The six books of a common-weale

Jean Bodin

Bodin, Jean. Les six livres de la republique. Paris: Chez Iacques du Puys, Libraire iuré, à la Samaritaine, 1577.

Pvis qu’il n’y a rien plus grand en terre apres Dieu, que les Princes souuerains, & qu’ils sont establis de luy, comme ses liuetenans, pour commander aux autres hommes, il est besoin de prendre garde a leur qualite, afin de respecter, & reuerer leur majeste en toute obeissance, sentir & parler d’eux en tout honneur. car qui mesprise son Prince souuerain, il [*](I. Samuel 8.7. Exodi 22.28. Petri 2.17. ad Roman. 14. Timoth. 2. Hierem. 38. Ezechiel. 17) mesprise Dieu, duquel il est l’image en terre. C’eset pouruoy Dieu parlant a Samuel, auqel le peuple auoit demande vn autre Prince: C’eset moy, dit-il, a qui ilson fait iniure. Or afin qu’on puisse cognoistre celuy qui est tel, c’est a dire, Prince souuerain, il

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faut scauoir ses marques, qui ne soient point communes aux autres sugets: car si elles estoient communes, il n’i auroit point de Prince souuerain: & neantmoins ceux qui en ont mieux escrit n’ont pas escairci ce poinct comme il meritoit, soit par flaterie, soit par crainte, soit par hayne, soit par oubliance. Nous lisons que Samuel ayant sacre le roy que Dieu auoit esleu, fist vn liure des droits de la majeste: mais le Hebrieux ont escrit, que les Roys le suprimerent, afin d’exercer la tyrannie sur les sugets. En quoy Melanchton s’est mespris, qui a pense que les droits de la majeste, soient les abus, & tyrannies, que Samuel dist au peuple en sa harangue: Voulez vous scauoir, dit-il, la coustume des tyrans? cest de prendre les biens des sugets pour en disposer a leur plaisir, prendre leurs femmes & leurs enfans pour en abuser, & en faire leurs esclaues. Ie mot HEBREW TEXT ne signifie pas droits en ce lieu la, mais coustumes & facons de faire. autrement ce bon prince Samuel se fust dementi soymesme: car quand il rendit conte au peuple de la charge que Dieu luy auoit donnee, Qui est celuy, dit-il, d’entre vous, qui peut dire que iamais i’ay pris de luy or ou argent, ou present quelconque? alors tout le peuple luy donna ceste louange a haute voix, qu’il n’auoit iamais fait tort, ni rien pris de personne quel qu’il fust. Entre les Grecs il n’i en a pas vn qui en ait rien escrit, qui soit en lumiere, hormis Aristote, Polybe, & Denys d’Alycarnas: mais ils ont tranche si court, qu’on peut iuger a veue d’oeil, qu’ils n’estoient pas bien resolus de ceste question. Ie mettray les mots d’Aristote, Il y a, dit-il [*](lib.4.de Repub.), trois parties de la Republique: l’vne a prendre aduis & conseil: l’autre a establir officiers, & la charge d’vn chacun: & la troisiesme a faire iustice. il a entendu parler des droits de la majeste, encores qu’il die parties de la Republique: ou bien il faut confesser qu’il n’en a point parle, car il n’i a que cest endroit la. Polybe ne determine pas aussi les droits, & marques de souuerainete, mais il dit [*](lib.6. de domestica.q.3.Rom.disciplina.) parlant des Romains, que leur estat estoit mesle de puissance royale, de seigneurie Aristocratique, & de liberte populaire, veu, dit-il, que le peuple fait les loix & les officiers: & le Senat ordonne des pouinces, & de l’espargne, & recoit les Ambassades, & cognoist des plus grandes choses: les Consuls tiennent la prerogatiue d’honneur, en forme & qualite royale, mesmes en guerre, ou il sont tout-puissans. En quoy il appert qu’il a touche les principaux poincts de la souuerainete: puis qu’il dit, que ceux qui les ont tiennent la souuerainete [*](lib.4.&7.). Denys d’Alycarnas semble auoir mieux escrit, & plus clairement que les autres. Car il dit que le Roy Seruius pour oster la puissance au Senat, donna pouuoir au peuple de faire la loy, & la casser: decerner la guerre, & la paix: instituer, & destituer les officiers: & cognoistre des appellations de tous les magistrats. & en autre lieu parlant du toisiesme trouble aduenu en Rome entre la Noblesse & le peuple, il dit, quele Consul M. Valerius remonstra au peuple, qu’il se deuoit contenter d’auoir la puissance de faire les loix, les officiers, &
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le dernier ressort: & quant au reste, qu’il appartenoit au Senat. Depuis les Iurisconsultes ont amplifie ces droits, & les derniers beaucoup plus que les premiers aux traitez qu’ils appellent Droits de regales: qu’ils ont rempli d’vne infinite de particularitez qui sont communes aux Ducs, Comtes, Barons, Euesques, officiers, & autres sugets des Princes souuerains: en sorte mesmes qu’ils [*](Castrens. consil. 196. lib.2. Decius consil. 191. nu. 1. Cur. iunior consil. 1. nu.29.& 30& consil.61.nu.8. Paris consil. 1.nu.25.lib.1.Bsius tit. de crim. maiestat. nu. 52. & in tit.de regal.nu.5. de ducib. Mediolani. Mantu. Ferrar. Sabaud. Socin. consil.4.lib.3. Iaso. consil. 227. lib.Cachertan. decis. pedemont.nu.1.) appellent les Ducs Princes souuerains, comme les Ducs de Milan, Mantoue, Ferrare, & Sauoye: voire iusques aux [*](Brunus de comitatu. Astensi post Bar. Bald. Angel. Castrens. Imol. Isernium, Cumanum, Alexandrum, Barbatiam.) Comtes: & tous sont en cest erreur: qui a bien grande apparence de verite. Et qui est celuy qui ne iugeroit souuerain, celuy qui donne loy a tous ses sugets: qui fait la paix & la guerre: qui pouruoit tous les officiers & Magistrats de son pays: qui leue les tailles, & afranchist qui bon luy semble: qui donne grace a celuy qui a merite la mort? qui peut on desirer d’auantage en vn Prince souuerain? ceux-ci ont toutes ces marques de souuerainete. Et neantoins nous auons monstre ci dessus, que les Ducs de Milan, de Sauoye, de Ferrare, de Florence, de Mantoue releuent de l’Empire: & la plus honorable qualite qu’ils prennent, c’eset de Princes, & Vicaires de l’Empire: nous auons monstre qu’ils ont les inuestitures de l’Empire: qu’ils prestent la foy & hommage a l’Empire: brief qu’ils sont naturels sugets de l’Empire, originaires des terres sugettes l’Empire: comment donc pourroient-ils estre absoluement souuerains? comment seroit souuerain celuy qui recognoist la iustice d’vn plus grand que luy? d’vn qui casse ses iugemens, qui corrige ses loix, qui le chastie s’il commet abus? nous aouons monstre que Galeace I. Vicomte de Milan fut accuse, attaint, conuaincu, & condamne de leze majeste par l’Empereur, pour auoir leue tailles sur les sugets, sans conge, & qu’il mourut prisonnier. Et si les vns par conge, les autres par souffrance, les autres par vsurpation entreprennent par dessus la puissance qu’ils ont, s’ensuit-il qu’ils soient souuerains, veu qu’ils se confessent Vicaires & Princes de l’Empire? il faudroit donc rayer ceste qualite, & celle de Duc, & la qualite d’altesse, & se qualifier Roys, vser du tiltre de majeste: qui ne se peut faire sans desauouer l’Empire, comme fist Galuaigne Vicomte de Milan, qui en fut bien chastie. Nous auons aussi monstre, que par le traite de Constane, les villes de Lombardie demeurerent sugetes a l’Empire. Brief, nous auons monstre les absurditez intolerables qui s’en ensuiuroient, si les vassaux estoient souuerains, mesmement quand ils n’ont rien qui ne releue d’autruy: & que ce seroit egaler le seigneur & le suget, le maistre & le seruiteur, celuy qui donne la foy, auec celuy qui la recoit, celuy qui commande, auec celuy qui doit obeissance. Puis que cela est impossible, il faut bien conclure que les Ducs, Comtes, & tous ceux qui releuent d’autruy, ou qui recoiuent loy, ou commandement d’autruy, soit par force ou par obligation, ne sont pas souuerains. Nous ferons mesme iugement des plus grands Magistrats, Lieutenans generaux des Roys, Gouuerneurs, Regens, Dictateurs,
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quelque puissance qu’ils ayent, s’ils sont obligez aux loix, ressort, & commandement d’autruy, ils ne sont pas souuerains. Car il faut que les marques de souuerainete soient telles, qu’elles ne puissent conuenir qu’au Prince souuerain: autrement si elles sont communicables aux sugets, on ne peut dire que ce soient marques de souuerainete. Car tout ainsi qu’vne couronne pert son nom, si elle est ouuerte, & que lon en arrache les fleurons: aussi la majeste souueraine pert sa grandeur, si on y fait ouuerture, pour empieter quelque endroit d’icellle. C’est pourquoy a l’eschange fait entre le Roy Charles V. & le Roy de Nauarre des terres de Mante, & Meullan auec Montpellier, ou les droicts royaux sont articulez, il est dit appartenant au Roy seul & pour le tout: & par mesme raison tous son [*](Alexander in I. filiae quam pater de liber. & posthu. Cardinal. Flor.& Iaso in prooemio feudor. Martin laud. in cap. 1. qui feudum dare poss. Imol. in rubric. de verb. oblig. ) d’accord que les droicts royaux sont incessibles, inalienables, & qui ne peuuent par aucun trait de [*](Bald. consil. 274. lib.3. & consil.303. cod Claud. Aquens. in summa tit. qui feudum dare poss. limit.1.&12 Mol.tit. de feud.§.46..q 1 & 2. Magister Praeses tit. de regal.decis. 1.35. Baldus appellat sacra sacrorum in procoemio feudor. Cynus indiuisibilia in I. si viua matre de bonis mater. C. Bald. in authent. hoc amphus de fideicon.C.Angel. Bald. in 1. omnes. de praescript 30. vel 40. an. C Platea in I. si quis decurio. Felin. in rubr. ext. de praescript. Io. and . in cap vlt. de praebend. lib.6. Alexand consil.141. not.2.lib.1.) temps estre prescripts & s’il aduient au Prince souuerain de les communiquer au suget, il fera de son scruiteur, son compagnon: en quoy faisant il ne sera plus souuerai car souuerain (c’est a dire, celuy qui est par dessus tous les sugets) ne pourra conuenir a celuy qui a fait de son suget, son compagnon. Or tout ainsi que ce grand Dieu souuerain, ne peut faire vn Dieu pareil a luy, attendu q’il est infini, & qu’il ne se peut faire qu’il y ait deux choses infinies, par deomonstration naturelle & necessaire: aussi pouuons nous dire que le Prince que nous auons pose comme l’image de Dieu, ne peut faire vn suget egal a luy, que sa puissance ne soit aneantie. S’il est ainsi, il ‘ensuit que la marque de souuerainete, n’est pas de faire iusitce, par ce qu’elle est commune au Prince, & au suget: ny pareillement de instituer, ou destituer tous les officiers, par ce que le Prince & le suget ont ceste puissance, non seulement pour le regard des officiers seruants ou a la iusice, ou a la police, ou a la guerre, ou aux finances, ains aussi pour ceux qui commandent en paix, ou en guerre. car nous lisons que les Consuls anciennement faisoient les Tribuns militaires, qui estoient comme Marechaux en l’armee: & celuy qui s’appelloit Interrex faisoit le Dictateur: le Dictateur faisoit le Colonel des gens de cheual. & toute Republique, ou la Iustice est donnee auecques les fiefs, le seigneur feodal fait les officiers, & les peut destituer sans cause, s’ils n’ont eu les offices en recompense. Nous ferons mesme iugement des peines & loyers que les magistrats, & capitaines donnent a ceux qui l’ont merite, aussi bien que le Prince souuerain. Ce n’est donc pas marque de souuerainete, de donner loyer, ou peine a ceux qui l’ont merite, puis qu’il est commun au Prince & au Magistrat: ores que le Magistrat ait ce pouuoir du Prince. Aussi n’est-ce pas marque de souuerainete, de prendre conseil pour les affaires d’estat, qui est la propre charge du priue Conseil, ou Senat d’vne Republique, lequel est tousiours diuse de celuy qui est souuerain:
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& mesmes en l’estat populaire, ou la souuerainete gist en l’assemblee du peuple, tant s’en faut que le conseil des affaires soit propre au peuple, qu’il ne luy doibt point estre communique, comme nous dirons en son lieu. Ainsi peut on iuger qu’il n’y a pas vn seul poinct des trois que Aristote a posez, qui soit marque de souuerainete. Quant a ce que dit Denys d’Halicarnas, que M. Valerius en la harangue qu’il fist au peuple, pour appaiser les troubles, remonstra que le peuple se debuoit contenter d’auoir la puissance de faire les loix, & les magistrats. Ce n’est pas assez dit, pour faire entendre qui sont les marques de souuerainete: comme i’ay monstre cy dessus, touchant les magistrats. nous dirons le semblable de la loy, que le magistrat peut donner a ceux qui sont au ressort de sa iurisdiction, pourueu qu’il ne face rien contre les edicts & ordonnances de son Prince souuerain. Et pour esclaircir ce poinct, il faut presupposer que le mot de Loy sans dire autre chose, signifie le droict commandement de celuy ou ceux qui ont toute puissance par dessus les autres sans exception de personne: soit que le commandement touche tous les sugets en general, ou en particulier, hormis celuy ou ceux qui donnent la loy. combien qu’a parler plus proprement, Loy est le commandement du souuerain touchant tous les sugets en general, ou de choses generales: comme dit Feste [*](in verbo rogario, rogatio pluribusve, lex quod in omnes homines resve populus sciuit.) Pompee: comme priuilege pour quelques vns. mais si le conseil priue, ou le Senat d’vne Republique fait le commandement, cela s’appelle Senatus-consultum, ou aduis du conseil priue, ou ordonnance du Senat: Si le menu peuple faisoit quelque commandement, on l’appelloit plebiscitum [*](I.1.ad.I.aquil.ff.), c’est a dire commandement du menu peuple qui en fin fut appelle Loy, apres pluseiurs seditions entre la noblesse, & le menu peuple, pour lesquelles appaiser tout le peuple en l’assmblee des grands estats, a la requeste du Consul M. Horace, fist vne loy, que la noblesse & le Senat en general, & chacun du peuple en particulier, seroit tenu de garder les ordonnances que le menu peuple feroit sans y appeller, ny soufrir que la noblesse y eust voix. Et d’autant que la noblesse ny le Senat n’en tenoit compte, la mesme loy fut de rechef renouuelle, & republiee a la requeste de Quintus Hortensius, & de Philon Dictateurs & deslors en auant on ne dit plus, plebiscitum, ou ordonnance du menu peuple, mais on appella loy simplement ce qui estoit commande par le menu peuple: fust pour le public, ou bien pour vn particulier, ou que le menu peuple fust assemble pour donner iuges, ou mesmes pour iuger: cela s’appelloit loy. Quant aux commandemens des magistrats ils ne s’appelloient pas loix, ains seulemnt edits: Est enim edictum (disoit Varron) iussum magistratus. lequels commandemens n’obligent que ceux de sa iurisdiction, pourueu qu’ils ne soyent point contraires aux ordonnances des plus grands magistrats, ou bien aux loix & commandemens du prince souuerain: & n’ont force sinon pour tant & si lon-
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guement que le magistrat est en charge. & d’autant que tous magistrats estoient annuels en la Republique Romaine, les edits n’auoient force que pour cn an au plus. C’est pourquoy Ciceron accusant Verres disoit, qui plurimum edicto [*](In praeture vrbana.) tribunt, legem annuam appellant, tu plus edicto complecteris quam lege. Et par ce que l’Empereur Auguste ne [*](Tacit. princip. lib.1.) s’appelloit que Imperator, c’est a dire Capitaine en chef, & Tribun du peuple, il appelloit ses ordonnances edits, & celles que le peuple faisoit a sa requeste s’appelloient leges Juliae. les autres Empereurs vserent de ceste forme de parler: de sorte que le mot d’edict peu a peu s’est [*](I.1. de legib.) pris pour loy, quand il sortoit de la bouche de celuy qui auoit la puissance souueraine: fust pour tous, ou pour vn, ou que l’edict fust perpetuel, ou prouisionnal. Et par ainsi on abuse des mots, quand on appelle loy edict. mais en quelque sorte que ce soit, il n’y a que les Princes souuerains qui puissent donner loy a tous les sugets, sans exception, soit en general, soit en particulier. Mais on dira que le Senat Romain, auoit puissance de [*](I. non ambigitur. de legibus.) faire loy, & la plus part des grands affaires d’estat en paix ou en guerre, estoient en la puissance du Senat Romain. Nous dirons cy apres de la puissance du Senat, ou conseil priue d’vne Republique quel il doibt estre, & quel il a este en Rome mais en passant pour respondre a l’argument que i’ay fait, ie dy que le Senat Romain, depuis la fuite des Roys iusques aux Empereurs, n’a iamais eu puissance de faire loy, ains seulement quelques ordonnances, qui n’auoient force que pour vn an: mais le menu peuple n’y estoit point tenu: & moins encore les estats de tout le peuple. En quoy plusieurs se sont abusez, & mesmes Conan [*](lib. 2.) qui dit que le Senat auoit puissance de faire loy perpetuelle: car Denys d’Halicarnas [*](lib.4.cap.7.), qui auoit recueilli diligemment les memoires de Marc Varron, escript que les arrests du Senat n’auoient force aucune, si le peuple ne les auoit auctorisez, encores qu’ils fussent auctorisez s’ils n’estoient publiez en forme de lo y ils n’auoient force que pour vn an: non plus qu’en la ville d’Athenes, ou les arrests du Senat, estoient annuels, ainsi que dit Demosthene au plaidoye qu’il a fait contre Aristocrate & si l’affaire estoit de consequence, on la rapportoit au peuple, qui ordonnoit a son plaisir. quoy voyant Anacharsis, les sages, dit-il, proposent en Athenes, & les fols disposent. Et par ainsi le Senat ne faisoit que deliberer, & le peuple commandoit. ce qu’on voit a tout propos en Tite Liue, quand il vse de ces mots, SENATVS DECREVIT, POPVLVS IVSSIT. vray est que le magistrats, & mesmement les Tribuns passoient le plus souuent par souffrance ce que faisoit le Senat, si la chose ne portoit coup a la puissance du menu peuple, ou a la majeste des estats. ainsi parloient les anciens Romains, quad ils 0 disoient, Imperium in agistratibus, auctoritatem in Senatu, potestatem in plebe, majestatem in populo. car le mot de Majeste, est propre a celuy qui manie le tymon
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de la souuerainete. & combien que la loy Iulia de la majeste, faite par le peuple, ce requerant l’Empereur Auguste, tient pour [*](I. ad I. IuL maiestat.) coulpable de leze majeste celuy qui a frappe le magistrat en exercant son office, & qu’a tout propos on voit es [*](Liuius lib.7.&8.) histoires Latines, & mesmes es Iurisconsultes, majestatem Consulis, majestatem [*](I. Praetor ait de noui operis nunciationt.) praetoris: toutesfois c’est improbprement parle. Et par nos loix, & ordonnances, crime de leze majeste n’a lieu pour Duc, ny Prince, ny Magistrat quel qu’il soit, ainsfeulement pour le Prince souuerain. Et par l’ordonnace de Sigismond Roy de Pologne, faite l’an M.D.XXXVIII. il est porte, que le crime de leze majeste n’aura lieu hors sa personne: qui est suiuant la vraye, & propre signification de [*](I. vlt. ad I. Iul.ff.I. quisquis.eod C.) leze majeste. Et semble que pour ceste cause les Ducs de Saxe, Bauiere, Sauoye, Lorraine, Ferrare, Florence, Mantoue, ne mettent pas en leurs qualitez le mot de majeste, ains leur Altesse: & le Duc de Venize serenite: qui est (a parler proprement) vray Prince, c’est a dire le premeir, car il c’est a dire le premier, car il n’est rien que le premier des gentilshommes de Venize, & n’a que la conclusion quand il est question des voix, en quelque corps, ou college qu’il se mette. Et tout ainsi qu’a Rome les edits des Magistrats obligeoient vn chacun des particuliers, pourueu qu’ils ne fussent contraires aux arrests du Senat: & les arrests du Senat obligeoient les magistrats, s’ils n’estoient contraires aux ordonnances du menu peuple: & les ordonnances du menu peuple passoient par dessus les arrests du Senat: & la loy des estats de tout le peuple, estoit par dessus tous: ainsi a Venize, les ordonnances des magistrats, obligent chacun en particulier, pour le ressort, & iurisdiction de chacun magistrat: mais le corps & college des dix est par dessus les magistrats particuliers, & le Senat est par dessus les dix, & le grand conseil, qui est l’assemblee de tous les gentils-hommes de Venize au dessus de XX. ans, tient la souuerainete par dessus le Senat: de sorte que si les dix sont partis, ils appellent le conseil des sages, qui font XXXIJ. & s’ils ne se peuuent accorder, on assemble le Senat: & si la chose concerne les hauts poincts de la majeste, on assemble le grand conseil. Et par ainsi, quand les dix font vne ordonnance, il y a ces mots, IN CONSIGLIO DI DIECI. & si les sages y ont este, ils mettent CON LA GIVNTA. si l’ordonnance est du Senat, il y a IN PREGADI. si c’est de l’assemblee des gentils-hommes Venitiens, il y a IN CONSIGLIO MAGIORE. & en ces trois corps & colleges sont faites toutes leurs loix, & statuts: & les affaires ordinaires d’estat par les sept, qu’ils appellent la seignoire c’est donc par souffrance, que les dez, ou le Senat font ordonnances, & pour auoir este trouuees iustes & raisonnables, elles ont passe en force d loy, tout ainsi que les edits des anciens Preteurs Romains, s’ils estoient equitables, & iustes, les successeurs les tenoient: & par trait de temps ils estoient receus comme loix toutesfois il estoit rousiours en la puissance des nouueaux Preteurs d’en faire d’autres, & n’estoient point obli-
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gez à Ies garder. Mais Iulian lurisconsulte s'auisa de recueillir vn bon nombre de tels edits qu'il iugea les meilleurs, & apres les auoir interpre- tez, & redigez en quatre vingts dix liures, il en fist vn present à l’Empereur Adrian, lequel en recompense le fist grand Preuost de Rome, duquel le fils depuis fut Empereur: & fist que par arrest du Senat, ces edits là furent [*](l 2.de veteri Iure enuclean.C.) homologuez, y adioustant son auctorité pour les faire valoir en force de loix: & neantmoins le nom d’edits demeura. ce qui en a deceu plu- sieurs, qui ont pris tels edits pour ordonnances des Preteurs. Iustinian a fait quasi le semblable des edits recueillis, & interpretez par les autres Iu- risconsultes; & en a homologué ce [*](In prooemi.pandectarum.) qu'il luy a pleu, & regetté le reste, demeurant tousiours Ie mot dedit. mais ce n’est rien moins que edict: non plus que si vn Prince souuerain homologoit les consultations de Bartole, ou les ordonnances de ses magistrats. comme il s'est fait plusieurs fois en ce royaume, quand les Roys ont veu plusieurs ordonnances, & arrests du Parlement tresequitables, & iustes, ils les ont homoluguees, fait publier, & passer en force de loix, pour monstrer que la puissance de la loy gist en celuy qui a la souueraineté, & qui donne la force à la loy par ces mots, Avons dict et ordonné, disons et ordonnons, &c. & a la fin la commission par ces mots Si donnons en mandement a tovs, &c. ce que les Empereurs di- soient, SANSIMVS, qui estoit le mot propre à la majesté, comme disoit le Conful Posthumius en la harangue qu’il fist au peuple, Nego in- iussu populi quicquam sanciri posse, quod populum teneat. aussi le magistrat presentant requeste au peuple commençoit par ces mots QVOD BONVM, FAVSTVM, FOELIXQVE SIT VOBIS AC REIP. VELITIS IVBEATI S. & a la fin de la loy estoyent ces mots, SI QVIS ADVERSVS EA FECERlT &c. qu’ils appelloient sanctio; portant les peines, & loyers de ceux qui accom- pliroient; ou contreuiendroient à la loy. qui estoient formalitez spe- ciales, & propres à la majesté de ceux qui auoient la puissance de faire la loy: & qui n’estoient pas aux edits des magistrats, ny aux arrests du Senat. Ioint aussi que la peine apposee aux loix du Prince souuerain, est bien differente de celle qui est aux ordonnances des magistrats, ou des corps & colleges: qui ont certaines peines, & amendes limitees: mais il n’y a que le Prince souuerain, qui puisse apposer à ses edits la peine de [*](Bartol. & Bal.in l. cunctos populos de summa trinit. C.) mort: comme aussi il a este defendu par vn ancien arrest du [*](In lib. inscripto olim sol.82.)Parle-[*](Premiere marque de la souuerainete.)-ment. & la clause de la peine arbitraire, aposee aux ordonnances des magistrats, & gouuerneurs, ne s’estend[*](Accus. in l. 1.ne Christianum mancipium C. & in l.vlt. de veteris Numismatis. C. Imol.in l.2. de publicis Iudic. Martian.Socin in ca. inquisitione. de accusat. ) iamais iusques à la mort in- elusiuement. Et par ainsi nous conclurons que la premiere marque du Prince souuerain c'est la puissance de donner loy à tous en general, & à chacun en particulier, mais ce n’est pas assez, car il faut adiou- ster, sans le consentement de plus grand, ny de pareil, ny de moindre que soy. car si le Prince est obligé de ne faire loy sans le consentement
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d’vn plus grand que soy, il est vray suget: si d’vn pareil, il aura compagnon : si des fugets, soit du Senat, ou du peuple, il n’est pas souuerain.Et les noms des seigneurs qu’on voit apposer aux edits, n’y sont pas mis pour donner force à la loy, mais tesmoignage, & quelque poix pour la rendre plus receuable. Et mesmes il se trouue des edits tres-anciens à sainct Denys en France, de Philippe i. & de Loys le Gros l’an m.lx. & m. c x x i x. où les seels des Roynes Anne, & Alix, Robert, & Hugues y sont apposez : & mesmes l’an du regne de Loys le Gros xii. & d’Alix l’an vi. Or quand ie dy que la premiere marque de souueraineté, est donner loy à tous en general, & à chacun en particulier : ces derniers mots emportent les priuileges, qui appartiennent aux princes souue- rains, priuatiuement à tous autres. I’appelle priuilege, vne loy faite pour vn[*](Cicer.lib.3.de legib.) ou peu de particuliers: soit au profit, ou dommage de celuy pour lequel il est ottroyé. ainsi parloit[*](pro domo sua.& post reditum in senatu.) Ciceron, Priuilegium de meo capite latum est. On a fait, dit-il, vn priuilege capital contre moy : il entend la [*](Priuilege capital.) commission decernee contre luy par le menu peuple, à la requeste du Tribun Clode pour luy faire & parfaire son procez : qu’il appelle en plusieurs endroits, lexClodia: de laquelle il se plaint fort, disantque les priuileges ne se pouuoient ottroyer que par les grands estats du peuple, ainsi qu’il estoit porté par les loix des douze tables, en ces[*](pro domo sua.) mots, Priuilegia, nisi comitiis centuriatis ne irroganto , qui secus faxit capital esto. Et en cela s’accordent[*](in cap.quae sint regal.) aussi tous ceux qui ont traitté les regales : qu’il n’appartient qu’au souuerain d’ottroyer priuileges, exemptions, immunitez, & dispenser des edits & ordonnances, encores que les priuileges es monarchies n’ayent trait que pour la vie des Monarques : comme Tibere l’Empereur fist cognoistre à tous ceux qui auoient eu quelques priuileges d’Auguste, ainsi que dit Suetone. Mais, dira quelqu’vn, non seulement les magistrats ont pouuoir de faire edits, & ordonnances, chacun selon sa puissance, & en son ressort : ains aussi les particuliers font les coustumes tant generales que particulieres, or il est certain que la coustume[*](l.de quib.l.diuturna.de legib.) n’a pas moins de puissance que la loy : & si le prince souuerain est maistre de la loy, les particuliers sont maistres des coustumes. Ie respondsque la coustume prend sa force peu à peu, & par longues annees d’vn commun consentement de tous, ou de la plus part: mais la loy sort en vn moment, & prend sa vigueur de celuy qui a puissance de commander a tous, la coustume se coule doucement, & sans force: la loy est commandee &publiee par puissance, & bien souuent contre le gre des sugets. & pour ceste cause Dion Chrysostome[*](in lib. GREEK.) comparoit la coustume au Roy, & la loy au tyran. dauantage la loy peut casser les coustumes, & la coustume ne peut deroger[*](l.2.quae sit longa consuet. C.Bart.Bal. Alber. in l.de quib. de legib.) à la loy, que tousiours le magistrat, & ceux qui ont la charge de faire garder les loix, ne puissent quand bon leur semblera, les faire executer. la coustume ne porte loyer ny peine : la loy emporte tousiours loyer, ou peine, si ce n’est vne loy
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permissiue, qui leue les defenses d’vne autre loy. & pour le faire court, la coustume n’a force que par la soufrance, & tant qu’il plaist au prince souuerain, qui peut faire vue loy, y adioustant son homologation. Et par ainsi toute la force des loix & coustumes, gist au pouuoir du prince souuerain. Voila donc quant à la premiere marque de souueraineté, qui est le pouuoir de donner loy à tous en general, & à chacun en particulier: qui est incommunicable aux sugets, car combien que le Prince fouuerain donne puissance à quelques vns de faire des loix, pour auoir telle vertu, que si luy-mesmes les auoit faictes, comme fist le peuple d’Athenes à Solon, les Lacedemoniens à Lycurgue: toutesfois les loix n’estoient pas de Solon, ny de Lycurgue, qui ne seruoient que de commissaires & procureurs de ceux qui leur auoient donné ceste charge, ains la loy estoit du peuple Athenien, & Lacedemonien. mais il aduient ordinairement es Republiques Aristocratiques & populaires, que la loy porte le nom de celuy qui l’a dressee & minutee: qui n’est rien que simple procureur: & l'homologation d’icelle est de celuy qui a la souueraineté. Aussi voit-on en Tite Liue, que tout le peuple fut assemblé, pour homologuer les loix redigees en douze tables, par les dix commissaires deputez à ceste charge. Soubs ceste puissance de donner, & casser la loy, est aussi compris la declaration[*](l.1.l.3.de legib.C.l.placuit.de Iudic.C.l.3.de constitut.princ.) & correction d’icelle, quand elle est si obscure,que les magistrats sus les cas proposez trouuent contrarieté, ou absurdité[*](l.Saluius de legat. praestan.) intolerable . mais le magistrat peut ployer la loy, & l’interpretation d’icelle, soit en doulceur, ou en [*](l.respiciendum.de poenis.ff.) rigueur , pourueu qu’en la ployant il se garde bien de la casser: encores qu’elle semble fort dure: [*](l. prospexit qui & a quibus.) & s’il fait autrement, la loy le condamne[*](l.1. ad Turpil.l. cum prolatis. de re iudic.) comme infame. ainsi se doibt entendre la loy Letoria, que Papinianus[*](l. Ius autem de iustitia.l.1.de bonor. possess.) recite sans nommer l’autheur, par laquelle il estoit permis au grand Preteur de suployer, & corriger, les loix. & si autrement on l’entendoit, il s’ensuiuroit, qu’vn simple magistrat eust esté par dessus les loix, & qu'il eust peu obliger Ie peuple à ses edicts : ce que nous auons monstré estre impossible. Soubs ceste mesme puissance de donner, & casser la loy, sont compris tous les autres droits, & marques de souueraineté : de forte qu’a parler propement on peut dire qu’il n’y a que ceste seule marque de souueraineté, attendu que tous les autres droits sont compris en cestuy-la: comme decerner la guerre, ou faire la paix : cognoistre en dernier ressort des iugemens de tous magistrats : instituer, & destituer les plus grands officiers : imposer ou exempter les sugets de charges, & subsides : ottroyer graces & dispenses contre la riguer des loix : hausser ou baisser le tiltre, valeur, & pied des monnoyes : faire iurer les sugets, & hommes liges de garder fidelité sans exception à celuy auquel est deu le serment, qui sont les vrayes marques de souueraineté, comprises soubs la puissance de donner la loy à tous en general, & à chacun en particulier : & ne la receuoir que de Dieu. car le Prince ou Duc qui a puissance de don-
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ner loy à tous ses subgets en general, & à chacun en particulier, n'est pas souuerain, s’il la reçoit d’vn plus grand, ou egal à luy : ie dy egal, par ce que celuy a maistre, qui a compagnon : & beaucoup moins s’il n’a ce pouuoir, sinon en qualité de vicaire, lieutenant, ou regent. Mais d’autant que le mot de loy est trop general, le plus expedient est de specifier les droits de souueraineté, compris, comme i’ay dit, soubs la loy du souuerain. [*](La seconde marque de maieste.) comme decerner la guerre, ou traitter la paix, qui est l’vn des plus grands poincts de la majesté, [*](l.1.vt armorum vsus C.authent.de armit. Aufrerius in titulo de guerris veterem ordinationem citat,& Ferald.priuileg. 19. Afflict. titul. 1.lib.1.constitut.Neapolit.) d’autant qu’il tire bien souuent apres soy la ruine, ou l’asseurance d’vn estat. cela se verifie non seulement par les loix Romaines, ains aussi de tous les autres peuples. & d’autant qu’il y a plus de hazard à commencer la guerre, qu’à traitter la paix, le menu peuple Romain pouuoit bien faire la paix : mais s’il estoit question de la guerre, il falloit assembler les grands estats : iusques a ce que le menu peuple eut pleine puissance de donner la loy. c’est pourquoy la guerre fut decernee contre Mithridate par la loy Manilia: contre les Pirates, par la loy Gabinia : contre Philippe ii. Roy de Macedoine, par la loy Sulpitia: & la paix faicte auec les Cartaginois, par la loy Martia : ainsi des autres. Et d’autant que Cesar fist la guerre en France, sans mandement du peuple, Caton fut d’aduis qu’on debuoit rappeller l’armee, & liurer [*](Plutar. in Catone Vticensi & in Iulio.) Cesar aux ennemis. En cas semblable les estats du peuple Athenien decernoient la guerre, & la paix : comme on peut voir de la guerre contre les Megariens, contre les Syracusains, contre les Roys de Macedoine. Ie mets ces exemples des deux plusgrandes Republiques populaires qui furent onques : car en l’estat Royal,il n’y a point de doubte: & mesmes les princes souuerains tirent à soy la cognoissance des moindres exploits & entreprises qu’il faut faire en guerre: & quelque charge qu’ils donnent aux deputez de traitter paix ou alliance, neantmoins ils n’accordent rien sans en auertir le Prince : comme on peut voir au traitté de Cambresis dernier, les deputez de la part du Roy, luy re- seriuoient d’heure en heure tous les propos tenus de part & d’autre : mais en l’estat populaire, on voit le plus souuent la guerre, & la paix, se manier par l’aduis du Senat, ou conseil priué seulement, & bien souuent par l’aduis seul d’vn capitaine, auquel on donne toute puissance : par ce qu’il n’y a rien plus dangereux en guerre, que publier les entreprises, qui ne peuuent alors reüssir. non plus que mines euentees : & toutesfois il faut qu’elles soient publiees, si le peuple en est aduerti. C’est pourquoy on voit es histoires Greques, & Latines, que les desseins, & entreprises de la guerre, se font tousiours par les capitaines, & quelquefois si la chose est de consequence, par le conseil du Senat, sans iamais en parler au peuple, mais cela s’entend, apres que la guerre est ouuerte, & publiee contre l’ennemy, par commandement du peuple. Et si on me dit quesouuent le Senat Romain deccrnoit la guerre, & la paix, sans en aduertir le peuple,ie le confesse, mais c’estoit vne entreprise sus la
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majeste du peuple. aussi les Tribuns du peuple l’empeschoient, comme on voit en Tite Liue, où il dit Controuersia fuit utrum populi iussu indiceretur bellum, an satis esset S.C. Peruicere Tribuni, vt Quintius Consul de bello ad populum ferret : omnes centuriae iussere. Combien que le Senat mesmes ne vouloit pas ordinairement denoncer la guerre, sans que le peuple l’eust ordonné. comme Tite Liue parlant de la seconde guerre Punique, dit Latum [*](lib.1.deca.3.) inde ad populum vellent, iuberent, populo Carthaginensi bellum indici. & en autre lieu, Ex S.C. populi iussu bellum [*](lib.6.deca.1.)Praenestinis indictum. & autre part, Ex authoritate patrum populus Palaepolitanis [*](lib.9.deca.1.) bellum fieri iussit. & de rechef, Populus[*](lib.9.dec.1.) bellum fieri Æquis iussit. & contre les Samnites, Patres solenni more indicto decreuerunt , vt de ea re ad populum ferretur. & contre les Herniques, [*](lib.5.dec.1.) Populus hoc bellum frequens iussit. & contre les Vestins, Bellum[*](lib.8.deca.1.) ex authoritate patrum populus aduersus ‘Vestinos iussit. En cas pareil nous lisons en la vie de Pirrhus quand le Senat de Tarente eut esté d’aduis qu’on denonçast guerre aux Romains, le peuple decerna son mandement. & Tite Liue au xxxi. dit qu’il estoit defendu par les Ætoliens qu’il ne fust rien arresté pour le fait de la paix, ny pour la guerre, nisi in Panaetolio, Pylaïco concilio. Vray est qu’en Rome pour le regard de la paix, le Senat bien souuent l’entreprenoit sans en parler au peuple, comme on peut voir és traittez faicts entre les Romains & Latins, & en la guerre sociale, le Senat passa quasi tous les traittez de paix, & alliance sans le peuple : & souuent les capitaines le faisoient, sans le consentement du Senat, mesmement si la guerre estoit en pays fort esloigné, comme on voit en la seconde guerre Punique les trois Scipions firent les traittez de paix, & alliance auec les peuples, & Princes d’Espagne, & d’Afrique, sans le commandement du Senat : vray est que le Senat, & bien souuent le peuple, autorizoit leurs actions, & ratifioit les traittez, apres qu’ils estoient faicts. & f’ils estoient preiudiciables on n’y auoit point d’esgard : mais en ce cas, les ostages, & capitaines en respondoient aux ennemis. comme le Consul Mancin, pour la paix accordee auec les Numantins, que le peuple ne voulut pas ratifier, fut liuré entre les mains des ennemis. C’est ce que disoit vn Senateur de Cartage aux Ambassadeurs Romains, Vos enim quod C. Luctatius Conful primo nobiscum fœdus icit, quia neque autboritate patrum, nec populi iussu ictum erat, negastis vos eo teneri. Itaque aliud fœdus publico consilio ictum est. Et le mesme autheur parlant de Manlius gouuerneur d’Asie, Gallograecis, inquit, bellum illatum, non ex Senatus authoritate, non populi iussu : quod quis vnquam de sua sententia facere ausus est? En cas semblable le Consul Sp.Posthumius, & son armee, se voyans surpris par les ennemis entre les roches, & montagnes de l’Apennin traitterent auec eux, estans sortis desarmez, & retournez a Rome auec l’armee, le Senat ne voulut pas ratifier la paix .aussi le Consul Posthumius[*](lib.9.deca.2.) dist deuant le peuple, Cùm me seu turpi, seu necessaria sponsione obstrinxi, qua tamen, quando in iussu populi facta est, non tenetur pop. Rom. nec quicquam ex ea
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praeterquam corpora nostra debentur Samnitibus, dedamur per feciales nudi vincti’q ;. aussi le Conful ne dist pas que ce fust traitté de paix, mais bien vne simple promesse, [*](Festus sponsionem, pactionem, foedus, pacem diffetre scribit.) qu’il appelle sponsio . & de fait les ennemis firent iurer les ConsuIs, & tous les capitaines, & lieutenans de l’armee, & prindrent fix cens ostages, qu’ils pouuoient faire mourir, si le peuple ne vouloit ratifier l’accord. mais ils firent vne lourde faute, qu’ils n’obligerent tous les soldats par serment de retourner aux destroits & enclaues des montagnes, & en l’estat ou ils estoient,ou prisonniers, au cas que le peuple ne voulust passer l’accord fait par les capitaines . & sans doubte le Senat, & le peuple les eust renuoyez en l’estat, comme il fist le Consul, auec les six cens ostages qui auoient iuré, & ceux qui en cas semblable auoient voulu fausser la foy iuree à Annibal, [*](lib.1.decad.3.Cicero offi.lib.3.Polybius lib.6.) qui furent renuoyez pieds & poings liez : ou bien il eust ratifié l’accord : comme fist le Roy François, du traître fait à Digeon par le seigneur de la Trimoiiille auec les Suisses, baillant ostages des principaux de l’armee, à la charge que Ies Suisses Ies pourroient faire mourir, si Ie Roy n’eust ratifie l’accord,comme fist le Duc [*](Froissant l’an 1272.) d’Anjou aux ostages, que ceux qui estoient assiegez au chasteau d’Erual auoient baillez : quand il vit que Robert Canole capitaine du chasteau arriué dedans le chasteau depuis l’accord empeschoit qu’il fust rendu, disant que les assiegez n’auoient peu capituler sans luy. aussi fist-il trancher la teste aux prisonniers qu’il auoit. Autrement s’il estoit permis aux captaines de traitter la paix sans mandement, ou ratification expresse, ils pourroient obliger & les peuples & les Princes souuerains au plaisir & appetit des ennemis, & à telles conditions qu’ils voudroient : chose absurde, veu qu’vn procureur seroit desaduoüé s’il auoit transigé de la [*](l.itaque de procurat.ff.l.contra.§.vlt. de pactis ff.l. si procurator.de condic. in deb.Bald.in l.mandatum.manda.C.Iaso in §.in bonae fidei de action. l.siquis mihi bona. §. sed si mandauit.de acquir.haere.ff.l.5.l. fideiussor. mandati. l. siquis pro command.ff.) moindre chose d’autruy, sans charge expresse. Mais on me dira que ces reigles n’ont point de lieu à Venize, ou le Senat decerne, & ordonne entierement du faict de la paix, & de la guerre : ny mesmes entre les ligues des Suisses, & Grisons, qui sont en estat populaire: & lors que l’estat de Florence fut remis en Ia liberte du peuple, à la suasion de Pierre Soderin , il fut arresté que le peuple ne se mesleroit que de faire les loix, & les magiftrats, & ordonner des deniers, aydes, & subsides: & que le faict de la guerre, & de la paix, ou autres autres choses concernans l’estat, demeureroit au Senat. Ie di quant aux estats populaires, & Aristocratiques, que la difficulté d’assembler le peuple, & le danger qu’il y a d’euenter les secrets, & entreprises, fait que le peuple en donne la charge au Senat: toutesfois on sçait assez, que les commissions, & mandemens, qui sont leuez pour cest effect, dependent de l’authorité du peuple, & sont expediez soubs le nom du peuple par le Senat, qui n’est que procureur, & agent du peuple : prenant authorite du peuple,comme aussi font tous les magistrats. Et quant aux monarchies il est bien fans difficulté, que la resolution de la paix, & de la guerre depend du Prince souuerain: si l’estat est pure monarchie. Car es royaumes
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de Polongne, Dannemarc, & Suede, qui sont estats changeans, & incertains, selon que Ie prince ou la noblesse ont les forces, & neantmoins qui tiennent plus de l’Aristocratie, que de la monarchie, la resolution de la paix, & de la guerre depend de la noblesse, comme nous dirons en son lieu : aussi nous auons touché cy dessus, qu’il ne se fait loy en ces pays là que du consentement de la noblesse. C’est pourquoy aux traittez de paix qui se sont auec eux les seaux des princes, Comtes, Barons, Palatins, castellans, & autres constituez en dignité y sont apposez. comme le dernier traitté fait entre les Polonnois, & Prussiens, est seellé de cent & trois seaux des seigneurs du pays : ce qui n’est point fait és autres royaumes. La troisiesme marque de souueraineté, est d’instituer les principaux offi-[*](Troisiesme marque de souuerainete.)-ciers : qui n’est point reuoquee[*](l.1.ad l.Iul.de ambitu.) en doubte, pour le regard des premiers magistrats. Ce fut la premiere loy que fist P. Valerius apres auoir chasse les Roys de Rome, que les magiftrats seroient instituez par le peuple. & la mesme loy fut publiee à Venise, deslors qu’ils s’assemblerent pour establir leur Republique, comme dit [*](in repub.Venetorum.) Contarin: aussi eft-elle bien estroirtement gardee : & mieux encores és monarchies, ou les moindres offices d’huissiers, sergens, greffiers, trompettes, crieurs, qui estoient instituez, & destituez par les magistrats Romain, sont pourueuz par le Prince, & iusques aux mesureurs , arpenteurs , langayeurs, & autres officiers semblables, qui sont erigez par edicts perpetuels en tiltre d’office. I’ay dit principaux officiers, c’est à dire les premiers magistrats : car il n’y a Republique, ou il ne soit permis aux plus grands magistrats, & a plusieurs corps & colleges, de faire quelques menus officiers : comme i’ay monstré cy dessus des Romains. Mais cela se faict en vertu de l’office qu’ils ont, & quasi comme procureurs, qui sont creez auec puissance de substituer. Nous voyons aussi que les seigneurs iusticiers, combien qu’ils tiennent la iurisdiction du Prince souuerain en foy & hommage, ont neantmoins puiffance d’establir iuges, & officiers. mais ceste puissance leur est baillee du Prince souuerain. car il est bien certain que le Ducs, Marquis, Comtes, Barons, & Chastellains, n’estoient rien que iuges & officiers de leur premiere institution, comme nous dirons en son lieu. En cas pareil nous lisons[*](Aristot.in polit.) que le peuple de Cartage auoit accoustume de faire cinq magistrats, pour elire les cent & quatre magistrats de la Republique : comme il se fait à Nuremberg, où les Censeuts qui sont eleus de grand conseil, elisent les Senateurs, & celà faict se demettent de leur charge. Le Senat, qui est de x x v i. elist les huict anciens, & puis les xiii. & les sept Burgomaistres, & les xii.iuges des causes ciuiles, & cinq des causes criminelles. ce qui estoit aussi ordinaire aux Censeurs Romains, qui supploient à leur discretion le nombre des Senateurs, que les Consuls faisoient auparauant par souffrance du peuple, qui du commencement les faisoit, comme dit Feste Pompee, & quelquesfois le Dictateur n’estoit faict que pour supployer le Senat: comme Fabius[*](Liuius.lib.23.) Buteo,
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nomme Dictateur par le Consul Terence, suiuant l’arrest du Senat, fist chois de clxxvii. Senateurs pour vne fois. combien que le Senateur, à parler proprement, n’est point magistrat, ainsi que nous dirons au chapitre du Senat. Mais en quelque sorte que ce soit, ceux qui elisoient les Senateurs, n’auoient la puissance que du peuple, & reuocable au plaisir du peuple. Ainsi pouuons nous dire des Cadilesquiers de Turquie, qui sont comme les deux Chanceliers du Roy,qui peuuent instituer, & destituer tous les Cadis & Paracadis, qui sont les iuges. Et en Ægypte, au parauant que Selim i. l’eust conquesté, le grand Edegnare, qui estoit comme le Connestable du Sultan, auoit puissance de pouruoir[*](Leon d’Afrique.) tous les autres officiers : comme anciennement les grands maires du Palais en France. Et n’a pas long temps que le chancelier de France auoit puissance de pouruoir par preuention de tous offices sans gages, & aux offices dont les gages n’excedoient xxv. liures : ce qui fut reuoqué par le Roy François i. combien que le chancelier tousiours, & le grand Edegnare,& le grand maire du Palais estoient pourueus par le Roy: & neantmoins ceste puissance si grande qu’ils auoient, fut trespernicieuse aux premiers Roys, & aux Sultans. depuis on y a donné bon ordre : car mesmes les Lieutenans des Bailliages & Senechaussees, qui estoient pourueus par les Baillifs & Senechaux, auparauant le Roy Charles vii. sont maintenant pourueus du Roy en tiltre d’office. Et ce peut faire que les magistrats,ou les corps, & colleges ayent pouuoir d’elire, & nommer les magistrats principaux, comme nous lisons es registres de la Cour, que par ordonnance de l’an m.ccccviii. il fut dit que les officiers du Parlement seroient electifs, & mandement fut donné au Chancelier d’aller en Parlement pour les elections des offices vacans : & la mesme ordonnance fut reiteree par le Roy Loys xi.m.cccclxv. & apres luy du temps de Charles viii. non seulement les Presidens, Conseillers, & Aduocats du Roy furent eleus, ains auffi Ie Procureur general du Roy (qui est seul du corps de la Cour, qui ne doit serment qu’au Roy, ores que Ies procureurs des autres Parlemnes, qu’il appelle ses substituts, font serment a la Cour) fut éleu l’an m.cccc.xcvi. mais les prouisions, & lettres d’office confirmatiues des elections, estoient & sont tousiours ottroyees par le Roy: qui seruira de response à ce qu’on pourroit dire que le Duc Artus de Bretaigne fut éleu Connestable de France, par la voix de tous les princes, & du grand conseil, & du Parlement l’an m.ccc.xxiiii.car combien que le Roy fust lors aliené de son sens, & les seaux de France marquez de l’image de la Royne, si est-ce que par les lettres de prouision la garde de l’espee du Roy luy fut baillee pour la tenir du Roy en soy & hommage lige, & pour estre chef en guerre par dessus tous apres le Roy. Encores peut on dire que le grand Palatin d’Hongrie qui est le plus grand magistrat & lieutenant general au Roy d’Hongrie, est éleu par les estats du pays, il est bien vray: mais la prouision, institution, & confirmation en appartient au Roy : qui est le principal chef, & autheur de sa
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puissance. Combien que les estats du royaume d’Hongrie pretendent encores auoir droit d’elire les Roys, & la maison d’Austriche le contraire. & semble que les Roys ont passé par souffrance que les estats eleussent le grand Palatin pour leur faire oublier l’election du Roy, & neantmoins ils se sont si bien opiniastrez, qu’ils ont mieux aimé s’abandonner aux Turcs, que perdre ce droit.Ce n’est donc pas l’election des officiers qui emporte droit de souueraineté, ains la confirmation & prouision: bien est il vray que ce poinct là en retient quelque chose, & monstre que les Princes ne sont pas absoluëment souuerains, si ce n’est de leur vouloir & consentement que telles elections se facent. & mesmes au royaume de Poloigne par ordonnance de Sigismond Auguste, tous officiers doiuent estre eleus parles estats particuliers de chacun gouuernement, & neantmoins ils doiuent prendre lettres de prouision du Roy. Qui n’est point chose nouuelle: car du temps mesmes des Gots, nous lisons[*](Cassiodor lib.1.2. & sequent.) en Cassiodore, que Theodoric Roy des Gots bailloit lettres de confirmation aux officiers que le Senat auoit eleus, vsant de ces mots, par les lettres[*](Cassiodor.lib.1.epistol 9.) addressees au Senat, pour vn qu’il auoit pourueu de la dignité de Patrice Judicium vestrum P. C. noster comitatur assensus . Or puis que la puissance de commander à tous les sugets en vne Republique est à celuy qui tient la souueraineté, c’est bien raison que tous Magistrats recognoissent ce pouuoir de luy. Mais disons de l’autre marque souueraine, [*](Quarriesme marque de la souueraineté.) c’est à sçauoir du dernier ressort, qui est & a tousiours esté l’vn des principaux droits de la souueraineté. Comme on peut voir apres que les Romains eurent chasse les Roys, par la loy Valeria non seulement le dernier ressort fut reserué au peuple, ains aussi l’appel de tous[*](Liuius lib.24.) Magistrats. par ce que les Cosuls souuent y contreuenoient, la mesme loy fut par trois fois republiee, [*](Liuius lib.1.7.10.) & par la loy[*](Liuius lib.3. Dionis.Halycar.lib.10.) Duillia la peine de mort fut adioustee à celuy qui contreuiendroit. Tite Liue appelle ceste loy le fondement de la liberté populaire, ores qu’elle fust mal executee. la mesme loy estoit encores plus estroitement gardee en Athenes,où le dernier ressort estoit reserué au peuple, non seulement de tous les Magistrats, ains aussi de toutes les villes de leurs alliez ,comme dit Xenophon[*](de Repub.Athen.Demosthen. pro Aphobo.), & Demosthene. Nous trouuons en Contarin[*](de Repub. Vene.) le semblable, que la premiere loy qui fut faite pour l’establissement de leur Republique fut, qu’il y auroit appel de tous les Magistrats au grand conseil. Aussi[*](Guichardin.) lisons nous que François Valori Duc de Florence, ne fut tué pour autre chose, que pour n’auoir deferé à l’appel intergeté de luy au grand conseil du peuple, ayant condanné à mort trois Florentins. Mais on dira que non seulement à Florence le Duc, ains aussi à Rome le Dictateur & autres Magistrats souuent passoient par dessus l’appel, comme on peut voir en plusieurs histoires. & mesme le senat Romain ayant fait assieger, prendre & amener à Rome la legion, qui estoit en garnison à Rhege, fist foüeter & trancher la teste à tous les soldats & Capitaines qui restoient[*](Valer. Mar.lib.8. Liuius lib.27.Polyb.lib.1.), nonobstant, & sans auoir egard aux appellations par
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eux intergetees au peuple, ni aux oppositions des Tribuns du peuple, crians à haute voix, que les loix sacrees touchant l’appel estoient foullees aux pieds. Ie respons pour le faire court ce que fist Papinian, qu’il ne faut pas prendre pied sur ce qu’on fait à Rome, ains plustost à ce qu’on doit faire: car il est bien certain qu’il y auoit appel du Senat au peuple. & ordinairement l’opposition d’vn Tribun arrestoit tout le Senat, comme nous auons touché ci dessus. Et le premier qui donna puissance au Senat Romain de iuger sans appel, fut[*](l.1. à quibus appellare non licet.) Adrian l’Empereu. car l’ordonnance de Caligula n’eut point de lieu, quoy qu’il donnast puissance à tous Magistrats de iuger sans appel. & combien que Neron ordonna, que l’amende seroit pareille à ceux qui auroient appellé au Senat, comme ils[*](Tacit.lib.8. Tranquil. in Nerone, ait omnium magistratuum appellationes ad Senatum retulisse.) auoient appellé à sa personne, toutefois il n’osta pas la voye d’appel du Senat à luy. Mais il semble que ceste response eft directement contraire à ce que nous auons dit: car s’il n’y auoit point d’appel du Senat à l’Empereur, ains que le dernier ressort fust au Senat, le dernier appel n’est pas marque de souueraineté. ioint aussi que le grand maistre du Palais, qu’ils appelloient Praefectum praetorio, iugeoit[*](l.1. de off.praefecti praetor.) sans appel. & cognoissoit des appellations de tous les Magistrats & gouuerneurs de l’Empire, comme dit[*](Flauius Vobisc.in Floriano.) Flauius Vopiscus: & en toute Republique on void des Cours & Parlemens qui iugent sans appel, comme les six Parlemens en France, Ies quatre Cours en Espaigne, la chambre Imperiale en Alemaigne, le Conseil à Naples, les quarante à Venize, la rote en Rome, le Senat à Milan: & en toutes les villes Imperiales, Duchez, Comtez dependans de l’Empire, il n’y a point d’appel à la chambre és causes criminelles iugees par les Magistrats des Princes & villes imperiales. Et ne pourroit seruir de dire, que Ies appellations intergetees des Baillifs, Senechaux & autres iuges inferieurs, ne se font pas directement aux Cours de Parlement, ni à la chambre imperiale, ains que l’appel est deuolu au Roy, ou à l’Empereur, lesquels renuoient la cause aux iuges par eux deputez, qui sont en ce cas ses lieutenans, & pour ceste cause qu’il n’y peut auoir appel du lieutenant du Prince, non plus que du Prince mesme: car combien qu’il n’y ait point d’appel du lieutenant en termes de droit à celuy qui l’a mis en son[*](l.1.quis & a quo appellat.) lieu, est-ce que tous Ies reliefs d’appel portent que les condannez sont appellans au Roy & aux cours de Parlemens, qui se disent iuges ordinaires des ordinaires, & non pas iuges extraordinaires seulement: attendu mesmement qu’ils iugent de plusieurs causes en premiere instance. & outre cela on voit les moindres Magistrats presidiaux iuger en dernier ressort en certain cas. & par ce moyen il semble que le dernier ressort n’est pas marque de souueraineté. Ie respons que le dernier ressort comprend la voye de requeste ciuile, aussi bien que l’appel: qui semble auoir meu plusieurs[*](Bald in l.2 conclus.453.de rerum diuis.Faber.in institut.de Attiliano tut.§.vlt.Panor.consil. 2. lib.1. Curtius iunior consil.2.col._.Panor. & Imol. in cap.nimis. de iure iurand.) iurisconsultes, de dire que la requeste ciuile est des droits de souueraineté. & iaçoit que les mesmes iuges cognoissent de leur iugement quand on y vient par requeste ciuile, si est-ce
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neantmoins que la requeste s’adresse au Prince souuerain, qui la reçoit, ou la reiette si bon luy semble: & souuent il euo que la cause a soy pour la iuger, ou casser ce qui a esté fait, ou la renuoyer à d'autres iuges: qui est la vraye marque de souueraineté, & dernier ressort. & n’est pas en la puissance des Magistrats de changer,ni corriger leurs iugemens, si le Prince souuerain ne leur permet, sur peine de faux, tant de droict[*](l. quod iussit. de re iudic.l.relegati.de poenis.) commun, que par les ordonnances de ce Royaume. & combien que plusieurs iuges ont accoustumé d’vser en leurs iugemens de ces mots, Par main souueraine, & en souueraineté, toutefois c’est abuser du mot, qui n’apartient qu’au Prince souuerain. Et quand ores le Prince souuerain auroit fait vn edit, par lequel il ordonnast, qu’il n’y eust ni voye d’appel, ni de requeste contre les sentences de ses Magistrats à sa perfonne, comme vouloit faire l’Empereur Caligula: si est-ce neantmoins que ses sugets seroient. tousiours receuables à releuer leur appel, ou presenter requeste à sa majesté : car il ne peut se lier les mains, ni oster a ses sugets la voye de restitution, de supplication, de requeste : attendu mesmement que tous les edits touchant les appellations, & iugemens, ne sont rien que loix ciuiles, ausquelles nous auons dit qu’il ne peut estre obligé. c’est pourquoy le priué conseil, & mesmes le Chancelier de l’Hospital, trouua fort estran- ge & nouueau, que les commissaires deputez à faire le procès du president l’Alemant, luy firent defenses par l’arrest contre luy donné, de n’approcher de la Cour de xx. lieues, pour luy trancher la voye de requeste ciuile, que le Roy mesme ne peut oster à son suget, ores qu’il soit en sa puissance de prendre ou regetter sa requeste. Aussi voit-on qu’en tous les apennages donnez aux enfans de la maison de France, &generalement es erections des Duchez, Marquisats, Comtez & Principautez, on a tousiours accoustumé de reseruer la foy & hommage, ressort, & souueraineté: & quelquefois il n’y a que reseruation de ressort & souueraineté : comme en la déclaration faite par le Roy Charles v. à Iean Duc de Berri du iii. Mars m.ccclxxiiii. en quoy est aussi compris la foy & hommage: car il est bien certain que le Duché de Berri estoit lors l’appennage baillé au Duc de Berri, à la charge des droits royaux, & de reuersion à la couronne les masles defailIans: comme i’ay apris par les lettres d’appennage, qui sont encores au thresor de France. Nous voyons aussi semblable declaration de Philippe Archiduc d’Austriche, faite au Roy Loys x ii. l’an m.ccccxcix. autre declaration de luy-mesme de l’an m.d.v. où il recognoist, & entend obeïr aux arrests du parlement :de Paris, pour le regard des pays d’Artois, Flandres, & autres terres qu’il tenoit du Roy : & au traité d’Arras fait entre le Roy Charles vii. & Philippe ii. Duc de Bourgongne, il y a reseruation expresse de la foy & hommage, ressort & souueraineté, pour les terres qu’il auoüa tenir, & que ses predecesseurs auoient releué de la couronne. Et la principale occasion que Charles v. Roy de France print de faire la guerre au Roy
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d’Angleterre, fut d’autant qu’il passoit par dessus les oppositions, suiuant le traité de Bretegni, qui n’estoit pas ratifié par Charles v. sans deferer à l’appel, comme on peut voir par l’arrest du Parlement donne le xiiii. May m.ccclxx. par lequel le Duché d’Aquitaine est confisqué au Roy pour ceste cause. Autrement si le Prince souuerain quite son suget ou vassal du ressort, & souueraineté qui luy appartient, il fait d’vn suget vn Prince souuerain: comme fist le Roy François i. quitant du tout au Duc de Lorraine la foy & hommage, ressort & souueraineté du Chastelet sur Mozelle m.d.xvii. Mais quand il permist au mesme Duc de iuger, condamner & absoudre en souueraineté au Duché de Bar, & que les officiers tiroient cela en consequence de souueraineté absoluë, le Procureur general en fist plainte au Roy, & aussi tost Anthoine, & apres luy François Ducs de Lorraine passerent recognoissance en forme authentique, par laquelle ils declaroient, qu’ils n’entendoient en rien deroger à la foy & hommage, ressort & souueraineté qu’ils deuoient à la couronne, à cause dudit Duché, & qu’ils n’auoient vsé de iugement souuerain que par souffrance. lesquelles lettres de recognoissance furent depuis exhibees au priué conseil l’an m.d.lxiiii. Toutefois le plus expedient pour la conseruation d’vn estar, c’est de iamais n’otroier marque de souueraineté au fuget, & moins encores à l’estranger: car c’est le degré pour monter à la souueraineté. Et pour ceste cause on fist grande difficulté de passer les lettres pour l’Eschiquier d’Alençon m.d.lxxi. pour le preiudice fait au ressort : qui sembloit tel, que l’vn des Aduocats du Roy dist en plein conseil, qu’il vaudroit mieux introduire vne douzaine de Parlemens: ores que le ressort en certains cas, & plusieurs causes soient reseruees, outre la foy & hommage. & de fait les Roys d’Angleterre, & Ducs de Bourgongne prindrent occasion plus qu’ils n’eussent fait, de s’allier,& faire la guerre au Roy de France, pour le refus qu’il faisoit de leur donner le priuilege d’Eschiquier, comme il auoit fait aux Ducs d’Alençon, afin qu’il n’y eust point d’appel de leurs iuges & Magistrats. Car non seulement les officiers des Ducs & Comtes, ains aussi les Ducs mesmes estoient adiournez par deuant le Roy, pour voir corriger & amender leurs iugemens : qui estoit vne submission qui les greuoit bien fort. & quelque fois aussi on les faisoit adiourner par deuant le Roy pour peu de chose : dequoy se plaignirent les Ducs de Bretaigne au Roy Philippe le Bel, & à Philippe le Long, qui enuoyerent lettres patentes à la Cour de Parlement au mois de Feurier m.cccvi. & d’Octobre m.cccxvi. par lesquelles ils declarerent qu’ils n’entendoient que le Duc de Bretaigne, ni ses officiers fuffent adiournez par deuant eux, sinon en cas de deny de iustice, faux iugement, & en cas de souueraineté. & par les mesmes lettres on peut voir, que l’exception des cas reseruez emporte la confirmation du dernier ressort & souueraineté. Nous ferons pareil iugement de tous les Princes & seigneurs desquels il y a appel à l’Empire & chambre imperiale.
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qu’ils ne sont pas souuerains: car ce seroit crime deleze majeste,& capital, de se porter pour appellant duPrince souuerain, si ce n’estoit en la forme que fist vn Grec, qui appella du roy Philippe de Macedoine mal conseille, à luy mesme, quand il seroit mieux conseillé. & en ceste façon les aduocats de Loys de Bourbon formerent l’appel de l’arrest interlocutoire donné par le Roy François ii. en son priué conseil: que[*](in l.7.de relation. C.l.1.5.quaesicum. de appellat. Bald. iterum in l.vlt.de relat.) Balde Iurisconsulte trouue bon & receuable. & seroit bien seant à la majesté d’vn Prince souuerain, de suiure l'exemple de ce Roy là qui receut l’appel : ou bien s’ils veulent que leurs arrests demeurent, pour ne sembler variables, ni muables, qu’ils facent comme le mesme Roy fist à Machetas, lequel il recompensa de son bien, l'ayant iniustement condamné, sansmuer, ni changer son arrest. Et de ceste marque de souueraineté de-[*](La cinquiesme marque de souueraineté.)-pend aussi la puissance d’ottroyer grace aux condamnez par dessus les arrests, & contre la rigueur des loix, soit pour la vie, soit pour les biens, soit pour l’honneur, soit pour le rapel du ban, il n’est pas en la puissance des Magistrats, pour grands qu’ils soient, d’en donner vn seul poinct, ni de rien alterer des iugemens par eux donnez. Et combien que les proconsuls, & gouuerneurs de prouinces eussent autant de iurisdiction,que [*](l.solet.de iurisdict.omnium.) tous les Magiftrats de Rome auoient ensemble, si est-ce qu’il ne leur estoit pas licite de restituer seulement les bannis pour quelque temps, comme nous lisons és lettres de[*](lib.10.epistol.) Pline le ieune gouuerneur d’Asie, à l’Empereur Traian : & beaucoup moins de donner grace aux condamnez a mort, ce qui est defendu à tous [*](l relegati.de poenis.l.is. qui reus. & ibi Accurs.& Bart. de publicis iudic.Angel.in l si decesserit qui satis dare.& in l.1.§.non fuit de dolo l. ad bestias.de poenis l. 1. fine. de quaestion. Valer.lib.8. de publicis Iudic. Liuius lib.2 & 25. Bartol. in l. acta de re Iudic. ex ea lege.) Magiftrats en toute République. Et combien qu’il semble que Papirius Cursor Dictateur donna grace à Fabius Max. Colonnel des gens de pied, pour auoir donné la bataille contre sa defense, iaçoit qu’il eust tué xxv. mil ennemis toutefois en effect c’estoit le peuple qui donnoit la grace, ores qu’il pria tresinstamment le Dictateur de pardonner ceste faute:car Fabius auoit appellé au peuple de l’arrest du Dictateur, lequel defendit son iugement contre l’appellant: qui monstre bien que la puissance de la vie & de la mort estoit au peuple . Aussi void on, que Sergius Galba l’Orateur, que le Censeur Caton auoit attaint & conuaincu de leze maiesté, eut recours à la grace du peuple, qui luy pardonna, sur quoy Caton dist, que s’il n’eust eu recours aux pleurs, & aux enfans, il eust eu des verges. En cas semblable le peuple d’Athenes auoit puissance d’ottroyer graces, priuatiuement à tous Magistrats, comme il monstra à Demosthene, Alcibiade, & à plusieurs autres. Aussi en la Republique de Venize il n’i a que le grand[*](In statutis Venetor.) Conseil de tous les gentils-hommes Venitiens qui donne grace. au parauant le conseil des dix donnoit bien les graces, par souffrance, & neantmoins il fut ordonné l’an m.d.xxiii. que la giunta, qui font xxxii. assisteroit au conseil, & que la grace n’auroit lieu, si tous n’y consentoient. mais l’an m.d.lxii. defenses furent faites au conseil de rien entreprendre. Et combien que l’Empereur Charles v. en l’erection du
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Senat de Milan ottroya toutes les marques de souueraineté, comme son lieutenant & vicaire, si est-ce qu’il se reserua la grace : comme i’ay apris des lettres patentes par luy[*](In constitut.Mediola. in cap.de senatu.) decernees. ce qui est bien estroitement gardé en toutes les Monarchies. & combien qu’à Florence pendant l’estat populaire, les huict auoient vsurpé la puissance de donner grace, si est-ce que cela fut depuis renduau peuple , lors que Soderin changea l’estat. Quant a nos Roys, il n'i a chose de laquelle ils soient plus ialoux. & combien que le Roy François i. eust[*](anno 1515. Februarij.) donné à sa mere puissance d’ottroyer graces, si est-ce toutefois que la Cour ayant ordonné qu’il seroit remonstré au Roy, que c’estoit l’vne des plus belles marques de la souueraineté, qui ne se pouuoit communiquer au suget sans diminution de la masefté : la mere estant aduertie, quitta ce priuilege, & rendit les lettres au Roy auparauant qu’on luy en fist instance. car mesmes la Royne de France ne peut auoir ce priuilege, ni les autres marques de souueraineté. & iaçoit que la loy des Romains dit, que l’Imperatrice estoit dispensee des edits & ordonnances, cela neantmoins n’a point de lieu en ce Royaume : & se trouue vn arrest és registres de la Cour de l’an m.ccclxv. en luillet, par lequel la Royne fut condamnee à garnir par prouision la debte portee par contract, sans auoir esgard aux priuileges par elle pretendus. Ie trouue bien aussi que le Roy Charles vi. donna puissance à maistre Arnault de Corbie Chancelier de France, par lettres patentes du xiii. Mars m.cccci. de donner graces & remissions, presens aucuns du grand Conseil : mais c’estoit lors que les Chanceliers estoient tous puissans, & le Roy Charles vi. en puissance d’autruy, pour la maladie qui le tenoit. Encores me diroit-on qu’anciennement les gouuerneurs des prouinces donnoient graces, comme on peut voir encores aux coustumes de Henaut[*](cap.) & aux anciennes coustumes[*](Guido pap. in decis.delphini.233.) de Daufiné: & mesmes l’euesque d’Ambrum pretend ceste puissance, par chartes[*](iuge par arrest de Grenoble Guido pap. decis.498.) authentiques. Ie respons, que telles coustumes & priuileges sont abus, & en-[*](Les marques de la maieste ne se doyuent bailler ny en titre d’office, ny par commission, s’il n’y a iuste absence.)-treprises, qui furent cassees à bon droit par l’edit du Roy Loys xii. m. ccccxcix. & si tels priuileges sont nuls, aussi peut-on dire que les confirmations sont nulles : car la confirmation ne vaut iamais rien, si le priuilege de soy est nul. or il eft bien nul, puis qu’il ne peut estre quitte sans la couronne. mais quant aux gouuerneurs, vicaires, & lieutenans generaux des princes souuerains, il y a autre raison, attendu qu’ils n’ont pas cela par priuilege, ni par office, mais par commission : comme les Princes, vicaires, & lieutenans pour l’Empire. Mais en l’estat d’vne Republique bien ordonnee, ceste puissance ne doit estre baillee, ni par[*](Princeps reseruata sibi, non potest committere legato. cap. quod translationem.de offi. delegat. nisi iusta sit absentia, vel impotentia.2. Alberic.notauit in l.de creationis de episcopali audient.C.) commission,ni en tiltre d’office, si ce n’est pour establir vn regent pour la distance des lieux par trop grande, ou bien pour la captiuité des Princes souuerains, ou qu’ils soient en fureur, ou en enfance: comme il se fist pour Loys ix. lequel pour sa ieunesse fut mis par les estats de France en la tutelle de sa mere Blanche de Castille : apres auoir baillé quelques
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Princes pour caution, qu’elle ne bailleroit point la tutelle à autres personnes: & par mesme moyen Charles de France, Regent en France pendant la captiuité du Roy Iean, & Loyse de Sauoye Regente pendant la prison du Roy François, auec tous les droits royaux, en qualité de Regente, & le Duc de Betfort Regent en France, pour la maladie du Roy. Ici peut estre on me dira, que nonobstant l’ordonnance de Loys xii. le chapitre del’eglise de Rouan, pretend tousiours auoir priuilege de donner grace,en faueur de S. Romain, deuant la feste duquel, il fait defenses à tous les iuges, & mesmes au Parlement de Roüan, d’executer à mort pas vn des condamnez: comme i’ay veu pratiquer y estant en commission pour la reformation generale de Normandie. & sur ce que la Cour, nonobstant la grace du chapitre, fist executer à mort celuy qu’elle auoit condamné apres la feste. le chapitre en fist plaintes au Roy, ayant pour chef l’vn, des Princes du sang. le Parlement enuoya ses deputez, entre lesquels l’aduocat du Roy Bigot fist grande instance, pour l’abus, & entreprise sus la majefté du Roy. toutefois le temps y estoit mal propre : & quelque remonstrance qu’on fist, le priuilege leur est demeuré. cela peut estre fait à la forme du priuilege donné aux Vestales de Rome, qui pouuoient donner la grace à celuy qu’on alloit executer, si l’vne des Vestales s’y rencontroit fortuitement, comme dit Plutarque en la vie de Numa : coustume qui est encores gardee à Rome, quand il se trouue quelque Cardinal lorsqu’on va executer quelqu’vn Mais le pis qu’il y a au priuilege S. Romain, c’est qu’on ne donne grace que des crimes les plus execrables qu’on peut trouuer, & desquels le Roy n’a point accoustumé d’ottroyer grace. En quoy plusieurs Princes souuerain abusent de leur puissance, cuidans que la grace qu’ils donnent, est d’autant plus agreable à Dieu, que le forfait est detestable. Mais ie tiens, sauf meilleur iugement, que le prince souuerain ne peut donner grace de la peine establie par la loy de Dieu, non plus qu’il ne peut dispenser de la loy de Dieu, à laquelle il est suget. Et s’il est ainsi que le Magistrat merite peine capitale, qui dispense de l’ordonnance de son Roy, comment seroit-il licite au Prince souuerain de dispense son suget de la loy de Dieu? & mesmes si le prince souuerain ne peut quiter l’interest ciuil de son suget,comment pourroit-il quiter la peine que Dieu ordonne par sa loy? comme le meurtre fait de guet à pend, merite la mort par la loy de Dieu. O combien il s’en void de remissions ! Mais on me dira: En quoy se pourroit monstrer la misericorde du Prince, s’il ne pouuoit donner grace de la peine establie par la loy de Dieu? ie respons qu’il y a beaucoup de moyens: c’est à sçauoir des contrauentions aux loix ciuiles. comme si le Prince a defendu de porter armes, ou de bailler viures aux ennemis sur peine de la vie, la grace sera bien employee à celuy qui a porté les armes pour sa defense seulement, ou que la pauureté a contraint de vendre bien cher à l’ennemi, pour subuenir à sa necessité. ou bien si par la loy ciuile,la peine
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du larrecin est capitale, le Prince debonnaire peut la reduire au quadruple, qui est la peine de la loy de Dieu, & du droict commun. mais le meurtrier de guet à pend, Vous l'arracherez, dit la loy, de mon autel sacré, & n’aurez iamais pitié de luy, que vous ne le faciez mourir, & alors i’est endray mes grandes misericordes sur vous. Toutefois les Roys Chrestiens le iour du Vendredi sainct ne donnent grace que de ce qui est irremissible. or les graces ottroyees de telles meschancetez, tirent apres soy les pestes, les famines, les guerres & ruines des Republiques : c’est pourquoy la[*](deutero.19.& 23.) loy de Dieu dit, qu’en punissant ceux qui ont merité la mort, ont osté la malediction d’entre le peuple . car de cent meschancetez il n’en vient pas deux en iustice, & de celles quon y fait venir, la moitié n’est pas verifiee :& si du crime verifié on ottroye grace, quelle punition poutra seruir d’exemple aux meschans? Et quand on ne peut obtenir grace de son Prince, on interpose la faueur d’vn autre Prince : de quoy les estats d’Espaigne firent plainte au Roy Catholique, & presenterent requeste, afin d’auertir l’Ambassadeur, qui estoit par deuers le Roy de France, de ne receuoir plus, ni demander grace au Roy d’Espaigne, pour les condamnez qui se retiroient en France: car ayant obtenu leurs graces, ils tuoient bien souuent les iuges qui les auoient condamnez. Mais entre les graces que le Prince peut donner, il n’y en a point de plus belle, que de l’iniure faite à sa personne : & entre les peines capitales, il n’y en a point de plus agreable à Dieu, que celle qui est establie pour l’iniure faite à sa majesté. mais que doit-on esperer du Prince qui vange cruellement ses iniures, & pardonne celles d’autruy, & mesmes celles qui sont faites directement contre l’honneur de Dieu? Soubs la grace plusieurs ont voulu comprendre la restitution des mineurs & majeurs, le benefice d’aage, qui sont bien propres au Prince souuerain en plusieurs Republiques, mais ce ne sont pas marques de souueraineté : [*](Bart. in auth.ex complexu.de incestis C. Corne. consil. 1. col 6.lib.4 Ancaran. in cap.1. de sponsal. & consil.320. Panor. in cap.per venerabilem. qui filij sint legit. col. 6. Rotae decis.200.Bald. in l. eamquam. de iure aureorum. C. & consil.306.lib.2.Fuberin institut.de nuptiis. Fulgo.consil.33.col.2.Cuman. consil. 158. col.5.Alexand. consil. 67. lib.1.col.1. Henrich. Bohic. & Innocent. in d. cap. per venerabilem. omnes consentiunt restitutionem natalium sumini principis pro priam esse praeter Hostiensem qui Pontifici quoque summo tribuit supra principes in summa qui filiis sint legit.) horsmis la restitution des bastards, serfs, & autres semblables : car les Magistrats en Rome auoient telle puissance : & par l’ordonnance de Charles vii. & viii. il est expressément mandé aux iuges de n’auoir aucun egard aux lettres qu’on appelle de iustice, si elles ne sont equitables: ce qui est assez compris par ces mots, Tant qvea svfire doive,qui sont en toutes lettres de iuftice ottroyees en ce Royaume. Mais si ceste clause n’y est apposee, leMagistrat n’a cognoissance que du fait, estant la peine reseruee à la loy, & la grace au souuerain. C’est pourquoy Ciceron demandant à Cesar la grace de Ligarius, I’ay, dit-il, souuent plaidé s auec vous deuant les iuges, mais ie ne dy iamais pour celuy que ie defendois, pardonnez luy, messieurs, il a failli, il n’y pensoit pas, si iamais plus, &c. c’est au pere à qui on demande pardon : mais deuant les iuges, on dit que le crime est forgé par enuie, l’accusateur calomnieux, les tesmoins faux. où il monstre que Cesar estant souuerain, auoit la grace en son pouuoir, ce que n’ont pas les iuges. Quant à la foy & hommage lige
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il appert aussi, que c'est l’vn des plus grands droits de la souueraineté, comme nous auons monstré ci dessus, pour le regard de celuy à qui il est deu sans exception. Quant au droit de moneage il est de la mesme nature de la loy & n’y a que celuy qui a puissance de faire la loy, qui puiffe donner loy aux monnoyes. ce qui est bien entendu par les mots Grecs, Latins & François: car le mot de nummus est du Grec GREEK comme loy & aloy : & ceux qui parlent mieux ostent la premiere lettre. Or il n’y a rien de plus grande consequence, apres la loy, que le tiltre, valeur, & pied des monnoyes, comme nous auons monstré en vn[*](au paradoxe de Mal-estroit.) traité à part : & en toute Republique bien ordonnee, il n’y a que le Prince souuerain qui ait ceste puissance : comme nous lisons qu’il se faisoit en Rome, quand on donna prix au victoriat, cela se fist par loy[*](Cicero in offi.) expresse du peuple. & iaçoit que le Senat par son arrest, pour subuenir aux necessitez publiques, fist valoir la demie liure de cuiure autant que la liure: & quelque temps apres le quart autant que la liure, & iusques à ce que l’once fut autant estimee que la liure, neantmoins le tout estoit consenti par les Tribuns, comme nous auons dit ci dessus. & depuis l’empereur [*](l.2.de falsa moneta. C.) Constantin voulut que ceux qui auroient forgé fausse monnoye fussent punis comme coupables de leze majesté : ce que les Princes gardent bien, prenans la confiscation du faux monnoyeur, priuatiuement à tous autres [*](d.l.2.Guido delph. decis. 257.)Seigneurs : & de mesme[*](d.l.2.) peine sont punis ceux qui ont forgé bonne monnoye sans congé du Prince. Et iaçoit que plusieurs particuliers en ce Royaume ayent eu anciennement priuilege de batre monnoye, comme le Vicomte de Turaine, l’Euesque de Meaux, Cahors, Agde, Ambrun, les Comtes de S. Paul, de la Marche, Neuers, Blois, & autres: neantmoins le Roy François i. par edit general cassa tous priuileges, qui ne se[*](contra Battolum in l.1.de veteris numismatis potest. C. Cynus in l. si quis nummos. de falsa moneta.C.l.vlt.red.) peuuent donner : & s’ils sont otroyez la loy les declare nuls: ioint auffi quils ne durent que pour la vie de ceux qui les ont donnez : comme nous auons monstré de la nature des priuileges. combien que ce droict & marque de souueraineté, ne se doit aucunement communiquer au suget: comme il fut aussi bien monstré à Sigismond Auguste Roy de Poloigne, qui auoit donné priuilege au Duc de Prusse de forger monnoye l’an m.d.xliii. les Estats du pays firent vn decret, où il futinseré, que le Roy n’auoit peu donner ce droict, comme estant inseparable de la couronne, & par mesme raifon l’Archeuesque de Gnesne en Poloigne, & l’Archeuesque de Canturberi en Angleterre Chanceliers, ayans obtenu le mesme droict, en ont depuis esté deboutez. & pour ceste cause toutes les villes d’Italie tenues de l’Empire, qui auoient vsurpé ce tiltre, le quiterent par le traité de Constance à l’Empereur, qui donna ce priuilege aux Luquois en faueur du Pape Lucius. Aussi lisons nous que la principale occasion, que Pierre Roy d’Arragon empoigna pour chasser laques Roy de Malorque de son pays, fut pour auoir forgé monnoye, pretendant qu’il ne l’auoit peu
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faire. Qui fut aussi l’vne des occasions, que Loys xi. print pour faire la guerre à François Duc de Bretaigne, par ce qu’il auoit forge monnoye d’or, contre le traité fait l’an m.cccclxv. comme les[*](Procopius lib. 3. Gothic.& zonaras.) Romains en tout l’Empires’estoient reseruez de batre monnoye d’or: combien que Iean Duc de Berri eut priuilege de Charles v.Roy de France, de l’vn & de l’autre metal : & de peur d’y faillir fist forger les moutons d’or, qui s’est trouué le plus fin or qui fust onques depuis en ce Royaume, ni au parauant. car quelque priuilege qui soit otroyé au suget de faire batre monnoye, la loy, & prix d’icelle depend tousiours du souuerain, de forte qu’ils n’ont rien que la marque qui estoit anciennement en Rome au plaisir des maistres de monnoye, qui y mettoient telle marque qu’ils vouloient, & leurs noms auec ces lettres iii. viri. a. a. a. f. f. que le Bailli des Montaignes interprete, aere, argento, auro, flauo, ferunto: au lieu qu’il deuoit dire , auro, argento, aere, flando, feriundo. car les Princes fouuerains ne se soucioient pas tant de faire grauer leur effigie . & mesmes le Roy Seruius, qui le premier donna marque à la monnoye, qui n’estoit que de pur cuiure, fist grauer l’effigie d’vn beuf, à l'exemple des Atheniens, qui auoient la mesme figure, & la choüette. Mais les autres Roys & Princes d’Orient y mettoient leur image, comme Philippe Roy de Macedoine à la monnoye d’or, qu’ils appelloient Philippus : & les Roys de Perse aux Dariques, portant leur image, dont ils estoient si ialoux, que le Roy Darius, comme dit Herodote, fist trancher la teste au gouuerneur d’Egypte Ariander, pour auoir graué son image aux monnoyes: comme aussi fist pour semblable cas l’Empereur Commode à Perennius son grand mignon. Et mesme le Roy Loys xii. ayant laisse toute puissance souueraine aux Geneuois , leur defendit neantmoins de marquer autrement leur monnoye que de son image : au lieu qu’ils y mettoient,comme ils font encores, vn gibet, pour marque de iustice: ne voulans pas que la marque du Duc y soit. Et si la monnoye est l’vn des droits de la souueraineté, aussi est la mesure, & le poids: ores que par les coustumes il n’y a si petit seigneur, qui ne pretende ce droict, au grand preiudice de la Republique, qui fut la cause que les Roys Philippe le Bel, Philippe le Long, Loys xi. auoient resolu qu’il n’y auroit qu’vn poids & vne mesure : & à ceste fin on auoit egalé toutes les mesures de vaisseaux de la pluspart de ce Royaume, comme i’ay veu par le procès verbal des commissaires extrait de la chambre des Comptes. mais l’execution se trouua plus difficile qu’on ne pensoit, pour les differends & procès qui en resultoient. Toutefois nous lisons en[*](lib.3.) Polybe, que cela fut bien executé en toutes les villes d’Achaye & de la Moree, ou ils auoient semblable monnoye, poids, mesures, coustumes, loix, religion, officiers, gouuernement. Quant au droit de mettre sus les sugets tailles & imposts, ou bien en exempter quelques vns, cela dépend aussi de la puissance de donner la loy, & les priuileges. non pas que la
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Republique ne puisse estre sans tailles, comme le President le Maistre escrit que les tailles ne sont imposees que depuis le Roy sainct Loys en ce Royaume, mais s’il est besoin de les imposer,ou les oster, il ne se peut faire que par celuy qui a la puissance[*](l.1.vectigalia noua imponi.C.cap 1. quaesint regalia Faber ibidem. Gallus q.60. pat.5. stili forensis.) souueraine : comme il a esté iugé par arrest du Parlement contre le Duc de Bourgongne, & depuis[*]( anno 1534. arrest de Paris.) plusieurs fois tant au Parlement, qu’au conseil[*](a Lyon l’an 157.) priué, & pour les entreprises que faisoient quelques Seigneurs particuliers, & les corps, & Colleges des villes & villages, le Roy Charles ix. en fist vn edit general à la requeste des Estats[*](article.130.) d’Orleans, par lequel il leur est expressement defendu, sans permission : ores que par soufrance on passoit les imposts des corps & Colleges pour les necessitez publiques, iusques à xxv. liures sans commission. & depuis le mesme edit fut reïteré à[*](article 33.) Moulins : suiuant Ie droict[*](d l.1.vectigalia C. domini praediorum de agricolis & censit. C.Alexand. consil. 145 lib.2.Bald in l.cum multa. de bonis quae liberis. C. Oldrad. consil. 124. Par pari. in repetit.l.placet de sacrosan.C.Boer decis. Burdegal.126. & 132.Chassan. rub. 1. § 4.) commun, & l’opinion des Iurisconsultes. Et combien que le Senat Romain pendant les guerres, & mesmes les Censeurs imposoient quelques charges, sçachans bien que le menu peuple en corps les accorderait mal volontiers, si eft-ce que cela passoit par souffrance des Tribuns du peuple,qui souuent aussi l’empeschoient, de forte qu'ils presenterent requeste au peuple,que deslors en auant nul ne fust si hardi de faire passer loy au camp, par ce que le Senat, par subtil moyen, y auoit fait publier la loy de l’imposition, qu’on appelloit la vingtiesme des afranchis, soubs couleur que c’estoit pour payer l’armee : qui l’accorda volontiers. Nous voyons aussi plusieurs fois es histoires Romaines, que les charges & impositions ont esté mises, ou leuees par le peuple, comme pendant la guerre Punique,le peuple fut taillé, & apres le retour du Capitaine Paul Emile, qui remplit la ville des despoüilles de Perseus Roy de Macedoine, le peuple fut deschargé de tailles, iusques aux guerres ciuiles du Triumuirat . Et par mesme moyen l’Empereur Pertinax osta les charges, imposts, & peages mis, comme dit Herodian, par les tyrans sus les riuieres, entrees & issues des villes, outre les aydes anciennes. Mais on dira, que plusieurs Seigneurs ont prescript le droict des tailles, imposts & peages : comme on voit mesmement en ce royaume que plusieurs Seigneurs peuuent imposer la taille en quatre cas, confirmez par[*](arrests du parlement de Paris l’an 1521.sept.5.&1527.en May.) arrests, & par coustumes, & mesmes pour les Seigneurs qui n’ont point de[*](Pour Louys Ryuone iuge l’an 1556. le 19. Iuin.) iurisdiction . Ie respons, que la chose ayant commencé par abus, & inueteré par longues annees, a bien quelque couleur de prescription. mais l’abus ne sçauroit estre tant inueteré, que la loy ne soit tousiours la[*](l.2. quae sit longa consuet C.) plus forte, à laquelle il faut reigler les abus. & pour ceste cause il fut ordonné par[*](article 23.) l’edit de Moulins., que les droits de taille, pretendus par les sugets, ne se pourroient leuer, sans auoir esgard à la prescription de longues annees, ou les iuges &[*](Alexan.consil.lib.1.& consil.87. lib.3.Bald.consil.340.lib.3. & consil.370.& 46.lib.3. Salicet. in l. vectigalia col.1.Socin. consil. 187.col.8. Firmian. in tracta. de gabel. Bald. consil. 112.lib.2.) iurisconsultes se sont tousiours arrestez : sans vouloir[*](Alex. consil. 125. lib.2.col.2.&cons.6. lib.1.& cons.82 eod. col.2.Barbat.consil.41 col.11.lib.1.Felin.tin c.cum a nobis.de praeser.col.vlt. Arein.consil. 30.col.4.& consil.154. fine cap. super quibusdam.de verb.signif.) permettre qu’on s’enquist si les droits de souueraineté se peuuent prescripre:car ils tiennent presque tous ceste opinion, que les droits de la majesté se peuvent gaigner par
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trait de temps. Il seroit beaucoup plus expedient deconfesser que ces droits n'appartiennent pas au Prince souuerain, qui seroit crime capital, comme ils confessent : ou bien il faudroit dire qu’on peut prescrire la couronne, & souueraineté. Nous ferons semblable iugement des exemptions de payer les charges & impositions, que nul ne peut otroyer, s’il n’est[*](l.1 de iisqui vacat. a princip. C. immunitatem. de agricol. & censit. C.& tot tit. de immun. conced.C.) souuerain: comme il est aussi disertement articulé par l’edit de [*](l’an 1566.) Moulins: & faut que l’exemption soit verifiee en la chambre des Comptes & en la cour des Aydes. Il n’est donc point besoin de specifier en quel cas le Prince souuerain peut imposer charge ou subside aux sugets, si la puissance de ce faire luy appartient, priuatiuement à tous autres, par ce qu’il y en a qui ont soustenu, que le droit[*](tit.quae sint regal.) pris sus le sel, est plus marque de souueraineté que les autres: & neantmoins on void presqu’en toute Republique plusieurs particuliers auoir salines,qui peuuent estre aux heritages & fonds des particuliers : comme anciennement les [*](l.1.quod cuius. vniuer.l.inter publica.de verb. sig.l. si quis de vectig.cap.super. quibusdam. §. praeter ea. de verb. sig.) particuliers en auoient en Rome. Vray est que plusieurs Princes souuerains ont d’ancienneté imposé ce droit sus le sel : comme fist[*](Atheniae.lib.3.) Lysimachus Roy de Thrace, Ancus Martius[*](Liuius lib.9.dec.3.) Roy des Romains (qui fut haussé par vn Censeur Liuius surnommé le Saunier) & Philippe de Valois en ce Royaume : mais cela n’empesche pas que les particuliers ne soient [*](l.forma.§.salinae.de censib. l. magis puto. Pruc.de reb.eorum.Alexan.in l. diuortio.§.si vir in fundo sol.matri.Lud.Ro.in l. si fundum eod.)seigneurs des salines, aussi bien que des autres minieres, sauf au Prince souuerain ses droicts & impositions. Mais les droicts de la mer n’appartiennent qu’au Prince souuerain, qui peut imposer charges iusques à xxx. [*](Bald.in rub.de rer.diuis.col.2.& in l. cum proponas. de naut. foenore.C.) lieues loing de sa terre, s’il n’y a Prince souuerain plus pres qui l’empesche: comme il a esté iugé pour le [*](Cachernus in decis.pedemont.155.)Duc de Sauoye. & n’est permis qu’au Prince souuerain de bailler bres de conduicte , que les[*](glo. Panor. Hostiens. Buttio in cap. super quibusdam. de verb. sig. Anteb. in tract. de numeri.nu.42.) Italiens appellent guidage, ni de prendre le droict de briz, ou de Warech: qui est l’vn des articles porté par l’ordonnance de l’Empereur[*](l.nauigia.de furtis.C.) Frideric ii. qui n’estoit point[*](l.1.de naufrag.C & tit. de incend. ruina. l. vlt l qui leuandae.ad l.Rhod.l. diuus.de offi.praesid.ff.) anciennement vsité entre les Princes souuerains : neantmoins est auiourd’huy commun à [*](Io.Plat. & Lucas Penna in l.1.de naufrag.C.Aflictus decis.59.lib.1.Benedic. in cap. Raynu.verb. & vxorem.nu. 337. Atgentetus in consuet. Britan. art. 55. not.1.nu.5.) tous ayans port sus mer. Et me souuient auoir entendu, que l’Ambassadeur de l’Empereur fist plaintes au priué conseil du Roy Henri ii. l’an m.d.lvi. de deux galeres prises par Iourdan Vrsin, qui auoit souffert bris en Corseque: le Connestable luy remonstra que le bris est confisqué au seigneur souuerain, & que c’est la coustume generale, non seulement és pays de l’obeïssance du Roy, mais aussi en toute la mer du Leuant & du Ponent. Aussi est-il certain qu’Antoine Doria ne fist iamais instance du bris de deux galeres cbnfisquees par le prieur de Capoua. comme les droits qu’on leue pour geter l’ancre sus terre seulement. [*](cap.quae sint regal. Alexan.consil.13.lib.6.col.4.Iacob.in inrestituta.glo. cum vero.) Plusieurs mettent aussi entre les marques de souueraineté faisir les biens vacans, & s’en emparer, soient heritages ou espaues, qui sont[*](consuetud. Tuto. tit. de moyenne iustice. att.9.tit des espaues. Biturigen.consuet.tit.des heritages.§.1.Ne uers.titre des iusticiers.art.1.Blois. titre de la iurisdiction.att.26. & 32. Bourdeaux tit. de espaues. art. 105. Poictoutitre des bastars, art 233.& autres semblables.) attribuez quasi par tout aux seigneurs particuliers. Et combien que de droict commun les Empereurs Romains auoient accoustumé de faisir, & reünir les biens vacans au domaine de la Republique, si est-ce que le particulier pouuoit s’en
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faire seigneur2 [*]( 1.3.§. in amittenda de acq. poss. 1.I. pro derelicto.), trouuant la chosè delaissee, que nous appellons guerp, & deguerpir pour delaisser: vray est que le Prince Souuerain auoit quatre 3 [*]( 1. vlt. de bonis vac. 1. intra quatuor de diuersis & temp. 1.I. de quadriennij C. cum antea perpetua esset autoritas fisci. 1.2. fine ad Tertul. 1.38. de iure fisci. 1. penul. de vsu & habit. 1.37. de vsucap. 1.83. de acquir. haered.) ans, dedâns lesquels il pouuoit saisir les héritages delaissèz. mais presque en toute l’Europe, où le droit des fiefs a lieu, les seigneurs prennent les deux tiers de la chose meuble espaue, & le tiers à celuy qui la trouuee, si le seigneur de la chose, apres quarante iours que la publication s'est faite, ne se presente. Et par consequént nous dirons aussi, que le droit de sisque n’est point marque de souueraineté, d'autant qu’il est commun au prince souuerain, & à tous seigneurs iusticiérs: & mesme le prince souuerain a son sisque en qualité departiculier, separé du public: & son domaine particuliér, qui n’a rien de commun auec le public, comme aussi les anciens Empereurs Romains, ont4 [*]( 1.2.§. hoc interdictum. ne quid in loco pub. 1. sed Celsus. de- contrah. empt. Plini. in panegyrico. Spartia.in Adriano 1. bene a Zenone. de quadriennij praescript.) diuisé l’vn & l'autre, &5 [*]( 1. cum seruus §. vlt. de legat. I.1. I. de iurisdict. C. 1. ex consensu §.I. de appel.1.3. vbi causae fiscal. C. toto tit. si aduersus fiscum. C. 1.I. de offi. procurat. Caesaris. Augustus primus procuratores instituit Dio. lib. 53. Adrianus aduocatos fisci. postremo comes rerum priuatarum qui GREEK TEXT qui patrimonium vniuersum curabat. 1. vlt. de aduocat. fisci. C.1. vlt. de delato. C.1. neminem. de bonis vacant.) sèparé les officiers, & le procureur du sisque, & le procureur du patrimoine. Et mesme le Roy Loys x i i. estant venu à la couronne, erigea la chambre de Blois, pour son domaine particulier de Blois, Montfort, Coussi: outre le Duché d’Orleâns, qu’il auoit ténu en apénnage. Mais entre les droits du sisque. il y en a qui n’appartiënnènt qu’au prince souuerain: corne la cônfiscatiôn pour crimes de lezes 6 [*]( Guido Pap. decis. delph. 341.) majesté, sôus lésquelson comprénd aussi7 [*]( idem decis. 76. cap. vergentis. de haeretic.) l'heresie, & fausse 8 [*]( 1.2. de falsa mon. C. Bartolus ait ex ea causa feudatarios bona damuati capere.) monnoye. Les âutres droits du sisque sont presque tous communs au prince souuerain, & aux seigneurs iusticiérs: comme le droit du tresor trouue: & la puissance d’ottrôyér droit dè foiré, qui estoit [*]( 1. vnica de nundinis. C.) anciennement marque de souueraineté, aussi bien qu’à present, compris soubs le cas des priuileges. Quant au droit de marque, ou de répresailles, que les princes souuerains ont, priuatiuemént tous autres, il n’estoit pas anciennement propre âu prince souuerain: ains-il estoit permis à chacun fans congé, ny du Magistrat, ny du Princé, vsèr de rèpresailles, que les Latins, 9 [*]( Varro in lib de lingua lat. Liuius lib. 8. Demosthenes GREEK TEXT Iustinianus GREEK TEXT vocat.) ce semble, appelloiént Clarigàtio: toutesfois les princes peu à peu donnèrent cestê puissance aux-gouuerneurs & magistrats: & en fin ils ont reserué ce droit à leur-màjesté, pour la seüreté de la paix, & des trefues, qui souuent estoient rompues par la témérité des particuliers, a busans du droit de marque. En cë royaumë lé Parlemént ottroy oit lettres de marque, comme nous trouvons par ârrest du x ï i. Feurier m. cccxcii. mais le Roy Charles v i i ï. s'est reserûé ce droit par edit expres de l'an M. cccclxxxv. Quant âü droit des regales il èst bién propre aux princes sôuuerains qui en vsent, mais d’autant qu’il y en a peu qui ayent ce droit, il ne doit pas ëstré mis au nombré dés marques de souueraineté: non plus que la qualité quel es princes mettent eu leurs edits, mandeméns & commissions, à sçauoir, Par la grâce de Dieu: qui fut l’vn des trois poincts que le Roy Loys x ï. defèndoît au Duc de Bretaigne, de mettre en sa qualité, toutes fois il y a plusieurs traittez anciens au trésor de Frânce, où les deputez à traitter paix, ou alliance, qualisient leurs offices par la grâce de Dieu: iusques à vn éleu, qui se dit éleu de Meaux par la grâce de Dieu. Et mesmes les Roys de France ont reserué lé droict, priuatiuemént
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à tous seigneurs & iusticiers, de seeller en cire iaune. ce que Loys x i. ottroya par priuilege special à René d’Anjou Roy de Sicile, par lettres patences du xxv iii. Iuillet m. cccc lxviii. vérifiées en Parlement, & semblable priuilege à ses héritiers: ce qui fist ouuerture au Roy pour auoir le Comté de Prouence. celuy qui a trânscrit les mémoires du Tillet en son libre, a mis cire blanche, de laquelle nos Roys iamais n’ont usé: suyuant l’erreur de son autheur. On pouroit dire à plus iuste occasion, que c’est vne vraye marque de souueraineté de contraindre les sugets à changer de langue: ce que les Romains ont mieux executé que prince ny peuple qui fust onques: en forte qu’ils semblent commander encores en la plus parc de l’Europe. Aussi le dernier Roy des anciens Hetrusques estant vaincu fist tout ce qu’il pleut aux Romains: mais il ne voulut onques receuoir la langue Latine: Caton dit, latinas literas ut reciperet, persuaderi non potuit. Et d’autant que les Gaules estoient pleines de bourgeois Romains, & de leurs colonies, ils changèrent quasî la langue du pays en latin, qu’ils appelloient Roman: & se donnoient tous les arrests en latin, iusques à l’ordonnance du Roy François I. Nous voyons aussi les Arabes auoir planté leur langue par toute l’Asie & l’Afrique, & depuis peu d’annees le Roy d’Espagne voulut contraindre les Mores de la Granate à changer d’habit & de langue. Mais entre les marques de souueraineté, 1[*]( Bart. in 1.I. vt quae desunt aduocatis. C. Decius consil. 463 Imol. consil. 22. Bald. in 1.r. de vindinct. libert. C. Specul. tit. de sentent. §. quies de offi. praescti Vrbi. Cynus in 1. si seruus. de Noxal. C. Angel. in 1.2. de iis qui sunt sui vel alieni. Floria. in 1. interruptio ne finium regund.) plusieurs ont mis la puissance de iuger sélon sa conscience: chose qui est commune à tous iuges, fil n’y a loy ou coustume expressè. c’est pourquoi on voit souuént és edits aux articles attribuez à l’arbitrage des iuges ceste clause: Dont nous auons chargé leur conscience. & s'il y a coustume, ou ordonnance au contraire, il n’est pas en la puissance2 [*]( 1.I ad Turpil. Alexand. ad Bart. in 1. illicitas. §. veritas. de off. praesi. Angel. in 1. a diuo de re Iudic. Io Andr. in cap. si sacerdos. de off. ordin. Calder. in cap. pastoralis. §. quia vero. de offi. deleg.) du iuge de passer par dessus la loy, ny disputer de la loy: ce qui estoit defendu par les loix de Lycurgue, & par l’ancienne ordonnance de Florence: 3 [*]( Notat Lud. Rom. consil 392.) mais Ie prince le peut faire si la loy de Dieu n’y est expresse, à la quelle nous auons mônstré qu’il demeure suget. Quant au tiltre de majesté, il apert assez qu’il n’appartient qu'a celuy qui est souuerain. Quelques vns aussi prennent la qualité de majesté sacree, comme l’Empereùr: Ies autres excellénte majesté, comme la Royne d’Angleterre par ses edits & lettres patentes. combien qu’anciennement, ny l’Empereur, ny les Roys n’vsoiént point de ces qualitez. Toutesfois les princes d’Alemagne attribuent aussi bien ceste qualité de majesté sacree aux Roys de Frânce comme à l'Empereur: & me souuient auoir veu lettres des Princes de l’empire escrites au Roy pour la deliurançe du Comté Mansfeld lors prisonnier en France, ausquelles y a six fois V. S. M. ç’est à dire, vostre sàçree majesté: qui est vne qualité propre à Dieu, priuatiuemént à tous princes humains. Les autres princes non souuerains vsent du mot Altesse, comme les Ducs de Lorraine, Sauoye, Mantoüe, Ferrare, Florénce: ou bien excellence, comme les princes du pays de surfeance: ou serenité, comme les Ducs de Venise. Ie laisse icy plusîeurs menus droits, que les princes sou-
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uerains chacun en son pays prétend, qui ne font point marques de souuerainete qui doibuent estre propres à tous princes souuerains, priuatiuemcnt à tous autres sèigneurs iusticiers, magistrats, & sugets: & qui sont de leur nature incessibles, inaliénables, & °[*]( cap. veniente. de iureiurando.) imprescriptibles. Et quelque don que face le Prince souuerain de terre ou seigneurie, tousiours les droits Royaux propres à la majesté sont4 [*]( Alberic. in 1. vlt de iurisd. om. Bal. in 1 a procuratore. mandati. C. & in 1. si aquam de seruit. & aqua. C. Alexan. consil 30. lib. 5. Lucas Penna in 1. contra publicam nu. 7. de re milit. C.) reseruez, ores qu’ils ne fussent disertement exprimez. ce qui a esté iugé pour les apennages de France par vn ancien arrest de la5 [*]( In lib. curiae inscripto olim. fol. 81.) Cour. & ne peuuent par traict de temps quel qu’il soit, estre prescripts ny vsurpez. Car si le domaine de la Republique ne peut estre acquis par prescription, comment pourroit on acquérir les droits, & marques de là majesté? Or il est certain par les edits & ordonnances du domaine, qu’il est inaliénable, & qu’il ne se peut acquérir par traict de témps. qui n'est point vn droit nouueau: car il y a plus de i i. mil ansque Themistocle faisànt saisir le domaine vsurpé des particuliers, dist en la harangue qu’il fist au peuple d’Athenes, Que les hommes ne peuuent rien prescrire contre Dieu, ny les particuliers contre la Republique. 6 [*]( 1. si appellatione de appllat. C. per Cynum d. cap. venientes . de iureiurand.) Caton Ie Censeur vsa de la mesme sèntence en la harângue qu’il fist au peuple Romain pour la réunion du domaine vsurpé par aucuns particuliers. comment donc pourroit on prescrire les droits & marques de souueraineté? c’est pourquoy en termes de droit celuy est coupable de mort qui vse des marques reseruees au Prince souuerain7 [*]( 1. sacri affarus de diuersis rescrip. C.). Voila quant aux principaux poincts concernans la majesté souueraine le plus briefuement qu’il m’a esté possible, ayant traitté ceste matiere plus amplement au liure de Imperio. Et d’autant que la forme & l’estat d’vne République depend de ceux qui tiennent la souueraineté, disons combien il y a de sortes de Republiqués.
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