The six books of a common-weale

Jean Bodin

Bodin, Jean. Les six livres de la republique. Paris: Chez Iacques du Puys, Libraire iuré, à la Samaritaine, 1577.

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LE droit gouuernement'du pere & des enfans gift à bien vser de la puissance, que Dieu a donné au pere sur ses en- fans propres, ou la loy sur les enfans adoptez, & en l’obeissance, amour, & reuerence des enfans enuers les peres. Le mot de puissance, est propre à tous ceux qui ont pouuoir de commander à autrui. Ainsi le Prince, dit Seneque, commande aux fugets, le magistrat aux citoyens, le pere aux enfans, le maistre aux disciples, le capitaine aux soldats, le seigneur aux esclaues. Mais de tous ceux là, il n’y en a pas vn., à qui nature donne aucun pouuoir de commander, & moins encores d’asseruir autruy, horsmis au pere, qui est la vraye image du grand Dieu souuerain, pere. vniuersel de toutes choses, comme disoit Procle Academicien. Aussi Platon ayant en premier lieu articulé les loix, qui touchent l’honneur de Dieu, il dit, que c’est vne preface de la reuerence que l’enfant doit au pere, duquel, apres Dieu, il tient la vie, & tout ce qu’il peut auoir en ce monde. Et tout aind que nature oblige le pere à nourrir l’enfant, tant qu’il est impuissant, & l’instruire en tout honneur & vertu: aussi l’enfant est oblige, mais beaucoup plus est roictement, d’aimer, reuerer, seruir, nourrir le pere, & ployersous ses mandamens en toute obeissance, supporter, cacher, & couurir toutes ses infirmitez & imperfections, & n’espargner iamais ses biens, ny son sang, pour sauuer, de entretenir la vie de celuy, duquel il tient la sienne. Laquelle obligation ores qu’elle soit sellee du seau de nature, voire qu'elle porte execution paree, si est-ce toutesfois pour monstrer combien elle est grande, il n'y en a point de plus certain argument, que le premier commandement [*]( Exodi 21 Deuterono.5.) de la seconde table, & seul en tous les dix articles du Decalogue, qui porte son loyer: [*]( Deuteron.II.& 22.) combien qu’il n’est deu aucun loyer à celuy, qui est obligé de faire quelque chose, mesmement par obligation si estroicte, que toutes les loix diuines[*]( Exechiel.22.) & humaines en font pleines. Au contraire, nous lisons, que la premiere malediction, qui soit en la Bible, [*]( Genes.7.)est celle qui fut donnee à Cham, pour n’auoir pas couuert la honte de son pere. Et non fans cause les enfans anciennement estoient si ialoux [*]( Genes.27.28.)les vns des autres, à qui emporteroit la benediction du pere, craignant plus fa malediction que la mort. Et de fait le ieune Torquatus [*]( Valer.Max.lib.2.)estant chassé de la maison de son pere, se tua de regret. C’est pourquoy Platon[*]( In.lib.de legib.) disoit, qu’il faut bien fur tout prendre garde aux male dictions & benedictions que les peres donnent aux enfans: & qu’il n’y a priere que Dieu plus volontiers exauce, que celle du pere enuers ses enfans. Si donc les enfans sont si estroictement obligez à seruir, aimer, obeir, reuerer les peres & meres, quelles peines meritent ceux-là, qui sont desobeissans, irreuerens, iniurieux? quel supplice peut estre assez grand à celuy, qui frappe le pere ou la mere? car quant au meurtrier du pere, ou de la mere, il ne s’est iamais trouué iuge, ny legislateur, qui sceust imaginer tormens suffisans pour vn cas si execrable, quoy que la loy Pompeia [*]( l.I.ad.L.Pompeiam.) des Parricides, ait
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ordonné vn torment plus estrange, que digne d'vn tel crime: & encores que nous en ayons veu vn de nostre memoire, qui a esté tenaillé, puis rompu sur la roue, & en fin bruflé: si est-ce qu’il n'y auoit homme,, qui n’eut plus d’horreur de sa meschanceté, que de frayeur de sa peine, & qui ne confessast, qu’il meritoit plus qu’il ne souffroit. Aussi le sage Solon interrogé pourquoy il auoit oublié la peine du Parricide, fist response, qu’il ne pensoit pas qu'il y eust homme si detestable, qui voulust commettre vn adte si meschant. [*]( Cicero pro Roscio perduel.) quiestoit sagement respondu. car le sage legislateur ne doit iamais faire mention d’vn crime, qui n’est point, ou bien peu cogneu, affin qu’il ne donne exemple aux meschans d’en faire l’essay. mais file crime est grand, & execrable, il ne doit pas le couler parsouffrance, ny le monstrer aussi au doigt & à l’œil :ains par circonstances, & peines qui enapprochent. comme nous voyons la loy de Dieu n’auoir establi aucune peine au meurtrier du pere ou de la mere, ny mesmes à celuy qui afrappé l’vn ou l’autre (comme la loy Seruia[*](lex Seruia his verbis concepta est apud Festum Pomp. Si parentem puer verbararit, ast olle porassut, parentes puer diuis sacer esto ast, inquit, pro certe: plorassit, proclamarit. id est, capitale supplicium irrogandum ei est catemus, vt lachrymae, vor, & clamor meritum dolorem restificentur.), qui condamne à mort pour tel crime) mais elle donne plein pouuoir, & puissance au pere, & à la mere de lapider l’enfant desobeissant, & veut qu’ils en soient creus, & que l’execution se face en presence du iuge, & fans qu’il luy soit permis de s’enquerir de la verité, ny d’en prendre aucune cognoissance. car en ce faisant, l’enfant n’estoit pas tué en cholere, comme il peut aduenir, ny en secret, pour couurir le deshonneur de la maison, ainsi que nous voyons en nos loix vn pere auoir tué son fils à la chasse, pour auoir incestué fa belle mere: c'est, dit la loy[*](l.diuus.ad l. Pompeiam de parricid.), tuer en voleur: car le principal fruict de la peine, est qu’elle soit exemplaire à tous. L’autre article de la loy[*]( Leuit.20. Deutero.27.Exod.21.) de Dieu veut, que l’enfant qui aura mesdit au pere, ou à la mere, soit executé à mort: & en donne la cognoissance aux iuges, ne laissant pas la peine à la discretion des peres & meres, affin que le crime ne demeure impuni, car l’amour du pere & de la mere est fi ardent enuers leurs enfans, qu’ils ne voudroient pas que la iustice en eust iamais la cognoissance, encores que leurs enfans les eussent frappez à mort: comme de fait il aduint à Chastillon sur Oing, l'an M.D.LXV. que le pere ayant receu vn coup d’espee à trauers le corps par son fils, luy voulant donner vn soufflet, il ne cessa de crier apres son fils, iusques à la mort qu’il s'en fuist, craignant qu’il tombast entre les mains de iustice., & qu’il fust executé à mort, ainsi qu’il fut les pieds pendus contremont quelque temps, &vne pierre au col, & puis bruslé tout vif, renonçant a l’appel par luy intergetté de la sentence. qui monstre assez l’estrange & violente passion d’amour du pere enuers ses enfans, nous en auons aussi de nostre temps vn exemple de la mere, qui aimoit mieux souffrir estre mesprisee, iniuriee, batue, frappee &foulee aux pieds par son propre fils, que de s’en plaindre au iuge, qui laissoit tout cela im puni, iusques à ce qu’il eut fait ses ordures au potage de sa mere(il faut que la pofterité sçache ceste vilainie)alors le iuge condamna le fils à faire amende honorable, & requerir pardon à
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la mere. le fils en appelle au Parlement de Toulouze, ou il fut dit mal iucré, & en amendant le increment, il fut condamné à estre bruslé tout vif, sans auoir esgard aux cris, & lamentations de la mere, qui protestoit luy pardonner, & n’auoir receu aucune iniure. Seneque parlant du pere, qui chasse seulement son fils de sa maison, O'que le pere, dit-il, coupe ses membres à grand regret, combien il fait de souspirs en les coupant, combien de fois il pleure après les auoir coupez, 8c combien il souhaitte les remettre en leur place. Tout ce que i'ay dit, & les exemples, que i'ay deduicts de si fraiche memoire, seruiront pour monstrer, qu’il est besoin de rendre aux peres la puissance de la vie & de la mort, que la loy de Dieu & de nature leur donne: loy, qui a esté la plus ancienne qui fut onques, commune aux Perses, & aux peuples de la haute Asie, commune aux Romains, aux Hebrieux, aux Celtes, & pratiquee en toutes les Indes Occidentales auparauant qu’elles fussent assugetties des Espagnols: autrement il ne faut pas esperer de iamais voiries bonnes meurs, l’honneur, la vertu, l’ancienne splendeur des Republiques restablies. Car nostre Iustinian[*]( in tit depatria po-in institur.) s’est abusé de dire, qu’il n’y auoit peuple, qui eust telle puissance fus leurs enfans, que les Romains, & ceux qui ont suiui son opinion. nous auons la loy de Dieu, qui doit estre saincte & inuiolable à tous peuples. nous auons le tesmoignage des histoires Greques &: Latines, pour le regard des Perses[*](Aristot.in polit.), des Romains[*](l.in suis.de liberis.&postea.), & Celtes[*](caesar lib.6.commentar.), deiquels parlant Cesar en ses memoires: Les Gaulois, dit-il, ont puissance de la vie & de la mort fus leurs enfans, & fur leurs femmes, aussi bien que fus leurs esclaues. Et combien que Romule[*](Dionys. haliear.lib.2.), en la publication de ses loix, eust limité la puissance de la vie & de la mort, qu’il donnoit aux maris sus les femmes, en quatre cas: si est-ce qu’il ne limita rien pour le regard des peres, leur donnant pleine puissance de disposer de la vie & de la mort de leurs enfans, & fans qu’ils peussent rien acquerir, [*]( l.placuir.de acquir.haeredit.)qui ne fust aux peres. Et non seulement les Romains auoient telle puissance sus leurs propres enfans, ains aussi sus les enfans d’autruy par eux adoptez. [*](Gest.lib.5 c.19.) Laquelle puisance deux cens soixante ans apres fut ratifice, & amplifiee par les loix des douze[*]( Gell. lib.20.) tables: qui donnerent aussi puissance au pere de vendre ses enfans, & fils se rache ptoient, les reuendre iufques à trois fois, loy, qui s'est trouuee du tout semblable aux Isles Occidentales, comme nous lisons en l’histoire des Indes. Et encores à present il est permis au pere en tout le païs de Moscouie, & de Tartane, de vendre iusques à quatre sois inclusiuement ses enfans: puis fils se racheptent, ils font afranchis du tout; Par le moyen de ceste puissance paternelle, les Romains ont fleuri en tout honeur& vertu, & souuent la Republique a esté releuee de fa cheute ineuicable par la puissance paternelle, alors que les peres venoient tirer [*]( Donys. haliear.lib.2.) Meurs enfans magistrats de la Tribune aux harangues, pour les empescher de publier ny loy ny requeste, qui tendist à sedition. & entre autres Cassius getta son fils hors la Tribune, & le fist mourir, pour auoir publié la loy
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des heritages, demeurans les huissiers, sergens, magistrats, & tout le peuple estonné, sans oser luy faire aucune resistence, encores que le peuple voulust à toute force qu’on publiait la loy. Qui monstre non seulement que celle puissance paternelle estoit comme sacree & inuiolable, ains aussi que le pere pouuoit à tort ou a droit disposer de la vie, & de la mort de ses enfans, sans que les magistrats en peussent prendre cognoissance. Car combien que le Tribun Pomponius[*]( Valer.Max.lib.4.) eust chargé Torquat enuers le peuple de plusieurs chefs d'accusation, & entre autres qu’il greuoit par trop son fils à cultiuer la terre: si est-ce neantmoins, que le fils mesine alla trouuer le Tribun en son lict, & luy mettant la dague fus la gorge, luy fist iurer, qu’il se desisteroit de la poursuitte, qu’il faisoit contre son pere. Le Tribun priale peuple de l’excuser pour le ferment qu’il auoit fait. le peuple ne voulut point qu’on passast outre. Par ces deux exemples on peut iuger, que les Romains faisoient plus d’estat de la puissance paternelle que des loixmefmes qu’ils appelloient sacrees, par lesquelles la teste de celuy estoit voüee à luppiter, qui auroit seulement attenté de toucher[*]( Dionys.Halicat.lib.7.& Liuius lib 3.) au Tribun pour l’offenser. Car ils tenoient, que la iuftice domestique, & puissance paternelle, estoit vn tresseur fondement des loix de l’honneur, de la vertu, & de toute pieté. Aussi nous trouuons les rares & beaux exemples de pieté enuers les peres & meres en la Republique Romaine, qui ne se trouuent point ailleurs. i'en ay marqué vn entre mil, i’en mettray encores vn autre, que tous les peintres du mondeont prins pour embellir leur science, c’est à sçauoir, de la fille, qui allait toit le pere condamné à mourir de l'ancienne peine ordinaire de famine, qui ne souffix iamais [*]( Plin.lib.) l’homme sain passer le septiesme iour: le geolier ayant espié ceft acte de pieté, en auertit les magistrats, & le fait estant rapporté au peuple ,la fille obtint la grace pour la vie dupere. combien queles bestes sans raison nous enseignent assez ce deuoir naturel, tesmoing la Cicogne, que la langue saincte, qui nomme les choses selon leur proprieté cachee, appelle Chasida, c’est à dire, debonaire & charitable, d autant qu’elle nourrist ses pere & mere en vieillesse. Et combien que le pere soit tenu d’enseigner & inftruire ses enfans, mesmement en la crainte de Dieu, si est-ce neantmoins s’il n’a fait son debuoir. l’enfant n’est pas excusé du sien, quoy que Solon par ses loix eust acquité les enfans de nourrir leurs peres, s’ils ne leurs auoient apprins vn mestier pour gaigner leur vie. Il n’est p as besoin d’entrer en ceste dispute, ou il est principalement questio de la puissance paternelle, de laquelle l’vn des plus grands biens, qui en resultoit, anciennement estoit la droite nourriture des enfans. Car la iuftice publique ne prend iamais cognoissance du mespris, desobeissance, &irreuerence des enfans enuers le pere & mere, ny pareillement desvices, que la licence desbordee apporte à la ieunesse en excez d’habits, d'yurongnie, paillardise, jeux de hazard, ny mesmes de plusieurs crimes fugets à la iurisdidtion publique, que les pauures parens n’osent dé- DON'T KNOW WHERE NOTE 6 GOES: [*](Leuitici.II.Iob.19 HEBREW TEXT pia misericords.)
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couurir, & neantmoins la puissance de les punir leur est ostee: car les enfans n’ayans aucune craincte des parens, & de Dieu encores moins, se garentiront assez des magistrats, la pluspart desquels ne punist ordinairement que les belistres. Or est il impossible que la Republique vaille rien, si les familles qui font les pilliers d’icelle, sont mal fondez. Dauantage tous les procez, querelles, & differens, qui font ordinaires entre les freres & seurs, estoient tous estaincts, & assopis, tant quele pere viuoit, car les mariages ne luy oftoiet point la puissance, & encores qu’il l’eust emancipé, ceux qui se marioient, & sorroient de sa maison pour tenir mesnage à part, ce qu’ils ne faisoient pas aysément, neantmoins la reuerence, & craincte du pere leur demeuroit tousiours. C’est vne des causes principales d’où viennent tant de proces: car on ne voit les magistrats empesehez, qu’à vuider ceux qui se prouignent, non seulement entre le mari, & la femme, ains aussi entre les freres, & seurs, & qui plus est entre les peres, & les enfans. Or la puissance paternelle estant peu à peu lachee fus le declin de l’Empire Romain, aussi tost apres seuanouit l’ancienne vertu, & toute la splendeur de leur Republique, & au lieu de pieté, & de bonnes meurs, il s'en ensuiuit vn million de vices, & de mechancetez. Car la puissance patern elle de la vie, & de la mort, fut ostee peu à peu par l’ambition des magistrats, pour attirer tout à leur cognoissance, & cela aduint apres la mort d’Auguste, depuis lequel temps on n'estoit quasi empesché qu’à punir les parricides: comme nous lisons en Seneque, [*]( lib.I.de clementia.) lequel adressant sa parole à Neron. On a plus veu, dit-il, punir de Parricides en cinq ans soubs le regne de vostre pere, que iamais on n’auoit veu depuis la fondation de Rome. Or il est bien certain que pour vn Parricide qu’on punist, il s'en commet dix, estant la vie du pere, & de la mere exposee a mil mors., si la bonté de nature, & la crainte de Dieu ne retient les enfans. Et né se faut pas esmerueiller si Neron ne fist point de conscience de tuer, ny de repentence d’auoir tué sa mere, car c’estoit alors vn crime tout commun. mais Seneque ne dit pas la cause, c'est à sçauoir, qu’il falloit[*](l.inauditum.ad l. cornel.de sicat.) que le pere pour chastier l'enfant, allast au magistrat l'acculer, ce que iamais les anciens Romains n’auoient souffert. Et mesme le Senateur Fuluius du temps de Ciceron, fist mourir son fils, pour auoir eu part à la coniuration de Catilina, de sa pleine puissance. [*]( Salust in bello Catilin.)& encores du temps d’Auguste, le Senateur Tarius fist le procez à son fils d'vn crime capital, &appella Auguste pour venir en se m aison luy donner conseil, en qualité de particulier, & ne se mit pas, dit Seneque, en la place du luge. Aussi voyons nous que par la loy Pompeia[*]( l.I.ad l.Pompeiam.) des Parricides, tous les parens font comprins soubs la peine de la loy horsmis le pere: mais il apert assez que du temps d’Vlpian, & de Paul lurisconsultes, les peres n'auoient plus telle puissance de la vie & de la mort: car l’vn [*]( l.inauditum.ad l.cor de sicar.) dit que le pere doibt accuser le fils deuant le magistrat: l’autre que les enfans n'ont que plaindre, si le pere les desherite, attendu qu’ils pou-
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uoient anciennement, [*]( l. in suis de liberis & postliu.) dit-il les mettre a mort, l’vn l'autre fut du temps de l’Empereur Alexandre: neantmoins il ne se trouue point de loy qui ayt osté la puissance de la vie & de la mort aux peres, iusques à Constantin le grand, [*]( l.I de emendat. propinq.C.) encores sa loy n’est pas derogatoire en termes exprès. mesmes Diocletian[*](l. si filius de patria pot.C.) peu d’annees auparavant Connstantin dit que le luge doibt donner la sentence contre le fils telle que le pere voudra. Or est il certain en termes de droit [*]( l.2.quae sic longa consuet.C.) que la coustume pour inueteree quelle soit, ne peut oster l’effect de la loy, s'il n’y a loy contraire portant derogation expresse: & se peut tousiours l'ancienne loy ramener en vsage. Depuis que les enfans eurent gaigné ce poinct par la souffrance des peres, de s'exempter de leur puissance ab solue ils obtindrent aussi du mesme Empereur, que la proprieté des biens maternels leur demeureroit: [*]( l.I. de boins maternis.C.) & puis soubs l’Empire de Theodose le ieune, ils arrachcrent vn autre edict pour tous biens generalement, qu’ils pourroient acquerir en quelque sorte que ce fust:, demeurant feulement l’vsusruidt aux peres[*]( l.cum oportet de bonis quae liberis.) qui ne pourroient aliener la proprieté, ny en disposer en forte quelconque, encores n’ont ils propriété ny vsufruict en pays coustumier, ce qui a tellement enflé le cueur des enfans, que bien souuent ils commandent aux peres, qui font contraints d'obeir à leurs volontez, ou mourir de faim. Et au lieu de restraindre la licence des enfans, de entretenir en quelque degré la puissance paternelle, Iuftinian n’a pas voulu que le pere peust emanciper ses enfans sans leur consentement[*](l.iubemus. de emancipat.C. Nonel.quibus modis naturales.§. generaliter collat.7.l.cum in adoptiuius.§.I. de adopt.C.): c’est à dire, sans leur faire quelque auantage, au lieu que l’emancipation estoit anciennement le tesmoignage,loyer de l’obeissancè filiale, mais après auoir perdu la dignité paternelle, les enfans commencerent à trafiquer auec les peres pour les emancipations, en forte que les dos faicts par le pere aux enfans, pour auoir quelque estat, ou office, leur demeuroient en pur gain, [*]( l.I.§.nec castrense de collar.bon l I. de castrensi pecul.C.l. foril. aduocati. de aducatis diuer. iudicior.C.l. sine emancipatus.C. Alexand. consil 142. lib. 2.) & ce qu’ils donnoient en les emancipant, ne leur estoit precompté en auancement de droit successis, si l’acte d'emancipation[*]( l.si quando §. generaliter.de inos.te.C l peto de legat.5. l.etiam.§. si debit. de bon liber.&.l.si non de officiae.C.) ne le portoit. qui se pratique encores auiourd’huy en tous les pays de droit escrit. & si le fils est riche par son industrie, ou autrement, il se fait emanciper par le pere en luy donnant quelque chose, qu iluy est compté pour droit de legitime[*](l.I.§. si parens. si cuis å parente manu.), auenant la mort du fils deuant le pere, encores qu’il ne soit dict par l’acte d’emancipation, ou mesmes qu’il fust dict que c’est pour recompense de l’emancipation, cela neantmoins luy tient lieu de legitime[*](sic definit Bald. in l. illud de collat. & Iacob arena in l. vt lib. eod. C. & Oldrad. & Nicol. demat eod. Iacob. Butrig. in l. scrimus de inoffi test. C. Alexand consil. 242 lib 2.): tellement que le pere est en danger de mourir de faim, s'il n’a autres moyens, combien que l'equité narurelle veut que la raison soit reciproque[*](cum relatorum sit eadem ratio l. vlt de indicta viduit.C.l. vlt. de except.l.I.de consulib. authent.81.), quand ores le fils ne seroit en rien tenu au pere: de ils sont la condition du pere beaucoup pire que celle du fils: qui est tenu par toutes les loix diuines, de nourrir le pere tant qu’il viura: de le pere n’est tenu de nourrir le fils, mesme par l’ancienne loy de Romule, que iusques à sept ans. Auec toutes ces indignitez encores Iustinian a exempté touts les
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Patrices, Euesques, & Consuls de la puissance paternelle qui leur restoit: de en cas pareil ceux qui entrent es monasteres [*]( Accurs. in l. si ex causa § Papin. de minor. Bart.Angel.Alexand. ad Bart. notas. Ludo.Bolognia. in authent. ingreti Alberic.eod.Alexand.Iaso. Roman. in l. sub conditione. de liber & post)& en pays coustumier, outre ce que i'ay dit, on a exempté les mariez, de ceux qui ont esté dix ans absens hors la maison du pere.. qui a fait que les Iuris consultes Italiens[*]( Accurs in tit. de parria pot. §. vlt. in instit. Bal. in c.I. §. si dono. de matr. de nono benefi.) ont escrit, que les François ne sont point en la puissance du pere: comme à la verité il n’en reste qu'vne ombre imaginaire, quand le pere autorise ses enfans pour les actes legitimes, ou pour les rerraicts feodaux, & lignagers, de ce que le pere a vedu: ou pour apprehender vne succession doubteuse: alors le pere emancipé son fils. Et combien que Philippe de Valois emancipa[*]( anno 1331. Februar.17.) son fils Ican, pour luy donner le Duché de Normandie: neantmoins l'emancipation ne seruoitde rien, non plus que celles qu’on fait ordinairement, veu que le donateur, ny le donataire, ny la chose donnee n’estoient tenus en rien qui soit du droit escrit, & que les peres en pays costumier n'ont rien es biens des enfans. Apres auoir ainsi despouillé les peres de la puissance paternelle, & des biens acquis à leurs enfans, on est venu à demander si le fils se peut defendre, & repousser la force iniuste du pere par force: & s'en est trouué [*]( Bart. in l.vlt.vim de instit.ff.) qui ont tenu l’affirmatiue: comme fil n’y auoit point de difference entre celuy qui a commandement, de chastiment sur autruy, & celuy qui n’en a point. Et fil est ainsi que le soldat qui auoit seulement rompu le baston de vigne[*]( Vitibus fieribam hic milites. Plin lib. 12.) de son capitaine, quand il frapoit à tort ou à droit, estoit mis à mort par la loy[*]( l.omnis de re milit.) des armes, que merite le fils qui met la main sus le pere? On a passé plus outre, car on a bien ose penser, voire escrire, de mettre en lumiere, que le fils peut tuer le pere, s'il est ennemi de la Republique: ce que iene toucherois, si les plus estimez ne lauoient ainsi resolu. [*]( Bart. in l. si adulterium. §. liberto. de adult. Angel.Aretin. & Imola in l. tritictum. de verb. oblig. Salicet in l.I.de iis qui parentes. C ex l. minime. de religioso. Panormit. consilio. 104.lib.I.)le tiens que c’est vne impieté, non seulement de le faire, ains aussi de l’escrire: car c’est absoudre les parricides qui l’auront fait, de donner courage à ceux qui n’osoient le penser, & les inuiter ouuertement à commettre chose si detestable, soubs le voile de charité publique: mais disoit vn ancien autheur, [*]( Quintil.decl.286.) nullum tantum scelus à patre admitti potest quod sit parricidio vindicandum. O que de peres seroient ennemis de la Republique, si ces resolutions auoient lieu! Et qui est le pere qui pourroit en guerre ciuile eschaper les mains d’vn enfant parricide? car on sçait bien qu’en telles guerres, les plus foibles ont le tort, & que les plus forts declarent tousiours les autres ennemis de la patrie. Et hors la guerre ciuile, celuy est [*]( l I. ad l.Iul.maiestat.) ennemi de la Republique, non seulement qui a donné conseil, confort de ay de aux ennemis, ains aussi qui leur a presté, ou vendu bien cher des armes, ou des viures. Et mesmes par les ordonnances d’Angleterre publiees l’an M. D. LXIII. ay der aux ennemis en quelque sorte que ce soit, est appellé crime de haulte trahison. Et toutefois ces maiftres d’eschole, n’en font point distinction. Or il est aduenu de ces resolutions, ce que la posterité ne croira pas, que vn banni de Venize ayant apporté la teste de son pere banni comme luy,
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demanda le retour en son pays, biens & honneurs, suyuant l’ordonnance[*]( iu statutis Venet. & edicto Mediolani anno.1564. Augusto Mense.) de Venise pratiquée presque en toute l’Italie: & obtint loyer de son execrable desloyauté. Il vaudroit peut estre mieux que leur cité fust abysmee qu’vn tel cas fust aduenu. Le Roy de France receut en bonne part l'exeuse de Maximilian Roy de Boheme, l'an M. D. LVII. de ce qu’il auoit refusé faufeonduit au Duc de Wittemberg pour les Ambassadeurs de France, confessant que c'estoit enfraindre le droit des gens: neantmoins il dist qu’il n’osoit desobeir à son pere. Et s’il est licite de violer le droit des gens pour obeir au pere en si peu de chose, quelle raison., quel argument pourroit on trouuer. quel qu’il fust, d’attenter à la vie du pere? Et combien que tel parricide soit fort detestable, si est- il encores plus pernicieux pour la consequence. car puisque on donne loyer à celuy qui tue son pere pour quelque couleur que ce soit, qui est celuy qui fera asseuré des freres, & proches parens! Et de fait il est aduenu l’an M. D. LXIV., que Sampetre Corse fut tué par son cousin germain, qui eut dix mil escus pour le taillom qui auoit esté leué, par ordonnancè de la seigneurie de Genes. il estoit bien plus expedient de fuiure Ciceron, lequel n’a pas seulement voulu coucher par escrit les mesmes questions formees par deux anciens Philosophes Antio que & Antipater, ains les a euitees comme vn precipice haut & glissant. Ioint aussi que la loy[*]( l.non omnes de re militari.) resiste formellement & defend de permettre aucun loyer au banni, pour tuer les brigans, encores que l’Emperenr Adrian fust bien d’auis qu’on pardonnait la faute au banni, ie di donc qu’il est bien expedient, que les Princes & legislateurs remettent. fus les anciennes loix, touchant la puissance des peres sur les enfans qu’ils se reglent selon la loy de Dieu: soient enfans legitimes, ou naturels, ou l’vn & l’autre ensemble, pourueu qu’ils ne soient point conceus par inceste., que les loix diuines & humaines ont tousiours eu en abomination. [*]( l. humilem & authent. ex complexu. de incestis & inutilib.C.Bart. in l. suggestio. de verb. fig. C. Alexand. consil. 60. lib.2. Guido Papus quaest. de l. 580. Astic. decis. 165. Bart. in l. si vt proponis. de dignit.) Mais on dira, peut estre, qu’il y a danger que le pere furieux, ou prodigue abuse de la vie, & des biens de ses enfans. Ie responds que les loix ont pourueu de curateurs à telles gens, & leur ont osté la puissance sur autruy, attendu qu’ils ne l’ont pas sur eux-mesmes. Si le pere n’est point insensé, iamais il ne luy aduiendra de tuer son enfant sans cause. & si l’enfant l'a merité, les magistrats ne s'en doiuent point mesler. car l’affection & amour est si grande des pere & mere enuers les enfans, que la [*]( l. cum futiosus de curat.furi.C.l.vlt.famil.ercise.) loy n’a iamais presumé qu’ils sacent rien qu’au profit & honneur des enfans: & que toute suspicion de fraude [*]( l.si tutor. de interdicto matri. C.l.si vero §. penul. de adopt.l non solum.§.de vno. de ritu nupt. 2.l.I ad l. Pompeiam.)cesse pour le regard des peres enuers leurs enfans. Et qui plus est ils oublient souuent tout droit diuin & humain pour les faire grands à tort ou à droit. Et pour ceste cause, le pere ayant tué son fils, n’est point fuget à la peine des parricides: car la loy n’a pas presumé qu’il voulust faire sans bonne & iuste cause: & luy a donné priuatiuement[*]( l marito.ad l. Iul. de adult ff.) à tous autres, puissance de tuer l’adultere, & sa fille trouuez sus le fait. Qui font tous argumens necessaires, pour monstrer qu’il ne faut pas craindre que les peres abusent de leur puissance, Mais
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on repliquera, qu’il s'en est trouué, qui en ont abusé: soit, ie dy neantmoins, que iamais sage legislateur ne laissa à faire vne bonne loy, pour les inconueniens, qui aduiennent peu [*]( l.3.4.5.de leg. ff.) souuent. Et où fut oneques loy si iuste, si naturelle, si necessaire., qui ne fust sugette à plusieurs inconueniens? & qui voudroit arracher toutes les loix, pour les absurditez qui en resultent, il n‘en demeureroit [*]( Cato in oratione pro lege Oppiaapud Liuium lib.35.)pas vne. Brief ie dy, que l'amour naturel des pere & mere enuers leurs enfans, est impossible, & incompatible auec la cruauté, & que le plus grand tourment, que peut endurer vn pere, c’est d’auoir tué son fils: comme de fait il est aduenu de nostre memoire au pays d'Anjou, qu’vn pere ayant, sans y penser, tué son fils d’vne mote de terre, se perdit à l’heure mesme, encores que personne n’en sceust rien. Aussi les [*]( diodor.)Ægyptiens, pour toute peine qu’ils ordonnoient au pere, qui auoit tué son enfant à tort & sans cause., c’estoit, de le enfermer trois iours aupres du corps mort, car ils tenoient pour chose detestable, que pour la mort du fils on ostast la vie au pere, duquel il tenoit la sienne. Encores peut on dire, que si les peres auoient la puissance de la vie & de la mort fus leurs enfans, qu’ils pourroient les coatraindre à faire chose contre la Republique. Ieresponds., que cela n’est pas à prefumer: & toutefois quand bien il seroit ainsi, les [*]( l.ille à quo §.vlt. ad Trebel.) loix y ont sagement pourueu, ayant de tout temps exempté les enfans de la puissance des peres, en ce qui touche le public: comme aussi fist bien entendre Fabius Gurgés: car estant ConsuI, & voyant, que son pere venoit à luy monté lcheual, il commanda à vn huissier de le faire descendre, qui le trouua fore bon, faisant honneur à son fils, & le caressant, pour auoir bien entendu sa charge. Et tant s'en faut, que les sages peres vouluffent rien commander à leurs enfans, qui portast coup au bien public, que mesmes il s'en est trouué, qui les ont fait mourir, pour auoir contreuenu aux loix publiques: corne fist Brutus ses deux enfans, &Torquat le Consul, qui fist triompher son fils en son camp, pour auoir vaincu son ennemi au combat, & puis luy fist trancher la teste, pour auoir combatu contre sa defense, fuiuant la loy des[*]( l.3.de te milit.ff.) armes. Il y a encores vne obietion pour le regard des biens des enfans, s’ils estoient en la pleine disposition des peres, ils pourroient sans cause desheriter les vns, & enrichir les autres. le responds, que les loix y ont aussi pourueu, faisant ouuerture de la iuftice aux enfans desheritez sans [*]( Noudl.vt cum de appellatione. 5.causas.)cause. combien que l’ancienne façon des Romains estoit encores plus loüable, de ne receuoir iamais l’enfant a debatre la volonté du pere, par voye d'action, ains seulement [*]( toto tit. de inoff. testam.)par voye de requeste, & parlant du pere dsfunct en toute humilité., honneur, & reuerence: laissant le tout à la discretion & religion des iuges. mais depuis que les Preteurs, qui ne pouuoient donner les successions, donnerent la possession des biens qui valoit[*]( l.I.de bonor.possess.) autant, & qu’on les eut attachez à certaines legitimes, & ordonnances testamemtaires, aussi tost on apperceut la defobeissance & rebellion des enfans, qui fut la seule[*]( Plutar.in Lycurg.) cause, que l’vn des
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Ephorcs publia la loy testamcntaire en Lacedemonne, a ce qu'il fuit des lors en auant permis à chacun de faire heritier qu’il voudroit, n’ayant autre occasion que. l’arrogance de son fils, auquel la succession du pere ne, pouuoit fuir parla coustume du pays. O que si cela auoit lieu partout, qu’on verroit les enfans obeissans, & seruiables aux pere & mere: & combien ils auroient peur de les offenser. Mais affin de trancher la racine à. tous les arguments qu'on peut faire, nous auons la loy de Dieu expresse, qui pour le moins nous garentira de tous inconueniens, pour le regard de la puissance de la vie & de la mort, donnée aux pere & mere fus leurs enfans, encores que les biens fussent en la disposition de la[*]( Numeri 23.) loy. Nous auons dit, que la puissance paternelle s'estend aussi enuers les enfans adoptez: & combien que le droict des adoptions estant decheu peu à peu, soit presque estaint, par le moyen des loix de Iuftiniam, lequel voulant retrancher les abus qui s'y commettoient, l’a presque aneantie neantmoins il est bien certain, que c’est vn ancien droit, & commun à tous les peuples, & de grade consequence à toutes Républiques. Nous voyons les plus anciens peuples l’auoir eu en singuliere recommandation mesme Iacob [*]( Genes.vlt.) adopta Ephraim & Manassé fils de Iofcph, encores qu’il eust douze enfans viuans, qui en auoient plusieurs autres, & leur donna parc & portion des acquests par luy faits. Et quant aux Ægyptiens, nous en auons l’exemple de Moyse., qui fut adopté [*]( Exodi I.) comme fils de Roy. Nous voyons aussi Thesee auoir esté adopté solennellement par Ægeus, Roy d’Athenes, le faisant son successeur en i’estat: vray est qu’il estoit son fils[*]( Plutar. in Thes.) naturel. & depuis ce temps là, tous les Atheniens quiauoient enfans naturels des femmes d’Athenes, furent contraints les adopter, & les faire enregistrer comme enfans legitimes, & leur laisser leur part & portion des biens comme aux autres, ainsi que nous lisons[*]( Demosthen. contra Boeotum. Spudiam, Phoenippum, Macurtatum, Leocharem.) és plaidoyez des dix orateurs. car ils n’appelloient bastard, [*]( Nothum vocabant. Plutharan Themi.& Pericle.) que celuy qui estoit né de pere, ou de mere estrangere, ores qu’elle fust femme d’honneur. comme aussi tous les peuples d'Orient ne faisoient point ou peu de difference entre les enfans naturels, & legitimes, ainsi que nous voyons les enfans des chambrieres de Iacob auoir esté en pareil degré de biens, & d’honneurs que les autres légitimes. & mesme Diodore[*]( lib.2.c.3.) escrit que les enfans des Ægyptiens conceus des esclaues, auoient autant de prerogatiue que les autres. car il leur estoirt permis[*]( Herodot.lib.3.) d'auoir tant de femmes qu’ils vouloient. comme aux Perses[*]( Herod.lib.3.Iustin.lib.4.Tertul.lib.ad vxorem.) & à tous les peuples de la haute Asie: coustume que iis ont encores à present, & presque en toute l’Afrique: & n’y auoit, die Tacite, de tous les Barbares, que les peuples d’Alemagne, qui n’auoient que chacun vne femme. Nous auons rendu la raison en la methode des [*]( cap.6.)histoires. Il falloit donc par consequent, que tous les enfans d’vn mesme pere, fussent en sa puissance, soit qu’ils fussent adoptez ou non. Mais les Romains ne faisoient ny mise, ny recepte anciennement des enfans naturels, non plus que d’estrangers, qui ne leur eussent en rien touché
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comme dit [*]( Constitut. Nouel. 89.) Iustinian, & n'estoient point tenus l'es adopter, comme les Athéniens, aussi n’auoient ils aucune puissance sur eux: & n’estoient tenus de rien leur laisser, & mesmes Constantin5 [*]( I.1. de natural. Liber. C.) le défendit. mais Arcadius & Theodose le ieune modererent 6 [*]( I.2. & 3. Ead. Nouel. 89.) la rigueur des loix: & depuis Zenon7 [*]( I.4. de natura. Liber. C.) l’Empereur ordonna, qu’ils seroient reputez legitimes, par mariage du perc auec leur mere. Et qui plus est, Anastase auoit ordonné, que tous bastards seroient reputez légitimés par adoption: mais Iustin & Iustinian casserent l’edict: & fermèrent la porte aux bastards, affin qu’vn chacun pensast d’auoir femmes & enfans légitimés: & que les anciennes familles, & droits des successions ne fussent àlterez, & troublez parles bastars: demeurant encores neantmoins le droit des adoptions, qui a esté receu pour supployer le défaut de nature: & duquel lès ânciéns Romains ont tant fait d’estime, que les peres ad optifs auoient mesme puissance de la vie & de la mort8 [*]( Ge. Lib. 5. C. 19.) sus les enfans adoptez, comme fus leurs propres enfans: qui estoit la vraye causè, pour laquelle les femmes ne pouuoient adopter, iusques à l'edict publié par Diocletiân.9 [*]( Fallit Gellius libr. 5. Cap. 19. Qui putat, adoptare non potuisse: quia commitiis interesse non liceret. Nam adoptio sine commitio siebat.) attendu que elles estoient1 en la puissànce perpetuelle des maris, ou parens: comme aussi en Grece il ne leur estoit permis d’adopter, comme dit l’Orateur 2 [*]( Isaeus, GREEK TEXT.) Isæus. Estant donc le droit des adoptions annobly par les Romains, & mesmes alors qu’ils auoient estendu les frontières de leur Empire plus que iamais, tous les autres peuples en firent d’autânt plus d’estime, & iusques aux Goths, Alemans, François, Saliens, comme nous voyons aux loix des Ripuaires, ou ils vsent du mot adfatinir, pour adopter: tenans les enfans adoptez en mesme degré, que les enfans propres au droit des successions, suyuânt le droit [*]( I. vlt. De adopt. C. §. Sed ea. In Instit. De heteditat. Que ab intestato. I. sit e parens. De suis. & legit. C. I. poenae. §. & si quidem. De adopt. C.) commun, qui les repute comme héritiers [*]( in I. arrogato. § vlt. De adopt. I. certam. De iniusto rupto. I.1. §. Intestatorum. De hereditat. Quae ab intestat. institut.) siéns. Aussi lisons nous en Cassiodore, quê Theodorich, Roy dès Goths, adopta le Roy des Herules: & [*]( Paul. Diacon. Lib. Sexto, de gestis longobard.) Luitprand, Roy des Lombards, adopta le fils de Charles Prince de France, en luy coupant les cheueux, encores qu’il eust d’autres enfans: comme fist Micipsa Roy des Numides, adoptant Iugurtha, encores qu’il eust deux enfans légitimés, laissant à tous trois son Royaume par egales portions. Mais la premiere occasion des adoptions fut prise pour le défaut d’enfans, ou pour le moins d’enfans masles: comrne Scipion l’aisné n’ayant qu’vne fille, adopta le ieune Scipion fils de PaulÆmil, le faisant héritier de son bien, & de son nom: & Cesar le Dictateur n’ayant eu qu'vne fille, adopta son neueu, le faisant aussi héritier pour trois quarts, à la charge de porter son nom: car celuÿ du pere propre estoit diminué, & mis apres le nom du pere adoptif. & Auguste par faute d’hoirs procreez deson corps, adopta Caius, & Lucius, enfans de sa fille, dedans sa maison, les acheptant de leur pere Agrippa, suyuant la forme ancienne, & depuis leur mort adopta Tibere: & cestuycy Caligula: & Claude adopta Néron: auquel succedant Galba sans enfans, 6 [*]( Tranquil in Galba.) adopta Pison deuant son armee: coustume qui depuis fut gardée en l’adoption de l’Empereur Aurelian: [*]( Vopiscus in Aureliano.) & que l’Empereur Iustinian voulut
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pratiquer en l’adoption de Cosroe, Roy de Perse, qui le refusa, ayant sceu, que par cemoyen il ne pourroit estre Empereur, comme dit Procope. Aussi lisons nous que l’Empereur Nerua par faute d’enfans adopta Traian, cestuycy Adrian, qui depuis adopta Antonin le Piteux, & ne se contenta pas d’auoir adopté vn si homme de bien, ains aussi le chargea d’adopter de son viuânt Ælius Verus, & Marc Aurele sur nommé le Philosophe. affin que l'Empire n’eust faute d’Empereurs les plus vertueux qui furent onques. mais ce dernier ayant eu vn fils le plus vicieux qu’il estoit possible, laissa vn tresmauuais successeur, & en eust adopté vn, comme il en auoit grand vouloir, si ses amis ne l’eu eussent destourné: car ce n’estoit pas la coustume en Rome d’adopter, si on auoit enfans: & pour ceste causè fut blasmé Claude l’Empereur d’auoir adopté Néron, fils de sa sécondé femme, ayant fils & fille du premier lict: qui furent tuez par Néron. Mais fans vser d’exemples des estranges, qui sont infinis, nous auons l’adoption de Loys de France Duc d’Anjou, par Anne la Louuette, Royne de Naples & de Sicile à faute d’hoirs apres [*]( Anthonin. Chroni. Tit. 22.) auoir regetté comme ingrat son neueu Alphons, Roy d’Aragon, qu’elle auoit auparauant adopté, & du consentement du [*]( Martin. V.) Pape, seigneur souuerain de Naples & de Sicile: & depuis René d’Anjou son arrière neueu fut aussi adopté par Ieanne la ieune, aussî Royne de Naples, à faute d‘enfans, & quasi au mesme temps, c’eft à dire, l'an m. cccc. viii. Henri, Duc de Pomeran, fut adopté par Marguerite de V volmar Royne de Dânnemarc, Noruege, 2 [*]( Aeneas Syluius in Europa. Cap. 33.) & Suede, pour successeur esdits Royaumes: & tost après Henry cinquiesme, Roy d’Angleterre, fut adopté, non par Charle sîxiesme, qui estoit hors de son sens, mais par sa femme, qui fist par son nouueau gendre declarer Charle septiesme, son propre fils, incapable de là couronne: encores qu’il fust sage & vertueux Prince. Iustinian voulant remedier à tels abus, ordonna, [*]( I. cum in adoptiuis. C. de adopt.) que les enfans adoptez ne laisseroient pas de succeder à leurs propres parens, par ce que les peres adoptifs, pour peu d'occasion, chassoient les enfans adoptez, ausquels les peres propres n’auoient rien laisse pour l’esperance de la succession d’autruy: mais il fut mal conseillé d’oster la puissance paternelle, qui estoit la seule marque d’adoption, laquelle ostee, ne restoit plus rien. Or il estoit plus expedient de mettre au néant les adoptions, si le pere auoit des enfans naturels & légitimés, ou fil en auoit, ordonner que l’enfant adopté succederoit aux mesmes droicts, que l’enfant propre. nous auons bien retenu l’vn en ce Royaume, mais nous auons laissé l’autre: car nous ne soufrons2 [*]( Masuer. Tit. De probat. Vers. Item & si defunctus. Benedic. In cap. Raynutius in verbo & vxorem nu. 758 & 760. Faber in §.1. de adopt institut.) pas, que les enfans adoptez succedent en rien qui soit auec les enfans propres & légitimés, ce qu’on leur laisse à faute d’enfans, peut estre laissé à vn estranger: & le pere peut cependant tirer profit de l’adoption, dequoy se plaignoit de son temps Scipion l’African, en la harangue de sa censure qu’il fist au3 [*]( Gelli. Lib. 5. C. 19.) peuple. & depuis la publication de la loy Iulia
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Pappia, qui donnoit de grands priuileges à ceux, qui auoient des enfans: ceux, qui n’en auoient point, en adoptoient, pour auoir part aux magistrats, & après auoir eu ce qu’ils demandoient, iIs emancipoient [*]( Tacit. Lib. 1.) les enfans: comme au contraire Claudius estant nobIe, se fist adopter par vn roturier, 5 [*]( Cicero pro domo.) & quitta sa noblesse pour estre Tribun du peuple, & tost après se fist emanciper. c’est purquoy le Sénat Romain fit vn6 [*]( Tacit. Lib 1. I. nec ei. De adopt.) arrest, que les enfans adoptez ne iouyroient d’aucun priuilege des charges publiques, fust de tutelles, ou d’imposts. & depuis fut ordonné, qu’on ne pourroit par ce moyen obtenir [*]( I. 2. §. Adoptiui. De vacat munerum & §. 1. In institu. De excusat.) aucun office: ny empescher les substitutions faites à faute d'enfans: 8 [*]( I. fideicommissum de condit. & demon.) ny faire obtenir ce qui estoit laisse, ou pron is, au cas qu’on [*]( I. si ita quis §. si quis de lege. 2.) auroit enfans: ny casser les donations, qui sont reuoquees, quand le donateur a des enfans: 1 [*]( Castrens. In I. 2 si in fraudem patroni. C & consil. 433 lib. 1. ) ny faire, que les filles par la2 [*]( Bal. consil. 24. Lib. 1. & 102 lib. 4.) coustume soient èxcluses: ny que le3 [*]( I. vlt. De iis qui ven. Eta. C. I. fidei commissum de condi. & de. I. adoptions. De adopt. ff.) mot de fils simplement apposé aux loix, coustumes, & autres actes légitimés, signifie l’enfant adopté, toutes Iesquelles fraudes il est bon de retrancher, & non pas estaindre le droit des adoptions, & pour le moins laisser au pere adoptif la puissance paternelle, pour tenir en obeissance le fils adopté. Voila quant au sécond poinct de la famille touchant le gouuernement du pere enuers fès enfans: disons du troisîesme.