise, soit puni corporellement. Or celuy qui fait iniustement la guerre aux biens, à la vie, à l’estat d’autruy, qui doubte qu’il ne soit vray brigand, & voleur, & qu’il ne mérité la mort? Ce n’est donc pas contre nature de le garder pour sèruir au lieu de le faire mourir, car le mot de seruus, quoy qu’on ayt voulu reprendre Iustinian, vient à seruando. [*]( Est enim GREEK TEXT, inquit Eustathius, & apud Hesychium GREEK TEXT, & cum sibilio fit ex, GREEK TEXT seruo, vt GREEK TEXT sero, GREEK TEXT sermo, non a serie vt Varro putat. & Festus eritudinem interpretatur seruitutem & ex Aeolico digamma fit fersos vt dafos, ofom, aefom quod efferebant veteres dauus, ouum, aeuum.) Et si c’estoit contre nature que vn homme eust puissance sus l’autre de la vie, & de la mort, il n’y auroit ny Royaumes, ny seigneuries qui ne fussent contre nature, veu que les Roys & Monarques ont mesme puissance sur touts leurs sugets, soyent sèigneurs ou esclaues. Ces raisons ont bien quelque apparence pour monstrer que la seruitude est naturelle, vtile, & honneste. mais il y a bien respose. le confesseray que la seruitude sera naturelle, & quand l’homme fort, roide, riche, & ignorant, obéira au sage, discret & foible, quoy qu'il soit pauure. mais d’asseruir les sages au fols, les ignorans aux hommes entendus, les mechans aux bons, qui dira que ce ne soit chosè contre nature? sî ce n’estoit qu’on voulust subtilizer, que l’esclaue bien auisé gouuerne & commande à son seigneur, & le sàge conseiller a son Roy mal-aduisé. De dire que c’est vne charité louable garder le prifonnier qu’on peut tuer, c’est la charité des voleurs, & corsaires qui sè glorifient d'auoir donné la vie à ceux qu’ils n’ont pas tuez. Or voit on bien souuent que les hommes doux & paisîbles sont la proye des mechans, quand on vient à départir les differens des princes par guerre, où le vaincueur a bon droict, & le plus foible a tousïours tort. Et sî les vaincus ont fait la guerre à tort, & sans causè comme brigans, pourquoy ne les met-on à mort? pourquoy n’en fait-on iustice exemplaire? pourquoy les reçoyt-on à merci puisqu’ils sont voleurs? Et quant à ce qu’on dict
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que la seruitude n’eust pas duré si longuement, si elle eust esté contre nature: cela est bien vray és choses naturelles, qui de leur propriété suyuent l’ordonnance de Dieu immuable: mais ayant donné à l’homme le chois du bien & du mal, il contreuient le plus souuent à la defense, & choisist le pire contre la loy de Dieu & de nature. Et l’opinion de prauee en luy a tant de pouuoir, qu'elle passe en force de loy, qui a plus d’autorité que la nature, de sorte qu’il n'y a si grande impieté, ny mechanceté, qui ne soit estimee, & iugee vertu & pieté. ie n’en mettray qu’vn exemple. On sçait assez qu’il n’y a chose plus cruelle ny plus detestable, que de sàcrifier les hommes, & toutesfois il n’y a quasi peuple qui n’en aye ainsi vsé, & tous ont couuert cela du voile de pieté par plusieurs siècles, voire iusques à nostre aage toutes les Isles Occidentales l’ont ainsi pratiqué: & quelques peuples sus la riuiere de la Plate en vsent encores: comme les Thraces aussi, par charité & pieté, auoient accoustumé de tuer leurs peres & meres cassez de vieillesse, & de maladie, & puis après les mangeoient, affin qu’ils ne fussent pasture aux vers, comme ils respondirent au Roy de Perse. Et ne faut pas dire qu’il n’y ait que les anciens Gaulois, qui sacrifiassent les hommes, ce qu'ils ont fait4 [*]( Caesar lib. 6. Belli Gallici. Cicero pro Fonteio. Plin. Lib 7.) iusques à Tibere l’Empereur: car long temps auparauant les Amorriens [*]( Sapientiae cap. 3.) & Ammonites, & depuis encores Agamemnon, sacrifioient leurs enfans: & presque tous les peuples y alloient comme à l’enui, voire les plus humains & mieux policez: car5 [*]( Plutar. In Them. 6 Plutar. Eod. & in Artaxerxe.) Themistocle, & Xerxés6 Roy de Perse, immolèrent les hommes, l’vn trois, l’autre douze en mesme temps: ce qui estoit tout commun, dit Plutarque en toute la Scythie. & anciennement, dit Varron, en toute l’Italie, & en la Grece, soubs ombre d’vn oracle portant le mot GREEK TEXT, qui signifie homme & lumiere, si on n’y met l’accent, qui monstre bien qu'il ne faut pas mesurer la loy de nature aux actions des hommes, quoy qu’elles soient inueterees: ny conclure pour cela, que la seruitude des esclaues soit de droit naturel. & encores moins y a de charité de garder les captifs, pour en tirer gain, & profit comme de bestes. Et qui est celuy, qui espargne la vie du vaincu, s’il en peut tirer plus de profit en le tuânt, qu'en luy sauuant la vie? De mil exemples ie n’en mettray qu’vn. Au siege de Hierusalem soubs la côduitte de Vespasian, vn soldat Romain ayânt apperceu de l’or és entrailles d’vn Iuif, qu’on auoit tué, en auertit ses compagnons, lesquels bien tost couperent la gorge à leurs prisonniers, pour sçauoir, s’ils auoient auallé leurs escus, & en fut tué en vn momént plus de [*]( Ioseph. In bello Iudaico.) vingt mille. O la belle charité! Encores dit-on qu’on les nourrist, & qu'on les traite bién pour quelque seruice. mais quelle nourriture, quel seruice! Caton le censeur, estimé le plus homme de bien de son aage, après auoir tiré tout le seruice qu’il pouuoit 8 [*]( Plutar. In Catone Censorio.) de ses esclaues, iusques à ce qu’ils fussent recruds de vieillessè, ils les vendoit au plus of-
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frant, pour arracher encores ce profit du prix de leur fang, qui leur restoit, & pour euiter à la despénse, de sorte que les pauures esclaues pour recompense de tous leurs seruices, estoiént traittez à la fourche par nouueaux maistres encores la mule de Pallas en Athenes estôit plus heureuse, parce qu’elle viuoit én pleine liberté sans qu’on osast la charger, ny encheuestrer. Et combién qu’il n’y a chose plus naturelle, que le mariage, si est-ce qu'il n’éstoit pas permis à l’esclaue: de forte que si l'homme franc captif eust eu enfant de sà femme légitimé, si le pere mouroit entre les mains des ennemis, quoy que la mere retournast en liberté, neantmoins son enfant estoit reputé [*]( I. si quis praegnante de captiuis.) bastard. le me garderay bien de coucher par escrit les contumelies detestables qu’on faisoit souffrir aux esclaues: mais quant à la cruauté, il est incroyable ce que nous en lisons. & que diroit-on si la milliesme partie estoit escripte? car les autheurs n’en disent rien, si l’occasio ne se prefente: & n'auons que les histoires des plus humains peuples, qui ayent esté en tout le monde. On leur faisoit labourer la terre [*]( Collumel. Lib. 1.) ènchainez, comme on fait encores en barbarie, & coucher es fosses en tirant les eschelles, comme il se fait encores en tout l’Orient, pour la crainte qû’on a de les perdre, ou qu’ils ne mettent le feu en la maison, ou qu’ils ne tuent les maistres. Or pour vn voirre casse, il y alloit de leur vie. Et de fait l’Empereur Auguste, soupant en la maison de Vedius Pollion, l’vn des esclaues cassa vn voirre, il n’auoit fait que ceste faute, comme dit [*]( lib. 3. De ira. 2. Virgil. 6. Aenei.) Senecque, aussi tost il fût tiré au viuier dés Murenes, qu’on nourrissoit de telle viande, le pauure esclaue s'en fuit aux pieds d’Auguste, le suppliant qu’il ne fust pas mangé des poissons après qu’on l’auroit tué: car il se sentoit coulpable de mort pour le voirre casse: mais l’opinion commune estoit, que l’ame des noyez ne tragnettoit iamais aux champs elysiés: ou qu’elle mouroit auec le corps: comme Synesius [*]( In epistolis, qui affert ex Homero versum vbi vsus est verbo GREEK TEXT de anima demersi hominis quo significare voluit plane interiisse.) escrit de ses compagnons, lesquels voyans l’orage impétueux sur la mer, tirerent leurs dagues affin de se couper la gorge, & fæire sortir l’ame de peur qu'elle ne fust noyee. ainsi le pauure esclaue craignoit estre mange des poissons. Auguste esmeu de pitié, dit Seneque, fist casser tous les voirres, & combler le viuier. mais Dion 2 [*]( lib. 54.) l'historien racomptant la mesme histoire, dit tout le contraire, qu’Auguste ne peut obtenir de Pollion la grâce de l'esclaue, & ne dit point qu’il fist combler le viuier: ioint aussi que Seneque dit, qu'il ne laissa pas de faire bonne chere auec son hoste. Et pour monstrer, que ce n’estoit rien de nouueau, plus de cent ans auparauant, Quintus [*]( Plutar. In vita Titi Flaminij.) Flaminius Sénateur Romain fist tuer l’vn de ses esclaues, sans autre cause que pour gratifier & complaire à son bardache, qui disoit n’auoir iamais veu tuer d’homme. Or s’il aduenoir, que le maistre fust tué en sa maison par qui que ce fust, on faisoit mourir tous ses esclaues, comme il aduint pour le meurtre de Pedanius grand Preuost de Rome, quand il fut question
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de mettre à mort tous ses esclaues, suiuant, dit [*]( lib. 14.) Tacite, la coustume ancienne, le menu peuple, qui estoit pour la plus part d’hômmes afranchis, s'esmeut, d’autant qu’on sçauoit bien qui estoit le meurdrier, & néantmoins il falloit mettre à mort quatre cens esclaues innocéns du fait: toutefois la chose debatue au Sénat, il fut resolu que la coustume seroit gardee, & de fait tous les esclaues furent mis à mort. le laisse les meurdres des esclaues, qui estoient contraints s'entretuer aux arenes pour donner plaisir au peuple, & l’açcoustumer au mespris de la mort. Et iaçoit que la loy Petronia eust fàit defense d’y mettre esclaue, qui n'eust mérité la mort, si est-ce qu'elle ne fust iamais gardée, non plus que l’edit de l’Empereur Néron, qui fut le premier, [*]( Seneca, lib. 3. De benefic.) qui députa commissaires pour ouyr les plaintes des esclaues: & après luy, l'Empereur Adrian5 [*]( Spartian.) ordonna, qu’on informeroit contre ceux qui malicieusement tueroient leurs esclaues sans, cause: combien que long temps au parauant ceux là estoient coulpables comme meurdriers, par la loy6 [*]( I. liber homo. Ad laquil.) Cornelia, mais on n’en tenoit compte, & tout ce que pouuoient faire les esclaues, pour obuier à la colere des maistres, c’estoit d’aller ambrasser les images des Empereurs, carny le temple de Diane en Rome, que le Roy Seruius [*]( Dionys. Lib. 4.) fils d’vn esclaue, auoit ordonné pour la frânchise des esclaues, ny l’image de Romule, quele Sénat auoit establi pour mesme cause, ne pouuoient pas empescher la furie des seigneurs: non plus que le sepulchre dé8 [*]( Plutar. In Theseo.) Thesee en Athènes, ny l’image de Ptolemee en Cyrene, ny le têmple de Diane 9 [*]( Philostrat. In vita Appolonij.) en Ephese. iaçoit que si l’ordonnance des Ephesiens eust esté gardée, l’esclaue s'estant retiré au temple, s'il auoit iuste cause, estoit perdu pour le seigneur, & seruoit à Diane, si ce n’estoient femmes qui n’entroient point en son temple: & si l’esclaue auoit tort, il estoit rendu au seigneur, apres auoir fait ferment de ne le traitter point mal, comme escrit Achilles Statius [*]( In amator, dytophontis & Leucippe.). Mais Tibere, l'vn des plus ruzez tyrans qui fut oncques, sur sâ vieilleisse [*]( Philostrat. In vit. Apollonij.) ordonna, que les esclaues qui auroiént recours à son image, fussent en seureté, & sus la [*]( I. in capitalium. De poenis I. 1. De iis qui ad staruas.) vie d’en arracher l’esclaue tenant l’image: affin que par ce moyen les esclaues pour la moindre4 [*]( lib. 3. De benesi.) occasion vinsent accuser leurs maistres: car mesmes on voit en Seneque vn Sénateur s'exeuser enuers Tibere, d’auoir cuidé toucher l'vrinal sans y penser, ayant l'anneau au doigt, auquel l'image de Tibere estoit grauee, craignant la délation: tellement que les images des Empereurs, mesmement des tyrans, estoient comme pieges pour attraper les maistres, qui faisoient mourir bien souuent leurs esclaues, pour auoir eu recours aux images, si tost qu’ils estoient de retour. La loy de Dieu y auoit bien mieux pourueu, donnant la maison d’vn chacun pour franchise à l’esclaue fuyant son maistre; & defense de luy rendre en cholere. Car tous les maistres n’estoient pas si sâges que Platon, qui dift à son esclaue, qu’il l’eust bien chastié s'il n’eust esté en cholere: veu mesmes que Tacite dit, que les Alemans ne punissoient iamais sinon en cholere. Ainsi
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voit-on que la vie des maistres n’estoit point asseuree, & des esclaues encores moins. Et qui eust peu estre asseuré de sa vie, ny de ses biêns sousla tyrannie de Sylla, qui offroit quinze cens escus à l’homme libre, & liberté à l'esclaue qui apporteroit la teste d’vn banni? ceste cruauté là continua, iusques5 [*]( Plutar. In Sylla & Appian. Lib. 1. Bell. Ciu.) à ce que les troubles estans aucunement apaisez, après auoir fait mourir soixante mil citoyèns, il y eut encore vn esclaue, qui apporta la teste de son seigneur: Sylla l’afrânchit, & tost apres le fist precipiter. Et alors que les persecutions s'echauserent contre les Chrestiens, il n’y auoit maistre qui osast estre Chrestien, sinon au hazard de sa vie, ou bien qu'il afranchist ses esclaues. Et sî on dit que la tyrannie cessant, la crainte des seigneurs, & la calonnie des esclaues cesse, & ce péndant qu’on se peut asseurer des esclaues: soit, mais aussi la cruauté & licence des seigneurs augménte. Et neântmoins l’estat des familles & des Republiques, est tousiours en branle, & au hazard de sa ruine, si les esclaues se liguent. toutes les histoires sont pleines des rebellions & guerres seruiles. Et quoy queles Romains fussent tresgrands & trespuissans, si est-ce qu’ils ne peurént empescher que les esclaues ne s'esleuassent par toutes les villes d’Italie, horsmis, dit Orose, en la ville de Messane: & depuis quelques loix qu’on eust faites, ils ne peurént obuier qu’il ne se leuàst [*]( Plutar. In Crassi & Pompeij vita.) soixante mil esclaues soubs la conduite de Spartac, qui vaincut par trois fois les Romains en bataille ragee. Car il est bién certain qu'il y auoit pour le moins dix esclaues pour vn homme libre, en quelque pays que ce fust: comme il est aysé à iuger du nombre qui fut leué des habitans d’Athenes, qui se trouua pour vne fois de vint mil citoyens, dix mil estrangers, & quatre cens mil esclaues. & l'Italie victoricuse de tous les peuples en auoit beaucoup plus, ainsi qu’on peut voir en la harângue de Cassius Senatéur: nous auons, dit-il, en nos familles diuers peuples & nations, en langues & religions différéns. Et mesmes Crassus outre ceux, qu’il employoit à son seruice, en auoit cinq cens, qui rapportoient tous les iours leur gain des arts & sciences questuaires. Milon pôur vn iour en afranchit trois cens, affin qu’on ne les appliquast à là qùestion pour deposer du meurtre commis en la personne de Claude le Tribun. c’est pourquoy le Senat Romain voulant diuersisier l'habit. des esclaues, affin qu’on les peust cognoistre d’auec les hommes libres, l'vn dés plus sages Sénateurs remonstra le danger qu'il y aurait, si les esclaues venoient à se compter, car bien tost. ils se fussent, depeschez des seigneurs pour la facilité de conspirer, & le signal de leurs habits. auquel danger est exposee l'Espagne, & la Barbarie, où Ion marque les esclauês au visâge: ce qu’on ne fàisoit anciennement qù'aux plus meschans, & qui ne pouuoient iamais [*]( In Iure vocantur liberti, dedititij, & stigmatici. Cicero in officiis.) iouir pleinement du fruit de liberté, ny du priuilege des citoyens. mais bien on les marquoit aux bras. C'est pourquoy les Lacedemoniens, vôyans que leurs esclaues se multiplioient sans comparaison plus que les citoyens, pour [*]( I. arethusa. De statu hom.) l'esperance de liberté que les maistres donnoient à ceux qui plus
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faisoient d’enfans, & pour le profit qu’en tiroit chacun en particulier : feirét vn arrest qu’on en leueroit iusques à trois mil des plus habiles à la guerre : mais si tost qu’ils furent leuez, on les tua tous en vne[*](Plutar.in Lycurg. Aristot. lib. 2. Polit.) nuict, sans qu’on eust apperceu qu’ils estoient deuenus. Or la crainte que les citez & Republiques auoient de leurs esclaues, faisoit qu’ils n’ont iamais osé les aguerrir, ny permettre que pas vn fust enrolé: comme[*](l.4.princip.de re militari. l. ab omni militia.eod.) les loix y sont expresses auec peine capitale. & si la necessité le contraignoit de prendre des esclaues, ils les affranchissoient gratuitement, comme fist Scipion qui afranchit trois cens bons hommes, apres la iournee des Cannes: comme dit Plutarque: combien que Florus[*](epiro.23.) escrit qu’on bailla les armes à huit mil esclaues. car nous lisons qu’il ne fut permis aux afranchis de porter les armes, qu’au temps de la guerre sociale, ou bien ils leur promettoient liberté pour quelque somme d’argent, comme fist Cleomenés Roy de Lacedemonne en sa necessité, qui ofrit liberté à tous Ilotes, à cinquante escuz pour teste: en quoy faisant, il eut de l’argent & des hommes pour s’en ayder. Et n’y auoit peuple qui vsast d’esclaues en guerre sinon les Parthes, ausquels il estoit defendu de les afranchir: vray est qu’ils les traitoient comme leurs enfans, & multiplierent de telle sorte qu’il ne s’en trouua en l’armee de Parthes contre Marc Antoine, qui estoit de cinquante mil hommes, quatre cens cinquante hommes libres, comme nous lisons en Iustin: qui n’auoient point d’occasion de se rebeller estans bien traitez. Et mesmes on se defioit tant des esclaues, qu’ils ne vouloient pas quelquesfois s’en seruir aux galeres, au parauant que les auoir afranchiz, comme Auguste qui en afranchit vint mil pour[*](Tranquil.in Augu.) vne fois, affin de s’en seruir aux galeres. Et de peur qu’on auoit, qu’ils coniurassent ensemble contre l’estat, & affin de les tenir tousiours empeschez aux arts mechaniques, Lycurgue en Lacedemonne, & Numa Pompilius en Rome, defendirent à leurs citoyens d’exercer aucun mestier. Et neantmoins ils ne pouuoient si bien faire, qu’il n’y eust tousiours quelque homme desesperé, lequel promettant liberté aux esclaues, troubloit l’estat, comme Viriat le pirate, qui se fit Roy de Portugal, Cinna, Spartac, Tacfarin, & iusques à Simon Gerson capitaine Iuif, lesquels de petits compaignons se feirent tous grands[*](Ioseph. in bello Iudaïco.) seigneurs en donnant liberté aux esclaues, qui les suyuroient. Et pendant la guerre ciuile entre Auguste & Marc Antoine, on ne voyoit que fuitifs esclaues de part ou d’autre: de sorte qu’apres la defaite de Sexte Pompee, il s’en trouua xxx. mil, qui auoient suyui son parti, qu’Auguste fist prendre à iour nommé par tous les gouuernemens, & les feit rendre à leurs seigneurs: & feit pendre ceux, qui n’auoient point de seigneur, qui les demandast, comme nous lisons en Appian. Et de fait, la puissance des Alarbes n’a pris accroissement que par ce moyen. car si tost que le capitaine Homar, l’vn des lieutenans de Mehemet, eut promis liberté aux exclaues, qui le sui-
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uroient, il en attira si grand nombre, qu’en peu d’annes ils se feirent seigneurs de tout l’Orient. Ce bruit de liberté, & des conquestes faites par les exclaues, enfla le cueur à ceux de l’Europe, où ils commencerent à prendre les armes: & premierement en Espagne l’an DCC. LXXXI. puis apres en ce Royaume au temps de Charlemagne, & de Loüys le piteux, comme on voit aux edits, qu’ils firent lors contre les coniurations des exclaues: & mesme Lothaire fils de Louys, apres auoir perdu deux batailles contre ses freres, appella les esclaues à son ayde, qui depuis donnerent la chasse à leurs maistres l’an DCCCLII. & soudain ce feu s’embraza aussi tost en Alemagne, où les esclaues ayans prins les armes, esbranlerent l’estat des Princes & citez, & mesmes Louys, Roy des Alemagnes, fut contraint d’assembler toutes ses forces pour les rompre.[*](Frodouart qui lors viuoit.) Cela contraignit les Chrestiens peuà peu, de relascher la seruitude, & d’afranchir les esclaues: reserué seulement certaines coruees, & l’ancien droit de succession de leurs afranchis mourans sans enfans. coustume qui tient encores presqu’en toute la basse Alemagne, & en plusieurs lieux de France, & d’Angleterre. Car nous voyons encores par les loix[*](cap.59. In legib. Longobard. & vbique in ripuariis.) des Lombars & Ripuaires, qu’il n’est quasi mention que des esclaues, qui ne pouuoient estre afranchis du tout, que par deux afranchissemens, pour auoir puissance de disposer de leurs biens. & souuent le seigneur adioustoit en l’acte d’afranchissement, que c’estoit pour le salut de son ame. car les premiers ministres de l’Eglise Chrestienne, n’auoient rien en si grande recommandation, que de moyenner les afranchissemens de esclaues, qui se faisoient Chrestiens bien souuent pour auoir liberté, & les maistres pour le salut de leur ame. & mesmes nous lisons en l’histoire d’Afrique, que Paulin Euesque de Nele, apres auoir vendu tout son bien pour racheter les esclaues Chrestiens, luymesme se vendit aux Vandales pour ses freres. & de là sont venus les afranchissemens faits és Eglises pardeuant les Euesques. qui continua si bien, qu’au temps de Constantin le grand, les villes se sentirent chargees du nombre infini d’affranchis, qui n’auoient autre bien que la liberté, & la plus part ne vouloit rien faire: les autres ne sçauoient point de mestier: de sorte que[*](l. 1 & 2.de mendicantib. in C. Theodo. & Iustin.) Constantin est le premier, qui fist ordonnances, pour ayder aux pauures mendians: & deslors aussi on establit des hospitaux pour les pauures petits enfans, pour les vieux, pour les malades, & pour ceux qui ne pouuoient trauailler, comme nous voyons aux edits, & ordonnances[*](toto tit. de Episc. & cler.) qui lors en furent faites à la requeste, & instance des Euesques: comme nous lisons en saint Basile, qui se plaint de ce que les pauures estropiats alloient par les Eglises, meslant auec le chant des ministres leurs plaintes & doleances. & tost apres Iulian l’Apostat à l’enui des Chrestiens,[*](Nicephorus Callist.) escriuoit aux payens, & pontifes des temples d’Asie, qu’ils deuroient auoir honte, de ne suyure l’exemple des Chrestiens, qui fondoient temples, & hospitaux pour ceux de leur re-
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ligion. Et d'autant que les pauures afranchis exposoient leurs enfans par pauureté affin qu’on les nourrist, Gratian[*](l.r. & seq. de infautibus liber. expos.) fist ordonnances, par les- quelles il voulut, que l’enfant exposé, demeureroit esclaue de celuy qui l'auoit eleué & nourri. Et au mesme temps l’Empereur Valens donna puissance à chacun de prendre les vagabonds, & s’en seruir comme d’esclaues, auec defenses d'aller aux bois pour viure en Ermites, & en fist mourir vn fort grand nombre qui s’y estoient retirez, pour retrancher, l’oysiueté, & induire vn chacun au trauail. Et mesmes par lettres patentes du Roy Dagobert, qui sont au thresor sainct Denys en France, il est defen- du à tous subiets de retirer, ny receler les esclaues de l'Abbaye de sainct Denys. Depuis estant les esclaues reduits à la forme des mains mortes, l’Abbé subiet afranchit aussi les hommes de main-morte, pourueu qu’ils changeassent de pays: comme i’ay veu par la charte qu’il en fist l’an m. c x l i. lors qu’il estoit regent en France. Et au pris que la religion Chre- stienne commenca à croistre, les esclaues commencerent à diminuer, & encores plus à la publication de la loy deMehemet, qui afranchit tous ceux de sa religion: de sorte que l’an M. c c. les seruitudes estoient quasi abolies par tout le monde: horsmis aux lsles Occidentales, qui se trou- uerent; alors qu’on les descouurit, pleines d’esclaues, qu’on pouuoit tuer sans peine quelconque. ioint aussi, que les vaincus n’estoient point mis à rançon, & le larron eftoit liuré comme esclaue à celuy, auquel il auoit fait le larcin, & permis à chacun de faire soy & ses enfans esclaues. Il y auoit bien encores l’an m.ccxii. des esclaues en Italie, comme on peut voit par les ordonnances de Guillaume Roy de Sicile, & de Friderich ii. Empereur aux plaids du Royaume de Naples: & par les decrets d’A- lexandre iii. Vrbain iii. & Innocent iii. Papes, touchant les mariages des esclaues. [*](titul.de coniugiis seruor.) le premier fut esleu Pape l’an m.clviii. le second l'an M.clxxxv: le troisiesme, M.clxxxxviii. de sorte qu'il faut conclure que l’Europe fut afranchie d’esclaues depuis l’an m.ccl. ou enuiron. car[*](ad l. hostes. de captiuis.) Bartol, qui viuoit l’an m.ccc. escrit que de son temps il n’y auoit plus d’esclaues, & que par les loix Chrestiennes les hommes ne se vendoient plus, il entend des edits faits par les Princes Chrestiens. ce que l’Abbé de Palerme[*](cap.1.de coniugiis seruor.) ayant apprins de Bartol, dit que c'est vn poinct notable. Tou- tesfois nous lisons en l'histoire de Poulogne, que tout prisonnier de bon- ne guerre estoit deflors & long temps apres esclaue du vainqueur, si le Roy n’en vouloit payer deux fleurins pour teste, comme i’ay dit cy des- sus: & encores a present les subiets censiers, qu’ils appellent Kmetous, sont en la puissance de leurs seigneurs, qui les peuuent tuer, sans qu’on les puisse appeller eu iustice: & s’ils ont tué les subiets d'autruy, ils sont quites en payant dix escus, moitié au seigneur, moitié aux heritiers, ainsi que nous lisons aux ordonnances de Poulogne. qui sont semblables es Royaumes de Dannemarch, de Suede & Noruege. mais il y a plus de quatre cens ans, que la France n’a souffert les vrays esclaues. Car quant à
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ce que nous lisons en nos histoires, que Loüys Hutin, qui vint à la couronne l’an m. c c c. x iii. au temps mesme que Bartol viuoit, afranchit tous les esclaues qui voulurent à pris d'argent, pour fournir aux frais de la guerre: cela se doit entendre des mains-mortes, que nous voyons encores à present afranchir par lettres Royaux, ainsi faut-il entendre ce que nous lisons de l’an m.ccclviii. au subside accordé à Charles v. il fut dit, que les villes feroient pour l x x. feux vn homme d'armes: le plat pays pour cent feux: les personnes serues & de morte-main, & de serfs mariages pour cc. feux feroient aussi vn homme d'armes. ce qu’ils n’eussent pas fait, s'ils eussent esté en la possession d'autruy, & censez entre les biens d’autruy: comme il semble par l’article suyuant, où il est dict, que les bourgeois payeront pour les serfs qu’ils tiennent, comme les nobles: ce qui s'entend des successions, qu’ils en amendoient. Ainsi s'en- tend ce qui est escript de Humbert Daufin, qui au mesme temps afran- chit tous les esclaues de Daufiné: & deslors en fut redigé l'article en la coustume. autant en fist en son pays Thibaut Comte de Blois, l’an M.cc xlv. & à celà se rapporte l’ancien arrest du Parlement de Paris, par lequel il est permis à l’Euesque de Chalons d’auoi rdes fiefs & d'afranchir les hommes de seruile condition du consentement du chapitre, aussi Charles vii. venant à la couronne l’an m.ccccxxx. afranchit plusieurs personnes de seruile condition: il y a ainsï aux registres du Parlement de Paris intitulé, les ordonnances Barbines. & de nostre memoire le Roy Henry par lettres patentes afranchit ceux de Bourbonnois m. d.x l i x. & le Duc de Sauoye fist le semblable en tous ses pays l’an m. d. l x i. Car le prince de sa puissance legitime ne pouuoit afranchir l'esclaue d’autruy, & moins[*](l.ad bestias. de poenis l.si proprietatem. de iis qui à non Domino.C.l. si seruo.qui & à quibus.) encores les magistrats, quelque priere qu’en fist le peuple. Et mesmes ils ne vouloient pas seulement donner aux afranchis priuilege de porter anneau d’or, sans le consentement de celuy qui l'auoit afranchi: & de faict, l'Empereur Commode[*](l.3.de iure aureor.annull.) osta ce priuilege a tous ceux, qui l’auoient obtenu au desceu du patron: ou si l’afranchi obtenoit ce priuilege du prince, c’estoit sans preiudice des droits du patron, [*](l.vlt.eod.) encores que le prince l’eust restitué en l'estat d’ingenuité, [*](l.1.eod.) qui estoit bien plus[*](l.sed si bac.§.sed si. de in ius vocand.l.2.de natalib.resticu. C. l.2. de iure aureorum. C.) que d’auoir le droit de porter anneau d’or: lequel combien qu’il appartintau prince seulement, [*](l.1.de natalib.restitu.C.) si est -ce que le patron du temps de Tertulian[*](in lib. de resurtectio.) le donnoit à son afranchi, auec vne robe blanche, & son non, & le faisoit seoir à sa table, au lieu, dit-il, qu’il auoit accoustumé d’auoir les fers & les fouets. & en fin Iustinian[*](authent.78.) mesme par vn edict général restitua tous les afranchis en l’estat d’ingenuité, sans qu’il leur fust besoin d’en auoir lettres. Neant- moins en ce Royaume il faut obtenir lettres du prince, qui a tousiours accoustumé de restituer aux hommes de main-morte, & de seruile condi- tion, l’estat d’ingenuité, ostant l’ancienne marque de seruitude, au preiu- dice des seigneurs, qui peuuent seulement faisir tous les biens de l’afran- chi acquis auparauant sa liberté en quelque lieu qu’ils soient. comme il
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a este iugé par arrest de la Cour, puis n’agueres contre l’abbé saincte Geneuiesue. mais deslors en auant, tout le bien, qu’ils acquierent, leur appartient & en peuuent disposer par testament, encores qu’ils n'ayent point d'enfans. I’ay bien veu, que le seigneur de la Roche blanche en Gascogne, pretendoit auoir non seulement le droict de main morte sur ses subiets, ains aussi qu’ils estoient tenus de faire ses vignes, labourer ses terres, faucher ses prez, scier & batre fes bleds, bastir sa maison, payer sa rançon, & la taille és quatre cas accoustumez en ce Royaume, ains aussi de les pouuoir ramener auec vn cheuestre, s'ils sortoient de sa terre sans son congé. Ce dernier poinct luy fut tranché par arrest du parlement de Thoulouze: [*](anno 1558.) comme estant au preiudice de la droite liberté, & ressentant sa seruitude qui n’a point de lieu en tout ce Royaume: de sorte mesme que l’esclaue d’vn estranger est franc, & libre, si tost qu’il a mis le pied en France, comme il fut iugé par vn ancien arrest de la Cour, contre vn Ambassadeur. & me souuient estant en Toulouze, qu’vn Geneuois y passant, fut contraint d’afranchir vn esclaue, qu'il auoit achepté en Espa- pagne, voyant que les Capitouls le vouloient declarer franc & libre, tant en vertu de la coustume generale du Royaume, que d’vn priuilege special que l’Empereur Theodose le grand leur donna, ainsi qu’ils disoient, que tout esclaue mettant le pied en Thoulouze estoit franc: chose toutefois qui n’est pas vray-semblable, attendu que Narbonne, [*](à Martio Narbone deducta ex Liuio.) vraye colonie des Romains, & la plus ancienne qui fust en France, Lectore, Nysmes, Vienne, Lyon, qui estoient aussi colonies, ny Rome mesmes, ou estoit le siege de l’Empire, n’auoient pas ce priuilege. mais le Geneuois deuant qu’afranchir son esclaue, luy fist promettre qu’il le seruiroit toute sa vie: qui est vne clause regettee[*](l.1.§.quae onerandae. quarum rerum actio.) en terme de droit. Voila comme les esclaues ont esté afranchis. Mais icy me dira quelqu’vn, s'il est ainsi que les Mehemetistes ont afranchi tous les esclaues de leur religion, qui a cours en toute l’Asie, & presque en toute l’Afrique, voire en vne bonne partie de l’Europe, & que les Chrestiens ayent fait le semblable, comme nous auons monstré, comment est-il possible que tout le monde soit encores plein d’esclaues? car les Iuifs ne peuuent auoir esclaue de leur nation, obstant la loy qu’ils tiennent, & n’en peuuent auoir de Chrestiens, entre les Chreftiens, attendu les defenses portees[*](l.1.ne Christianum mancipium vel Paganus vel Iudaeus.C.) par les loix, & moins encores de Mehemetistes sous leur obeissance, où ils sont pour la pluspart. A cela ie responds, que les peuples des trois religions, ont tranché la loy de Dieu par la moitié, pour le regard des esclaues. car la loy de Dieu de- fend aux Hebrieux de prendre aucun esclaue, si ce n’est de son plein vouloir & consentement, & lors le seigneur luy doit percer l’oreille à l’es- sueil de sa porte, pour marque d'esclaue perpetuel. bien pouuoit-il aus- si se seruir de son debteur; & de ses enfans; iusques à ce qu'il eust payé. & s'il auoit serui sept ans son creancier, il estoit quitte de la debte & du seruice. mais il ne leur estoit pas defendu d’auoir des esclaues d’autre
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nation, d’autant que les Payens acheptoient ordinairement des esclaues Iuifs, & n’y auoit point de meilleurs esclaues que de Iuifs & Syriens. Voyez, dit Iulian l’Empereur[*](in epistola ad Antiochum Misopogona.), combien les Syriens sont propres à seruir: & combien les Celtes sont amoureux de leur liberté, & difficiles à dompter. Mais les Iuifs ayans achepté des esclaues Payens, ou Chrestiens, les faisoient circoncir, & catechiser, ce qui donna occasio à Traian l’Empereur, de faire l’edict[*](l.circoncidere.de poenis.) portant defenses à toutes personnes de circoncir: & combien qu’ils eussent instruit leurs esclaues en leur loy, ils les retenoient neantmoins esclaues contre leur gré: & qui plus est, toute leur posterité, interpretant ce mot, de ton peuple, ou de ton frere, de leur nation seulement. aussi les Payens leur faisoient le semblable. Mais nous voyons, que Dieu reproche à son peuple en Hieremie, qu’ils n’ont pas affranchy ceux de leur sang apres le septiesme an. Et quant aux esclaues Chrestiens qu’ils auoient circoncis & endazez (ainsi parle l’histoire) ce fut l’vne des causes, pour lesquelles Philippe le conquerant les chassa de France, & confisca leurs biens immeubles: par ce qu’ils auoient des sergens, & chambrieres Chrestiennes (ainsi parle l’ancienne histoire) contre le loy qui le defend[*](l.1.ne Christianum mancipium. C.). mais le mot de sergent, que les vns appellent seruientem, ne signifie pas esclaue, ou serf, qui est à dire mancipium: comme il s’entend en vn article des estats tenus à Tours, où il est dit, qu’anciennement on nous appelloit francs, & maintenant nous sommes serfs. Les Mehemetistes ont fait le semblable: car ayant circoncy & catechizé leurs esclaues Chrestiens, les retiennent tousiours esclaues, & toute leur posterité. & à leur exemple les Espagnols, ayans reduit les Neigres à la religion Chrestienne, les retiennent neantmoins, & toute leur posterité comme esclaues. Et quoy que l’Empereur Charles v. eust afranchi tous les esclaues des Indes Occidentales par edit general, fait l’an m.d.xl. neantmoins pour les rebellions des maistres & gouuerneurs, & l’auarice des marchans, & mesme de Roy de Portugal, qui en tient des haraz comme de bestes, il a esté impossible de l’executer. encores que le gouuerneur Lagasca, qui fist trancher la teste à Gonsales Pizzare, chef de ceux qui s’estoient rebellez pour l’afranchissement des esclaues, en declarant l’edict, eust afranchi les esclaues Peruzius, à la charge des coruees qu’ils deuoient aux seigneurs: qui fut le moyen qu’on garda anciennement en toute l’Europe, pour obuier aux rebellions. Voila l’occasion d’auoir renoué les seruitudes par tout le monde, hors mis en ce cartier d’Europe, qui en sera bien tost remply si les prince n’y mettent bon ordre: car on ne fait maintenant plus grande trafique, mesmement en Orient: & se trouue que les Tartares depuis cent ans ayans couru la Moschouie, Lituanie, & Poulogne, emmenerent pour vn voyage trois cens mil esclaues Chrestiens: de nostre memoire Sinan Bassa, ayant pris l’isle de Gosse pres de Malte, emmena six mil trois cens esclaues, & tous les habitans de Tripoli en Barbarie. Aussi le capitaine general de Ianis-
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saires, à trois cens esclaues, que le grand seigneur luy donne pour son seruice, & chacun des Cadilesquiers autant. Car quant aux leuees des ieunes Chrestiens que fait le grand Seigneur, qu’ils appellent enfans du tribut, ie ne les tiens pas pour esclaues, ains au contraire, il n’y a que ceux là, & leurs enfans iusques à la troisiesme lignee, qui soient nobles, & ne l’est pas qui veut: attendu qu’il n’y a que ceux –là qui iouissent de priuileges, estats, offices, & benefices. Or puisque nous auons par experience, de quatre mil ans tant d’inconueniens, de rebellions, de guerres seruiles, d’euersions & changemens auenus auz Republiques par les esclaues: tant des meurtres, de cruautez, & vilenies detestables commises en la personne de esclaues par les seigneurs, c’est chose trespernicieuse de les auoir introduits, & les ayant chassez, de les rechercher. Si on dit que la rigueur des loix se peut moderer auec defenses, & punitions seueres de ceux qui tueront les esclaues: & quelle loy peut estre plus iuste, plus forte, plus entiere que la loy de Dieu, qui y auoit si sagement pourueu? Voire iusques à defendre de les chastier de fouëts, (ce que permet la loy des Romains[*](l.capitalium.§. in seruorum. de poenis.)) & veut que l’esclauesus le champ soit affranchi, si le seigneur luy a rompu vn membre: ce que l’Empereur Constantin[*](l.1de emendat.ser. C.) fist passer en force de loy generale. Et qui feroit la poursuite de la mort d’vn esclaue? qui en oyroit la plainte? qui en feroit la raison n’ayant aucun interest? attendu que les tyrans tiennent pour reigle Politique, qu’on ne peut assez asseruir les subiets pour les rendre doux & ployables. On dira qu’en Espagne on voit les seigneurs traiter fort doucement leurs esclaues, & beaucoup mieux que les seruiteurs libres: & les esclaues de leur part, faire seruice à leurs seigneurs auec vne allaigresse, & amour incroyable. Quant aux Espagnols, on dit en prouerbe, qu’il n’y a point de maistres plus courtois au commencement, & generalement tous commencemens sont beaux: aussi est-il bien certain, qu’il n’y a point d’amour plus grand que d’vn bon esclaue enuers son seigneur, pourueu qu’il recontre vn humeur propre au sien. c’est pourquoy à mon aduis, la loy de Dieu auoit si sagement pourueu, que personne ne fust esclaue, que celuy lequel ayant serui sept ans, & gousté l’humeur de son maistre, ou creancier, auroit consenti luy estre esclaue perpertuel. mais puis qu’il ya si peu des humeurs est infinie, qui sera l’homme si mal aduisé, qui en face vn edict, vne loy, vne reigle generale? l’ancien prouerbe, qui dit, autant d’ennemis que d’esclaues, monstre assez quelle amitié, soy & loy auté on peut attendre des esclaues. De mil exemples anciens ie n’en mettray qu’vn aduenu du temps de Iouius Pontanus, lequel recite, qu’vn esclaue voyant son seigneur absent, barre les portes, lye la femme du seigneur prend ses trois enfans, & se mettant au plus haut de la maison, si tost qu’il voit son seigneur, il luy gette sus le paué l’vn de ses enfans, & puis l’autre: le pere tout esperdu, & craignant qu’il getast le troisiesme, a recours aux
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prieres, promettant impunité & liberté à l’esclaue, s'il vouloit sauuer le troisieme: l’esclaue dist qu’il le getteroit, si le pere ne se coupoit le nez, ce quil ayma mieux faire pour sauuer son enfant: cela faict l'esclaue neantmoins getta le troisieme, & puis apres se precipita luy mesme. On me dira qu’en receuant les esclaues, on retranchera le nombre infini des vagabonds, & cessionaires, qui apres auoir tout mangé, veulent payer leurs creanciers en faillites, & qu'on pourra chasser tant de vagabonds, & fait- neants, qui mangent les villes, & succent comme guespes le miel des abeil- les: ioint aussi, que de telles gens se prouignent les voleurs, & pirates: puis la faim, & mauuais traictement des pauures, attirent les maladies populaires aux villes. car il faut nourrir les pauures, & non pas les tuer. or c'est les tuer[*](l.vel necare.de liber. agnosc.) quand on leur refuze la nourriture, ou qu’on les chasse des villes, comme dit S. Ambrois. le respond quant aux cessionaires, que la loy de Dieu y a pourueu, c’est à sçauoir, qu'ils seruent à leurs creanciers sept ans: combien que la loy des xii. tables pratiquee en toutes les Indes Occidentales, & en la plus part d’Afrique[*](Fran.Aluarez en l’hist. d’Ethiopie.), vouloit qu’ils demeuras- sent tousiours prisonniers du creancier iusques à ce qu’ils eussent satis- fait, car d’oster le moyen de cession en cas ciuil, comme ils font en tout l’Orient, c'est oster aux debteurs le moyen de trauailler, & de gaigner pour s'aquiter. Quant aux voleurs, ie dy, qu’il y en auroit dix pour vn: car l’esclaue sera tousiours contraint, s'il peut eschapper, d’estre voleur ou corsaire, ne pouuant souffrir son seigneur, ny se monstrer estant marqué, ny viure sans biens. Ie n’en veux point de meilleur exemple, que celuy de Spartac, qui assembla en Italie soixante mil esclaues pour vne fois, outre neuf cens voiles de corsaires, qui estoient sus mer. Or le sage politic n’est pas celuy qui chasse de la Republique les voleurs, mais celuy qui les empesche d’y entrer. Cela se peut faire aisément, si on faisoit en chacune ville des maisons publiques pour apprendre les pauures enfans à diuers mestiers, comme il se fait à Paris, à Lyon, à Venize, & aùtres villes bien policees, où il y a des pepinieres d’artizans, qui est la plus grande riches- se d'vn pays. Aussi ie ne suis pas d’auis que tout à coup on affranchisse les esclaues, comme l’Empereur fist au Peru, car n’ayans point de biens pour viure, ny de mestier pour gaigner, & mesmes estans afriandez de la douceur d’oysiueté, & de liberté, ne vouloient trauailler: de sorte que la plus- part mourut de faim. mais le moyen c’est deuant les afranchir, leur ensei- gner quelque mestier. Si on me dit qu’il n’y a bon maistre que celuy qui a esté bon seruiteur: ie di, que c’est vne opinion qui est mal fondee, quoy qu’elle soit ancienne: car il n’y a rien qui plus rauale & abastardisse le cueur bon, & genereux, que la seruitude, & qui plus oste la maiesté de comman- der autruy, que d'auoir esté esclaue. aussi le'maistre de sagesse dit en ses prouerbes, qu’il n’y a rien plus insupportable, que l'esclaue deuenu maistre: ce qu’il entend non seulement de la cupidité estant maistresse de la raison: ains aussi de celuy qui va d’vne extremité à l’autre, de seruitude au
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commandement. Mais puis que la raison diuine, & naturelle va par tout, & quelle n’est point enclose es frontieres de la Palestine, pourquoy ne sera elle suiuie? Combien que de tout temps les Tartares extraits des dix lignees d'lsrael, afranchissent leurs esclaues mesmes au bout de sept ans, à la charge qu’ils sortiront du pays: qui est vne clause en cas de vente d’es- claues, que[*](l.6.& sequenti de seruis export.) Papinian auoit regettee: mais depuis il changea d'auis, & corrigea sa faute: & neantmoins en cas d'afranchissemens elle est nulle, s'il ny auoit edit, ou coustume generale au contraire, comme nous dirons cy apres. Voila quant à la puissance des Seigneurs fur les esclaues, & des maistres sur les seruiteurs. Or puis que nous auons assez amplement, & toutefois aussi briefuement qu'il nous a esté possible discouru de la famille, & de toutes les parties d’icelle, qui est le fondement de toute Republique, disons maintenant du citoyen & de la cité.